Lumière des jours enfuis

Stephen Baxter, Arthur C. Clarke, Editions du Rocher, 2000, 418 p., épuisé


 

Souvent, dans la nuit sans bruit,
Quand le sommeil s’apprête à refermer ses chaînes,
Un tendre souvenir m’entraîne
Vers la lumière des jours enfuis.
Thomas MOORE 

Horizon bouché, le passé qui ouvre ses portes. Alors pourquoi ne pas y trouver refuge ? Mais on peut aussi "aller de l’avant, et décider de ne pas renouveler nos erreurs."



Présentation de l'éditeur : 


An 2033. Tandis qu'un astéroïde géant baptisé Absinthe fonce sur la Terre, l'empereur des médias Hiram Patterson annonce la création d'un procédé révolutionnaire de communication. La « Camver » permet de visionner instantanément des images provenant de n'importe quel endroit au monde. Mais cette invention recèle des possibilités insoupçonnées, qui vont bientôt changer le sort de l'humanité.
Le vieux rêve d'ubiquité est sur le point de se réaliser. Condamnés à brève échéance, les hommes sauront-ils en faire bon usage ? La plupart, en attente de l'Apocalypse, semblent se délecter de voyeurisme, de révisionnisme et de passéisme morbide. Mais certains, parmi lesquels le propre fils d'Hiram Patterson, vont tenter d'échapper à l'œil Omniscient de la Camver...

 

Mon ressenti :


Alors que la Terre et un astéroïde vont s'unir pour le pire dans 400 ans, l'équipe scientifique d'un magnat des technologies découvre un procédé pour visionner le passé.

Si le présent est merdique et l’avenir encore pire, le passé, c’est tout ce qui nous reste. 

Grande question à laquelle Baxter et Clarcke vont tenter de répondre.

Publié en 2000 lors de l'explosion de l'internet grand public (et de la bulle financière qui en suivra), les deux auteurs spéculent sur :
- l'industrie des technologies de communication et leur super puissance
- les libertés individuelles
- l'impact de cette innovation dans la société en générale

Un titre poétique, un pitch qui m'a de suite interpellé, quelques envolées lyriques scientifiques :

Le soleil était maintenant haut dans le ciel, mais la fusée était encore baignée d’une lumière artificielle éclatante, auréolée des vapeurs exhalées par la masse des ergols cryotechniques de ses énormes réservoirs.

Futur proche, nous suivons les traces d'un magnat de l'industrie des télécommunications, Hiram Patterson, dont le seul intérêt semble être son entreprise. Sa réussite et l'éradication de la concurrence comme philosophie de vie, impactant profondément la cellule familiale à travers ses deux fils, l'un pourri gâté, le parfait gosse de riche arriviste, l'autre chercheur émérite. L'enquête d'une journaliste opportuniste va révéler quelques secrets de famille...

Parallèlement, nous suivons l'impact de cette nouvelle technologie dans la société, la religion, la justice, les guerres et les institutions. Chaque personne, chaque entreprise, chaque institution, chaque pays peut observer en temps réel ce qui se passe chez ses voisins. Et que dire quand les possibilités de cette Camver révèlent le passé. L'occasion de revisiter en léger différé quelques épisodes de l'histoire de l'Homme, tel que l'épopée dramatique d'Hibernatus, les secrets de La Joconde ou la véritable histoire d'un dénommé Jésus.
C'est aussi la découverte par nombre de personnes de vérités cachées sur leur conjoint(e), d'espionner son voisin, de découvrir les roueries des personnalités politiques "irréprochables". Et aussi de redécouvrir les erreurs du passé, mémé si ces deniers avaient déjà été découvert en leur temps par des chercheurs dans des revues ou livres obscurs.

Histoire personnelle, grande histoire, les deux auteurs nous baladent aussi à travers de grand voyage temporel à l'origine de la vie sur terre ou dans des voyages intersidéraux.
Un roman assez divers avec pour dénominateur commun la vérité et le poids des images. Certains moments plus réussi que d'autres, les aventures de la famille Patterson étant parfois à la limite du rocambolesque. A cause de ce défaut, je n'ai jamais réussi à pleinement m'immerger dans le récit qui qui s'est apparenté à un longue suite de rebondissements, d’envolées spatio-temporelles et d'interrogation sur le droit à la vie privée.

Un livre bancal dont le sujet aurait mérité un meilleur traitement, le meilleur se trouvant dans le titre.
Sur la possibilité de visionner le passé, je m'en vais lire la novella de Ken Liu, L'homme qui mit fin à l'histoire.




Quelques citations :



Le présent était une bulle scintillante, en expansion, de vie et de conscience active, renfermant le passé piégé comme un insecte dans un bloc d’ambre.
— Vous n’êtes plus une néophyte en matière de RV, Kate. Vous avez des implants sensoriels qui…
— Qui représentent le minimum requis pour pouvoir évoluer dans notre monde moderne. Avez-vous déjà essayé de prendre l’avion à l’aéroport de SeaTac sans avoir un minimum de capacités RV ?
Il se mit à rire.
— En général, j’ai une escorte officielle. Vous vous dites probablement que tout cela fait partie d’une vaste conspiration organisée par les multinationales ?
— Naturellement. Quoi d’autre ? L’invasion technologique de nos demeures, véhicules et lieux de travail a depuis longtemps atteint le point de saturation. Aujourd’hui, c’est à notre corps qu’ils en veulent.

Ce n’est peut-être pas évident pour vous, dans votre cage dorée, mais la planète est déjà livrée à la violence et à la barbarie. Ce qu’il nous faut, c’est une machine qui nous permette de comprendre le point de vue de celui qui est en face de nous. Si nous sommes incapables d’y arriver, toute la reprogrammation du monde sera absolument inutile.

C’est comme un écolier qui regarde la solution d’un exercice à la fin du livre. Ce ne sont pas les réponses en elles-mêmes qui importent, mais le cheminement mental qui y conduit. La Camver va court-circuiter toute une série de sciences : la planétologie, la géologie, l’astronomie… Durant les générations à venir, nos scientifiques n’auront plus rien à faire que répertorier, compter, classer, comme des collectionneurs de papillons duXVIIIe siècle. Ce ne sera plus de la science, mais de la taxinomie.

Elle entretenait même l’espoir que l’arrivée d’Absinthe modifie quelque peu la manière dont les gens traitaient leurs semblables. Si tout devait prendre brutalement fin dans quelques générations, à quoi bon poursuivre des querelles ancestrales ? Et pourquoi l’humanité passerait-elle le peu de temps qui lui restait à s’infliger des souffrances supplémentaires ?
Il y aurait encore des guerres jusqu’à la fin, sans aucun doute, mais il ne serait plus possible de déshumaniser et de diaboliser un adversaire si n’importe qui pouvait allumer un Écransouple pour regarder ce qui se passait vraiment chez celui qui était désigné comme l’ennemi du moment. Il ne pourrait plus y avoir de propagande mensongère sur les capacités, les intentions et la résolution d’un adversaire. Si la culture du secret finissait par être brisée, aucun gouvernement ne pourrait plus jamais s’en tirer après avoir commis des crimes pareils.
Mais elle était peut-être un peu trop idéaliste.

Après tout, le voyeurisme n’était pas que le fait des pervers sexuels. Chaque jour, dans les nouvelles, il était question d’individus qui, pour une raison ou pour une autre, avaient, en épiant leurs proches, découvert des secrets, des trahisons ou autres mauvais coups qui avaient causé une hémorragie de divorces, de violences familiales, de suicides, de conflits mineurs entre amis, conjoints, frères et sœurs, enfants et parents : tout le monde lavait son linge sale, supposait-elle, avant de devenir un peu plus adulte en s’habituant à vivre derrière des vitres transparentes.

La plupart de ces horreurs passées étaient parfaitement connues avant la Camver, naturellement, et nombre de chroniques historiques véridiques et consciencieuses avaient été écrites, mais l’affligeante et universelle banalité de tous ces faits, la réalité trop humaine de tous ces actes de cruauté, de douleur et de gaspillage demeurent profondément navrantes.

Naguère, le temps était considéré comme le guérisseur de tous les maux. Aujourd’hui, le baume de l’éloignement a disparu.

4 commentaires:

  1. Oh, j'avais bien aimé ce livre même si je ne me souviens plus du tout de l'histoire. C'est que ça ne devait pas être si bien que ça, alors !!!

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  2. Ah!
    Jusqu'à ce que tu parles de situations rocambolesque, je me disais , mais cela a l'air vraiment intéressant! ET quand tu conclues sur le fait qu'e tu le trouves bancal, cela fait plouf. Je vais donc le noter pour une éventuelle lecture, mais comme poire pour la soif.
    Merci

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    1. La partie thriller est pas terrible, mais si tu aimes las ballades à travers des milliards d'années, cela devrait contrebalancer.

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