Légion : à fleur de peau

Brandon Sanderson, Le livre de poche, 2016, 224 p., 6€ epub avec DRM



Sur un sujet d'actualité posant quelques questions éthiques, le corps humain comme espace de stockage, Brandon Sanderson préfère s'attarder sur son exploration ludique de la psyché de Stephen Leeds. Et on en redemande.

Présentation de l'éditeur :


Stephen Leeds, surnommé « Légion », est un homme aux capacités mentales singulières lui permettant de générer une multitude d’avatars : des hallucinations aux caractéristiques individuelles variées et possédant une vaste gamme de compétences très spécifiques. Leeds est investi d’une nouvelle mission : retrouver un corps qui a été dérobé à la morgue locale. Il ne s’agit pas de n’importe qui. Le cadavre est celui d’un pionnier dans le domaine de la biotechnologie expérimentale, un homme qui travaillait sur l’usage du corps humain en tant qu’espace de stockage. Il se peut qu’avant sa mort il ait incorporé des données dans ses propres cellules. Ce qui pourrait se révéler dangereux…

 

Mon ressenti :

 

Deuxième épisode des aventures de Stephen Leeds, détective schizophrène, dont les hallucinations sont un aspect à part entière de sa personnalité et de son entourage.

A fleur de peau peut se lire de manière indépendante, mais vous ferez l'impasse de la connaissance atypique de certains de ses aspects. Dans cette enquête, il va devoir sortir de son manoir isolé pour affronter le monde. Pas facile la vie quotidienne quand chaque mouvement devient une péripétie : ouvrir une porte et attendre que toutes ses hallucinations passent, commander à boire et à manger pour des personnes invisibles, faire en sorte que la réalité ne distorde l'irréel. Et encore faut-il se coltiner les réactions des gens face à ces incongruités. Comment se comporter face à un anormal ?
Chargé ici de résoudre la disparition d'un cadavre d'un ingénieur d'une société de bio ingénierie sur le stockage de donnes dans nos cellules. Cadavre qui travaillait de son vivant sur un nouveau virus...

Mais le sujet principal reste Stephen Leeds et sa gestion de sa schizophrénie plurielle. Sans compter des hallucinations à la santé mentale défaillante, voir schizophrène aussi. Et comme dans le premier épisode, ses aspects ont l'air de prendre quelques indépendances vis à vis de leur créateur.
Avec en fil rouge non dénoué, la recherche de Sarah, son ex qui posséderait quelques révélations sur le passé de Stephen.
Quelques pages supplémentaires par rapport à la novella d'origine, ce texte se lit tout aussi rapidement. Pas de prise de tête, ça se lit comme une petite friandise, soulève pour celui qui le désire quelques questions autour de l'identité, des biotechnologies et de la santé mentale. Les relations entre ses différents aspects sont autant d'occasions de nous faire sourire. Des dialogues souvent enlevés...
Ne manque que la disparition de ces fichus DRM pour en faire une lecture recommandable.

Une série télévisée devait être tiré de ces textes, mais la sortie de Légion de Marvel Comics avec un personnage similaire y a mis une fin.

Lorhkan l'a lu et c'est aussi grâce à lui que j'ai connu cette série légèrement loufoque.



mon avis












Quelques citations :

 

— Ne sois pas trop sévère avec toi-même, Stephen, me dit Tobias en me posant la main sur l’épaule. Sandra est difficile à oublier, mais les cicatrices finiront par guérir.
— Les cicatrices ne guérissent pas, Tobias, répondis-je. C’est plus ou moins la définition du mot cicatrice.

J’imaginais sans mal quelle impression devait dégager cet endroit en plein jour, avec son atmosphère guillerette, ses distributeurs de friandises dans les couloirs et ses slogans accrocheurs sur les murs. C’était le genre d’environnement soigneusement calculé pour mettre les créatifs à l’aise. Une sorte de cage pour les nerds. Les odeurs qui flottaient dans l’air trahissaient la présence d’une cafétéria, sans doute gratuite, destinée à maintenir les ingénieurs en bonne santé et bien nourris – ainsi qu’à les convaincre de rester sur place. Pourquoi rentrer chez soi quand on peut prendre son repas ici à dix-huit heures ? Et quitte à rester, autant avancer un peu le travail…

— Donc, tu es immortel.
— Mes atomes, peut-être, répondit-il. Mais ce n’est pas moi. Ne commencez pas à me raconter de conneries métaphy…
— Ce n’est pas de la métaphysique, juste une théorie. Si le temps est infini, alors tout ce qui peut se produire va se produire – et s’est déjà produit. Ce qui signifie que tu as déjà existé, Dion. Comme nous tous. Même s’il n’existe aucun Dieu, même à supposer qu’il n’y ait pas de réponses, aucune divinité là-haut, nous sommes immortels.
Il fronça les sourcils.
— Réfléchis un peu, lui dis-je. L’univers a jeté ses dés cosmiques et c’est toi qui es apparu – un assemblage semi-aléatoire d’atomes, de synapses et de produits chimiques. Ensemble, ils créent ta personnalité, tes souvenirs et ton existence même. Mais si le temps continue éternellement, cet assemblage aléatoire finira forcément par réapparaître. Ça prendra peut-être des centaines de milliers de milliards d’années, mais ça reviendra. Toi, avec tes souvenirs, ta personnalité. Dans le contexte de l’infini, gamin, on continuera à vivre, encore et encore.
— Je… Franchement, je ne sais pas en quoi c’est censé me réconforter. Même si c’est vrai.
— Ah, bon ? m’étonnai-je. Parce que moi, je trouve que c’est une hypothèse extraordinaire. Tout ce qui est possible est en fait une réalité à l’échelle de l’infini. Donc, non seulement tu reviendras, mais tout le champ des possibilités se déploiera. Parfois, tu seras riche. Parfois, tu seras pauvre. En fait, il est même plausible qu’à cause d’une anomalie du cerveau, tu aies parfois dans le futur certains de tes souvenirs actuels, même si, dans ce futur-là, tu n’as jamais vécu ces souvenirs-là. Donc tu seras de nouveau toi, entièrement, et pas à cause d’absurdités mystiques – mais pour de simples questions de mathématiques. Même la plus petite chance, multipliée par l’infini, est elle-même infinie. 


7 commentaires:

  1. En lisant le début de ta chronique ça me faisait penser à Légion de Marvel, la série devant laquelle je me suis endormi un épisode sur deux, mon quota de sommeil en retard remercie la production.

    Effectivement ça y ressemble. Sinon j'aime bien les thèmes, bio-technologie etc. Si le personnage principal est cool, pourquoi pas !

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    1. C'est divertissant, parfait en cas de panne de lecture.
      Vu ce que tu dis de la série tv Légion de Marvel, il aurait mieux valu que ce soit la série de Branderson qui soit adaptée. Une autre fois.

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  2. Ca ne me tente pas du tout... je ne sais pas pourquoi, mais non !

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  3. Ravi de t'avoir fait découvrir cette petite friandise. Comme quoi Sanderson sait aussi faire dans le court, tout en restant dans la qualitatif.
    Ceci dit, c'est une série qui pourrait vite tourner en rond donc méfiance...

    Mais il a tellement d'autres choses sur le feu que la suite va se faire un peu attendre je pense.

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    1. Branderson a l'air très prolixe en effet. Je ne le connais que par ses textes "mineurs" : Alcatraz et Légion.
      Il faudra que je lise d'autres de ses romans, mais il n'a pas l'air d'aimer les one shot !

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    2. Et je suis d’accord avec toi, il faut parfois savoir s'arrêter, même si l'idée de départ est bonne.

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