12-21
China Mieville
DRM
Fleuve Éditions
Locus
Roman
Legationville
China Mieville, Pocket (Fleuve éditions), 2015 (parution originale : 2012), 496 p., 16€ epub avec DRM
Le mot doit communiquer quelque chose
(en dehors de lui-même)
(en dehors de lui-même)
Walter Benjamin – Sur le langage en général
et sur le langage humain
et sur le langage humain
Légationville ou l'Apocalypse selon Mieville.
Sur Ariéka, planète à l’air irrespirable aux confins du monde connu, Légationville est un comptoir commercial et une enclave humaine alimentée en oxygène. Ici, les Ariékans, appelés les Hôtes, et les Humains cohabitent en paix.
Pourtant, la communication entre eux est délicate : les Ariékans, bien que parlant par deux bouches, ne connaissent qu’un niveau de langage ; le mensonge leur est inconcevable et toute forme de métaphore, inintelligible.
Seuls les Légats, paire de clones humains élevés et appareillés en symbiose, peuvent échanger avec les Hôtes. Et un Légat improbable vient d’arriver en ville, chargé d’imposer les nouveaux plans du Brémen.
Par tous les moyens.
China Mieville se lance dans le planet-opéra, avec un soupçon de space-opera et de roman apocalyptique, le tout agrémenté de hard SF, du moins dans sa composante "science molle".
Autant vous le dire de suite, ce n'est pas le genre de roman qu'on lit à la plage ou après une dure journée de labeur.
China Mieville a des multitudes d'idées, de l'intelligence à revendre (et de gros muscles aussi, je vous l'accorde) et il nous le démontre ici. Trop ?
Présentation de l'éditeur :
Sur Ariéka, planète à l’air irrespirable aux confins du monde connu, Légationville est un comptoir commercial et une enclave humaine alimentée en oxygène. Ici, les Ariékans, appelés les Hôtes, et les Humains cohabitent en paix.
Pourtant, la communication entre eux est délicate : les Ariékans, bien que parlant par deux bouches, ne connaissent qu’un niveau de langage ; le mensonge leur est inconcevable et toute forme de métaphore, inintelligible.
Seuls les Légats, paire de clones humains élevés et appareillés en symbiose, peuvent échanger avec les Hôtes. Et un Légat improbable vient d’arriver en ville, chargé d’imposer les nouveaux plans du Brémen.
Par tous les moyens.
Mon ressenti :
China Mieville se lance dans le planet-opéra, avec un soupçon de space-opera et de roman apocalyptique, le tout agrémenté de hard SF, du moins dans sa composante "science molle".
Autant vous le dire de suite, ce n'est pas le genre de roman qu'on lit à la plage ou après une dure journée de labeur.
China Mieville a des multitudes d'idées, de l'intelligence à revendre (et de gros muscles aussi, je vous l'accorde) et il nous le démontre ici. Trop ?
Une planète Ariéka peuplée par de gentils et intelligents Ariékans, les Hôtes, qui ont bien voulu prêter un bout de leur territoire aux post-humains. Particularité de ces Hôtes, ils sont très différents de tout ce que la post humanité connait comme différents types d'extraterrestres. Des corps changeants, fluctuant avec des ailes : l'une pour l'ouîe, l'autre pour le toucher, deux bouches pour parler un langage non symbolique. Donc, pas de rayon imaginaire dans leurs librairies ! (Je vous parler récemment de l'Appel de l'imaginaire, ici le problème est réglé).
Des centaines d'années à essayer de les comprendre et de communiquer avec eux. Comme toujours dans les grandes avancées scientifiques, c'est le hasard qui a mis sur la voie les savants. C'est parti donc pour élever des jumeaux clonés et augmentés parlant d'une seule pensée : les Légats. Pas des plus simples à mettre en oeuvre. Problème, même si la communication fonctionne, elle reste difficile à appréhender, langage non symbolique oblige. Vous voulez une idée de cela peut donner :
En outre, ils ne savent pas mentir, alors que c'est le sport mondial des humains, post ou pas. L'ambiance dans les soirées est donc très loin d'un samedi soir en compagnie de Patrick Sébastien.
Et pour finir, pour arriver sur cette maudite planète, il faut traverser l’espace via l'immer, une nouveauté cosmologique qui donne le "mal d’immer" (humour british) dont seul quelques personnes savent traverser.
Questions styles de vie, ces fameux Ariékans ne font pas non plus les choses comme tout le monde : l'air de leur planète est impropre à la vie humaine. Leur technologie est constitué de vivants et de technologies avancées: la biotique; leurs habitations, champs et industries sont vivants. Toutes ces technologies échangées avec la race humaine qui en est devenue dépendante pour survivre sur cette planète. Et malgré une communication balbutiante, les chercheurs ne comprennent rien à leur mode de vie, leur ordre social, leur société. Au temps dire que c'était bien plus simple à l'époque de Christophe Colomb où il suffisait de mettre en place des massacres et de l'esclavage pour parler interculturalité. Tout fout l'camp.
Ajouter à cela des enjeux de pouvoirs, les relations coloniales.
Bref, un joyeux bordel qui se complique par l'arrivée d'un nouveau Légat EzRa qui va foutre une sacré pagaille.
Voici la version courte, celle de China prend 250 pages et vous plonge en plein imaginaire débridé, de concepts nouveaux, de néologisme. Ajouté à cela les notions de Langage, de Pouvoir, de symbole. La langue comme asservissement. Voilà, c'est grand, c'est monstrueux, c'est ... Mais qu'est ce que c'est aride. L'univers y est déjà difficile d’accès, l'auteur en rajoute en complexifiant, artificiellement à mon sens, son récit par des trames temporels différentes et imbriquées.
Dans la premiers moitié du roman, nous restons dans l'enclave qu'est Légationville. La deuxième nous permet d entrer plus profondément dans la cité et la planète ariekane.
Cela s'accélère aussi, l'intrigue prend le pas sur l'univers et l'"essai" sur la Langue. Mais du fait d'une narratrice qui n'attire pas la sympathie, l'empathie, difficile d'immerger pleinement dans le récit. Mais tout s'éclaire, l'aridité de certaines pages trouvent enfin leur explication. Démonstration réussie. Mais c'est un roman que je voulais lire, pas une thèse !
L'inventivité, l'imaginaire de l'auteur sont toujours présents, à chaque instant, certains détails architecturaux ou biomécaniques feront penser à son premier roman Perdido Street Nation. Les mots inventés pullulent, de magnifiques trouvailles tels les "paroliques", le turingiciel (un grand bravo à la traductrice, j'espère qu'elle a été payé à la hauteur de son travail)
Brillant certes, Qui restera graver dans me mémoire sûrement, mais un plaisir de lecture presque absent.
Bémol aussi sur la typographie utilisé par ce nouveau langage. Certains noms sont écrits à "deux voix", ce qui donne :
Mais sur ma liseuse, c'est tout petit est illisible sans mettre une deuxième paire de lunettes. Comme c'est une image, le redimensionnement des caractères n’impacte pas la visibilité. Bon, c'est mineur, mais ne participe pas à entrer pleinement dans ce récit déjà difficile. Je pense que ce souci n'existe pas dans l'édition grand format.
Quand à savoir pourquoi j'ai sous titré ce roman Légationville ou L'apocalypse selon Mieville, il vous faudra le lire.
Petite supplique à China :
Pour ton prochain roman China, nous savons que tu es beau, imaginatif, intelligent et musclé, mais peux tu penser un peu plus au plaisir du lecteur, quoique tu en dises. Il n'y a pas que l'intellect dans la vie.
Et aussi, en bon homme de gauche (la dure, pas la molle), tu pourrais demander à changer ta boite d'édition française et en choisir une qui ne verrouille pas ces fichiers numériques par de fichus DRM. Ça fait tache !
Merci.
Ce roman a reçu le prix Locus du roman SF en 2012.
Le maki a pris sa patte en le lisant, Lohkan s'est pris le mur conceptuel en plein sa face jaune, et AC de Haenne trouve que "c'est un roman qui se mérite mais qui, au final, ne déçoit pas."
Et vous ?
Des centaines d'années à essayer de les comprendre et de communiquer avec eux. Comme toujours dans les grandes avancées scientifiques, c'est le hasard qui a mis sur la voie les savants. C'est parti donc pour élever des jumeaux clonés et augmentés parlant d'une seule pensée : les Légats. Pas des plus simples à mettre en oeuvre. Problème, même si la communication fonctionne, elle reste difficile à appréhender, langage non symbolique oblige. Vous voulez une idée de cela peut donner :
"Le corps et/ou le cerveau de nos Hôtes sont-ils troublés par des entités biologiques envahissantes, ou par une réaction allergique devant un facteur environnemental ? Voilà ce qu’ils ont demandé, ai-je appris par la suite. Puis, plus exactement : s’est-il produit quelque chose qui affecte vos grandes capacités ?
Autrement dit : Ça va ?"
ValleRogers |
Et pour finir, pour arriver sur cette maudite planète, il faut traverser l’espace via l'immer, une nouveauté cosmologique qui donne le "mal d’immer" (humour british) dont seul quelques personnes savent traverser.
Questions styles de vie, ces fameux Ariékans ne font pas non plus les choses comme tout le monde : l'air de leur planète est impropre à la vie humaine. Leur technologie est constitué de vivants et de technologies avancées: la biotique; leurs habitations, champs et industries sont vivants. Toutes ces technologies échangées avec la race humaine qui en est devenue dépendante pour survivre sur cette planète. Et malgré une communication balbutiante, les chercheurs ne comprennent rien à leur mode de vie, leur ordre social, leur société. Au temps dire que c'était bien plus simple à l'époque de Christophe Colomb où il suffisait de mettre en place des massacres et de l'esclavage pour parler interculturalité. Tout fout l'camp.
Ajouter à cela des enjeux de pouvoirs, les relations coloniales.
Bref, un joyeux bordel qui se complique par l'arrivée d'un nouveau Légat EzRa qui va foutre une sacré pagaille.
Voici la version courte, celle de China prend 250 pages et vous plonge en plein imaginaire débridé, de concepts nouveaux, de néologisme. Ajouté à cela les notions de Langage, de Pouvoir, de symbole. La langue comme asservissement. Voilà, c'est grand, c'est monstrueux, c'est ... Mais qu'est ce que c'est aride. L'univers y est déjà difficile d’accès, l'auteur en rajoute en complexifiant, artificiellement à mon sens, son récit par des trames temporels différentes et imbriquées.
Dans la premiers moitié du roman, nous restons dans l'enclave qu'est Légationville. La deuxième nous permet d entrer plus profondément dans la cité et la planète ariekane.
Cela s'accélère aussi, l'intrigue prend le pas sur l'univers et l'"essai" sur la Langue. Mais du fait d'une narratrice qui n'attire pas la sympathie, l'empathie, difficile d'immerger pleinement dans le récit. Mais tout s'éclaire, l'aridité de certaines pages trouvent enfin leur explication. Démonstration réussie. Mais c'est un roman que je voulais lire, pas une thèse !
L'inventivité, l'imaginaire de l'auteur sont toujours présents, à chaque instant, certains détails architecturaux ou biomécaniques feront penser à son premier roman Perdido Street Nation. Les mots inventés pullulent, de magnifiques trouvailles tels les "paroliques", le turingiciel (un grand bravo à la traductrice, j'espère qu'elle a été payé à la hauteur de son travail)
Brillant certes, Qui restera graver dans me mémoire sûrement, mais un plaisir de lecture presque absent.
Bémol aussi sur la typographie utilisé par ce nouveau langage. Certains noms sont écrits à "deux voix", ce qui donne :
Mais sur ma liseuse, c'est tout petit est illisible sans mettre une deuxième paire de lunettes. Comme c'est une image, le redimensionnement des caractères n’impacte pas la visibilité. Bon, c'est mineur, mais ne participe pas à entrer pleinement dans ce récit déjà difficile. Je pense que ce souci n'existe pas dans l'édition grand format.
Quand à savoir pourquoi j'ai sous titré ce roman Légationville ou L'apocalypse selon Mieville, il vous faudra le lire.
Petite supplique à China :
Pour ton prochain roman China, nous savons que tu es beau, imaginatif, intelligent et musclé, mais peux tu penser un peu plus au plaisir du lecteur, quoique tu en dises. Il n'y a pas que l'intellect dans la vie.
Et aussi, en bon homme de gauche (la dure, pas la molle), tu pourrais demander à changer ta boite d'édition française et en choisir une qui ne verrouille pas ces fichiers numériques par de fichus DRM. Ça fait tache !
Merci.
Ce roman a reçu le prix Locus du roman SF en 2012.
Le maki a pris sa patte en le lisant, Lohkan s'est pris le mur conceptuel en plein sa face jaune, et AC de Haenne trouve que "c'est un roman qui se mérite mais qui, au final, ne déçoit pas."
Et vous ?
Quelques citations :
On était au printemps et la froidure se dissipait. Le panorama des toits de la cité, des transports animaux et d’une architecture scintillante s’étalait sous mes yeux depuis les hauteurs de la Légation. Quelque chose était en train de changer. Une couleur, ou son absence, un mouvement, une palpitation.
Les Hôtes n’avaient pas appris notre anglo-ubique. Ni donné l’impression d’essayer. Alors qu’en quelques milliers d’heures, les linguistes terras savaient traduire la plupart de leurs propos et synthétiser des réactions et des questions dans l’unique langue ariékane. La structure phonétique des phrases qu’ils faisaient énoncer à leurs machines – changements tonaux, voyelles et rythme des consonnes – était précise, pointilleusement exacte.
Les Hôtes écoutaient sans comprendre un traître son.
Nous ne sommes pas les personnages d’une légende, Avice. Un instant de maladresse et le Capitaine Cook vexe ces cons d’indigènes ? Un mot de travers, ou on tient mal sa cuillère sacrée et hop, au poteau de torture ? Vous ne vous êtes jamais fait la réflexion que c’est d’une vanité rare ? Toutes ces histoires censées être des mea culpa sur notre insensibilité aux autres cultures, zut, on a dit un truc qu’il fallait pas… en réalité, elles mettent surtout l’accent sur le ridicule de la réaction disproportionnée des autochtones. (Il a rigolé, secoué la tête.) Voyons, nous avons dû commette des MILLIERS d’impairs de cet ordre au fil des années. Réfléchissez. Exactement comme nos visiteurs à nous, quand ils nous ont rencontrés, sur Terra. Or, pour l’essentiel, nous n’avons pas déliré, non ? Les Ariékans – comme les Kedis, les Shur’asi, les Cymar et tout ce que vous voudrez – sont parfaitement capables de faire la part des choses entre une insulte volontaire et un quiproquo. Derrière ce genrede mythe autour d’un débarqué qui aurait incarné la première fois un dieu de paix, puis la seconde un dieu de guerre, il y a… des pillages et des coups de canon. Croyez-moi. C’est mon boulot.
Et puis, nous risquions tous la mort, il était temps de nous inscrire dans de nouveaux paradigmes, et MagDa nous en avait fourni un. Elles avaient pris sur elles de formuler ce qu’impliquait cette guerre. Elles nous donnaient un espoir coupable. C’est l’un des actes les plus généreux que j’aie jamais vus.
Comme tu le dis j’avais bien aimé ce roman, surtout dans sa première partie, lente mais pointilleuse. Un bon souvenir... ce n'est que mon second Mieville, j'aimerais en lire d'autres mais le prix un peu excessif et les DRM freinent mon envie.
RépondreSupprimerC'est pour cela que j'ai attendu un an avant de passer à l'acte à l'occasion d'un cadeau.
SupprimerLa première partie a assez ma préférence auusi, malgré son aridité.
Tu as dis le mot clé dans ma vision des oeuvres de Mieville : aridité.
RépondreSupprimerJ'ai lu plusieurs romans, et c'est vrai que le sieur China est beau, intelligent, musclé, créatif et brillant. Quelque part, c'est un génie. Mais, je ne me fais pas à cette sécheresse.
Il faut effectivement qu'il pense "au plaisir du lecteur".
Bref, tu auras compris que je passe.
Tous ne sont pas aussi aride, je pense à Perdido street nation ou Les scarifiés, mais celui là gagne la première place haut la main.
SupprimerOn verra si il nous a écouté dans quelques mois.
Merci pour ce retour drôle et pertinent,comme toujours. J'adore le mot de la fin adressé à l'auteur ! :D
RépondreSupprimerMais j'attendrais un cadeau aussi (ce qui risque de ne jamais arriver), où bien une occasion, peut-être une version poche :)
Trop de compliments, mon cher.
SupprimerJe ne suis pas sûr que toutes les médiathèques soient bien fournies en Mieville. Et les cadeaux arrivent parfois de manière inattendue.
J'ai toujours du mal avec ses intrigues. Oui il y a plein d'idées, c'est assez renversant de ce côté-là, mais ça ne m'emballe jamais plus que ça. Et sur ce roman, on a en effet une héroïne qui ne m'a pas parlé, un univers que je n'ai pas réussi à "visualiser" et une fin trop rapide à laquelle je n'ai pas cru. Bref, ça fait beaucoup.
RépondreSupprimerPeut-être que côté nouvelles ça passerait mieux ? Mais des nouvelles de Miéville en français, il n'y en a pas des masses...
Je n'ai pas souvenir d'avoir lu du court avec Mieville. Mais c'est une très bonne idée, car il y a en anglais quelques textes.
SupprimerJe vote donc pour un recueil.
C'est le Miéville que j'ai eu le plus de mal à lire ! des 3 que j'ai lus, s'entend ^^ Mais au final je suis assez d'accord avec le commentaire de AC de Haenne :)
RépondreSupprimerPas le meilleur, à vouloir trop en faire...
SupprimerPour le commentaire d'AC de Haenne, je ne sais pas car je ne le voies pas ! Lorhkan peut être ?
Je parlais de celui que tu cites dans ta chronique : c'est un roman qui se mérite mais qui, au final, ne déçoit pas. ;)
SupprimerJe suis long à la détente...
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