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Lunes d'encre
Robert Charles Wilson
Les Affinités
Robert-Charles Wilson, Denoël Lunes d'encre, 2016, 336 p., 16€ epub avec DRM
Adam Fisk, étudiant en graphisme, passe, à reculons, des tests de la société Interalia, afin de savoir à quelle affinité il appartient. Il espère enfin vivre dès qu'il saura à quel groupe il appartient et ainsi s'intégrer à des personnes ayant le même regard que lui sur la société. Adam est un être solitaire, inadapté à la société. Il est issu d'une famille américaine aisée, réactionnaire, au « racisme sélectif », où les apparences et convenances sont les seules comportements admissibles. N'ayant pas suivi la route tracée par son père et préféré des études de « lopette » c'est sa grand-mère qui lui paye ses études à Toronto au Canada, loin de la famille.
Les affinités ont été créées par un téléodynamicien israélien Meir klein, on compte vingt-deux d'Affinités primaires et secondaires, nommés d'après les lettres de l'alphabet phénicien. Les tests consistent en une prise de sang, des visionnages de textes sons et images, un Irm et des tests interactifs.
Les résultats démontrent qu'il est un Tau , une des cinq plus importantes nouvelles familles sociales. Chaque affinité se subdivisant localement. Lors de sa première rencontre avec sa tranche, il a l'impression d'avoir trouvé sa famille.
La science-fiction transparait ici par petites touches infimes et délicates via des allusions, paraboles ayant une base scientifique.
L'anticipation, sociale, est notre futur proche. le futur imaginé par l'auteur ne se réalisera certainement pas dans son ensemble, mais les idées qu'il développe seront sans aucun doute présente dans notre quotidien dans quelques années, et pour certaines le sont déjà.
Le thème du réseau est traité de manière individuel, familial et sociétal. Qu'est-ce qui fait que deux individus se regroupent. Qu'est-ce qu'un groupe ? Comment nous regroupons nous ? Par quelles affinités : de race, de croyance, de couleur, de politique… Qu'est ce qui fait une société ?
Les sujets de la dynamique sociale, de l'organisation sociale, de la coopération sont abordés et vulgarisés clairement.
La deuxième partie du livre explore plus profondément le concept des affinités et de ses conséquences : Affinité – identité – exclusion – jalousie, et les différents groupes ou exclu qui rivalisent. Chaque groupe ayant sa propre structure, idéologie et intérêts différents, les murs frontières se dressent et les conflits deviennent inévitables. le groupe se referme sur lui, ne voyant dans l'Autre qu'incompréhension.
Comme toujours chez Robert-Charles Wilson, il est du côté de l'humain, ne s'interdisant pas des digressions dans la vie et le quotidien de ses personnages pour nous les rendre proche et comprendre au mieux leur psychologie et humanité. Au détour d'une conversation familiale, d'un appel téléphonique, nous apprenons que des évènements géopolitiques se produisent au travers le monde, que la technologie a évolué.
Les affinités nous sont contées depuis leurs émergences jusqu'à leur paroxysme, d'un point de vue individuel. Roman wilsonien, le narrateur n'est pas un héros, juste un individu lambda au prise avec un réel dont il ne détient pas les commandes, mais dont il doit, ou ne doit pas, s'accommoder.
La structure du récit suit le fil habituel du romancier : Un événement déclencheur qui est analysé par le narrateur sur le court, le moyen et le long terme. Mais l'analyse de l'évènement nous est aussi restituée à travers d'autres regards, par différents procédés stylistiques. Ce qui nous amène à nous interroger sur ce que nous ferions à la place du narrateur.
Les articles, extrait de document en ligne naturellement pour un ouvrage de science-fiction, qui émaillent chaque partie, nous permettent de prendre connaissance des analyses qui sont faites du phénomène des Affinités, et permettent d'ancrer la fiction dans le réel. La pluralité des points de vue fait réfléchir le lecteur sur des points auquel il aurait pu ne pas penser.
Le parallèle avec la mise en réseau informatique est fait habilement. Les personnages sont authentiques, avec leur héroïsme et leur bassesse, ni tout à fait blanc et parfois très noir.
L'écriture est simple, mais le style et syntaxe sont parfois soutenus…
Premier sujet qui fâche : Traduction et/ou correction parfois hasardeuse « Il approchait des soixante-dix ans et était davantage intimidant par son intelligence et sa réputation que par sa présence physique qui le rendaient. » « Ça pourrait être utile d'avoir des visages suspects dont dire à nos agents de sécurité de se méfier. »
Ce ne sont que deux exemples parmi de nombreux autres.
Problème de l'édition électronique ?
Deuxième sujet qui fâche, le prix 22 euros, 16 pour la version numérique, pour 330 pages. Même si ce tarif est malheureusement dans la moyenne de ce qui se fait actuellement, je trouve cela trop cher et ne favorise pas une démocratisation de l'accès à la culture pour les jeunes, les précaires et autre public en difficulté. La lecture devient désormais un loisir de luxe. La science-fiction est souvent considérée comme une littérature de gare pour ados boutonneux, ce n'est plus le cas, le cliché devrait être le bourgeois bien en chair.
Je sais que l'écrivain doit être rémunéré convenablement, que la traduction, l'illustration, le travail d'édition ont un coût, mais il est dommage de devoir attendre trois mois que le livre soit disponible dans une médiathèque (si par chance vous n'habitez pas en milieu rural) ou un an pour la version poche lorsque nous désirons simplement lire un auteur ou un livre qui nous plait. le livre doit rester populaire, et l'accès à la culture le plus large possible.
En outre, une version numérique vérolée par des DRM, la coupe est pleine.
Et un travail de relecture et de correction bâclées…
Troisième sujet qui fâche : le résumé de la quatrième de couverture. Est-il logique de dévoiler toute l'intrigue du roman ? Car oui, ce résumé est un résumé complet du livre.
Robert Charles Wilson étant un formidable conteur, nous sommes pris par l'histoire, que l'important est le chemin, pas la destination, mais il est dommageable que nous ne pouvons pas nous questionner sur où l'auteur veut en venir.
Gros carton rouge aux éditions Denoël
Les affinités est un très bon roman sur les interactions interpersonnelles qui peut être lu par les amateurs du genre comme par les autres.
Je vous le conseille vivement.
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