Un paysage du temps



Gregory Benford, Folio SF, 2001 (parution originale 1980), 640 p, épuisé


La recherche scientifique, pas très sexy comme sujet !
Détrompez vous, Gregory Benford en tire un thriller solide et haletant,
Et s'offre même le luxe de vous faire voyager dans le temps.

Présentation de l'éditeur :


1998. Victime de ses excès, l'humanité est au bord du gouffre : une pollution chimique a déclenché dans l'océan Atlantique un processus de mutation du milieu marin mettant en péril l'écologie du globe. A l'université de Cambridge, des chercheurs pensent avoir trouvé le moyen de communiquer avec le passé pour mettre en garde leurs prédécesseurs...
1963. En Californie, Gordon Bernstein voit son expérience sur la résonance nucléaire perturbée par des parasites qui ressemblent fort à des messages venus d'ailleurs...


Mon ressenti :


Voilà, c'est fait, l'effondrement écologique a eu lieu, l'homme n'a pas su adapté son mode de vie, la terre se venge. Que faire, alors ? Ne rien faire serait le mieux. Et un scientifique pourrait avoir trouvé la solution par le biais de l'envoi de messages dans le passé pour que d'autres prennent la mesure du drame écologique et agissent. A notre place ?

Il se rencogna dans son siège et regarda les vastes étendues du Canada qui défilaient sous l’avion. Oui, c’était peut-être bien cela. Depuis quelques décennies, le monde tel que le dépeignaient les scientifiques était de plus en plus étrange, distant, incroyable. Il était donc tellement plus facile de l’ignorer plutôt que d’essayer de le comprendre. Les choses devenaient trop complexes. Pourquoi s’en faire ? Mets donc la télé, chérie. Oui, c’était ça…


L'occasion de se balader entre le temps présent, 1998, le roman étant sorti en 1980, et l'année 1962. Deux laboratoires à quelques décennies d'écarts, un duo de scientifiques et les tachyons comme lien. Le tachyon est une particule qui a comme principal caractéristique de voyager plus vite que la lumière. Et comme elle va plus vite, elle peut donc remonter le temps !
Ici, le voyage dans le temps ne ressemble guère au lot commun des parutions, nous sommes dans le voyage dans le temps de la recherche scientifique. Même si le paradoxe du grand-père sera de la partie, donner les numéros du loto à son grand père n'est pas le propos, qui est plus une interrogation sur le Temps.

En 1998, l'équipe scientifique se demande si l'expérience a réussi, mais comment le savoir ? Si le passé reçoit les messages, et réussissent à modifier leur présent, pourquoi n'y a-t-il pas de changements visibles ? Ou bien les changements ont eu lieu, le monde va mieux par rapport à ce qu'il aurait pu être ? Ou il existe des mondes parallèles ?
L'équipe de 1962, elle, voit une de ses expériences produire des résultats très étranges. Quelles sont ces interférences ponctuelles ? Devant l’énormité de la possibilité que ce soit des messages du futur, comment prendre ce problème au regard de la méthode scientifique ?

Shriffer se trouvait maintenant au centre d’un groupe d’admirateurs. La science, de façon étrange, était depuis quelque temps touchée par le concept de célébrité. Une apparition au Johnny Carson Show impressionnait plus la F.N.S. que la publication d’une série d’articles brillants dans la Physical Review.


Un roman assez austère, pas d'action, pas de cliffhanger, mais il a réussi à maintenir mon intérêt tout au long de ses 640 pages. Je ne suis pas scientifique, et être dans la peau d'une blouse blanche, vivre ses échecs, ses succès, voire deux époques différentes mais les mêmes difficultés : trouver de l'argent pour continuer les recherches, valider ses résultats, aussi étranges soient-ils par ses pairs, et composer avec le politique s'est trouvé assez haletant.
Je n’aurais jamais cru qu’un auteur puisse, sur ce sujet pas très sexy de la recherche scientifique, composer un roman hard SF plausible, ardu par moment, mais prenant.
Le romanesque ne l’emporte jamais sur la réalité scientifique. De l’explication du désastre écologique, en passant par les tachyons ou sur le temps, tout est valable par rapport aux connaissances de l’époque. 

Il se pencha un peu plus en avant, captivé malgré ses doutes. Il était séduit par cette façon qu’avaient les scientifiques de résoudre les problèmes comme autant d’expériences intellectuelles, d’édifier un monde sûr et propre. Les conflits sociaux étaient toujours plus embrouillés et frustrants. Ce qui expliquait sans doute qu’on ne leur trouvait jamais de solution satisfaisante.



Seul bémol, l'auteur n'hésite pas à nous faire vivre la vie privée de ses personnages, de nous faire entrer dans leur famille. Cela renforce la psychologie des personnages, montre leur difficulté à comprendre le monde où ils vivent, en comparaison à leur travail vu par l’œil de la science, méthodique, rationnel. Mais l'intérêt est assez limité en comparaison des enjeux scientifiques.






Quelques citations :





Sur la porte d’un agent de presse, les informations à la craie lui apprirent que le supplément littéraire du Times venait de couler, ce qui était une nouvelle à peine moins intéressante que la dernière production de bananes à Bornéo. Les grands titres ne donnaient aucune raison mais Renfrew avait tendance à penser que la raréfaction des bons livres, plus encore que les conditions financières, était à l’origine du naufrage du journal.

Nous avons fait appel aux savants les plus éminents et nous leur avons demandé de choisir les domaines les plus prometteurs. Nous leur avons apporté notre soutien tout en nous coupant des autres pour “concentrer nos efforts” comme l’on dit… Mais, malheureusement, la vraie diversité des sciences vient d’en bas, et non de tel ou tel responsable au sommet. Nous avons rétréci le champ de la recherche scientifique à tel point que l’on ne se consacre plus qu’aux problèmes officiels, à la pensée la plus conventionnelle. Par souci d’économie, nous avons muselé l’imagination et l’invention.

Quand il était enfant, Peterson suivait les émissions de la National Géographic à la télévision. Ces animaux d’Afrique presque mythiques étaient un peu comme des amis lointains, pour lui. Les lions énormes et paresseux, les girafes qui semblaient des piquets mouvants à l’horizon du monde. Il en rêvait avec affection et fascination. À présent, ils avaient presque tous disparu. C’était en Afrique qu’il avait appris cette première et grande leçon. Bientôt, il ne resterait plus à la surface de cette planète que des animaux domestiques. Quand toutes les grandes espèces sauvages se seraient éteintes, l’homme demeurerait seul. Avec les rats et les cafards. Ou pis encore : seul avec lui-même. Cette éventualité aussi floue qu’angoissante n’avait pas trop préoccupé les futurologues. Ils avaient jacassé durant des jours, comparant des montagnes de beurre à des déserts stériles, échafaudant des recettes définitives pour en finir avec la misère et la famine. Leurs théories étaient tellement plus séduisantes que ce pauvre monde.


14 commentaires:

  1. Il est toujours très austère Gregory Benford, voire rêche. Mais je vais quand même me le noter dans un coin celui-là.

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    1. Première incursion chez cet auteur, mais j'airai jeter un oeil à sa bibliographie.
      Ce roman devrait te plaire, vu que tu aimes la science et la hard SF

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  2. "Solide et haletant", une "humanité au bord du gouffre" et un voyage dans le temps en prime ? Hop, sur ma liste !

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    1. Deux commentaires et deux personnes qui veulent le découvrir, je sors la bouteille de champagne.

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  3. Ah, le mot maléfique, "hard-SF". N'empêche que c'est étonnant, j'aurais presque été curieux de savoir comment on arrive à être haletant sur ce sujet sur 600 pages, ça a l'air d'une vraie performance.

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    1. C'est de la Hard SF de mémé aussi, sinon, je n'aurais pas réussi à le terminer.
      C'est surtout pour son regard sur la recherche scientifique qui est minutieusement décrit, ainsi que quelques passages sur les tachyons.

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  4. POUR MOI BENFORD FAIT PARTIE DE LA MAGIE D UNE HARD SF QUI PARAISSAIT EN PRESENCE DU FUTUR A RELIRE DANS L OCEAN DE LA NUIT A TRAVERS LA MER DES SOLEILS SON TOUT LA SAGA DU CENTRE GALACTIQUE EN 5 VOLUMES
    J AI AIME CET AUTEUR
    JP FREY

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    1. Je remarque que tu aimes, tu le cries très fort !
      Je pense continuer ma découverte de l'auteur

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  5. la seule fois de ma vie où j' ai essayé de lire de la hard science, jamais je ne me suis autant ennuyé devant un livre de science fiction, depuis je fuis la hard science

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    1. Comme je le dis plus haut, je ne suis pas un grand fan de ce genre. Ici, c'est assez léger pour être digeste pour les non scientifiques.
      Si le sujet t'intéresse, sa lecture se tente.

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  6. J'ai un très bon souvenir de ce bouquin qui reste le meilleur de l'auteur. La Sphère aussi m'avait bien plu.
    Il faut essayer le cycle du centre galactique surtout les deux premiers, après ca part un peu en sucette.

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  7. Intriguant. Si je le croise, je me laisserais peut-être tenter maintenant que je sais de quoi il parle ^^

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    1. Cela nous change des voyages dans le temps traditionnels.

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