Robert Charles Wilson, Folio SF, 2014, 784 p., 11€ epub avec DRM
Roman historique du futur
Je ne dis pas le contraire, a répondu Julian d’une voix distante. Je ne suis pas un inconditionnel des Profanes de l’Ancien Temps, Adam. Ils avaient toutes sortes de vices et ils ont commis un péché que je ne me résous jamais vraiment à leur pardonner.
- Lequel ?
- Ils ont évolué pour devenir nous-mêmes.
Présentation de l'éditeur :
Il s'appelle Julian Comstock ; il est le neveu du président des États-Unis.
Son père, le général Bryce Comstock, a été pendu pour trahison (on murmure qu'il était innocent de ce crime).
Julian est né dans une Amérique à jamais privée de pétrole, une Amérique étendue à soixante états, tenue de main de maître par l'Église du Dominion. Un pays en ruine, exsangue, en guerre au Labrador contre les forces mitteleuropéennes. Un combat acharné pour exploiter les ultimes ressources naturelles nord-américaines.
On le connaît désormais sous le nom de Julian l'agnostique ou (comme son oncle) de Julian le Conquérant.
Ceci est l'histoire de ce qu'il a cru bon et juste, l'histoire de ses victoires et défaites, militaires et politiques.
Mon ressenti :
Aux libres penseurs.
Robert Charles Wilson nous décrit le monde après la disparition du pétrole qui a provoqué quelques changements, et non des moindres, dans nos modes de consommation et de gouvernement. Résultat, retour à une sorte de 19ème siècle où les multimillionnaires de notre époque ont tiré, encore une fois, leur épingles du jeu, secondé par l’armée et la religion. L’instruction est un danger qui a été obligeamment ôté de nos chers têtes blondes. Retour au servage pour une frange de la population contre une sécurité toute relative. Le réchauffement climatique a rendu accessible les terres glacées du Nord, dans lequel les européens se sont engouffrés et ont envahi l'ex-Canada. S’ensuit une guerre éternelle. On suit ici l'histoire de deux personnages, l'un issu de haute famille, l'autre du bas peuple.
Robert Charles Wilson nous décrit le monde après la disparition du pétrole qui a provoqué quelques changements, et non des moindres, dans nos modes de consommation et de gouvernement. Résultat, retour à une sorte de 19ème siècle où les multimillionnaires de notre époque ont tiré, encore une fois, leur épingles du jeu, secondé par l’armée et la religion. L’instruction est un danger qui a été obligeamment ôté de nos chers têtes blondes. Retour au servage pour une frange de la population contre une sécurité toute relative. Le réchauffement climatique a rendu accessible les terres glacées du Nord, dans lequel les européens se sont engouffrés et ont envahi l'ex-Canada. S’ensuit une guerre éternelle. On suit ici l'histoire de deux personnages, l'un issu de haute famille, l'autre du bas peuple.
Julian nous conte, par la voix de Adam Hazzard, l’épopée de Julian, qui de réprouvé, deviendra une figure politique de son temps. Et si Julian devient une figure emblématique de son siècle, ce n’est pas par hasard, mais bien grâce à son ami d’enfance dont le nom et prénom sont tous sauf un heureux hasard. Et si Adam nous parait naïf et ingénu, au fil du récit le lecteur comprend que cela est beaucoup plus complexe et peut être différent de ce qu'il veut nous faire croire. Au final, ce n'est pas l'épopée de Julian dont il s'agit, mais bien le récit de la vie d'Adam.
Robert Charles Wilson, c'est avant tout une ballade avec des personnages qui nous sont proches, nos amis tant ses personnages sont caractérisés. Ils sont tous attachants, que ce soit Lymon Pugh, soldat relevant de l'imagerie de la brute épaisse qui se révélera profondément humain, Calyxa qui ne s’abaisse pas devant les puissants (Ah La réception dans le palais présidentiel). et Sam le précepteur loyal. Le personnage de Julian reste celui le plus flou : on distingue bien ses évolutions, mais on a du mal à le juger définitivement, tout est dans sa complexité psychologique : "Parfois il porte la couronne, a fait un jour remarquer Magnus Stepney, et parfois, grâce à Dieu, il enlève cette saloperie de sa tête."
Robert Charles Wilson, c'est avant tout une ballade avec des personnages qui nous sont proches, nos amis tant ses personnages sont caractérisés. Ils sont tous attachants, que ce soit Lymon Pugh, soldat relevant de l'imagerie de la brute épaisse qui se révélera profondément humain, Calyxa qui ne s’abaisse pas devant les puissants (Ah La réception dans le palais présidentiel). et Sam le précepteur loyal. Le personnage de Julian reste celui le plus flou : on distingue bien ses évolutions, mais on a du mal à le juger définitivement, tout est dans sa complexité psychologique : "Parfois il porte la couronne, a fait un jour remarquer Magnus Stepney, et parfois, grâce à Dieu, il enlève cette saloperie de sa tête."
Pour écrire un bon roman d’après Charles Custis Easton, auteur de roman
populaire dont Adam est un fervent lecteur et voit le monde d’après ses
écrits, il faut « Trois actes... des chansons dont on n’a aucun mal à se
souvenir... des femmes attirantes... des pirates... une bataille
navale... un méchant ignoble... un duel d’honneur... » ainsi qu’une
pieuvre. Pour éviter tout malentendu avant que vous vous plonger dans cette histoire, j'aimerai
préciser que "Il n’y a pas de Pieuvre dans le livre" ni sur la
couverture, les pirates sont à la portion congrue, le texte comporte
cinq actes ! Reste cependant la présence d'une girafe comme lot de
consolation et une bataille navale.
Les thématiques abordées sont les mêmes que celles qui parcourt l'oeuvre de RCW : Science, Religion, Pouvoir. Ce dernier est même défini dans le roman : "D’après ce que j’ai vu, c’est le même genre de métier que surveillant dans une usine d’emballage de viande : ça récompense la dureté et ça tue la bonté qu’on pourrait avoir en soi."
C'est aussi et surtout un roman anti-religion, car, au delà du pur asservissement des masses, elle est celle qui empêche le progrès, l'évolution de la société. Julian, c'est le combat dramatique face à l'obscurantisme et une interrogation sur le sens donné à l'histoire.
C'est aussi et surtout un roman anti-religion, car, au delà du pur asservissement des masses, elle est celle qui empêche le progrès, l'évolution de la société. Julian, c'est le combat dramatique face à l'obscurantisme et une interrogation sur le sens donné à l'histoire.
L’histoire du monde est écrite dans le sable et évolue avec le souffle du vent
Par contre, ceux d'entre vous qui voudrait lire ce texte pour l'anticipation risquent une vive déconvenue. C'est le défaut le plus important de Julian pour l'amateur de SFFF. La science fiction n'est ici qu'un prétexte, nous sommes face à un roman d'aventure historique qui prend son temps, malgré quelques scènes d'action, pour nous plonger dans ce futur qui ne pourrait être qu'un perpétuel retour en arrière si nous n'y prenons pas garde.
Malgré ses 800 pages, nous sommes attristé que le livre n'en comporte pas plus, car cela reste un très très bon moment de lecture, car comme tout bon livre de SF, il interroge le présent, et c'est un roman qui ne manque pas de spectacle et de réflexion.
Challenge Lunes d'encre |
Quelques citations :
J’imagine que le Dominion va durer encore un peu. Mais il est condamné à long terme, vous savez. De telles institutions ne durent jamais. Voyez dans l’histoire : il y a eu mille Dominions. Soit ils s’effondrent et sont oubliés, soit ils changent du tout au tout.
On ne pouvait prédire l’évolution, avait coutume de me dire Julian, c’est un coup tiré au hasard, sans viser. On ne pouvait peut-être pas savoir ce qu’on devenait.
Par ce matin de la Noël, nous avons donc quitté les ruines dans lesquelles les Dépoteurs avaient découvert Histoire de l’Humanité dans l’Espace, que j’avais fourré dans ma sacoche comme un souvenir nomade. Un maelström d’idées et d’appréhensions s’agitait sous mon crâne, mais je me suis rappelé ce que Julian m’avait raconté sur l’ADN, à un moment qui semblait désormais remonter à une éternité, et sur la manière dont il aspirait à la reproduction parfaite, mais progressait en se souvenant imparfaitement de lui-même. Je me suis dit que c’était peut-être vrai, car nos vies étaient ainsi... tout comme le temps lui-même, chaque instant mourant et plein de son propre reflet déformé. C’était la Noël, que Julian affirmait être une ancienne fête païenne dédiée à Sol Invictus ou quelque autre dieu romain, mais ayant évolué pour devenir la célébration que nous connaissions bien à présent, ce qui ne nous la rendait pas moins précieuse pour autant
« Je crois en toutes sortes de choses, même si je ne les comprends pas forcément. Je crois à la lune et aux étoiles, pourtant je ne peux pas te dire de quoi elles sont faites ni d’où elles viennent. J’imagine que Dieu appartient à cette catégorie... assez réel pour être ressenti de temps en temps, mais mystérieux par Sa nature, et souvent déroutant.
— C’est une réponse subtile.
— J’aimerais en avoir une meilleure.
— Et le Paradis, alors ? Tu penses que nous allons au Paradis une fois morts ?
— On considère en général que le Paradis a des conditions d’admission très strictes, même si les religions n’arrivent jamais à se mettre d’accord sur les détails. Je n’en sais rien. C’est comme la Chine, je suppose : un endroit que tout le monde reconnaît comme réel, mais dans lequel presque personne ne va.
— Il y a des Chinois à New York, ai-je répliqué. Et beaucoup d’Égyptiens, d’ailleurs.
— Mais très peu d’anges, j’imagine.
— Presque aucun.
À la base, Adam, la Théorie des Jeux suggère que les êtres humains ont le choix entre deux comportements. Celui d’une personne fiable qui fait confiance aux autres, ou celui d’une personne indigne de confiance qui agit dans son propre intérêt. La personne fiable conclut un marché et l’honore, la malhonnête passe le même marché mais décampe avec l’argent. La Conscience nous dit : “Sois la personne fiable.” C’est beaucoup demander, car celle-ci est souvent trompée et exploitée tandis que la personne malhonnête occupe souvent trône ou chaire et se vautre dans ses richesses. Mais la personne indigne de confiance, si nous l’imitions tous, nous précipiterait dans un éternel enfer de prédation mutuelle tandis que la personne fiable, si son comportement se généralisait, nous ouvrirait les portes du Paradis. Voilà en quoi consiste le Paradis, Adam, s’il consiste en quelque chose... c’est un endroit où on peut sans hésiter faire confiance aux autres et où les autres peuvent avoir confiance en vous.
J’appelle cela le paradoxe du monothéisme. Compare un chrétien avec un païen adorateur de la nature : si le champ de maïs du païen est ravagé par une tempête, il peut le reprocher au dieu du cyclone, et si le temps est bon il en remercie mère soleil ou quelque chose du même genre ; tout cela, bien que dépourvu de bon sens, suit une certaine logique grossière. Mais avec l’invention du monothéisme, une seule divinité est obligée d’assumer la responsabilité de toute joie et tragédie contradictoire qui se présente. Il lui faut être à la fois le dieu de la tempête et celui de la brise agréable, jouer un rôle dans le moindre acte d’amour ou de violence, dans la moindre naissance bienvenue et le moindre décès prématuré.
Qu’est-ce que le monde moderne, a un jour demandé Julian, sinon un grand cimetière reconquis par la nature ? Chacun de nos pas résonnait dans les crânes de nos ancêtres, et j’ai eu l’impression de marcher non sur de la terre, mais sur des siècles
On m’a souvent demandé si Julian était athée ou agnostique quand j’ai fait sa connaissance.
Je ne suis pas Philosophe, encore moins Théologien, et je ne comprends pas la distinction entre ces deux sortes de mécréants. Pour autant que j’en aie une représentation mentale, je m’imagine l’agnostique comme un homme modeste qui refuse poliment de s’agenouiller devant des dieux ou des icônes en qui il n’a pas toute confiance, tandis que l’athée, bien que mû par les mêmes principes, en approche muni d’un marteau.
Mais tu es un Philosophe ! s’est à un moment exclamé Julian. Puisque tu exclus les êtres surnaturels, il s’agit de Philosophie et non de Religion... et tu le sais aussi bien que moi !
— J’imagine que c’en est, oui, d’un certain point de vue, a concédé Stepney. Sauf qu’il n’y a pas d’argent dans la Philosophie, Julian. La Religion fait une profession bien plus lucrative.
Une girafe comme lot de consolation, cela me va parfaitement. Je ne suis pas amatrice de la pieuvre (ou la séche d'ailleurs) dans la littérature. Si les 800 pages sont trop courtes, j'ai envie de te dire, où est-ce que je signe!!!
RépondreSupprimerMême si question SFFF cela reste léger.
Je suis ravie d'avoir ton retour, car je l'ai depuis un moment dans ma PAL, et le volume m'intimidait un peu. Je suis rassurée! Merci, ta critique a vraiment du chien! ;-)
Je ne me fais pas trop de doute sur la bonne réception de ce livre après ta lecture. Les 800 pages peuvent paraitre impressionnante, surtout en papier, mais j'ai du le lire en 3-4 jours.
SupprimerDe l'aventure et de la réflexion pour te transporter dans ce futur du passé.
Vraiment pas un bon souvenir de ce livre. Trop long, trop lent, pas mal de répétition, le même schéma à l'infini... une des rares déception dans l'oeuvre de Wilson.
RépondreSupprimerIl faut bien un livre que l'on n'apprécie moins. La touche SF est vraiment manquante, il y avait moyen de faire quelquechose d'après le pitch. Mais ce n'était pas ce que voulait l'auteur.
SupprimerIl ma fait envie depuis longtemps celui-là !
RépondreSupprimerSi tu n'es pas allergique au romans no-SF, tu devrais apprécier
SupprimerJulian: Du très bon RCW . Belle chronique. Bravo à vous.
RépondreSupprimer