De bonnes raisons de mourir


Morgan Audic, Albin Michel, 2019, 496 p., 15€ epub avec DRM


Venir dans la zone, c’est assister à l’avant-première de l’apocalypse.
À ce que sera le monde sans nous, un jour.

Le coeur de Tchernobyl n'a pas fait que valser Elena.
Trente quatre ans plus tard, conséquences humaines, sanitaires et sociales d'un accident nucléaire.


Présentation de l'éditeur : 


Un cadavre atrocement mutilé suspendu à la façade d’un bâtiment. Une ancienne ville soviétique envoûtante et terrifiante. Deux enquêteurs, aux motivations divergentes, face à un tueur fou  qui signe ses crimes d’une hirondelle empaillée. Et l’ombre d’un double meurtre perpétré en 1986, la nuit où la centrale de Tchernobyl a explosé…



Mon ressenti :

L'année dernière, la série Chernobyl m'avait scotché derrière mon écran et un commentaire de Meuledor me ventant les mérites de ce roman avait soulevé mon intérêt.

De nos jours, la découverte macabre d'un corps a lieu à Pripiat, petite bourgade tranquille d'Ukraine depuis qu'elle est devenue le centre de la zone d'exclusion de Tchernobyl.
Deux enquêtes parallèles, deux flics aux prises avec les retombées de ce cadavre.
L'un, ukrainien, est à deux doigts de perdre son boulot, l'époque moderne faisant fi du passé. Et l'autre, le russe, tente de sauver l'avenir de sa fille grâce a une dernière enquête officieuse.

Un thriller classique avec les éternels rebondissements (que je n'avais pas vu venir) qui vaut surtout pour la peinture de l'après accident. J'avais l'impression de me balader en Ukraine tant le travail de documentation est impressionnant : Corruption, néonazi, manque d'argent, handicap, tourisme de la catastrophe.... Et la guerre derrière, entre les deux nations jadis une.
Très intéressant sur les petits détails du quotidien ceux de la catastrophe d'hier mais aussi et surtout sur les conséquences aujourd'hui. Le trafic de cette zone avec ses légumes, ses ambres, ses bois revendus sans indication géographique. Les détails, comme l'enterrement des pompiers dans des cercueils de zinc, sous des tonnes de béton.
Et la peur, toujours présente, de la population. Surtout resté dans les clous, ne pas s'éloigner des chemins balisés sous peine de finir bioluminescent.

La force de ce roman est aussi sa "légèreté", pas de sinistrose, l'humour est un peu présent, des clins d'oeil émaillent le récit (Metro ou Stalker ou encore les Strougatski)
Et si comme moi, tu n'es pas fan de thriller sanglant, tu peux te jeter sans problème dans cette lecture.

L'auteur nous montre que les conséquences de l'accident nucléaire de Tchernobyl se font et se feront encore sentir, même si les hommes politiques crient haut et fort que tout est sous contrôle.

Artemus Dada te donne de bonnes raisons de le lire

Mon avis


Et tu peux aussi écouter les deux émissions de La méthode scientifique :

Nucléaire : y a-t-il une vie après la catastrophe ?

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-du-mardi-03-avril-2018
La méthode scientifique du 03 avril 2018
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Quelles conséquences sur l’environnement et la vie autour de la centrale lors d’une catastrophe nucléaire ? Comment peut-on décontaminer après un accident nucléaire ? Peut-on envisager un retour de la vie dans les zones affectées ou restera-t-il toujours une zone interdite ?
Il y a 7 ans, le tsunami provoqué par un séisme au large des côtes japonaises conduisait à la seconde catastrophe nucléaire civile la plus importante de l’humanité : celle des réacteurs de la centrale de Fukushima. Sept ans après, que se passe-t-il ? Pas uniquement sur le démantèlement des réacteurs, mais que sait-on de l’ampleur des répercussions environnementales sur la flore et la faune, sur l’état d’irradiation de la zone d’exclusion. 32 ans après l’autre catastrophe majeure, qu’est-ce que Tchernobyl nous enseigne ? Ces écosystèmes pourront-ils un jour retrouver un équilibre similaire à ce qu’il était avant la catastrophe ? Comment faire pour aider à la décontamination ?


Tchernobyl, au coeur du réacteur

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/tchernobyl-au-coeur-du-reacteur
La méthode scientifique du 29 août 2019
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Que s’est-t-il réellement passé lors de l’accident dans la centrale de Tchernobyl dans la nuit du 25 au 26 avril 1986 ? Quelles étaient les failles de la centrale et de son réacteur ?
C’est l’un des succès populaire et critique de l’été : la série Chernobyl, qui relate la catastrophe nucléaire d’avril 1986, produite par HBO, est devenue la série la mieux notée de l’histoire de la fiction télévisuelle. Elle plonge le spectateur au cœur de l’accident avec un réalisme à glacer le sang.
Mais que s’est-il exactement passé dans le réacteur n°4 de cette centrale nucléaire pourtant destinée à être le fleuron de l’industrie de l’atome russe ? Quelles ont été les conséquences de cet accident sur la population et sur l'environnement ?
Entre défauts de conception et enchaînement d’erreurs humaines, c’est cette histoire scientifique, de l’explosion jusqu’à la construction des sarcophages, que nous vous racontons : Tchernobyl, au cœur du réacteur.
Pour nous raconter cette histoire, nos deux narrateurs du jour sont Galia Ackerman, historienne, rattachée à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, autrice de Traverser Tchernobyl aux éditions Premier Parallèle et Jean-Claude Zerbib, ancien ingénieur en radio-protection au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) en France, notamment au moment de l’accident.


Quelques citations :

Certains jours, Melnyk se demandait quant à lui si l’Ukraine était vraiment faite pour la normalité. Les guerres révolutionnaires du début du XXe siècle, la grande famine provoquée par Staline, les massacres perpétrés par les nazis, l’explosion de Tchernobyl, la guerre civile dans le Donbass, la crise économique, le chômage… c’était quoi, une vie normale pour un Ukrainien ?

À Strakholissya, par un de ces curieux emballements du génie humain pour transformer la merde en or, des promoteurs avaient acheté pour une bouchée de pain des terrains qui donnaient sur les rives de ce que l’on surnommait la « mer de Kiev », un lac artificiel de cent dix kilomètres de long formé par le barrage hydroélectrique de Vychhorod, afin d’y faire construire des résidences secondaires hyperluxueuses pour les riches habitants de la capitale ukrainienne. Comme le lac s’étendait jusqu’à Pripiat, on aurait pu croire que personne n’aurait voulu s’installer près des berges. Et pourtant : ils étaient des dizaines et des dizaines à payer à prix d’or leur petit bout de la Riviera de Tchernobyl.
Le diable en riait encore.

– Là-bas, ce sera du blé d’hiver, dit machinalement le fermier en désignant ses terres d’un large geste de la main. Tout en bio. Zéro pesticide.
– Du bio de Tchernobyl, soupira Novak, désabusée. Et les gens achètent ça ?
– Bien sûr. C’est meilleur et plus sain que la plupart des choses que vous trouverez sur les marchés de la capitale. On en exporte aussi à l’étranger.

Le labeur de forestiers clandestins. Ils avaient tronçonné les arbres éloignés de la route pour mieux échapper aux patrouilles. Une fois sorti de la zone, le bois de Tchernobyl était revendu sans indication de provenance. On l’utilisait ensuite pour fabriquer des tables ou des chaises qui pouvaient se retrouver en vente aussi bien à Kiev que dans un magasin de meubles suédois en France. Tomik affirmait qu’on ne risquait rien tant que le bois ne prenait pas feu. Mais l’été, à Tchernobyl, quand le mercure grimpait, des feux de forêt se déclaraient de temps en temps et les arbres, gavés de césium, relâchaient des radionucléides qui s’envolaient dans l’air et se baladaient au gré des vents entre la Russie et l’Europe.

Et tout le monde ferme les yeux. Ou plutôt tout le monde détourne le regard. Tu sais pourquoi ? Parce que les problèmes du quotidien sont toujours les plus importants. La hausse du prix de l’essence ou du pain. Les pénuries. La guerre. Et parce qu’on ne peut plus vivre sans cette énergie. L’URSS nous a drogués à l’atome et nous sommes encore accros. Deux tiers de notre énergie sont d’origine nucléaire. Pas mal pour un pays dont la superficie est gravement contaminée par des éléments hautement radioactifs. Tout ça à cause des politiciens…

Pour lui, les Français passaient la moitié de leur temps à se demander ce qu’ils allaient manger : ça lui paraissait donc assez logique qu’un de leurs scientifiques étudie l’alimentation des élans – ou des cerfs – en examinant leurs déjections.

Après l’accident de Tchernobyl, le nombre de malformations chez les enfants a explosé. Les cancers et les leucémies aussi. On a des nouveau-nés diabétiques. Des gosses à qui on doit amputer des membres. Vous voyez ? C’est ça, Tchernobyl. C’est ça, l’héritage du nucléaire. Il n’y a pas de monstres mutants ou d’animaux phosphorescents. Juste des bêtes et des gens malades.

Avec amertume, il se dit que le monde se souvenait de dictateurs, de joueurs de foot brésiliens et d’artistes peignant des carrés blancs sur fond blanc, mais que personne ne pouvait donner le nom d’un seul de ces hommes qui avaient sauvé l’Europe d’un cataclysme nucléaire sans précédent. Qui connaissait Alexeï Ananenko, Valeri Bespalov et Boris Baranov ? Qui savait qu’ils s’étaient portés volontaires pour plonger dans le bassin inondé sous le réacteur 4, pour activer ses pompes et le vider de son eau avant que le cœur en fusion ne l’atteigne ? Qui savait que si le magma d’uranium et de graphite s’était déversé dans le bassin, il se serait produit une explosion de plusieurs mégatonnes qui aurait rendu inhabitable une bonne partie de l’Europe ?
Qui le savait ?

À la gare, il fallait passer par une rangée de cabines bleues munies de détecteurs de radiations avant d’atteindre les wagons. Blanche comme un linge, Novak posa ses pieds et ses mains sur les plaques métalliques abritant les senseurs de la machine, qui délivra une lumière verte, signe que tout allait bien. Elle poussa un soupir de soulagement et Melnyk passa à son tour dans la cabine. Nouvelle lumière verte. Dans la file derrière lui, un ouvrier s’installa placidement dans l’engin. Encore une lumière verte. Melnyk se demanda si la machine disposait d’un voyant rouge pour indiquer une irradiation trop importante, ou si tout cela n’était que de la poudre aux yeux destinée à rassurer la population.

Avant, la zone était une passoire. La milice n’était pas trop regardante. Maintenant, les visites sont un business. Les contrôles sont plus nombreux.



8 commentaires:

  1. Pourquoi pas... un changement d'air peut être salvateur par moment ! :-p

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    1. Je ne sais pas si l'air contaminé te sera salvateur, mais tu devrais y trouver de bonnes raisons de l'apprécier.

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  2. Moi qui suis peu lecteur de romans policiers, je suis tout de même tenté…

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  3. J'allais dire que ça n'avait pas l'air joyeux joyeux, et voilà que tu avais déjà anticipé mon commentaire. Bon, du coup pourquoi pas, même si ça reste loin d'une priorité.

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