Way Inn


Will Wiles, 2018, La Volte, 300p., 11€ epub sans DRM


Excursion topologique dans les congrès et hôtels pour cols blancs. Attention à ce ce qui pourrait se cacher derrière le règne de l'apparence.


Présentation de l'éditeur :


Il a la tête de l’emploi et le nom de son métier : Double. Neil Double.
Agent anonyme chargé de remplacer les hommes d’affaires lors de salons auxquels personne ne souhaite se rendre, ce professionnel de la doublure passe sa vie entre hôtels de chaînes internationales et conventions en tous genres, logé de chambre en chambre au gré de ses déplacements. Et il aime ça. Une petite routine sans histoires où les draps sont propres et sans pli, où les savonnettes sont livrées sous emballage plastique sur le rebord de la baignoire et où le sourire ultra-bright des employés accompagne chaque service commandé en temps et heure. Dans ce schéma policé, Neil Double n’a à s’occuper de rien en dehors de son travail, dans les méga-centres de congrès. Il ne s’en plaint pas, car les nombreux avantages qu’il retire de la situation le satisfont au mieux. D’ailleurs, il aurait pu continuer longtemps ainsi, à profiter d’aventures sans lendemain, des serviettes chaudes et repassées et de petits-déjeuners continentaux passés à bavarder avec ceux qui le prennent pour un confrère ou un concurrent sur les salons. Oui, il aurait pu, lui qui ne commet jamais d’impair.
Mais il faut qu’un grain de sel, fatalement, enraye un jour cette mécanique trop bien réglée.
Expulsé du congrès des organisateurs de congrès, Neil Double deviendra la cible de la machinerie administrative et sera précipité dans un broyeur aux accents kafkaïens. Victime à son insu, tel le protagoniste de Brazil, il ne pourra plus ignorer le labyrinthe de l’hôtel qui s’étend au-delà du réel ni ses inquiétantes énigmes…

Mon ressenti :


Le travail de Neil Double ? Vous remplacez - si vous êtes un CSP++ - lors de congrès ennuyeux. Lui, l'ennuie des chambres d'hôtels sans âme, la nourriture standardisée, l'échange de carte de visite, les bars d'hôtels le soir, les aventures d'une nuit il adore cela.

Moquette café au lait, bureau avec siège en acier et osier, écran plat au mur et, bien sûr, peinture abstraite insipide. Comme toutes les autres chambres d'hôtel que j'avais connues: neutre, familière, évasive, inscrite dans aucun style et dans aucune culture. J'avais lu que les palettes de couleurs des grandes chaînes hôtelières étaient pensées pour la lumière artificielle, car on savait que les clients ne  verraient guère leur chambre qu'à la nuit tombée. Le même principe devait s'appliquer aux tableaux sur les murs - et je repensai alors à la femme du bar, à ce qu'elle avait dit à propos des tableaux. Le bourdonnement indistinct semblait être un peu plus fort à présent; ce devait être la clim, ou le minibar sous le bureau. C'était un son doux, presque apaisant, signe que j'étais entouré de systèmes perfectionnés qui assuraient mon confort.
Il aime particulièrement une chaine d'hôtel : Way Inn, dont il a la carte de membre Premium. Toujours accolé à un centre de congrès pour plus de commodités. Seule petite ombre au tableau, il n'aime pas trop la foultitude de costumes cravate qu'il doit côtoyer. Mais bon, chaque boulot a ses inconvénients, vite relégué en arrière plan grâce au doux cadre de vie de l'hôtel, de son mini bar, de sa clim et de ses douches brulantes.
Je compris que la raison pour laquelle j'avais du mal à nouer des liens avec les gens que je voyais tous les jours, c'était que je me reconnaissais pas en eux.

Mais la vie est parfois taquine, et ce quotidien va être bouleversé par la rencontre d'une jeune femme dont la lubie est de prendre en photo les peintures ornant ces hôtels, peintes au kilomètre pour remplir les murs de tous ces Way In  dans le monde. Il y a aussi cette carte d'accès à sa chambre qui refuse obstinément de lui ouvrir sa porte... Alors qu'il assistait au Congrès des organisateurs de congrès, le nec plus ultra des congrès, son quotidien rassurant se lézarde.

Way Inn, c'est trois livres en un : C'est d'abord une critique de l'uniformisation de la mondialisation, des cols blancs, de l'architecture des grands pôles d'activités, de l'apparence. C'est aussi un livre kafkaïen et un livre fantastique horrifique.Les trois genres s'imbriquent parfaitement ensemble, avec pour point commun ce Neil Double assez insipide, fantôme parmi les autres dont rien ne démarque du lot commun. Le conformisme avant tout.
La critique passe bien, l'auteur utilisant régulièrement l'ironie, le second degré et aussi quelquefois quelques touches d'humour.
La mise en place est un peu longue, mais permet de mieux prendre connaissance de notre Monsieur Double et une fois que la machine se grippe, les pages se tournent à vitesse grand V.
Jouant sur l'apparence, la réalité et sa perception, c'est un roman légèrement priestien. Ce n'est pas un hasard si Christopher Priest ne tarit pas d'éloges sur ce texte.
J'avais aussi parfois l'impression de me retrouver dans un hôtel chez King, la mondialisation et les costume cravate prenant la place de la folie d'un Jack Torrance.

Une belle découverte aux frontières des genres.


Lu dans le cadre d'une opération Masse critique Babelio.

TmbM a aimé 200 pages sur les 300


13 commentaires:

  1. J'étais presque tenté, cherchant déjà à faire un rapproché tordu avec le film "In the air", et puis tu t'es mis à parler de "fantastique horrifique" et à citer Priest et surtout King. =(

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    1. King est plus là en tant qu’atmosphère et rapprochement tordu entre hôtels célèbres de la littérature.
      Par contre pour Priest et le fantastique, je ne peux rien faire à part arracher des pages.
      Pas vu "In the air", c'est bien ?

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    2. Je passe sans regret alors. ^^
      J'ai bien aimé "In the air" personnellement. Sous des airs - huhu - de comédie dramatique/romantique un peu bateau à première vue, il y a finalement quelques surprises. Ce n'est certainement pas un grand film, mais ça reste un bon moment. Et puis, il y a George Clooney, ça fait déjà le boulot. =P

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    3. Je note donc pour un soir où j'ai envie de légèreté. Merci

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  2. Ah, là, je crains que cle ne soit pas pour moi. AUx limites des genres... et de mes goûts.
    Merci

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  3. Réponses
    1. Alors tente.
      En outre je suis curieux d'avoir d'autres avis, il n'y a pas l'air d'avoir beaucoup de retour dessus.

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  4. Tentant mais le côté fantastique horrifique me rebute un peu...

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    1. Le horrifique est très peu présent. Pour le fantastique, à la limite on pourrait parler de SF, mais au vue de ta sensibilité, tu le rangeras aussi comme moi.

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    2. Ok. On va attendre autre chose...

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  5. Comme le lutin, je ne pense pas que cela sera pour moi, désolée!

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    1. Je ne force personne, et au vue de tes lectures, je comprends.

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