La maison des derviches

Ian McDonald, Denoël Lunes d'encre, 2012, 544p., 10€ epub avec DRM


Prenez les locataires d’une maison des derviches, faites les tourner très vite et regarder ce qu’il en ressort. Dieu ?
A l’instar d’un Cédric Ferrand, Ian McDonald nous conte les tranches de vie de différents personnages dans une Istanbul futuriste assez proche de nous. Là où le premier s’arrête au quotidien, le second y insuffle une intrigue complexe et noueuse, faite de nanorobots, de bio-informatique, de traders, de djinns, de terrorisme, d’intégration européenne, d’homme mellifié et bien d’autres encore.

Présentation de l'éditeur :


Istanbul, avril 2027.
Sous une chaleur écrasante, la ville tentaculaire fête le cinquième anniversaire de l’entrée de la Turquie dans la Communauté européenne. Quinze ans plus tôt, Israël a frappé les sites nucléaires iraniens avec des missiles thermobariques, provoquant indirectement le pire choc pétrolier et gazier de l’Histoire.
Dans Istanbul en ébullition (l’air conditionné coûte trop cher, l’eau aussi), une bombe explose dans un tramway. Cet événement va bouleverser la vie des habitants de la maison des derviches de la place Adem-Dede : Necdet se met à voir des djinns, le jeune Can utilise son robot pour enquêter sur l’attentat non revendiqué, l’antiquaire Ayse accepte de rechercher un sarcophage légendaire, Leyla se voit chargée du marketing d’une nouvelle technologie révolutionnaire : le stockage bio-informatique.
C’est dans la maison des derviches que se joueront rien de moins que l’avenir de la Turquie et celui du monde tel que nous le connaissons.


Mon ressenti :



Une Istanbul à la croisée du passé et du futur, coincée entre tradition et modernité, à la lisière de l’Europe, du Moyen-Orient et des pays de l'Est. Société melting-pot mais pas à l'abri des représentations.
L'auteur nous plonge dans la géographie, l'histoire de cette ville réelle mais imaginée. Tous les détails nous la rendent concrète, proche.
Cette Turquie m’a fait penser à la société israélienne où les traditions religieuses diverses côtoient les entreprises de la haute technologie.

Pas de jugement ici, les personnages sont loin de tout manichéisme. Les islamistes valent, ou pas, ces petits vieux aux sombres secrets ou ces jeunes loups de la finance. Ni noir, ni blanc, ni gris, l'être humain dans toute sa complexité.

La vie de nombreux personnages est entrelacée dans une intrigue tortueuse à souhait.
Trop pour moi. L'auteur s'amuse à nous faire perdre pied car il n'indique pas quel personnage est le narrateur dans les différentes parties. A cela s'ajoute un va et vient entre passé et présent. J'ai trouvé que cette méthode complexifié de manière artificielle cette intrigue somme toute banale. Cette méthode m'a surtout sorti du récit.
Mais cela à l'air d'être aussi la marque de fabrique de l'auteur. Et son style m'a toujours laissé un peu perplexe. Dommage car les sujets traités sont intéressants.
Pour ceux qui ont aimé ces précédents livres, ils se retrouveront avec bonheur en Turquie.

Reste cependant un personnage principal magnifiquement dessiné : Istanbul.

Le format epub est toujours vérouillé, mais un Lunes d'encre à moins de 10 euros, c'est assez rare pour être souligné. Merci à l'édition poche.

Ils l'ont lu (et aimé) : Albedo, Apophis, Lecture42, Le maki qui lit



Challenge Lunes d'encre

Quelques citations :



— Les navires sont en pilotage automatique pendant toute la traversée du détroit, afin de prévenir les risques de collision, intervient une autre personne. Or, tout ce qui est informatique peut être piraté.
— Je crois avoir vu ça, murmure Emrah Beskardes à Georgios. Dans un très vieux film. Mais le cuisinier a redressé la situation. Il était très habile, avec ses couteaux. 


« Alors, que faites-vous ? »
Yasar et Aso se dévisagent.
« De la bio-informatique nucléique programmable.
— D’accord, répond Leyla Gültasli. Je pense que c’est l’instant idéal pour préciser que je n’ai pas la moindre idée de ce que ça signifie.
— Et également que vous n’êtes pas une véritable conseillère commerciale, ajoute Yasar. Désolé, mais tante Kevser m’a tout dit. »
Zeliha ricane à l’intérieur de son gobelet.
« Ce qui ne change rien au fait que nous avons besoin de vous, s’empresse de préciser Aso. Nous nous y connaissons autant en marketing que vous en bio-informatique nucléique programmable.
— Si ce n’est que pour pouvoir en vendre, je dois savoir à quoi ça correspond. »
Yasar et Aso échangent un autre regard. Ils font penser aux présentateurs d’une émission télévisée destinée à la jeunesse.
« Vous voyez, nous sommes petits, dit Yasar.
— Mais il y a plus petit que nous, précise Aso.
— Nous ne sommes pas de la microrobotique ni de l’intellisable.
— Nous ne sommes pas non plus de vrais nanos, et encore moins des femto. »
— Nous sommes entre les deux.
— Cellulaires.
— Une technologie qui s’apparente à la biologie.
— Une biologie qui devient technologique.
— La bio-informatique.— Arrêtez ! s’exclame Leyla Gültasli. Il est possible que je ne sois pas une véritable commerciale – pas encore, en tout cas –, mais je sais que si je débite des trucs pareils à un investisseur potentiel il me fera immédiatement mettre à la porte.

J’estime que les légendes devraient rester des légendes, faute de quoi elles deviennent simplement l’histoire alors que le cours naturel des choses va de l’histoire à la légende.

Ayse Erkoç a appris il y a longtemps que pour réussir quelque chose d’illicite à Istanbul il suffit de le faire en public, au vu et au su de tous. Nul ne met en question ce qui est manifeste. Mehmet et Ahmet sont les maîtres soufis du flagrant. Ils sont du genre à entrer dans votre bureau et embarquer votre ordinateur en vous disant qu’il a besoin d’une mise à jour dans le cadre de la garantie. Ils sont capables de vendre votre appartement alors que vous l’occupez toujours.

La loi de la rue ? Quand on est né dans cette rue, quand on a vécu dans cette rue, quand on a travaillé dans cette rue pendant cinquante ans, quand on a vu et qu’on se souvient de tous les changements qui se sont produits dans cette rue et cette ville, quand on connaît les noms écrits sur toutes les portes de toutes les maisons, quand on vient s’asseoir ici pour prendre son thé tous les matins que Dieu fait,alors, il est peut-être possible de parler de loi de la rue. Ils ne sont même pas d’ici, ils ne savent pas comment tout a toujours fonctionné, dans ce quartier ! Ses habitants n’ont jamais eu besoin de cadis, de tribunaux communautaires et de charia ! Ce qu’il faut, c’est connaître les gens, s’entretenir avec eux. Cette société est sensible à la honte. La honte est efficace. Pas la “loi de la rue”. C’est quoi ça, cette putain de loi de la rue ? Veuillez me pardonner, mon père. »

14 commentaires:

  1. Je viens de le commencer... j'ai l'impression que ça va me prendre un peu de temps ! lol

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    1. J'ai mis pas mal de temps à le lire, et c'est toujours mauvais signe.
      J'espère que pour toi les pages se tourneront vite.

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    2. Je l'ai mis de côté pour le moment, je n'arrive pas à me plonger dedans... :-/

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    3. Tu as bien fait, si ça ne passe pas dès le début, il ne faut pas insister et le garder au chaud pour plus tard.

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    4. Et voilà plus tard est arrivé et c'est vachement bien... ;-)

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    5. Une page par jour, c'est un bon rythme !

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  2. J'en garde un excellent souvenir. Avec beaucoup d'images de la ville ou de passages clés qui remontent. Vraiment kiffé.

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    1. Le style de l'auteur ne me convient pas. Je sais que c'est un bon roman, mais...

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  3. J'avais bien aimé. Surtout comme tu le soulignes ce portrait d'Istanbul.J'ai adoré l'ambiance rendue, les nanotechnologie et le jeu de "dominos"
    C'est vrai que parfois cela est un peu tortueux "artificiel" avec quelques longueurs, mais cette partie était compensée par la plongée dans le futur de cette ville.

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    1. L'auteur semble se documenter beaucoup pour ses romans, et en plus le rendu est fluide.
      Ian va continuer sa route de son côté, moi du mien, sans amertume ni reproches. Nous n'étions pas fait pour vivre ensemble, tout simplement.

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  4. J'avais adoré "Le fleuve des dieux". Ce roman y ressemble, en remplaçant l'Inde par la Turquie. Et comme je tiens l'auteur en haute estime, je pense que ça devrait passer pour moi. ;)

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    1. Si tu aimes le style de l'auteur, tu peux te jeter dessus sans hésitations.

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  5. Je suis d'accord sur le fait que l'intrigue est simple, mais elle est tellement bien amenée et "enrobée" qu'on en oublie presque les enjeux. J'aime le style et la lenteur du livre, mais je comprend que ça puisse être un frein !

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    1. L'auteur a un style bien particulier et je n'aime pas trop les intrigues à la narration alambiquée. Gout personnel...
      Mais je ne peux pas dire que c'est un mauvais livre, juste un roman qui n'est pas pour moi.

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