Merfer

Merfer, Fleuve éditions, 2016 (parution originale : 2012), 464 p., 16€ epub avec DRM


Dès les premiers temps lorsque l’être humain a entrechoqué des cailloux en s’émerveillant du feu, notre espèce a toujours voulu raconter. Jusqu’à ce que les étoiles disparaissent une par une comme des lampes qu’on éteint, il y aura des récits aussi longtemps qu’il restera des gens.

La merfer, un entrelacs labyrinthique & gigantesque de rails, peuplée de bêtes monstrueuses & d'exhumes dans un monde au ciel empoisonné.
China Mieville nous sert un roman d'aventure à l'imagination débridée.

Présentation de l'éditeur :


La Merfer. Elle recouvre l’essentiel de ce monde, son réseau de rails dense, dont on ne connaît ni début, ni fin, dont nul ne sait l’origine, est la seule voie pour les hommes sur une terre devenue propriété d’un bestiaire terrible et fantastique, aux proportions démentes et à l’appétit vorace.
Parmi ces créatures, la plus formidable de toutes, la gigantesque taupe albinos : Jackie La Nargue. Et à ses trousses, le Mèdes, un train taupier mené par la capitaine Picbaie qui traque la bête telle une obsession depuis qu’elle a emporté son bras.
A ses côtés, le jeune orphelin Sham découvre l’univers de la chasse, fait d’excitation et de dangers, d’aventures et de drames. À l’image de la découverte de ce train déraillé et du mystère qu’il contient, dont Sham va devenir le dépositaire inattendu.
Une trouvaille énigmatique qui le conduira dans la plus folle des expéditions, jusqu’au bout de la Merfer, là où vivent les anges...

Mon ressenti :


Est-il encore besoin de présenter China Mieville, un auteur de livre-univers à l'imagination foisonnante ?

Encore une fois, il nous fait voyager dans ce monde futuriste & post apocalyptique. Un roman
d'aventure hommage à un certain Melville. Ici, le capitaine Picbaie (et son secret) traque sans relâche Jackie La Nargue, une taupe gigantesque comme Achab recherche Moby Dick en son temps.
Cependant, l'auteur préfère s'attarder sur la quête du jeune Sham, envouté par l'exhume et l'alterexhume.
Il y a aussi Manihiki, le centre de l'univers, la ville escale, melting pot de peuplades, de trains plus étranges les uns que les autres, remplie d'exhume, pleine d'anachronisme. Manihiki & ses tavernes où les capitaines y livrent leurs histoires plus invraisemblable les unes que les autres, comme jadis les pirates.
& la merfer, incommensurable, D’où vient elle ? Comment s'est elle construite : dégâts environnementaux, vestige du passage d'extraterrestres, ou simplement pollution faisant disparaitre peu à peu les océans ? Qui a déposé cet enchevêtrement de rails sur cette mer en dure ?
& le bestiaire magnifique : des bêtes légendaires, monstrueuses telles le seuilleau, ersatz de pieuvre géante en pire, le mustélidé éruchtone, les vers vampires, le goglu ferreur,...  Dont quelques uns illustrés par l'auteur himself.
Impossible de tout recenser tellement l'univers est dense.
Un narrateur qui s'exprime de plus en plus au fil des chapitres, parfois goguenard ou d'humeur facétieuse comme avec le coup du Robinson Crusoé au chapitre 65. L'humour est présent dans ce livre, ce qui est assez rare dans la bibliographie de China Mieville pour être signalé.

Une prose à l'image des trains, saccadée, en staccato pour une immersion plus grande. Des mots inventés, valises, des néologismes à foison. & que dire de ce & ?
La traduction n'a pas du être une partie de plaisir, mais Nathalie Mège s'en sort à merveille.

Par contre côté personnage, cela pêche un peu mais ce roman a été publié en young adult dans sa version originale. Fleuve éditions a fait le choix de ne pas l'étiqueter en tant que tel, c'est un choix difficile à trancher. Pour ma part, c'est du YA mais je suis content d'avoir pu le découvrir.
La psychologie est un peu binaire, les relations entre personnages manquent d'épaisseurs et certains évènements arrivent ou se règlent un peu trop facilement.
Ne vous attendez pas non plus à y trouver le fonctionnement de cette société, sa politique & sa religion dans les détails. A vous de combler les vides entre les traverses.

Si vous aimez les univers imaginés avec brio & les romans d'aventure, Merfer va vous en mettre plein les mirettes. Si ce sont les personnages, leurs relations & le lieu où ils vivent qui vous intéressent, vous risquez une grosse déconvenue.
Une fin que j'ai trouvé magnifique et qui m'a permis de retrouver une part de l'auteur absente dans le roman.
En bref, j'étais un traineux à la poursuite de Jackie La Nargue. Immersion pleinement réussie.
Je vais de ce pas combler mon retard en partant pour la ville de Légation sur la planète Ariéka.

Grosse ombre au tableau : le prix et les DRM. Donc un roman à emprunter dans vos médiathèques numériques. 

D'autres avis : Mes imaginaires

Quelques citations :


Fremlo le soumit à des tests sur des rudiments de médecine, pour lesquels Sham révéla une telle constance dans la nullité que la réaction en face fut presque plus épatée qu’énervée.

La plupart des traineux d’Haldepic qui se trouvaient à bord du Mèdes, avait remarqué Sham, dénigraient les autres nations que la leur. Elles étaient soit trop grandes, soit trop petites, trop strictes ou trop permissives, trop rudes, trop tapageuses, trop ordinaires, trop follement magnificentes. Chaque territoire, quelles que soient ses dimensions ou sa forme de gouvernement, suscitait la désapprobation. L’éruditocratie gyrokee était d’un intellectualisme snob ; Cabigo, fédération belliqueuse de monarchies fragiles, fragilement monarchique. Les seigneurs de guerre qui dirigeaient Kata Tamari se montraient trop bestiaux. Clarion était gouverné par des prêtres à la piété trop grande, tandis que ce qui manquait à la lointaine Mornington, c’était une bonne dose de religion. & il se grommelait que Manihiki, de loin la plus puissante cité-État de la Merfer, exerçait impétueusement son influence à coups de trains de guerre. (À quoi l’on ajoutait que la démocratie dont elle se rengorgeait servait de paravent à la loi de l’argent.)
& ainsi de suite. Ressembler à Haldepic ne suffisait pas. Leur pays d’origine n’était que l’une des nombreuses îles de l’archipel du Vrac du Çalayghou, en Merfer, à être gouvernée par des capitaines & des philosophes éminents, mais, affirmaient ces xénophobes sur le ton du mépris, c’était la seule où c’était fait correctement.
 
Dans les tavernes de l’île, dans les livres que les capitaines écrivaient & lors des conférences publiques ou des cours magistraux que Sham & ses condisciples avaient dû subir, on dissertait obsessionnellement sur le ver vampire, le rat-taupe, la reine des termites ou le lièvre impérial, le blaireau, la taupe, la taupe géante, la grande darboune de la Merfer qui détruit tout sur son passage, tous devenus principes de connaissance ou d’inconnaissance, d’humilité, d’éveil spirituel, d’obsession, de modernité, de nostalgie & ainsi de suite. Le récit de la chasse faisait partie intégrante du travail au même titre que la capture de la viande.

Son absence était une présence immanente. Son manque m’emplissait, de sorte qu’elle ne fouissait pas seulement à travers la terre & la poussière de la Merfer, mais aussi dans mon cerveau, nuit après nuit. J’en sais plus sur elle que je n’en ai jamais su jusqu’ici. Elle nous évitait & ce faisant je m’en rapprochais en un unique & magique mouvement.

8 commentaires:

  1. Je suis partie à l'aveture avec plaisir sur les traces de Sham et de tous ces personnages. Et comme toi, j'ai apprécié l'invention lexicale et la traduction qui a dû être ardue mais aussi réjouissante, j'imagine.
    Bon alors maintenant, qui a-t-il au-delà ??

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    1. Un bien bel ouvrage.
      Concernant ta question, qui a t-il au-delà ? Mes imaginaires.

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  2. J'ai lu Miéville à deux reprises, et je n'arrive pas à vraiment accrocher (the city & the city - Perdido ). Je trouve cela intéressant, mais le couer n'y est pas, je ne vibre pas.
    Je vais peut-être tenté une nouvelle fois, mais je vais attendre ton retour sur Legation.

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    1. Les deux livres que tu as lu sont bien différents, j'ai bien peur que la plume de l'auteur ne te convienne pas.
      Merfer pourrait cependant te plaire.
      Pour Légationville, j'y habite depuis quelques heures, c'est très ardu, dépaysement assuré.

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  3. Comme Lutin, j'ai tenté Miéville par deux fois (The city & the city, Légationville), mais je reste toujours sur ma fin. Je dois reconnaître le grand talent de l'auteur pour imaginer des choses un peu dingues, des situations intéressantes et les problématiques complexes (ou pas) qui vont avec, avec néologismes, etc... mais côté intrigue, ça pêche sérieusement je trouve. Du coup, je deviens méfiant.

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    1. Oui, l'intrigue est peut-être secondaire chez l'auteur, du moins dans les romans que tu cites), cela ne me dérange pas tellement ses mondes son beaux et complexes.
      Après, on ne peut tout aimer. Et heureusement, car sinon, on passerait son temps à lire.

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  4. Merci pour ce retour, il me semble qu'il est en promo numérique j'ai failli craquer. Mais du coup, en te lisant, le côté Young Adult me fait peur :s A voir, parce que ça a l'air riche à côté de ça.

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  5. Il est à 8€ en ce moment. Et pour ce pris, l'éditeur laisse même les DRM. Trop cool ! Mais en même temps, c'est énervant, je me suis forcé à mettre les 16€ et une promo juste derrière. Je viens d'avoir le même tour pour Fées, weed et guillotines.

    Faut se laisser tenter à ce prix là, peut être le côté YA ne te dérangera pas.

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