Le libraire invisible : entretien exclusif



Les libraires sont des gens merveilleux ? Pas tous, pas tous...


Lors de mon achat de Rétrofictions juste après le déconfinement, je m'étais mis d'accord avec ce libraire pour faire un entretien sur mon blog, en lui signifiant que des questions pouvaient être franches du collier. Mais pas de soucis, le sieur était OK. Enfin, tout cela était avant l'encaissement des 115 € d’achat...
Je prépare donc mes questions durant 3 semaines et lui transmet par mail. Pas de réponses de sa part, même pour me confirmer la bonne réception du mail. Je le recontacte une semaine plus tard via sa messagerie Facebook, le message est vu, mais toujours pas de réponse. Un mois plus tard, je vois paraître un autre entretien avec des questions assez similaires mais en version policée.
Je retente un contact pour lui dire que j'ai été ravi de faire sa connaissance, et là, enfin, un retour. Je vous fais l'économie des raisons foireuses, mais parmi elle, je lis 

les demandes auxquelles nous répondons vont dans le sens d'une valorisation du métier du livre et du domaine de l'imaginaire, ce qui ne semble pas vraiment être le but de votre article

Et il me donne une fin de non recevoir.
Qu'il ne veule plus, pas faire l'entretien, je peux le comprendre aisément, mais pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour me le signifier ?

Ayant pas mal travailler dessus, je trouve cela trop bête de ne pas vous le montrer, et voulant avoir votre avis sur le pourquoi de sa réponse.

Voici donc un entretien spécial avec le libraire invisible.


Edit : un libraire a bien voulu se prendre au jeu, ses réponses ici :
Les coulisses du libraire : Benjamin, smicard mais passionné


Alors, qu'est ce qui lui a fait peur d'après vous ?
(Et si un libraire se trouve parmi les lecteurs de ce billet, qu'il n'hésite pas à répondre, je serais ravi de connaitre certaines réponses)
J'ai volontairement anonymisé les lieux, le but n'étant pas d’exercer une basse vengeance mais bien de comprendre.



Ville X, 40000 habitants, une ville entourée de champs : deux librairies généralistes, avec chacune leur rayon imaginaire, une librairie spécialisée en Bande dessinée et une de genre, la tienne. Ça ne fait pas un peu beaucoup ?


Pourquoi avoir voulu ouvrir à Ville X, plutôt que dans une ville plus grande comme Z ou Y ?


Pourquoi ce nom de boutique ?

Cela fait bientôt deux ans que tu as ouvert, quel bilan en tires tu ? Y a-t-il une évolution entre ce que tu pensais faire et ce que tu fais aujourd'hui?

La clientèle a-t-elle évolué. Et qu’elle est-elle ? Des jeunes boutonneux jouant à des jeux de rôles tout en regardant des films de SF au cinéma ? Des anciens boutonneux bedonnants jouant à des jeux de rôles tout en regardant des films de SF au cinéma ?

Fantasy et fantastique me semble plus présents dans ta boutique que la science-fiction. Un fait des lecteurs du coin qui préfèrent lire de la merde plutôt que la vraie littérature, la SF ?


La SFFF fait partie des mauvais genres, à quoi cela est dû et penses-tu que cela peut évoluer.

Tu vends des livres sur les jeux de rôles, et organisent régulièrement des séances. Tentative d’élargir ta palette de vente, demande ou envie personnelle ?

Pour beaucoup, le travail d'un libraire est de s'assoir et lire. Y a t-il du vrai. Quel est ton labeur quotidien ?

En partant du fait que la part du libraire est d’environ 35%-40% (Soit 7€ pour un livre de 20€), il faudrait vendre plus de 400 livres (20 par jour) pour dégager un chiffre d’affaire de 3000€, auquel il faut retirer les charges fixes (loyer, taxes, ...). J’imagine que le salaire ne doit pas être la motivation première. Comment un libraire peut s’en sortir ?


Pourrais-tu nous dire comment se fait la sélection de livres que tu as en stock. C'est toi qui choisit ou te met-on la lame sur le cou en t'obligeant à les écouler ? Quel est le rôle du diffuseur ? du commercial des maisons d’édition ?
J'entends parler d'office, de retours libraire. Peux-tu nous éclairer sur la réalité qui se cache derrière ces termes.

Livre électronique, impression à la demande, livre audio, abonnement illimité, … A mon sens, la route est tracée et si le scénario de l'industrie musicale se confirme, les librairies seront les prochains disquaires, nous irons leur rendre visite à la Toussaint dans une dizaine d'années. Je me doute que ton avis est différent, peux-tu nous en toucher un mot ? Est-ce que la dématérialisation croissante te donne des sueurs froides ?

La nouvelle marotte de bons nombres éditeurs SFFF est de faire des crowfunding. Autant d'argent pour les auteurs, illustrateurs et éditeurs, mais que dalle pour toi. Et tout ça sans aucun risque ! Pas mal de monde souhaite la mort du libraire on dirait !?

Tu es un libraire indépendant, la morale veut donc que j'achète chez toi plutôt que dans la grande distribution.
Je lis des éditeurs indépendants, le bon sens est de les soutenir en achetant directement chez eux. J'ai l'impression de vivre le syndrome d’aliénation parentale des enfants lors des séparations. Quel est, à ton sens, la bonne marche à suivre pour aider au mieux ?

Je lis exclusivement en numérique, je ne suis rentrée qu'une fois pour acheter Retrofictions. Pourquoi ne pas vendre de livres électronique ? Ou des livres d'occasions ?

Pour les bouquins que tu n'as pas en stock, tu peux les commander. Cependant, il faut environ une semaine pour le réceptionner, alors qu'Amazon me le dépose dans ma boite aux lettres le lendemain. En outre, j'ai l'impression que ces délais n'ont pas trop changé en 20 ans. Tu peux nous expliquer les dessous de cette histoire.

Chaque année se déroule à Ville X le festival blaba dédié à l’Imaginaire qui rameute pas mal de monde et dont tu participes. Est-ce que cela dope les ventes ?

Les prix littéraires en blanche font souvent s'affoler les chiffres de vente. Est-ce le cas des prix dans l'imaginaire ? Un événement comme les Utopiales, les Imaginales, les remises de prix ont-ils impact sur le nombre de ventes ?

J'ai remarqué que la collection Une Heure Lumière des éditions Le Bélial était bien mise en avant depuis fort longtemps. Ça cartonne ? Quels en sont les causes à ton avis ?

Difficile de ne pas évoquer l'actualité du moment avec la Covid. Comment as-tu vécu cette période et aura-t-elle un impact sur ta librairie ?


J’ai remarqué que tu étais en train de monter ton site internet de vente/réservation en ligne. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour le faire alors que, à mon avis, avoir un commerce sans vente en ligne est une ineptie de nos jours ?


Les maisons d'éditions ont toutes craché par terre en disant croix de bois croix de fer si j'mens j'vais en enfer, on va diminuer notre (sur)production pour préserver les libraires. Que penses-tu de ces promesses ?
Peux-tu nous toucher un mot sur cette surproduction qui a envahi nos genres ? A-t-elle un impact sur ton travail ? En quoi moins produire aide le libraire ?

Robert Charles Wilson (mon auteur fétiche) est-il le plus gros vendeur de livres de ta boutique ?

Ce serait trop bête d'avoir un libraire sous la main sans lui demander si il a quelques conseils de lecture à nous proposer dans les différents genres ?

Quels sont tes meilleures ventes ?

Je te laisse clore cet entretien sur les sujets que tu souhaites...

Et désormais, Amazon ou consorts auront ma préférence, dommage...

22 commentaires:

  1. J'achète sur Amazon depuis fort longtemps. Pour moi le libraire peut se différencier par un service premium par rapport à ce que je peux trouver en ligne, et à ce jour pour la SF je n'ai rien dans ma ville. Aucun regret. L'objectif quand même principal étant de rémunérer l'auteur et la maison d'édition. Je me fous qu'un libraire vienne prendre une comm entre les 2 (si c'est juste pour être "exposant" de livres, quel intérêt ?).
    C'est clairement un métier de niche qui risque de le devenir encore plus.

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    1. Comme j'ai eu la chance d'avoir une librairie SFFF pas trop loin, je me suis dis cool, mais au final...
      Pour ma part, lorsque j'achetais mes livres au format papier, je passais par un libraire généraliste, mais il fallait toujours commander et parfois cela n'arrivait jamais, alors au bout de quelques temps... Amazon. Donc je partage ton opinion sur ces quelques libraires commerçants avant tout.
      Maintenant que je lis en numérique, j'essaie de passer par le site de l'éditeur pour les indépendants, sinon, c'est sur 7switch

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  2. Rien ne m'a choqué. Après il peut y avoir moultes raisons mais le combo autruche+refus tardif était assez probant en soi.. Dommage ça aurait pu lui donner un coup de projecteur ! En tout cas la question du métier de libraire face à Amazon est intéressant. J'essaie de privilégier les sites d'editeurs mais c'est parfois un chemin de croix, quand tu vois la qualité du service fourni par Amazon..

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    1. N'ayant pas de liseuse Amazon, je n’achète jamais mais livres chez eux, trop de manipulation à faire. Mais je suis d'accord avec toi, pour ceux qui connaissent peu les possibilités technologiques, Amazon offre une simplicité extraordinaire.
      Il y a quelques tentatives de compte unifié à droite et à gauche, comme avec le réseau Axys qui permet un identifiant unique de commander chez plusieurs éditeurs (Réseau Axys :
      Éditions Dystopia, Éditions Scylla, Tous Lire, l'autre LIVRE, Librairie L'Atalante, Librairie Charybde, Le Bélial', Librairie du Voyageur, Librairie Scylla, Editions Velvet, Éditions ActuSF), mais cela reste trop limité.

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  3. Je ne note que deux questions vraiment un peu piquantes, c'était presque soft comme interview. C'est peut-être ça le vrai problème ?
    Dommage, il y aurait eu des réponses certainement intéressantes. Mais tu as un style déroutant, tu t'en doutes bien, bien que cela n'excuse pas l'attitude d'autruche...

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    1. Je suis d'accord, il faut d'abord me connaître pour m'apprécier à ma juste mesure...
      Comme tu le dis, je trouve cela frustrant car j'attendais certaines réponses avec beaucoup de curiosité. Espérons que ce n'est que partie remise et que je ferais un jour la connaissance d'un libraire moins à cheval sur le ton des questions. (et j’essaierai cette fois d'être moins commun ;p)

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  4. Quand je vois le nombre de questions, je comprends qu'il ait décidé de faire l'impasse. Serais-tu un Chien trop gourmand ?

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    1. Oui, j'avoue.
      Mais chaque question ouvre sur une autre, je suis faible...

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  5. Amazon vend des livres d'occasions et leurs retours en les faisant passer pour des livres neufs.

    Les éditeurs de livres numériques ont tous oubliés les notions de bases de la typographie (un espace quoi !? insécable o_O kksé ?!!?).

    Le libraire ne se donne pas trop de mal, et ne gagne pas non plus vraiment sa vie, mais in fine un commerçant est un commerçant, il réouvrira une boutique vendant de l’encens et de la figurine résine made in china, ça tiendra bien deux trois ans...

    Pas de problème nous sommes bien en France.

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    1. En France ou ailleurs...
      Même si je partage en partie ton avis, tous les libraires ne sont pas que des commerçants. Reste à les dénicher !
      Pour les epub, ce n'est toujours pas la priorité des éditeurs malheureusement. Mais quand on voit comment certains publient leur version papier..

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  6. Les librairies sont quand même des structures à taille humaine comparativement à Amazon.Peut être faudrait il privilégier l'humain de temps en temps.

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    1. Oui, mais Jeff Bezos doit aller sur Mars, cela coûte cher ;p.
      Blaque à part, je partage ton opinion, mais certains libraires donnent envie d'aller voir ailleurs malheureusement. Même si ils ne sont pas la majorité, lorsque l'on tombe sur des commerçants pur jus, cela plombe.

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  7. Je pense qu'il n'a simplement pas voulu prendre le temps de répondre. Les questions sont interressante et finalement s'il trouvait certains questions trop intrusive, il n'avait qu'à simplement le dire. Je bosse dans un espace culturel Leclerc et quoi qu'on en dise je suis autant libraire que quelqu'un travaillant dans une librairie indépendante ! Concernant Amazon, je trouve qu'ils font de la concurrence déloyale et je trouve ça Incroyable (et pas d'en le bon sens du terme) que sur les sites éditeur ou Facebook, les éditions renvoie a amazon pour commander leurs livres numériques ! Je suis d'accord avec Benjamin, libraire, c'est métier passion, on roule pas sur l'or, les journées sont longues et parfois la vie privée passe au second plan bec tout ce que l'on doit (et veut lire), mais quand on voit les clients repartir heureux de leur trouvaille ou qu'un habitué revient nous dire tout sourire qu'il a aimé le dernier livre conseiller, on se dit que tout ça vaut le coup.

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    1. Et je lui avais dit qu'il pouvait ne pas répondre à certaines questions. Mais peu importe, cela m'a permis de trouver Benjamin qui a bien su voir où je voulais en venir malgré la provoc.
      Je pense que l'on peut trouver de bons libraires dans n'importe quel lieu, grande surface ou non. L'important est de transmettre le goût de la lecture à tout public, peu importe les genres.

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  8. Huhu. J'essairai de penser à soumettre ces questions à mon homme demain, vu qu'il est libraire. C'est un peu long et la personne a peut-être trouvé que tu fais ton malin avec ton histoire de lecteurs qui lisent de la merde parce que la SF c'est mieux? Qui sait. Je sais que je n'aime pas les gens cinglants, moi – d'ailleurs, il est fort étonnant que j'apprécie ton blog, si tu veux tout savoir; tu détonnes totalement chez les gens que je lis. :D Mais enfin bref l'interview pouvait être valorisante dans la manière d'y répondre, il pouvait aboyer un coup aussi et ç'aurait été drôle. Ce n'est pas très pro comme comportement.
    Bon sinon pour rebondir sur Amazon, moi j'achète plein de livres chez mon libraire depuis le déconfinement juste pour le soutenir, je trouve qu'il n'y a pas photo sur le plaisir d'aller en librairie et celui de surfer sur un site de vente... Et concernant le bien général, je pense qu'il emploie plus de monde, toutes proportions gardées. :D

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    1. Pas de soucis, c'est bien d'avoir différents points de vue.
      Pour le ton, je fais donc partie de l’exception qui confirme la règle.
      Et comme tu as pu le voir, un libraire a bien répondu aux questions provocs sans soucis, et son propos est très instructif sur la profession de libraire.
      Pour ma part, je lis en numérique, je fais mes choix derrière mon PC en suivant l'actualité et les blogueurs. Mais je n'achète jamais chez Amazon mes epubs, vu qu'ils n'ont pas ce format...
      Je suis d'accord avec toi, en terme d'emploi, le commerce de proximité, il n'y a que ça de vrai.

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  9. C'est bien dommage en tout cas qu'il n'ait pas souhaité répondre au final, mais comme Alys, il est possible que le ton de ton blog l'ait déstabilisé, va savoir ^^ Pour le coup Amazon je ne peux pas pour ma part, mais c'est dû à mon passé professionnel qui me fait privilégier des libraires indépendants, et c'est encore plus facile maintenant avec des plateformes comme Place des libraires.

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    1. Oui, des solutions existent désormais pour recevoir assez rapidement son livre. ET de toute manière, je pense que nous pouvons attendre quelques jours, ce n'est pas la fin du monde.

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  10. "Et désormais, Amazon ou consorts auront ma préférence, dommage..."
    Il ne faudra pas venir pleureur lorsque les commerces avec pignon sur rue auront disparu et qu'il n'y aura plus que des plates forme s logistiques entourant les immeubles d'habitation, avec les emplois qui vont avec.

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  11. Les questions du type "Fantasy et fantastique me semble plus présents dans ta boutique que la science-fiction. Un fait des lecteurs du coin qui préfèrent lire de la merde plutôt que la vraie littérature, la SF ?"

    "Des jeunes boutonneux jouant à des jeux de rôles tout en regardant des films de SF au cinéma ? Des anciens boutonneux bedonnants jouant à des jeux de rôles tout en regardant des films de SF au cinéma ?"

    "A mon sens, la route est tracée et si le scénario de l'industrie musicale se confirme, les librairies seront les prochains disquaires, nous irons leur rendre visite à la Toussaint dans une dizaine d'années. ?"

    "Pour beaucoup, le travail d'un libraire est de s'assoir et lire."

    Bonjour l'avalanche de clichés... Moi je comprends que ça puisse agacer quelqu'un d'un peu sensible sur le sujet.

    Je vois pas ce que ça changerait de modifier la 1ère question par exemple et simplement demander pourquoi il propose moins de SF.

    Et autre point :
    "Pour les bouquins que tu n'as pas en stock, tu peux les commander. Cependant, il faut environ une semaine pour le réceptionner, alors qu'Amazon me le dépose dans ma boite aux lettres le lendemain."
    Amazon le lendemain il me semble que c'est avec Prime qui n'est pas gratuit. Une librairie c'est souvent pas une semaine non plus.

    J'ai lu les quelques entretiens du site, les réponses sont intéressantes mais les questions pourraient être un peu plus adultes.

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    1. Je m'amuse des clichés, on les voit chaque jour sur les réseaux sociaux.
      Je donne l'occasion au libraire de se défendre de certaines représentations, mais je peux comprendre que cela déplaise.
      Les questions reflètent ma personnalité, donc pas sûr que je change à moins que la vieillesse ne m'assagisse un jour. Et reste le plus important, les réponses.
      En outre, nous avons tous déjà lu des entretiens de libraires auxquels on n'apprend rien, questions bateaux et réponses idoines.

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