Swastika night

Katharine Burdekin, 2016 (parution originale 1937), Piranha éditions, 240p., 13€ epub sans DRM


Pour 13 euros, vous avez le droit à un roman satirique et à un essai.  L'un assez réussi, bien qu'outrancier par endroit, l'autre ennuyeux.
Reste l’intérêt historique...

Présentation de l'éditeur :


Sept cents ans après la victoire d’Hitler, le Saint Empire germanique a soumis la moitié du monde à l’idéologie nazie. La nouvelle société, empreinte de mythologie et d’ignorance, repose sur une stricte hiérarchie : les chevaliers et les nazis en occupent le sommet, tandis que les étrangers servent de main d’œuvre servile et les femmes, uniquement destinées à la perpétuation de la race, sont réduites à l’état animal. Lorsqu’Alfred, mécanicien anglais en pèlerinage en Allemagne, est impliqué dans une rixe, il est conduit devant le chevalier von Hess, gouverneur du comté. Séduit par sa personnalité, von Hess ne tarde pas à lui révéler un secret qui le bouleverse. Mais la connaissance a un prix : celui du sang.

Mon ressenti :


Hitler a gagné, la moitié du monde est libéré de la démocratie et du communisme. Le bonheur ?
Pas si sûr. voyons ce qu'il en est. 700 ans après la victoire nazie, le monde est divisé en deux parties, l'empire allemand et l'empire du soleil levant. Soit bonnet brun contre brun bonnet ! Hitler est devenu un Dieu et la mythologie a fait le reste.

L’Unique et Saint, le Héros-Dieu, lui, n’avait naturellement jamais fumé, ni mangé de viande, ni bu bière ou vin. Sa colossale stature (deux mètres dix, mesurait-Il) et les phénoménales prouesses que Lui autorisait Sa force ne devaient rien à la nourriture riche et grossière que prisent les Allemands inférieurs.

Les femmes ont enfin reprit leur place naturelle : au poulailler. Le viol est considéré comme un simple acte sexuel, les hommes allemands, ont tous les droits. Plus de famille, les enfant sont retirés à leur mère dès leur plus jeune âge, les femmes restent parquées dans des camps, réduites à un simple statut reproducteur.

Qu’un homme puisse exprimer une préférence sexuelle pour une femme en particulier (hors celle que pouvaient susciter l’état de santé et la force musculaire de cette femme) était une faiblesse, une preuve d’absence de virilité.

Et pour diriger cette douce société utopique, il faut bien un cadre. Donc, hiérarchie pyramidale : les chevaliers, les religieux, les simples nazis, les populations asservies, les chrétiens (les juifs ayant été exterminé, il faut bien trouver un nouveeau bouc émissaire) et en bout de chaine les femmes considérés comme de simples animaux.
Le tout avec falsification de l’histoire allant jusqu'à son oubli.

Pour l’intérêt historique, c'est réussi même si parfois la projection est un peu trop satirique, outrancière et appuyée. Mais quelle clairvoyance. Écrit en 1937, l'anticipation de l'idéologie nazie est parfaitement juste.
Pour ceux dont l'histoire ennuie, l'anticipation se suffit-elle seule ?
Nous sommes dans une veine assez satirique, avec des personnages réduits à leur simple expression : le candide, l'initié et l'apprenti. Leurs aventures peuvent donc sembler à la limite du rocambolesque.
Quelques moments assez hilare cependant à mon sens : comme la découverte du vrai Hitler par Alfred et Hermann sur une photographie, l'exacte opposée du mythe. Voilà pour une première partie. Et puis patatras, rupture de ton, on assiste à un dialogue érudit sans fin contredisant la psychologie des personnages. Et comme Hermann, j’avais envie de me présenter devant les rhétoriciens et de leur dire que je préférais continuer ma vie d'avant, ou qu'un résumé me suffirait.

si vous aviez la bonté de m’y autoriser, j’aimerais mieux continuer à travailler aux champs plutôt que d’entendre parler du livre de votre trois fois noble ancêtre. Veuillez le croire, je ne suis pas un lâche ; cependant, lorsque vous discutez avec Alfred, je n’y comprends rien. Je préfère qu’il me l’explique après vos conversations. Je vous prie donc, Bien-Né, de bien vouloir me congédier.

Et de deviser sur le nazisme, la virilité, les civilisations, les gouvernements, l'histoire,les femmes et les arts. J'avais l'impression d'être en cours face à un prof ennuyeux, la lecture en diagonale comme seule évasion. Et parfois, l'impression que Katharine Burdekin avait plus à dire sur le féminisme que le nazisme.

N'est pas romancier qui veut. Dommage car le sujet était intéressant et l'anticipation juste

Une postface, Cauchemars éveillés : Et si le Troisième Reich l’avait emporté ?, de Bertrand Campeis clôture le roman. Il revient sur l'uchronie et la seconde guerre mondiale. Paru en 1937, le livre est une dystopie, pourquoi nous parler d'uchronie via une petite pirouette ?
Mise à jour : La postface sur l'uchronie a été faite d'après la demande de l'éditeur. Pour tout savoir sur la classification de ce roman (anticipation, uchronie,...) le fil dédié du roman sur le forum du Bélial est fait pour vous.

Je voudrai saluer l'audace des éditions Piranha de ne pas cacher la vieillesse de ce roman, que ce soit dans la version numérique ou sur la page de présentation du livre sur leur site. Tant de maisons d'éditions préfèrent cacher la date de parution original pour faire croire à une "nouveauté". J'en arrive donc à saluer un fait qui devrait être banal. Le monde à l'envers. Alors, bravo les éditions Piranha, au moins sur ce point.
Car au niveau de la politique des prix entre la version epub et poche, on est à la ramasse : 13€ l'ebook, 7€ le poche ! En langage anti langue de bois, je pense que cela dit : piratez moi.

J'avais découvert ce texte sur le blog Mes imaginaires, l'avis de Bifrost était plus mesuré, j'aurais du écouter Gromovar !





Quelques citations :



Je ne comprends pas, répéta Hermann, au bord du désespoir. Pourquoi doit-on nous dire ces choses et nous aider ensuite ? Pourquoi ne pas nous laisser tranquilles ?

Les femmes se sont toujours conformées aux normes établies :comment pourraient-elles avoir une quelconque substance ?

Il y a deux façons de gouverner un empire. On peut faire en sorte que les sujets conquis se sentent mieux dans l’empire qu’en dehors, qu’ils soient fiers d’en faire partie, qu’ils en épousent la civilisation, meilleure que la leur, et qu’ils puissent, s’ils le méritent, en acquérir la nationalité. C’est la conception romaine. Il y avait dans l’Empire romain des milliers d’hommes qui, bien que n’ayant pas une goutte de sang romain dans les veines, se reconnaissaient avec joie et fierté dans l’Empire. Ils avaient le droit de se déclarer Romains et partageaient les prérogatives de leurs conquérants. Mais on peut aussi maintenir les races soumises en état d’infériorité essentielle et leur donner à penser qu’elles sont gouvernées par une nation sacrée constituée d’hommes entièrement différents, leur refusant à jamais l’accès à une égale citoyenneté. C’est notre conception. Il est inimaginable pour nous qu’un individu puisse s’arroger le droit d’être allemand s’il ne l’est pas de naissance. Nous sommes le Sang. Et vous autres êtes le non-Sang.

8 commentaires:

  1. Celui-ci ne m'attire pas du tout, l'Uchronie qui a comme point de départ la seconde guerre mondiale me saoule profondément.
    Bref c'était mon coup de gueule du jour... qui n'a rien à voir avec la qualité ou non du livre ! lol

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    1. Mais je suis comme toi, l'uchronie et la 2GM me saoule aussi, mais ce roman n'est pas une uchronie puisqu'il a été écrit avant la guerre. Juste une dystopie.
      Je suis d'accord avec toi, de temps en temps une gueulante ,ne fait pas de mal

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  2. Celui-ci je l'ai repéré, justement pour son intérêt historique en tant DYSTOPIE. Je ne comprends pas qu'on le fasse passer pour une uchronie....
    Je ne suis pas surprise que tu soulignes l'interêt limité du roman en lui-même, et je crois que c'est une des raisons pour lesquelles il n'est pas si connus. Fallait quand même le faire en 1937...
    Merci beaucoup! :-)

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    1. Comme toi, je trouve confus la classification de ce livre en tant qu'uchronie. J'ai ajouté à cette fin le lien vers le forum du Bélial où les avis des uns et des autres éclairent (ou embrouillent) la situation. https://forums.belial.fr/viewtopic.php?f=8&t=6935

      Comme on l'a souvent répété, ne jamais oublier le but d'un roman : divertir avant tout, les idées passent après (sauf si l'auteur est un prodige).
      Si le ton général avait été comme le premier tiers dans une veine satirique, le lecteur aurait tout aussi compris et le roman aurait pu passer à la postérité.
      Ceci dit, Piranha éditions a bien fait de le republier, juste pour cette vision cauchemardesque de l'idéologie allemande.

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  3. Bon ben, j'avoue que cela ne m'a pas vraiment donné envie de le lire. Et je trouve cela bizarre qu'il soit classé en uchronie alors qu'il date de 1937?!!? S'il avait écrit aujourd'hui, j'aurais compris mais là...

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    1. Les classements sont étranges.
      Pour ma part, je me tiens à SF, fantastique et fantasy. Ce qui n'est pas si simple que l'on pourrait le croire.

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  4. C'est typiquement le genre de récit que j'adore et j'aurais tendance à y foncer tête baissée. L'avis dans le Bifrost avait déjà calmé mes ardeurs, le tien enfonce le clou. Je le lirais peut-être, un jour, mais je ne suis pas franchement pressé.
    C'est vraiment dommage, ça aurait pu être excellent.

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    1. Tout aurait été dans le style satirique du début, cela aurait été je pense aussi un très bon livre.

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