Supernormal

Robert Mayer, Aux forges de Vulcain, 2017 (parution originale 1977), 312 p., 21€ papier



« Voyez, je vous apprends le surhomme :
il est cet éclair, il est cette folie ! »
Ainsi parla Zarathoustra,
F.Nietzsche

Vous en avez marre de lire toujours les mêmes histoires de super héros interchangeables ? Alors laissez vos cases de comics de côté et lisez ce super roman super réussi et super drôle.

Présentation de l'éditeur :


David Brinkley a été le plus grand des superhéros. Mais il est difficile d’être et d’avoir été. Un jour, il prend sa retraite, se marie, commence à perdre ses cheveux, à prendre du poids, et s’installe en banlieue. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, quand une série de catastrophes décime la population de superhéros disponibles pour sauver New York. Plus de Superman, plus de Batman. C’est David qui doit retrouver ses collants, sa cape et son masque pour sauver une Amérique qui doute, en pleine Guerre Froide. Le seul problème, c’est que notre héros est désormais un homme entre deux âges, dont les pouvoirs tombent parfois en panne, et qui se sent complètement dépassé par l’Amérique des années 70, avec son cortège de nouveautés. Il se lance quand même dans l’aventure, et nous emmène avec lui dans un thriller qui plonge avec humour dans les méandres d’une Amérique qui doute, après l’affaire du Watergate et la fin de la guerre du Vietnam.


Mon ressenti : 

 

Couverture originale de l'édition américaine
David Brinkley, la quarantaine bedonnante, a une vie de famille heureuse dans une petite ville de banlieue. Rien d'extraordinaire si ce n'est un détail : il est un super héros à la retraite. Depuis 10 ans, il s'est rangé des exploits, ces super potes sont morts ou en maison de retraite et ces pouvoirs ne sont plus ce qu'ils étaient. Mais certains événements vont le pousser à revêtir son ancien costume.
Jamais nommé, quelques pistes nous sont données : Il a été adopté, il est originaire de la planète Cronk, la cronkite lui fait perdre ses pouvoirs et il est reporter. Bref, un pastiche de comics sous forme de roman.



Après un début assez calme, nous présentant l'homme sous le masque, l'action survitaminée qui fait le charme des comics prend le pas : un grand complot de super vilains, des rebondissements et coup de théâtre, des méchants pas gentils, de la baston avec pour cadres les monuments historiques, sans oublier l'espace et même au-delà.
Je ne connais rien aux comics, si ce n'est parfois leurs adaptations audiovisuelles, la contre culture américaine des seventies est une inconnue pour moi, mais malgré cela, j'ai pris mon pied en lisant ce roman. La faute à un humour ironique, faisant fit de la bienpensance.
- Écoute. Les gars de la garde nationale ont arrêté certains de ces braqueurs. Ce ne sont pas des gens comme toi et moi.
- Allons, Punch, les Noirs sont des gens comme toi et moi.
- C’est pas drôle.
- Ouais, désolé.
Couverture de l'édition américaine 2005
Les trouvailles sont légions :
- Etre un super héros n'est pas une sinécure, il faut rester fidèle à son image, même au pieu. Une pression trop grande, résultat :il "bande guimauve". L'occasion d'une séance chez le psy hilarante.
- La mauvaise utilisation de ses pouvoirs, notamment de sa vision gamma pour reluquer sous les vêtements des filles a de fâcheuses conséquences
- L'école des supers vilains, le tailleur de costumes spécial héros, le super héros maléfique issu d'une relation incestueuse, un homosexuel pervers ( et quel figure de la littérature !), le gag du vol d'essai après 10 ans d'abstinence, ...
Et puis un roman, américain de surcroit, faisant référence à Jacques Brel ne peut être mauvais.

Les fans de comics y décèlerons plein de références, les historiens de la culture et contre culture américaine seront ravis, et toutes ces références n'entachent pas le plaisir de lecture pour le profane. Plusieurs niveaux de lecture sont possibles : du pastiche au divertissement, de l’introspection à l'hégémonie américaine et du capitalisme. Un roman qui prend toute son envergure au fil des pages.

Couverture de l'édition britannique
Paru originalement en 1977, ce livre est resté assez méconnu du tout venant. Les forges du Vulcain ont décidé de traduire ce texte 40 ans plus tard, en y intégrant une préface de Grant Morrison et une introduction de Kurt Busiek (qui nous prévient lorsque les spoils arrivent, c'est sympa). Vous y apprendrez l'apport de ce roman méconnu. L'éditeur indique que le livre a quelques années à son actif, cela ne devrait pas être salué, mais dans not pov'monde si.
La traduction ne se remarque pas, si ce n'est le fait d'avoir conserver les particularités de la culture américaine (et c'est très bien comme ça par rapport aux textes francisés à l’extrême), d'où de nombreuses notes, 201, mais ce roman est très référencé. Soit vous les lisez, elles sont courtes, soit vous laissez de côté. Cependant, j'aurais préféré que l'éditeur les mettent en bas de page qui aurait évité de devoir souvent jeter un oeil en fin d'ouvrage. Il faut bien que je trouve un défaut au bouquin ! Il y en a même un deuxième : ce roman n'existe pas en version numérique. (L'éditeur m'avait expliqué le pourquoi ici)

En conclusion, utilisez vos pouvoirs pour vous ruer chez votre libraire ou votre médiathèque.



Quelques citations :


S’efforçant de rester dans l’obscurité, il se dirigea vers le devant de la maison, pour faire rentrer le chien. La porte était fermée, et il n’avait pas ses clefs.
C’était un des problèmes les plus irritants de cet uniforme : pas de poches.

Si seulement ils savaient la vérité ! Si seulement ils savaient que, quand il adoptait l’identité de son super-lui-même, il bandait guimauve !

Le métro arriva en chancelant et en bringuebalant. Il monta dans la première voiture et s’assit. Machinalement, il lut les affiches publicitaires posées au-dessus des fenêtres. Le seul grand art inventé au vingtième siècle : créer des besoins saugrenus qui n’existaient pas auparavant.

Puis, soudain, il avait eu dix-huit ans, et l’oncle Sam avait voulu l’envoyer au Vietnam. Reuben avait refusé. Quelques mots lui suffisaient pour définir cette guerre : « Le Noir qui massacre le Jaune pour le compte du Blanc. »

Je ne pouvais plus croire aux dieux, alors je me suis dit que je pourrais croire à l’humanité. Mais ce n’est pas possible. Ouvre les yeux. Tu veux jouer au héros, mettre des châtaignes aux voyous ? Et alors, qu’est-ce que ça change ? Les vrais problèmes sont ailleurs. Les vrais problèmes, ce sont les usines et leur fumée qui pourrissent l’air, c’est l’infinie procession de voitures, les cartels internationaux, les ventes d’armes, la pauvreté, la corruption institutionnalisée, le racisme, les millions de bébés qui crèvent de faim. Tu vas aller partout leur couper le zizi pour qu’ils arrêtent de faire des enfants ? Tu vas aller pulvériser les usines qui déversent le cancer dans nos rivières, dans notre nourriture, dans nos poumons ? Tu vas mettre en tôle tous les menteurs, tous les salopards qui sont au Congrès ou au Pentagone ? 




5 commentaires:

  1. C'est vrai que je l'avais repéré il y a un certain temps. Je ne sais pas si je le lirai de suite, mais je me le note après cette critique sans défaut, car elle au moins est numérique! ;-)

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  2. ça a l'air plutôt pas mal, merci pour la découverte !

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