Bifrost
DRM free
Michael Roch
Revue
Theodore Sturgeon
Thierry Di Rollo
Bifrost n.92. Theodore Sturgeon : le trop humain
Bifrost, Le Bélial, 2018, 196 p., 6€ epub sans DRM
En attendant les prochains dossiers sur Peter Watts et John W. Campbel, Bifrost s'attarde sur un vieux de la vieille en la personne de Theodore Sturgeon. Cela tombe plutôt bien, je ne connais pas l'auteur et je voulais lire Cristal qui songe. L'envie est elle toujours présente après la lecture de ce numéro ?
Les nouvelles
Tandy et le Brownie de Theodore Sturgeon
Sturgeon avait dans l'idée d'écrire une nouvelle sur chacun de ses sept enfants, expérience qui s'est vite stoppée. Nous avons donc ici une histoire d'une petite fille et d'un brownie, mais pas celui qui se mange.
Si vous avez déjà parlé à un père ou à une mère qui vous raconte dans le détail une tranche de vie de son gosse dont vous n'avez rien à foutre, vous touchez du doigt ce que j'ai ressenti à sa lecture : gênant, chiant et ennuyeux. Si vous aimez les mioches, vous pourriez trouver cela émouvant, à vous de voir.
Ce qu’il y avait de plus remarquable dans son cas, c’est qu’elle ne se laissait jamais entraîner à des excès justifiant une punition. Jamais on ne l’avait mise au piquet. Elle savait s’arrêter à la juste limite de l’outrance. Elle était les pieds qui traînent, la dissipation supportable, la mauvaise volonté qui demeure en deçà du point critique.
Brumes fantômes de Thierry Di Rollo
Un retour aux sources à ses origines pour une nouvelle espèce d'assassin. C'est bien écrit, mais j'ai déjà lu ce genre d'histoire. En outre, on devine assez rapidement la fin.
Reste le propos sur le genre humain, toujours incisif avec l'auteur :
Le genre que l’on dit humain a besoin de tueurs, parce que c’est le moyen le plus simple de régler un problème, ou de refuser de le régler —les deux notions signifiant presque systématiquement la même chose. Partout, on entretient le chaos au bénéfice d’un pouvoir inutile et incompétent. L’ordre est une illusion qui rassure les honnêtes gens ; il n’existe pas. L’unique réalité qui vaille, ce sont les jalons posés pour dégager un chemin, de préférence le sien, au mépris de tous les autres. Pourquoi ? Parce que la vie reste la plus forte. La vie et son pendant ultime, admirable : la mort, la seule loi universelle qui arrive à soumettre toute cette absurdité.
Aux portes de Lanvil de Michael Roch
Une sorte de Frankenstein revisitée. L'univers est original, l'histoire moins. Si vous avez une âme de marin au coeur bien accroché.
L'Homme qui a perdu la mer de Theodore Sturgeon
Un astronaute, ou un plongeur en scaphandre, échoué sur une plage est dérangé par un enfant.
Une construction éclatée pour mieux perdre le lecteur, ce qui a été mon cas, mais aussi celui de l'agent de Sturgeon :
L’agent de Ted lui renvoya la nouvelle, disant qu’il n’y comprenait rien.
in Theodore Sturgeon, conteur, par Paul Williams
Ce dernier Bifrost de l'année ouvre les votes pour le prix des lecteurs 2018, aucune de ses nouvelles de cette livraison n'ayant eu ma préférence, voici mon vote, les deux textes ayant été publié dans le numéro 90 consacré à Edmond Hamilton :
Meilleure nouvelle étrangère : « Comment c'est là-haut », de Edmond Hamilton
De la SF crépusculaire, rien que ça. Les nouvelles ne sont pas ma tasse de thé, mais celle-ci m'a cloué sur mon canapé.Un astronaute fait le tour des popottes à son retour sur Terre avant de rentrer sagement chez lui. Pour
tout ceux qui ont des étoiles dans les yeux face aux navigateurs de
l'infini, la désillusion va vous happer. Une finesse dans le traitement
psychologique des personnages couplée au mur de la réalité économique,
médiatique et politique.Plus rien ne sera comme avant.
Meilleure nouvelle francophone : « Les Torches », de Michael Rheyss
La dernière "lettre" de papi à son petit fils, ou comment revisiter l'histoire de la SF. Michael Rheyss signe ici une nouvelle complotiste de manière virtuose. Le grand secret des auteurs de SF nous est enfin dévoilé. Brillant et référencé.
Carnets de bord
Suit le fameux Cahier critique sur l'actualité du genre SF. Afin de pouvoir prévoir ses futurs achats. Indispensable pour ne pas jeter de l'argent par les fenêtres. Le nombre de pages de la revue n'étant pas illimité, quelques critiques en ligne ici et aussi ici
Beaucoup de blogueurs ont travaillé dur dans cette livraison : RSF blog, Just a word, Nébal est un con... Karine Lhisbei à écoper du lot "oiseau", et m'a même donner envie de lire Hier, les oiseaux de Kate Wilhelm et Tous les oiseaux du ciel de Charlie Jane Anders. J'y ai remarqué aussi De grands et beaux lendemains de Cory Doctorov, ainsi que Super-héros de troisième division de Charle Yu me fait envie, en espérant une édition électronique pour ses deux livres.
Thomas Day dit tout le mal qu'il pense des revues SFFF avec sa mauvaise foi (?) habituelle. J'aimerai retrouvé autant de mordant dans la cahier critique.
(Voir les commentaires pour le droit de réponse de Thomas Day)
"Paroles de" s'attarde sur une médiathèque spécialisée en SFFF. Cela donne envie d'en avoir une comme celle là près de chez soi, va falloir que je me délocalise à Paris un jour.
Au travers du Prisme : Theodore Sturgeon
Vient le dossier consacré à Theodore Sturgeon à travers cinq articles et une bibliographie.Le théâtre d'une vie, par Francis Valéry
Le genre d'article où deux hypothèses ont ma préférence sur leur rédaction :
- le rédac chef qui appelle pour avoir un article pour un trou dans le dossier et qu'il faut rendre en urgence pour hier...;
- Un article commandé de longue date et dont l'auteur a oublié d'honorer, jusqu'au jour où le rédac en chef appelle pour avoir le texte.
J'ai un penchant pour la seconde hypothèse, nous sommes dans un dossier sur Sturgeon, l'homme qui remet au lendemain : "Ted continue de vivre — non dans le passé, mais dans un éternel présent, où, quelques instants plus tôt, on lui a apporté cet objet et où, dans quelques instants, il va le remettre à neuf, dès qu’il se sera occupé d’un truc ou deux dans l’intervalle."
Sous forme de pièce de théâtre, je trouve que Francis Valéry s’éparpille beaucoup : il joue le rôle d'éditeur en refaisant la nouvelle Killdozer et nous offre une histoire du rayon fantastique ! Ne reste qu'une énumération rapide de la bibliographie de Sturgeon et de quelques événements marquants de sa vie. De toute manière, le résultat est le même : une impression de paraphrase bâclée de l'article suivant, couplé à un "Un point de vue extérieur, personnel, certes, mais avant tout de lecteur." "long article un peu fourre-tout au titre pompeux où FV parle pas mal de lui" (dixit org) 'Bref, c’est bordélique, un poil autocentré," (dixit le même org ) et j'ajouterai un peu hors sujet, mais il faut bien remplir les blancs du temps qui presse...
Theodore Sturgeon, conteur, par Paul Williams
Voilà L'ARTICLE de ce dossier, qui donne envie de découvrir Sturgeon, ou plutôt ses histoires, la pièce maitresse à mon sens du dossier. Connaisseur, ami (?) de l'homme, Paul Williams, sans panégyrique, mais avec la dose d'amour pour son oeuvre, nous raconte la vie de Sturgeon, de ce qu'il a mis dans ses textes, pas de l'autobiographie, mais ses tripes, son regard sur le monde, de manière différente de la meute du troupeau.
Voilà d’où proviennent les miracles de Sturgeon : de sa capacité à considérer le monde ordinaire et à le voir d’un autre point de vue, de le renverser et le rendre fascinant sans en retirer sa réalité palpable. Ces miracles viennent de l’empathie qu’il ressent pour tous ces gens qui voient les choses différemment et de son talent à augmenter l’empathie du lecteur jusqu’à des degrés étonnant, jusqu’à ce que nous soyons forcé de tomber d’accord avec le dramaturge romain Terence : « Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »
Le splendide aliéné, par Gérard Klein
Trop ampoulé à mon goût, je n'ai même pas réussi à terminer l'article. De grands mots, de l'emphase, du boursoufflé, bref, c'est chiant à lire.
Paru initialement en 1957 dans la revue Fiction, vous pouvez lire ce texte sur le site des quarante-deux
La forme courte : l'essence de l'art, par Philippe Boulier et Les songes superbes : un guide de lecture sturgeonien
Vous ne savez par où commencer la lecture de Sturgeon ? Philippe Boulier et l'équipe de Bifrost décortiquent les quelques romans et nombreuses nouvelles de l'auteur. Difficile de ne pas trouver quelques textes à se mettre sous les dents. Pour ma part, deux recueils ont ma préférence (L’Homme qui a perdu la mer et Les Talents de Xanadu, tous deux épuisés), ainsi que Cristal qui songe, dans sa nouvelle traduction et Les plus qu'humains, mais j'attendrai pour cela la nouvelle traduction, la précédente étant ... La preuve avec un post de Pierre-Paul Durastanti :
Vis ma vie de réviseur des Plus qu'humains...
Original : A l’école du dimanche j’ai remporté l’épreuve de marche sur la tête
Vraie traduction : Au pique-nique du catéchisme, j’ai remporté la course en sac
Et mon préféré...
Original : Ensemble, ils firent de la périssoire sur les vagues qui roulaient jusqu'à la plage
Vraie traduction : Ensemble, ils firent un tour de montagnes russes
Vous pouvez retrouver la bibliographie d'Alain Sprauel en ligne
Ne connaissant pas Sturgeon, ce dossier a posé les jalons pour mieux connaitre l'écrivain et son oeuvre. Si vous êtes un familier de l'auteur, pas sûr que ce numéro vous contente.
Scientifiction
Frédéric Landragin et Roland Lehoucq nous parlent d'astrolinguistique pour éclairer la forêt sombre. Article que je n'ai pas lu, étant dans la lecture de la trilogie de Liu Cixin. Le premier tome avalé, je me posais des questions sur la véracité scientifique d'un traducteur automatique de langue alien, j'espère y trouver une réponse.J'attends toujours la version électronique pour me plonger dans la lecture de la revue, et cela pique pas mal les yeux, l'équipe du Bifrost nous a offert un florilège des pires erreurs à ne pas commettre, et je mesure mes paroles ! En lisant les remerciements, on comprend que même les ordinateurs Apple peuvent tomber en rade, au bon moment comme toujours. Ceci expliquant cela ? Recevant cette version électronique à titre gracieux, étant abonné à la revue, cela ne me gêne pas trop, d'autant le problème d'ordinateur. Mais si vous voulez cependant acheter ce numéro en version epub, attendez quelques semaines que les bugs soient corrigés.
La version papier a connu aussi certaines péripéties,
Une livraison dont l'équipe de la revue se souviendra longtemps à mon avis.
D'autres avis ici et là
Un numéro intéressant, pas mon préféré au niveau des nouvelles mais toujours très agréable à lire et enrichissant.
Au pays des cave trolls
On reste donc sur une belle pente qualitative avec ce Bifrost, encore une fois doté d’un dossier solide et complet.
Lorhkan et les mauvais genres
Iimpossible de pas vouloir ouvrir un de ses textes à l’issue de ce numéro.
Albedo, univers imaginaire
La bonne nouvelle, c’est que ma wishlist sort indemne de la lecture ce numéro !
Les lectures de Xapur
Bonjour, aussi désagréable que cela puisse paraître, je ne fais preuve d'aucune mauvaise foi quand j'écris mon papier trimestriel sur les revues et fanzines. Au pire, j'adoucis un peu ce que je pense de tel ou tel titre, de tel ou tel texte. Dans l'ensemble j'enlève tout filtre entre ce que je pense d'une publication et ce que j'écris dessus. Je me sens complètement innocent du fait que 90% de ce qui est proposé n'a aucun intérêt, qu'il y a parfois aucune nouvelle maitrisée et/ou plaisante sur une livraison trimestrielle. Ce n'est certainement pas l'indulgence qui nous sauvera d'un tel désastre qualitatif. J'ai connu les années Lehman / Ayerdhal / Dunyach / Denis - pour n'en citer que quatre. C'était quand même autre chose. J'invite tous les sceptiques à procéder à un peu d'archéologie.
RépondreSupprimerCe n'était pas une attaque, loin de là. J'aurais sûrement du employer "avec son ton habituel"... Après reste une part de subjectivité. Et comme je le dis la phrase d'après, j'aimerai que les romans critiqués dans Bifrost soit dans la même veine.
SupprimerPour le reste, je n'ai pas connu les années que tu cites, je te fais confiance là dessus.
Après la disparition des Razzies, ta rubrique est la seule où je retrouve du mordant, de l'incisif, du politiquement pas correct et aussi de l'humour, grinçant.
Heureusement qu'à défaut de pouvoir lire le franc-parler de Thomas Day j'ai ma dose de chien critique. Cela dit, je suis étonné que ton vote n'aille pas à "Tandy et le Brownie", huhu.
RépondreSupprimerPour la nouvelle Tandy, il y aurait eu la recette des brownies, j'aurais appris quelquechose et j'aurais pu voter pour elee. Mais en l'état...
RépondreSupprimerEt tu as trouvé le mot que je cherchais pour la prose de Thomas Day, tu es le meilleur.