Arnauld Pontier, de rencontre en rencontre



Début 2019, je faisais la découverte d'un auteur avec le texte Sur Mars : Récit de voyage en terre rouge. Arnauld Pontier : inconnu pour moi. Édité dans une petite maison d'édition tout juste créée, je pensais qu'il s'agissait d'une nouvelle plume. L'année d'après sort Dehors, les hommes tombent dont le titre à lui seul me fait aimer le texte. Je découvre alors qu'Arnauld Pontier n'est pas un inconnu, loin de là, cela fait 20 ans qu'il écrit : une quinzaine de romans, le double de nouvelles et pourtant, il demeure un inconnu pour nombre de lecteurs. Il a même eu une première carrière en blanche, chez Actes Sud, avec des recensions dans les plus grands journaux et magazines nationaux. Alors pourquoi est-il tombé si bas, dans l'imaginaire ? Pourquoi est-il si méconnu ? Est ce le fait de ne jamais se trouver là où on l'attend ? de pratiquer le grand écart ?

Auteur discret, il a fallu 8 mains pour concocter cet entretien : mon fidèle compagnon Yogo, tenancier du blog Les lectures du Maki, ainsi que deux autres auteurs que j'apprécie particulièrement, eux même méconnus : Emmanuel Quentin et Jean Christophe Gapdy. Merci à eux pour leur aide. Notre point commun : adorer la plume de Monsieur Pontier. 
Avant de te plonger dans l'entretien, un avertissement : tu risques de vouloir découvrir ses romans, je viens moi-même de commander trois de ses textes hors SFFF...




D'après ta page Wikipédia, tu as l'air d'aimer bouger et avoir de multiples casquettes. Tu souffres de troubles TDAH ?

Merci Google : je ne comprenais pas la question ! Non, je ne souffre d’aucun trouble avouable. Et aucun de l’attention, bien au contraire ! J’aime simplement explorer. Apprendre. Je suis un indécrottable curieux. Avide de vivre plus dans le temps limité qui m’est imparti.


Dans ta bibliographie, j'ai l'impression de retrouver toujours ce grand écart, du populaire au plus introspectif, voir poétique. F.E.L.I.N.E par exemple et Sur Mars ou Dehors, les hommes tombent. Une volonté ?

Oui, j’aime à la fois ce qui est de l’ordre de la pensée, de la réflexion, et la distraction, la légèreté. Ce n’est pas un grand écart, pour moi, mais ma nature profonde. J’aime ce qui est compliqué mais également ce qui est simple, ce qui est réfléchi et ce qui est instinctif. Il faut les deux, en amour, non ?


Ce journal de bord est une vraie réussite, un vrai plaisir de lecture écrit par un passionné de Mars qui maîtrise parfaitement son sujet. Ce récit étayé par de nombreuses références scientifiques fait également quelques clins d’œil à la culture SF. Crédible de bout en bout, Sur Mars, vous fera voyager, espérer et réfléchir. Et surtout il vous fera lever les yeux au ciel, à la recherche de cette petite boule rouge qui éclaire parfois nos nuits. Les lectures du Maki


Peux-tu nous parler de ton parcours ?

Je suis né à Valenciennes, mais dès l’âge de 3 ans, avec mes parents et ma grande sœur, décédée aujourd’hui, nous nous sommes retrouvés au Laos ; l’occasion de visiter pas mal de pays d’Asie. Ensuite, en 1967, l’Algérie – une base permettant, cette fois, de découvrir l’Afrique du Nord.
Ensuite, retour en France en 1971, à la mort de mon père. Études. Armée. Fac. Et un tour du monde en sac à dos, avion et bateau stop. Ça se faisait, à l’époque.


Avec ton passeport rempli, serais-tu un espion ? Des bruits courent comme quoi certains t'auraient vu sur un char...

C’est exact, je me suis retrouvé sur un char, en Croatie ; et ce n’est pas la situation la plus incongrue que j’ai connue. D’ailleurs, j’ai exercé certains métiers « originaux », dont je ne parlerai pas. Cela concernerait d’autres personnes, qui comptent sur ma discrétion. Disons, simplement que, côté taf, j’ai fait le grand écart. On ne se refait pas.

Amatrice de planet opera, Les Enfants de Paradis en est un comme je les aime. Bien écrit et doté d’une narration efficace, j’ai pu aisément me représenter ce monde, sa géographie, ses structures, la richesse de ses espèces végétales et animales, la variété des us et coutumes de ses différents résidents. Tout au long de ma lecture, des images se sont formées dans mon esprit, le tout m’a emportée et quand c’est ainsi, c’est gagné. Koyolite Tseila sur Le Galion des Etoiles


Tu as travaillé pas mal dans le monde culturel (cf ici) et ton dernier roman a été publié chez une obscure ME. Sois-tu es quelqu’un d’imbuvable, soit tu ne sais pas te faire un réseau ?

Non, au contraire, je suis plutôt quelqu’un de facile, de sociable et, je l’espère, de respectueux. Je crois que c’est parce que je suis longtemps resté en littérature blanche (avec mes 6 romans chez Actes Sud) que le milieu de l’Imaginaire ne m’a pas « reconnu » lorsque j’y ai débarqué. Normal.

Je n’ai rien fait pour, remarque. La notoriété ne m’intéresse pas. J’aime avoir la paix et des rapports sociaux qui ne soient pas plombés par un « statut ». J’ai commencé chez Asgard un peu par hasard, en envoyant à cet important éditeur d’alors (2013) un premier roman de SF (Agharta – le temps des Selkies) ; il a coulé alors que mes bouquins étaient encore sur palette.

Ensuite, pour satisfaire à un rêve d’adolescence, j’ai souhaité éditer une trilogie pulp chez Rivière Blanche (à défaut d’avoir été chez Fleuve Noir). L’éditeur m’avait prévenu : il y aurait peu de ventes, car pas de diffusion. Mais je ne regrette rien ; il y a des pépites chez cet éditeur, dont je lis toujours les parutions avec avidité. Des auteurs que j’apprécie beaucoup y publient encore… Je ne citerai pas de noms, mais ils se reconnaîtront !

J’ai également fait une belle rencontre, importante, avec les éditions 1115, en 2019 : leur collection de novella était faite pour moi ; je pouvais y faire publier des textes solides, écrits « comme de la blanche », mais en imaginaire. Frédéric, l’éditeur, avait flashé sur mon Sur Mars, paru dix ans plus tôt dans une collection de récits de voyage. J’ai actualisé ce texte sous son œil de lynx. Le pied. J’adore cet éditeur, cet homme, sa collection, ses visuels. Bref, je suis accroc. Je compte bien continuer (s’il le veut bien) à publier chez lui, sans chercher à envoyer ces textes courts ailleurs.

Côté roman, j’ai (après Asgard et RB) répondu à une commande d’un grand éditeur que je ne citerai pas. J’ai poireauté un an et demi après remise de mon manuscrit, sans réponse, malgré des relances par téléphone (va savoir : il n’a pas aimé et il n’a pas osé me le dire ? Grand bien lui fasse : pas mal de titres de sa collection me sont tombés des mains depuis…) Du coup, j’ai envoyé ce bouquin (Les Enfants de Paradis) à trois autres éditeurs, plus « petits ». Ex-Aequo a accepté le manuscrit avec enthousiasme et proposé un contrat tout à fait correct. J’ai signé. Les deux autres ont réagi après (négativement, d’ailleurs. Les goûts et les couleurs…).

Mais je suis très satisfait de cette collaboration avec Ex-Aequo. Leur diffusion est dans la moyenne de ce qui se fait chez les « petits » éditeurs : i.e. qui n’ont pas de diffuseur, et le relai sur les réseaux se fait bien. J’apprécie également beaucoup le directeur de collection, Fabrice, et je suis très fan de sa série de romans « Chroniques de la Cité-monde », qui traite d’un sujet qui me passionne : le transhumanisme.

Alors, non, je n’ai pas vraiment de réseau. A part chez les blogueurs, sans qui je n’existerais carrément pas. C’est une position qui me satisfait. On m’édite, on me lit, on me critique. Je n’en demande pas plus.

Après, si un « gros » éditeur me redemande jamais un texte, il faudra qu’il s’engage à le lire dans des délais décents, mais ce n’est pas d’actualité. Un bon éditeur est un bon éditeur, quel que soit son poids dans la profession.

Où vient l'inspiration...


Tu as commencé à être publié à l'âge de 45 ans, est-ce à dire que tu as essuyé 25 ans de lettre de refus ?

Non, j’ai balancé sept romans à la poubelle avant qu’un ami me décide à en envoyer un à trois éditeurs (La Fête Impériale). Actes Sud a dégainé le premier (les deux autres ont accepté après). Du coup, je n’ai pas trop mal commencé en blanche. Mais j’ai fait le tour de ce que j’avais à dire dans ce genre-là.


Quelles sont les livres qui ont éveillé ton appétit de lecteur, d'écrivain ? Lisais-tu de la SFFF dans ta jeunesse ? Tu disais dans ton avant-propos au recueil Invasions plurielles que c'est Theodore Sturgeon qui t'a donné l'envie d'écrire de la SF, mais à quel âge ?

Dans ma prime jeunesse, en Asie et en Afrique du Nord, je ne lisais pas : je jouais dehors avec du bric à brac, genre capsules de bière en guise de jeu de dames, morceau de bambou et canettes comme planche à roulettes. J’ai commencé vraiment à lire à l’adolescence, de retour en France, avec les comics Marvel, Strange et DC. Ce n’est qu’après l’armée (1977) que j’ai attaqué la « vraie » littérature, surtout de la SF (Sturgeon, oui, mille fois oui, mais également Asimov, Simak, Van Vogt… les classiques de l’âge d’or), mais également Vian. Surtout Vian. Puis Yourcenar, Duras, Bernanos, Philippe Claudel…) Et j’ai chopé le virus, la passion. Depuis, je lis entre 50 et 70 textes par an, en blanche et SF. Je n’ai jamais vraiment accroché à la fantaisie, malgré de nombreux essais, et, côté fantastique, je reste attaché aux textes plus anciens (Jean Ray, Lovecraft…). SF avant tout, donc. Et beaucoup d’auteurs français, par choix volontariste de soutenir les confrères.


Pour les lecteurs de SFFF, la littérature blanche, c'est de la merde ! Pour les lectures de blanche, la SFFF, c'est de la merde ! (caricaturons un peu)
En ces temps où les éditeurs généralistes publient de la SF à mots très couverts, toi qui a publié dans différents genres, que penses-tu de ces querelles de chapelles ?

C’est ridicule. Tout roman ressort de l’imaginaire. Il y a de bons auteurs et de bons textes dans tous les genres (il doit même y avoir de bonnes romances et de bons autoédités !)


Depuis quelques années, il me semble que tu n'écris que de l'imaginaire, une raison à cela ?

Je l’ai dit, j’ai fait le tour en blanche ; je n’ai plus rien à dire que je n’ai dit en 6 romans. En revanche, en SF, il me reste quelques pistes à explorer, en nouvelles, novellas et romans. Et je n’écris que dans l’enthousiasme, donc je ne me force pas si je ne le sens pas. Je n’ai pas de rythme régulier d’écriture, d’ailleurs, j’ai d’autres passions (snowboard, moto, sport en général…)


Plein de rage et plein de vie, ce roman à l’écriture parfois un peu crue hurle à la face du monde ce que tant de personnes réduites par le handicap ne peuvent exprimer. À lire non pour ressentir de la pitié, mais pour prendre conscience de ce que, trop longtemps, on a ignoré. Jacques Trémintin, Lien social


Je lis quasi exclusivement de la SFFF, que pourrais-tu me dire qui me donnerait envie de découvrir tes autres facettes d'auteur ?

Je te dirais d’être curieux ; que ton avis sur ma blanche m’intéresserait beaucoup. Je te dirais que mes romans chez Actes Sud ont été extraordinairement bien accueillis par la presse, journaux et télés, et que mon écriture y est celle que j’utilise dans mes novellas chez 1115. Que j’y aborde des sujets difficiles et peu exploités (du moins à l’époque), comme le handicap et la sexualité féminine (Equinoxe), l’impact à long terme des non-dits (Le Fruit du silence), la guerre de 14 et la foi (Le Cimetière des anges), mon histoire, à peine romancée (La Treizième cible).


Tous les écrivains semblent à travers leurs publications toujours parler de la même chose, d'écrire LE livre. Quel est ce livre pour toi ? Pourquoi ce besoin d'écrire ?

Je n’écris jamais sur le même sujet ; j’écris pour en apprendre sur un domaine que je connais mal. Mais j’écris aussi, je n’en suis pas dupe, pour cautériser mon enfance, pour réclamer l’amour que je n’ai pas eu. Écrire est une thérapie, une nécessité, un plaisir. Je dois retranscrire les films que je vois dans ma tête et qui me rendent heureux, sinon j’ai l’impression de vivre moins. Et puis je laisserai quelque chose d’original à mes enfants, une part intime de moi. Mon amour pour eux. Voilà.

Plus qu'une toile de fond pour ce roman d'apprentissage d'une crudité aussi sèche que brutale, l'histoire des années 1950 livre l'écho extérieur d'un drame intime – celui d'un enfant dont le mépris pour un père alcoolique et violent construit l'identité avec une impitoyable lucidité – dont l'instinct de vie passe par la haine, pulsion de mort et élan des sens conjugués. Du monde délétère des coloniaux à la promesse diffuse d'une nature ici exubérante et là tranchante, le narrateur découvre que l'enfance sert parfois « de terrain de jeux pour les adultes – de dépotoir pour toutes leurs faiblesses et leurs incohérences. Philippe-Jean Catinchi dans Le Monde


Quel est ton livre qui s'est le plus vendu ?

La légende du jardin japonais, chez Albin Michel (8 000 exemplaires) Un conte pour enfants. Mes romans en blanche, eux, plafonnaient à 3 000.


Quel est ton livre dont tu es le plus fier ?

Équinoxe, parce que je parle d’un sujet qui me tient à cœur, qui me révolte : la situation des personnes handicapées en France (je suis d’ailleurs donateur à l’APF) et c’est important pour moi. Dans Équinoxe, je l’ai dit, j’aborde la sexualité féminine et le handicap, un sujet jamais abordé avant ou très mal (je ne citerai pas de nom).

Un autre roman est aussi important, mais intimement : La Treizième cible. Il m’a permis de faire table rase de mon passé, de faire résilience comme on dit, d’aborder la vie avec optimisme. J’y ai laissé mes griefs envers mes parents, mes souffrances. Sans ce roman, ma vie d’homme n’aurait pas été épanouie. Donc, je suis fier d’avoir pu l’écrire.

Arnauld Pontier nous propose un récit plein de poésie emprunt d'une douce mélancolie.
Avec Dehors les hommes tombent, il nous offre un excellent texte digne des plus grands voyages littéraires de la collection. A lire de toute urgence. Les lectures du Maki


De ton point de vue, lorsque l'un de tes livres ne se vend pas, à qui la faute ? toi, l'éditeur, les libraires, les lecteurs… Et inversement aussi, pourquoi un bouquin se vend et pas un autre ?

Grand mystère, torts partagés. Parfois, l’éditeur ne fait pas son boulot de presse, de diffusion, de distribution. Parfois les libraires ne mettent pas en place ton bouquin, par manque de place, parce que pour faire leur chiffre d’affaires ils doivent mettre en avant des auteurs plus « bankables ». Et parfois, tu crois bien faire et tu te plantes.
Pourquoi un bouquin se vend ? Va savoir. Il y a des daubes qui font un carton, raflent même des prix. Et des chefs-d’œuvre qui s’écoulent à 50 exemplaires. En blanche comme en Imaginaire.
Pour ma part, je ne lâche un manuscrit que lorsque je suis persuadé qu’il résistera à une lecture future de ma part. Je peux me tromper, certes, mais sans cette certitude du moment, je remets le manuscrit dans le tiroir, j’attends et je relis…


Les droits d'auteurs sont d'environ 5 à 15%. Cette blague m'a toujours fait rire. Toi aussi ?

Pourquoi une blague ? Je touche en moyenne 10% sur le prix de vente public hors taxe, remisé ou non, selon les contrats. Mais je n’ai aucun frais. Contrairement aux autres acteurs de l’édition. Alors, oui, on peut penser que le libraire se gave avec 30 ou 40%, mais si tu ôtes ses frais de structure, il ne lui reste guère plus qu’à l’auteur. Voire moins. Ce qui explique en partie sa frilosité à proposer les ouvrages d’auteurs et d’éditeurs modestes, qui lui prennent du temps, de la place, sans garantie pécuniaire. L’éditeur a également des frais, de fabrication au moins. Le distributeur à ses frais de manutention. Bref, le seul à n’avoir que lui à nourrir, c’est l’auteur. Mais ça ne nourrit pas.


Peux-tu nous donner ta façon de travailler ? Comment te viens ton inspiration ? comment elle se structure, si tu travailles avec un plan détaillé ou au fil de la plume...

Avant d’être retraité, j’écrivais la nuit, tous les jours, de 11 heures du soir à 3 heures du matin (pas plus tard, vu qu’à 7 heures, il fallait lever les enfants, les faire déjeuner, les conduire à l’école, avant de partir au travail). Depuis, j’écris quand ça me chante. Pas l’hiver, neige en priorité ; et les jours où je peux prendre ma bécane, j’évite aussi. Disons, que j’écris par période, mais par cession d’écriture d’au minimum 4 heures. Je n’ai aucune page blanche. Jamais. Je ne me torture pas. Je ne souffre pas. Je n’ai aucun plan, sauf : avoir le titre, avoir la chute et avoir cerné le propos général de l’histoire, ce que je veux faire passer en sous-main, en second niveau (et sur ce point, je fais beaucoup de recherches).




Penses-tu avoir inspiré d’autres auteurs ?

Non, franchement pas. Ce serait une surprise. Je ne suis pas assez connu pour ça.
Note du chien : Surprise, tu as bien inspiré une personne, Emmanuel Quentin.

C'est grâce à lui que j'ai écrit une novella pas encore publiée.
Il m'a soufflé un truc et pfiouuu l'histoire est venue peu de temps après, histoire de raccrocher les wagons.

Parmi les héroïnes nées au fil des années SF et tous arts confondus, quelle est celle qui t’a le plus marqué, au point de servir de presque modèle à F.E.L.I.N.E., et en quoi ou pourquoi ?

Les super-héroïnes de Marvel, de Strange, de DC comics. Lara Croft, aussi. Lady, de Cobra, les Amazones, Yoko Tsuno, Samus Aran... Si je devais en choisir une ? Je ne sais pas. Disons que c’est le mix de ces héroïnes de papier qui a donné naissance à ma F.E.L.I.N.E. C’est aussi un clin d’œil à mes enfants… deux personnages les incarnent.

Cette trilogie a été un plaisir de lecture que je n'avais pas rencontré depuis longtemps.
L'auteur nous pond un univers sans nous bassiner avec un trop plein d'explications.
Son monde tient par son récit et ses protagonistes. Mon avis


Tes écrits ont quasiment tous une touche de poésie (plus ou moins marquée, plus ou moins grande) et de personnages tourmentés et chargés de drames (parfois sombres et durs dans certains textes tels que La marelle Hopscotch). Parmi ces œuvres, il y a le beau, mais court, The avenue in the rain (coll. « Raconte-moi une photo », chez Évidence éditions), mais surtout le très marquant : Dehors les hommes tombent. Une poésie mêlée de drames aussi bien humains que personnels, avec beaucoup de réflexions sur justement cette humanité autant que d’introspections sur sa propre condition. Dans tout cela, qu’est-ce qui te semble le plus important de faire passer au travers de tes textes ? Qu’espères-tu éveiller chez tes lecteurs ? Et pourquoi ?

Je l’ai dit, je ne m’en cache pas, mon enfance n’a pas été rose. Le seul bonheur était pour moi mon cadre de vie, merveilleux : le Laos des années 60. Et la poésie. L’idée que le monde avait une part de beau, qu’il y avait une place pour l’amour. J’aime la poésie, je l’avoue (Claude Roy, Philippe Jaccottet, Paul Eluard, Jules Supervielle, Rimbaud/Verlaine/Baudelaire évidemment…) ; j’aime également aborder des sujets qui m’on touché, tourmenté : le désespoir, la souffrance, l’abandon, la solitude, la violence, mais également leur pendant, qui te sort la tête de l’eau : la curiosité, le plaisir, le partage, l’amour. Il n’y a pas de vie sans les deux faces de l’existence, l’une rose, l’autre noire. C’est sans doute ce qui rend palpitante cette existence qui nous mène à l’extinction, non ?
J’aimerai que mon lecteur prenne conscience de la vie, de sa magie, de sa beauté, de sa brièveté ; qu’il vive avec plus de tolérance envers l’autre, plus intensément, plus intelligemment…



Incisif comme une arme, net et précis, sans complaisance ni faux semblant, l’auteur nous fait pénétrer dans un univers où notre normalité n’a plus sa place, où les mots cisellent les drames et chaque bond dans la case suivante. Il ne vous laisse pas le choix : vous devez jeter le caillou à cloche-pied, manquant perdre l’équilibre face au crescendo mortel qu’il nous offre.
JC Gapdy


Il y a quelques temps, sur FB, sur un auteur qui pensait arrêter d'écrire au vue du paysage éditorial, tu répondais ceci :
Il y a une multitude de petites ME, certaines font leur travail de manière excellente, d'autres beaucoup moins (certaines à compte d'éditeur semblent de l'autoédition ou du compte d'auteur), ou ferment laissant les auteurices dans l'expectative. D'un autre côté, toutes les grandes ME lancent leur collection Imaginaire. Sans parler de l'inflation du nombre de personnes qui se disent, se pensent écrivains.
Dans la même veine, sur ton site :
L'intérêt est d'aller vers les gens qui vont me lire. Car j'écris pour eux, pas pour les critiques littéraires qui ont pignon sur rue
Peux-tu nous donner plus précisément ta réflexion sur cette question ?

Je l’ai dit : j’écris parce que cela me fait plaisir, parce que recevoir de l’amour ou, du moins, une marque d’intérêt de la part d’un lecteur me recharge, donne un sens plus profond à mon existence, à l’art que j’ai choisi d’explorer : la littérature. Que l’avis vienne d’un journaliste, d’un blogueur, d’un lecteur, peu importe ; c’est le retour qui importe. J’ai l’ambition que mes livres touchent mes lecteurs, quel qu’en soit le nombre ; qu’ils leur procurent un moment de plaisir et/ou de réflexion. Il faut faire sa place dans la littérature comme dans le monde, en acceptant ses incohérences, ses hasards, ses injustices. Écris si tu aimes ; cesse si tu n’y trouves plus ton intérêt.


Tu pourrais modifier une chose dans le monde de l'édition, ce serait laquelle ?

Vaste question. Vraiment, je ne sais pas y répondre. Sans doute publier moins. Sans doute consacrer plus de moyens pour chaque auteur, lui offrir un espace de visibilité plus grand, mieux impliquer les libraires en ne les étouffants pas sous les nouveautés des « rentrée littéraires ». Je crois que le système de « cavalerie » que l’on appelle l’office n’est pas non plus idéal, si on veut que la librairie indépendante survive, vive correctement.

C’est agréable, enlevé, autant qu’intrigant et attirant. Le style est parfait. Chaque scène de cette pièce de théâtre est digne d’un grand Corneille et d’un épisode extraordinaire de La quatrième Dimension.
JC Gapdy sur le site Le Galion des Etoiles


Les sites, blogs Instagram, booktube, podcast consacrés à la littérature sont pléthores. Penses-tu qu'ils ont une véritable influence ? J'ai parfois l'impression qu'ils ne sont lus, vus, écoutés que par la même engeance. Le règne de l'entre soi ?

A mon niveau, oui. Si mes éditeurs vendent un peu mes livres, les blogs y sont pour beaucoup, la presse généraliste ne parlant plus que des best-sellers, et quasiment jamais d’imaginaire. Ou alors, il s’agit d’une presse qui appartient à un groupe, qui met en avant ses titres…


Tu es présent sur FB et Twitter, tu as un site web. C'est important d'être présent sur Internet ? N'est-ce pas le boulot des ME ?

Si je n’étais pas auteur, je n’y serais pas. J’y suis pour promouvoir mes livres. Mes éditeurs y prennent également leur place. Tout le monde joue le jeu. On peut difficilement faire sans les réseaux sociaux. Et je m’y suis fait des Amis et des amis. Des lecteurs. C’est une source de satisfaction importante pour moi.


Comme tu es présent sur les RS, suis-tu les "dramas" réguliers du fandom ou tu essayes de t'en extraire et juste d'écrire et vendre tes livres ?


Je me fiche éperdument des drames, controverses, réactions, néo-moraliso-extremo-etc. Moi, j’écris. Point. Et je suis heureux pour mon éditeur et mon égo si ça se vend.

j’ai découvert dans l’anthologie Dimension Arnauld pontier, un univers qui lui est propre, des thématiques classiques mais traitées avec sa touche personnelle et souvent avec originalité. Malka sur Rê-v-alité



Comment perçois-tu l'évolution de la SF dans l'hexagone ? Trouves tu que la SF devient (trop) élitiste. J'entends tout et son contraire sur cette question. (quand on lit l'édito de « Bifrost », faudrait moins éditer de daube - si j'ai bien compris - et de l'autre j'ai entendu des auteurs dire que l'élitisme devenait chiant (pour le dire simplement 😁)

Je suis d’accord sur un point : moins éditer de daube. Mais on est tous la daube de quelqu’un. Alors pas facile de trancher. Disons que, personnellement, nombre de romans de SF d’aujourd’hui, primés, encensés, me tombent des mains ; je trouve leur vocabulaire pauvre, affligeant parfois, leur musique insipide (vive le gueuloir !), leur sujet bof. Mais nombre d’autres romans – et de plus en plus, aussi – sont formidables, jouissifs. Il faut de tout pour contenter des lecteurs de culture, d’éducation, de formation différentes. Le plus insupportable, quand même, est le nombre de fautes que l’on retrouve dans les livres (et pas que des coquilles d’inattention). A croire qu’écrire correctement est devenue pour certains un gros mot. Mais certains lecteurs y trouvent leur compte, ne ressentent même pas cette faiblesse de langage. Que dire de ça ? S’ils prennent plaisir à lire ces bouquins, qui suis-je pour leur reprocher. Ils pourraient me rétorquer que je suis trop intello, que mon blabla leur passe au-dessus. Il ne fait pas bon être un intellectuel de nos jours.

Quant à percevoir ce que la SF devient… Je crois que ça nécessitera du recul. On fera le bilan des années 2000 dans quelques décennies. Personnellement, je ne la trouve pas élitiste. Mais la crétinisation touche également les milieu éduqués…


Est ce qu'une mauvaise critique te touche plus que dix bonnes ? Comment gères-tu ces retours ?

Une mauvaise critique me lamine. Elle me renvoie à mon enfance. Au manque d’amour qui m’a construit malgré moi, m’a offert cette faille dans laquelle j’écris. Mais ces mauvaises critiques à mon égard sont rares, je dois l’avouer avec satisfaction.


Tu partages sur ton site les avis des uns et des autres, positif et négatif. Penses-tu comme moi qu'un avis négatif peut donner envie de lire un texte ?

Non, je le fais pas honnêteté vis-à-vis de la personne qui s’est donné le mal de critiquer. Si j’avais à choisir, je préférerais que celui qui n’aime pas l’un de mes textes n’en parle pas. Je m’applique d’ailleurs cette règle pour les auteurs que je lis. Je ne chronique que mes coups de cœur. Écrire est un tel travail, pour tout auteur ; aucun, à mes yeux, ne mérite d’être enfoncé. Tu n’aimes pas ? Tais-toi, c’est subjectif. Même si, parfois, c’est mauvais pour tout le monde. Mais c’est plus rare (du moins chez les auteurs qui sont passés par le « filtre » d’un véritable éditeur).

Une critique négative me fait cependant cogiter. Même si je ne la comprends pas toujours. Je cherche à la comprendre, toujours. Puis à l’effacer de ma mémoire, afin qu’elle ne me plombe pas, ne me provoque pas un ulcère. On est des êtres fragiles, les créateurs. A fleur de peau.


Sur ton site, tu dis que tu pratiquais l'échangisme il y a quelques années. Est-ce toujours le cas ?

L’échangisme ? Hum… Tu veux dire le « Bookcrossing » et autres « Passe-Livre », je suppose. Le troc de livres. Oui et non. Je ne le pratique plus de la même manière. Il me semble que le phénomène n’est plus aussi actif (ou bien différemment) de ce qu’il était, d’ailleurs. Mais je continue à déposer des livres dans des « boîtes à livre », et à en emprunter. C’est une bonne manière de faire lire : personne ne te juge sur tes choix et tu n’as pas à franchir le seuil d’une librairie, ce qui pour certaines personnes n’est pas une démarche facile. Oui, je sais, c’est difficile à comprendre, mais la culture, la littérature en particulier, n’est pas si accessible que cela pour qui n’a pas été éduqué avec ce médium. Et c’est gratuit.


Nous trouvons sur ton site des définitions, parfois profondes, parfois très connes. Tu nous en touches un mot ? (Ex : ANTISEPTIQUE : Croyant ; BABY SITTER : Adolescent(e) qui doit se conduire en adulte, de façon à ce que les adultes qui sortent puissent se comporter en adolescents ; BAVURE : Balle Atteignant Volontairement Un Ressortissant Etranger)

J’ai toujours apprécié les jeux de mots, les mots-valises ; je suis un fan de Raymond Devos. C’est mon côté adulescent. Je trouve magique ce jeu avec notre langue. Parfois, une blague bien lourde, à la Coluche, ça fait rire, aussi. Là encore, j’aime ce qui est intellectuel, intelligent, et j’aime aussi ce qui est simple, cash, con comme un râteau dont tu te prends le manche dans la gueule parce que tu as marché dessus. La vie est ainsi faite ; je l’apprécie ainsi.


Tradition oblige, passons à Robert Charles Wilson. Connais-tu ? aimes-tu ? quel est le bouquin que tu préfères de lui ?

J’adore. Je n’ai pas tout lu de lui, mais des huit romans de ma bibliothèque, j’ai un faible pour Spin et pour Les Chronolithes. Ange Mémoire, Bios et Darwinia ne sont pas mal non plus. Bref, oui, je suis un de ses fans.

Sous l'humour, la légèreté ou le pastiche, Arnauld Pontier nous interroge sur notre humanité, nos travers. Sous cette simplicité apparente, le bon mot, le twist, se cache une réflexion souvent assez pessimiste sur le genre humain, nous sommes vraiment une espèce irrécupérable. Mon avis.


Sur ton site, dans tes textes à paraître, il y a le roman Exode (Editions Ex-AEquo, mai 2023) et la novella Sous un ciel inconnu (Editions 1115). Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Sous un ciel inconnu est encore au stade de manuscrit, non encore lu par l’éditeur. On y retrouvera la même « patte » que dans mes autres novellas chez 1115. Le propos, cette fois, sera de faire réfléchir (en distrayant) sur ce qu’est la mort, ce qu’on en disait autrefois, ce qu’on en sait aujourd’hui. « On meurt un monde après l’autre », disait un auteur oublié…

Pour Exode, la parution sera fin avril, afin qu’il soit dispo pour les salons de mai. Il s’agit d’une reprise, modifiée, améliorée, des deux premières partie de mon premier roman de SF, dont j’ai déjà parlé ici : Agharta, le temps des Selkies. Un texte qui n’a pas trouvé son public à l’époque (en 2013), l’éditeur ayant fermé ses portes alors que les volumes étaient encore sur palette. Un texte améliorable, également… 


Voici le quatrième de couverture d’Exode, en avant-première :

Après Les Enfants de Paradis, paru dans la même collection, Exode propose une nouvelle incursion dans la thématique des « mondes creux ».
C’est un récit eschatologique : la narration d’une fin du monde inéluctable, annoncée de longue date par des Livres sacrés.
Tout commence par une mission en Antarctique et le franchissement d’un étrange « rideau pourpre », qui va conduire un groupe de scientifiques sous la Terre, dans le royaume d’Agharta, peuplé depuis des millénaires par les Atlantes, les Mus et les Lémures.

Histoire apocalyptique, ce roman est prétexte à l’exploration de notre condition humaine, dans laquelle se mêle peur, soif de pouvoir, fanatisme mais également amour, émerveillement et espoir : l’espoir de survivre, de se perpétuer, en rejoignant, Gliese, une exoplanète, avant l’impact annoncé de l’astéroïde Hadès.
Jules Verne aurait sans doute aimé ce nouveau Voyage fantastique, depuis le centre de la Terre jusque vers les étoiles.

Un dernier volume de cette « trilogie » des mondes creux, en quelque sorte, s’intéressera à un monde artificiel. En 2024 ou 2025. J’y réfléchis.



Un immense merci à Arnauld Pontier d'avoir pris le temps de répondre à ces nombreuses questions alors qu'il était en pleine correction du BAT (bon à tirer, dernière relecture et verification avant tirage) d'Exode, son prochain roman..

N'hésitez pas à vous promener sur son site http://www.arnauld-pontier.com/ où il recense, entre autres, les avis parus ici et là sur le net, et bien entendu sa bibliographie complète.
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Tous mes avis sur les textes que j'ai lu de l'auteur.

Et lisez du Pontier, c'est le pied !



Teasing sur les réseaux sociaux, le pourquoi du comment :

Vendredi : La célèbre tranche de chorizo publiée par Etienne Klein sur Twitter. Monsieur Merlin est inspiré des réflexions sur le temps de Klein.
En outre, comme cette planète est rouge, une allusion à Sur Mars.


Samedi : Allusion au livre : Dehors, les hommes tombent


Dimanche : Clin d'oeil à son thriller La marelle Hopscotch (que j'ai commandé)

15 commentaires:

  1. Merci, le Chien, pour cette place que tu me donnes sur ton blog. Quand je dis que sans les blogueurs, nous, auteurs d'Imaginaires, écrivons dans le désert... Je suis sûr que, grâce à toi (et grâce aux autres de tes confrères qui me suivent), des lecteurs vont avoir la curiosité de découvrir mes textes. Il y en a pour tous les goûts, non ? Une précision pour les amateurs de nouvelles : on peut en trouver une dizaine, notamment, dans les anthologies thématiques publiées par ARKUIRIS, une maison d'édition avec laquelle je suis heureux de collaborer régulièrement. Arnauld.

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    1. Merci à toi d'avoir eu la gentillesse de jouer le jeu des questions réponses. C'est un plaisir de partager et de donner envie de connaitre tes écrits.

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  2. Très chouette interview, merci !!! 👍

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  3. Bravo pour cette interview très bien menée .
    Je n’avais lu que Le fruit du silence de Arnault Pontier, chez Actes Sud,et l’épigraphe de Paul Valery,m’avait fait acheter le bouquin .Très bien écrit.
    Une interview touchante,qui révèle beaucoup de sensibilité de l’auteur ,dans ce monde où la haine numérique s’étale.
    Bien d’accord,souvent la décence impose le silence lorsqu’on s’acharne à détruire l’œuvre d’un auteur par exemple.
    Bonne chance à lui dans ses nouvelles aventures.
    Et merci aux blogueurs que l’on ne remercie jamais assez et qui sont souvent dans l’ombre des auteurs qu’ils chroniquent.

    Un libraire

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    1. Merci pour ton message. Je connais surtout Arnauld pour ses textes en imaginaire, mais j'ai commandé 3 autres textes pour découvrir ses autres facettes.

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  4. "côté taf, j’ai fait le grand écart." Il a donc été gymnaste.
    Très intéressante interview, merci.

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  5. Merci Arnauld et merci Le Chien Critique !

    C'est là qu'on découvre que derrière l'auteur il y a un homme.

    Pour ma part je préfère tes textes plus compliqués même si je ne les comprends pas tous.

    Au plaisir de te lire.

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    1. Merci à toi d'avoir participer à cet entretien. Fin mars va vite arriver.

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  6. Entretien super intéressant, merci!

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  7. Merci pour cette belle ITW de cet auteur très sympatique

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  8. Ça c'est de la belle ITW !!! J'aime ce ton et cette sincérité.
    J'ai adoré Sur Mars et les quelques échanges que j'ai eu avec Arnauld m'ont laissé l'impression d'un auteur sympa et accessible.
    Pari réussi donc, ça me donne envie d'en lire un autre. Go checker ma PAL (vais devoir faire descendre Wilson).
    Longue vie à vous !

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