Au carrefour des étoiles

 


Clifford D. Simak, J'ai lu, 2001 (Première parution : 1963), 224 p., Epuisé



Il n’y aurait pas de paix, de paix véritable, tant qu’un homme fuirait en hurlant sa terreur. Il n’y aurait pas de paix dans la tribu humaine tant que le dernier des hommes n’aurait pas abandonné sa dernière arme – quelle qu’elle soit. Un fusil était la plus modeste des armes terriennes, le plus modeste des signes de l’inhumanité de l’homme. Inhumanité dirigée contre l’Homme. Un fusil n’était rien de plus que le symbole de toutes les autres armes encore plus meurtrières qui existaient. 


De la SF picaresque sur fond de Chanson pour l'auvergnat.


Présentation de l'éditeur : 


Étrange demeure que cette ferme Wallace, qui se dresse sur une falaise escarpée du Wisconsion. Une ferme aux fenêtres aveugles, vieille de plusieurs siècles et cependant intacte, comme si le temps n'avait nulle emprise sur elle. Enoch Wallace, son propriétaire, vit là, de toute éternité semble-t-il.
Or, c'est par cette maison — cette station — que transitent les voyageurs de l'Espace : les Thubains, masses globuleuses et bavardes, les Lumineux de Véga XXI, rayonnant d'ondes heureuses, d'autres encore...
Depuis bientôt deux ans, Claude Lewis — agent des Renseignements déguisé en ramasseur de gingseng — enquête et tourne autour de la ferme...


Mon ressenti :


J'avais beaucoup aimé le roman A travers temps, de Robert Charles Wilson, dont j'avais lu qu'il s'inspirait de ce roman de Simak. Il me tardait de lire l'oeuvre originel, pas de réel réécriture, plus une variation / hommage à ce Carrefour des étoiles.

Une campagne isolée avec quelques fermes aux habitants frustres. Une rumeur, un homme aurait 120 ans, de quoi alerter quelques agences de sécurité intérieure... Peu a peu nous faisons connaissance avec cet habitant un peu particulier, son travail et ses rencontres.
Malgré la présence de la CIA et de ET, ne vous attendez pas à "lire" le film Men in Black dont les ressemblances sont assez nombreuses. Pas ou peu d'actions ici, l'humour est en berne, et une certaine mélancolie baigne l'ensemble.

Dans Au carrefour des étoiles, ce n'est pas Etoile qui est important, des aliens nous ne serons que peu de choses, mais bien le terme Carrefour. Carrefour dans la vie d'un homme, au "bilan" de sa vie et qui s'interroge sur l'humanité. La sienne mais surtout celle de l'Homme et des autres races extraterrestres. Un bilan mitigé pour les deux camps.
Roman écrit en pleine Guerre Froide, Simak se demande si tout cela est bien raisonnable. Le progrès technique est loin d'apporter le progrès humaniste. Bien que daté par cet événement historique, le roman reste universel dans son questionnement.

Simak n'oublie pas cependant qu'il écrit de la SF : la technologie extraterrestre est bien présente, vous y découvrirez les autoroutes intergalactiques avec leur mode de téléportation étonnant, ainsi qu'une maison dont les super héros voudraient comme demeure inviolable. Mais cela reste avant tout une réflexion humaniste : Qui suis-je, où vais-je, dans quel état j'ère ? A mon sens, un roman indispensable si la question de l'Autre vous intéresse.

Tout n'est pas sans défauts, la fin se devine assez facilement, les personnages secondaires sont assez vite brossés, certains passages sont empreint de religiosité ou de sirupeux, mais dans tout ce vacarme du monde, un peu de sérénité fait du bien.

Notons la prouesse des éditeurs du monde entier : tous ont réussi à sortir des couvertures plus hideuses les unes que les autres. Comme quoi, être uni est possible !
Pas de version électronique légale, la dernière édition papier date de 2004 dans l'omnibus Les mines du temps, ce roman est hors mode.

Prix Hugo 1964



Quelques citations :


Si l’Homme devait jamais s’ouvrir à la culture galactique, il ne lui suffirait pas d’apprendre : que de choses lui faudrait-il également désapprendre !

Autrefois, toutes les races étaient unies. Des différences, il en existait, naturellement, mais elles étaient surmontées. Il y avait un dessein commun : forger la grande fraternité des intelligences. Nous avions conscience d’être, ensemble, détenteurs d’un prodigieux capital de connaissances et de techniques. En travaillant de concert, en rassemblant tout ce savoir, toutes ces compétences, nous pouvions parvenir à quelque chose d’infiniment plus vaste et plus décisif qu’aucune race oeuvrant seule. Nous avions nos difficultés, nos différends, mais nous avancions. Nous négligions délibérément les animosités mesquines, les querelles médiocres, pour ne nous attaquer qu’aux points d’opposition importants, certains que si nous réussissions à régler les problèmes sérieux, les autres nous apparaîtraient si minces qu’ils s’évanouiraient du même coup. Mais, actuellement, la situation s’est modifiée. On note une tendance à s’attacher aux détails infimes pour les enfler démesurément.

Lui aussi, il était perdu. Furieux. En plein désarroi. Furieux contre le destin (mais cela existait-il, le destin ?) et furieux d’être confronté à tant de stupidité. Pas seulement la stupidité intellectuelle de la Terre mais aussi de celle de la galaxie. Furieux à cause de toutes ces mesquines chicanes qui faisaient obstacle à l’avènement de la fraternité des peuples, de ces querelles dérisoires qui avaient fini par gagner ce bras galactique. Il en allait de la Galaxie comme de la Terre : l’abondance et la complexité des gadgets, la noblesse de la pensée, le savoir et l’érudition pouvaient édifier une culture, pas une civilisation. La vraie civilisation, ce devait être quelque chose d’infiniment plus subtil que le gadget ou l’intellectualisme.

Mais quelle espèce d’homme était-il, en définitive ? C’était la première fois que cette question lui traversait l’esprit. Un homme hanté, condamné à n’être ni tout à fait étranger ni tout à fait humain, un homme divisé, écartelé entre deux loyalismes contradictoires ? Un hybride culturel qui ne comprenait ni la Terre ni les astres, débiteur de l’une comme des autres mais ne payant ses dettes à personne ? Un errant sans feu ni lieu incapable de savoir où était le bien et où était le mal pour avoir connu trop de définitions (d’ailleurs logiques) et du bien et du mal ?

Qui suis-je ? se demanda Enoch avec de la terreur et de la pitié tout à la fois. Une sorte d'hybride insolite ? Un métis galactique ?

Il n’ignorait pas que l’on avait à plusieurs reprises essayé de placer Lucy dans une institution pour sourds-muets ; mais, chaque fois, ç’avait été un échec. Tantôt elle s’enfuyait et il fallait des jours pour la retrouver errant dans la campagne, tantôt elle se rebellait, faisait la grève et refusait d’apprendre ce que l’on cherchait à lui enseigner.
Observant ainsi la jeune fille et le papillon, Enoch comprit soudain la raison d’un tel comportement : Lucy avait un univers à elle. Un univers familier où elle savait s’introduire. Et, dans cet univers, elle n’était pas l’infirme qu’elle aurait immanquablement été dans le monde normal.
Quel bien pouvait lui apporter l’alphabet des sourds-muets ou la lecture sur les lèvres si cela devait la priver de sa sérénité intérieure ?
C’était une créature des bois et des collines, une fille des saisons, l’amie des fleurs du printemps et des oiseaux migrateurs de l’automne. Elle communiait avec la nature, la vivait. En un sens, elle était intégrée à la nature. Elle occupait une place que l’Homme avait depuis longtemps désertée. Qu’il n’avait, en fait, jamais tenue.

9 commentaires:

  1. La couve est vraiment hideuse. Tu tiens un bon candidat pour le prix canin idoïne.

    J'avoue cette SF bucolique ne m'interese pas plus que cela. C'est surtout à la tonne que présente ma PAL par sa face Sud, et nord...et Est et Ouest aussi!.

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    1. Cette année, les lauréats vont êtes vites trouvés. Trop sympa ces éditeurs.
      On ne peut tout lire, faut faire des choix face à ta PAL

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  2. L'un de mes premiers romans de SF et je m'en souviens encore parfaitement. Une belle mélancolie se dégage de ce livre, une poésie agréable. Je resterai sur mes souvenirs d'antan.

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    1. Il ne se passe pas grand chose, mais il marque comme tu le dis par sa poésie

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  3. Il faudra que je tente cet auteur, mais plus avec Demain les chiens je pense.

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    1. Attention, Demain les chiens est un fix up de nouvelles. Pour ma part, j'ai largement préféré Au carrefour des étoiles

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    2. Pareil. Demain les chiens m'a laissé plus perplexe !

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  4. Moi je l'aime bien cette couverture, il a une tête marrante. J'aime moins l'absence de majuscule par contre...
    Je le note dans un coin de mon esprit, à tenter éventuellement, surtout si tu l'as plus apprécié que « Demain les chiens » (que j'avais trouvé bof).

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    1. Je n'avais pas fait attention aux majuscules, c'ets vrai que cela fait bizarre.
      Pour la tête alien rigolote, c'est qu'elle peut tromper le lecteur, pas beaucoup d'humour dans le texte.
      A lire et à suivre par A travers temps

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