En direct de la planète Minuit


Nalo Hopkinson, Goater, 2018, 144 p., 14€ papier


Tu es de la race dominante, la race blanche ?
Pour toi, c'est très bien que les romans soit écrits par des blancs pour des blancs ?
Pour tous les autres qui vous croyez ouvert d'esprit, Nalo Hopkinson va vous dire pourquoi vous vous fourrez le doigt dans l'oeil :
Combien d'écrivains non blancs ?
Combien de personnages non blancs ?
Combien d'éditeurs non blancs ?
Et ne nous voilons pas la face, combien de blogueurs non blancs ?

Si la question du racisme dans les littératures de l'imaginaire te turlupine, le recueil de Nalo Hopkinson est tout indiqué.


Présentation de l'éditeur :


Cette édition regroupe plusieurs textes de l'autrice afro-caribéenne Nalo Hopkinson, plusieurs fois primée. Ce recueil explore le sexisme, le féminisme et la question du racisme, notamment dans l'univers de la Science-Fiction. Ces nouvelles sont suivies d'un entretien avec Terry Bisson. Dans l'entretien qui suit ces nouvelles, beaucoup de questions concernent ses romans précédents, leur réception par le public, sa place parmi les auteurs de science-fiction et son engagement pour la diversité dans l'édition de SF (pour faire reconnaître la question de la représentation et de la diversité comme valide et importante).


Mon ressenti :


Deux nouvelles, une retranscription commentée d'un discours prononcé lors d'une conférence du ICFA et une interview compose ce petit recueil qui souffre de quelques écueils :

- la couverture tente de mettre en avant la parole de l'autrice en avant via l'inscription sur son tee shirt "Celle qui s'adresse au peuple blanc", mais, pour je ne sais quelles raisons, rend la lecture de "peuple blanc" quasi impossible. Au vue du discours, cela me parait irréaliste.
- Nalo Hopkinson est une quasi inconnue par chez nous, deux nouvelles parues dans Galaxies SF, un roman La ronde des esprits, parus en 2001 et c'est tout. Il aurait été judicieux, à mon humble avis, de mettre une présentation en début pour nous expliquer qui est Nalo. Car il faut avoir lu l'ensemble du recueil pour tomber sur un à propos de l'auteur très succinct. Cela aurait aidé à comprendre au mieux l'interview. Ce recueil est un partenariat avec un éditeur californien, je pense qu'il est juste la traduction du recueil original, où l'autrice a l'air d'être beaucoup mieux connu.
- sur son site, l'éditeur parle de trois nouvelles, englobant dans son compte le premier texte qui est un discours ! Il faudrait peut être lire les livres que vous éditez, cela peut servir !
Sur ces considérations éditoriales, passons

En direct de la planète Minuit

Discours prononcé lors de l’ICFA (International Conference of the Fantastic in the Arts) en 2009 sur le thème "Questions de race dans la littérature du fantastique". Vaste programme. Surtout pour elle qui souffre de quelques tares, et pas des moindres : elle est noire, c'est une femme elle est homosexuelle, souffre de fibromyalgie et elle est diagnostiquée TDAH.
Elle y parle surtout de la virulente controverse qui s'est emparé du fandom américain en 2009 (voir ici : https://fanlore.org/wiki/RaceFail_%2709) suite a un post de Elisabeth Bear qui défiait ses collègues d'utiliser des personnages racialisés ou marginalisés dans leurs textes.
Avec beaucoup d'ironie, Nalo Hopkinson nous livre son ressenti sur cette discussion. Sur ce genre de question, c'est souvent le jour et la nuit : la langue de bois, le déni et le plus souvent du racisme déguisé ou pas. L'autrice elle, met les pieds dans le plat, appelle un chat un chat, et met le Blanc devant ses responsabilités et surtout ses arrangements avec la réalité. Cela peut paraitre rentre dedans, ça l'est, mais son propos m'a fait réfléchir moi petit lecteur. Même si les Etats-Unis sont les Etats-Unis, la France est la France, que la SF est par ici souvent de "gauche", ouverte sur le monde, il suffit de regarder un peu mieux pour voir que le constat n'est pas brillant sous le drapeau tricolore. Nola nous parle :
- du peu de personnages racisés, marginalisés : même constat en France
- du peu d'auteurs non blancs : même constat en France
Alors que la SF interroge notre rapport à l'Autre, ces derniers sont aux abonnés absents. Pourquoi ? C'est la grande question à laquelle tente de répondre l'autrice. 

En plein milieu de RaceFail 09, j'ai entendu certains des Blancs dans la communauté se déclarer furieux face à la rage affichée par les personnes de couleur, et dire que nous ne méritions pas d'être écoutés si nous ne savions pas rester polis. Je n'arrivais pas à comprendre ce qui me chiffonnait dans ces déclarations jusqu'à ce que je lise un post dans lequel ma collègue, l'écrivaine Nora .Jetnisin, commentait RaceFail. Elle y faisait la remarque que les échanges sur les questions de race dans notre communauté s'étaient déroulés poliment pendant des décennies. Et bien qu'il y ait eu du changement, il a été minimal. Quand nous, les gens de couleur, nous sommes enflammés, il y a eu, tout à coup, plus d'entre vous à prêter attention. C'est ça le truc. J'ai toujours dit que si vous me marchiez sur le pied une ou deux fois, je vous demanderais sûrement poliment de faire attention. Mais au bout de la millième fois, l'excuse « Je ne t'avais pas » commence diablement à ressembler à « Tu m'importes trop peu pour que je fasse attention. »
La réaction violente des personnes de couleur face à RaceFail a poussé plus de gens à faire attention.

L'interview qui clôt le recueil revient sur son parcours, sur sa bibliographie, mais revient sur cette question :



ou encore :





Une bouteille à la mer :

Nous faisons la connaissance d'un artiste, d'un couple d'amis et de leur enfant adopté. Une enfant à priori en pleine santé, mais qui à une tête beaucoup plus grosse que la normale et se révèle beaucoup plus mature que son âge. Les différents examens ne décèlent aucune maladie.
J'ai tout de suite voulu savoir le pourquoi de cette particularité, et je ne m'attendais pas à cette révélation. Une nouvelle qui explore les thématiques de l'hérédité et de l'art. Que reste t'il de nous lorsque l'on passe de vie à trépas : des enfants ? ce que nous avons fait de nos mains ? Un texte assez étrange qui explore un genre bien connu des lecteurs de SF mais de manière inhabituelle.



Je lui avais parlé de ce groupe d'activistes Sioux et de leur combat contre une université dont le département d'archéologie avait déterré un de leurs lieux de sépultures ancestraux. Je suis Sioux du côté de ma mère, de la tribu des Rosebuds. Quand le chef du département avait refusé de revenir sur sa décision, ces gars-là s'étaient rendus une nuit, au cimetière où son arrière-grand-mère était enterrée. Ils avaient déterré ses restes, exposé tous les os et les avaient étiquetés. Ils firent de la prison, mais l'université avait rendu les dépouilles de leurs ancêtres au conseil.

Métamorphoses :

J'ai eu beaucoup de mal à comprendre et à m'immerger dans ce texte. En outre, l'autrice joue avec l’ambiguïté des personnages, rendant difficile la compréhension. C'est assez poétique est tout ce que j'en ai à dire.
Après lecture de l'interview de l'autrice, je comprends que ce texte est un hommage à La tempête de Shakespeare. N'ayant pas lu ce dernier, je pense que sa lecture est un préalable pour rentrer dans cette nouvelle. Ce que confirme une question qui aborde sur ce qu'il faut savoir de la Tempête avant de lire le texte. Mettre cet avertissement en préambule aurait été un vrai plus. Au final, j'ai arrêtai la lecture de ce texte, n'y comprenant rien.

Cette magnifique femme en train de préparer le petit-déjeuner dans la cuisine est une meilleure nageuse que toi. Tu l'as vu transpercer les vagues si rapidement que tu t'étais demandé si elles ne saignaient pas sur son passage.

Même si les nouvelles ne m'ont pas transcendé, ce recueil vaut surtout pour le discours et l'interview de l'autrice. Question polémique au possible, les races dans la SFFF, Nalo Hopkinson tord le cou aux préjugés, parle de choses dont la plupart veulent taire. Pas de réponses toutes faites, naïves, juste un état de fait et quelques pistes de réflexion. Salutaire donc.

Critique réalisée dans le cadre d'une Masse critique Babelio.

Tu veux le lire gratos ?


Et comme je suis sympa, si cette thématique te botte, je donne ce recueil à celui ou celle, blanc, non blanc, femme, homme, LBGT, handicapé ou non, histoire de faire continuer à vivre cette question loin d'être innocente.
Pour participer, rien de plus simple, tu le dis ci-dessous, avec le pourquoi tu veux le lire. Je choisirai le gagnant en fonction des commentaires.
Clôture des participations le mercredi 01 mai à 23h59mn59s, résultat dans la foulée.
Concours terminé, Cédric Jeanneret remporte le recueil

Je précise que l'exemplaire en jeu est le mien, reçu dans le cadre d'une Masse critique Babelio, il sera envoyé par mes soins, à mes frais, comme il s'agit d'une version papier.

11 commentaires:

  1. Ça a l'air "agréable" (dans la manière dont les choses sont énoncées) à lire, merci pour les extraits du discours. J'imagine que la conclusion est que le lecteur doit faire l'effort de lire des auteurs et autrices non-blancs pour bousculer le marché ?

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    1. C'est une des pistes envisagées. Dans l'interview, elle dit avoir fait une anthologie et explique comment elle a opéré pour apporté une dimension colorée aux textes. Est ce la bonne solution, elle ne saurait dire, mais elle tente.
      Elle n'a pas de solutions toutes faites, mais c’est comme tout, si chacun y met un peu du sien...

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  2. Moi je veux bien le lire. Ce sont des thématiques qui m'intéressent, trouver les articles en VO sera galère et apparemment trouver le livre en lui même en français semble galère aussi donc "le chien critique" vous êtes ma dernière chance ! ;)

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    1. Vu le peu de commentaires, les chances sont de ton côté.

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  3. Super intéressant. Je n'ai même pas besoin de vérifier pour te dire qu'il n'y a certainement AUCUN écrivain non-blanc dans ma bibliothèque. Je fais partie de cette masse de gens non-racistes qui n'ont pas discriminé en fonction de la couleur de la peau des auteurs mais n'ont pas cherché à aller voir plus loin. J'en prends conscience depuis quelques années grâce à Internet en général et aux réseaux sociaux en particulier, parce que ça donne aux minorités une vraie tribune pour s'exprimer.
    (Ne me compte pas dans les commentaires pour la mise en jeu, vu que je n'ai pas lu La Tempête je passerais sûrement à côté du troisième texte, moi aussi, mieux vaut que tu l'envoies à quelqu'un qui en profitera pleinement. ^^)

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    1. Et oui, nous sommes nombreux comme toi, mais les choses ont l'air de changer peu à peu, espérons que le mouvement s'accélérera.

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  4. (je ne participe pas)(mais souhaites-tu que je relaye sur Twitter ?)

    C'est très intéressant. C'est "marrant" car tout son paragraphe sur la politesse et la nécessité de hausser le ton pour se faire entendre c'est quelque chose qu'on retrouve dans le féminisme aussi.

    Je retiens le nom de l'autrice en tout cas. Ses questionnements sont très intéressants et me font penser à Chimamanda Ngozi Adichie.

    Merci.

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    1. Ce texte parle surtout de racisme, mais englobe aussi les autres marginaux tel les femmes.
      Pas besoin de relayer, j'ai fait exprès de ne pas faire de pub pour que ne participe que les fidèles lecteurs et les gens intéressées par la thématique. Mais merci

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  5. Je dois reconnaître qu'il y a une écrasante majorité d'auteurs blancs dans ma bibliothèque. Je dois également reconnaître que jusqu'à présent je n'y avais jamais vraiment fait attention…

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    1. Moi je suis plutôt lecteur qui ne fait jamais attention à l'auteur. Je suis parfois étonné d'apprendre qu'un tel était en fait une telle. Quand à des auteurs non blancs, ce ne doit pas être très la grande ruée non plus.

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