L'étonnant voyage de Hareton Ironcastle

J. H. Rosny aîné, Flammarion, 1923, 256 p., Domaine public  

Vous aimez les romans d'aventure ?
Vous aimez les romances ?
Vous aimez les romans fantastiques ?
Vous aimez les romans de science fiction ?
Et bien plongez dans cet étonnant voyage.


Présentation :



Écrit dans la plus pure tradition des « romans de mondes perdus », l’auteur de La Guerre du feu invite le lecteur à explorer une terre vierge en Afrique en compagnie de Hareton Ironcastle. Hareton est intrigué par le contenu d’une lettre qu’il reçoit de son ami Samuel Darney qui affirme avoir découvert une terre unique où les plantes et les animaux n’ont rien à voir avec ce que l’on connait. En compagnie de sa fille et de quelques personnes, Ironcastle perd en expédition pour rejoindre son ami, mais jamais il n’aurait pensé que ce voyage lui réserverait autant de surprises aussi merveilleuses qu’angoissantes, voire particulièrement dangereuses...

Mon ressenti :


Soit un père, sa fille et son amoureux transi qui se lancent, dans une expédition en des contrées inconnues. Ils rencontreront sur leur route des Trapus, sorte d'hommes préhistoriques, des gouras-zankas, des indigènes et des animaux étranges.

Ce roman à l'âge de son époque, plus vieillissant que les autres textes de l'auteur que j'avais lu. Nous sommes typiquement dans les romans d'aventure du 19ème siècle partant à la découverte de contrées perdues et exotiques. L'originalité ici est dans la synthèse des différents genres de l'oeuvre de l'auteur : du récit d'aventure à la SF-Fantasy (Heroïc fantasy ?), en passant par le roman d'aventure.
Et toujours ce regard scientifique sur ce qui entoure ces personnages sur la faune et la flore.

Source
Ici, l'homme blanc, car il s'agit bien de cela, s'aventure dans des contrées où il n'est pas le maître
absolu, la perte de repères est bien présente. La condescendance n'est cependant pas de mise, l'évolution cher à Darwin a emprunté d'autres chemins, s'adaptant à son monde. Des êtres différents certes, violents parfois, fraternels aussi. La communication est toujours possible. La supériorité du blanc, de cet homme incolore est réel mais dramatique, comme lors de ces combats avec les trapus, démunis face à l'avancée technologique de la poudre. Quelle pauvre victoire nous démontre l'auteur. Et certains passages (voir ci-dessous) sont d'un réel pessimisme sur l'humanité.
Cependant, j'y ai trouvé des choses assez inconcevables, du moins difficilement : les serviteurs sont noirs, appelés nègres, rien de bien différents de l'époque. Ce qui me chagrine un peu plus de la part de Rosny, ce chantre de l'altérité et de l'évolution, est que ces nègres soient plus ou moins fidèles à l'image du sauvage : peu intelligents, forts à la besogne, "loyaux" envers leurs maîtres. Etrange de naviguer entre célébration d'une espèce différente et imagerie colonialiste.

La fin du roman emmène le lecteur dans un monde dépaysant, où la faune et la flore sont fondamentalement différents, avec des pouvoirs défensifs très étranges. Mais le texte devient dès lors fort descriptif, gâchant mon plaisir de lecture.
Une découverte qui m'a fortement déconcertée, me balançant entre enjouement et amertume. Ma première déception rosnyenne.

Bien que ce texte soit méconnu, il a eu une filiation assez importante en la personne de Hareton Ironcastle dans la littérature et le jeu de rôle. A vos d20 :

Ajoutons que ce personnage, certainement grâce à la notoriété acquise par la traduction de P.-J. Farmer, a été repris par d'autres auteurs pour lui faire vivre de nouvelles aventures. Par exemple, dans la série "Les Compagnons de l'Ombre" (Rivière Blanche).
Ajoutons que Muriel Ironcastle, la fille de Hareton Ironcastle, est l'héroïne de "The Inner World Adventure" (Knightraven Studios - 2013), roman non traduit à ce jour.
Le travail mené par Serge Lehman et Fabrice Colin sur "La Brigade Chimérique" ("La Brigade chimérique" de Serge Lehman / Fabrice Colin / Gess) a aussi permis d'intégrer ce personnage dans l'univers du Jeu de Rôle ("La Brigade chimérique", le jeu de rôle) et ses suppléments ("La Brigade chimérique", suppléments et aventures pour le JdR).
Source : http://jhrosny.overblog.com/hareton-ironcastle-partie-i-origines


L'oeuvre de Rosny aîné dans le domaine public, disponible gratuitement en numérique ici. Ne vous laissez pas abuser par des éditeurs indélicats vous vendant ce roman sans rien y ajouter.


Quelques citations :


Le soir allait étreindre la forêt des vieux âges et la peur, faite de peurs accumulées par les générations sans nombre, agitait les bêtes herbivores. Après tant de millénaires, la forêt ignorait presque l’homme. Dans sa persévérance obscure et inlassable, elle refaisait les formes engendrées avant les temps où naquirent les Cromlechs et les Pyramides. Les arbres demeuraient les maîtres de la terre. De l’aube au crépuscule, à travers les jours, à travers les nuits, sous les rayons rouges, sous les rais d’argent, invaincus par les siècles et vainqueurs de l’étendue, ils dressaient leurs royaumes taciturnes.

Par cette conjonction de territoires, le lac voyait surgir sur ses rivages toutes les bêtes étranges du désert, les fauves sournois de la prairie, les hôtes sans nombre des ramures : l’autruche et la girafe, le phacochère baroque et le rhinocéros monstrueux, l’hippopotame et le sanglier, le lion, le léopard et la panthère, le chacal, l’hyène et le loup, l’antilope, le zèbre, le dromadaire et le couagga, le gorille, l’hamadryas, la guenon à camail et le babouin, l’éléphant et le buffle ; le python et le crocodile ; les aigles et les vautours, les cigognes, les ibis, les grues, les flamants, les aigrettes, les martins-pêcheurs...
- Une solitude admirable... créée pour toutes les bêtes de l’Arche, dit Guthrie. Depuis combien de fois mille ans ce lac a-t-il vu passer l’immense vie que les hommes auront détruite ou soumise avant la fin du XX e siècle ?
- Croyez-vous qu’ils la détruiront ? répondit Farnham... Si Dieu le veut. Moi, je pense qu’il ne voudra point !
- Pourquoi ? Depuis trois cents ans, ne protège-t-il pas visiblement la civilisation ? Et surtout la civilisation anglo-saxonne ? N’est-il pas écrit : « Remplissez la terre, et l’assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, et sur les oiseaux des cieux, et sur toute bête qui se meut sur la terre ! »
- Mais il n’est pas écrit : « Détruisez ! » Or, nous avons effroyablement détruit, Sydney, sans
miséricorde et sans discernement. L’œuvre de Dieu semble être entre les mains fragiles de l’homme... Nous n’avons plus, croit-on, qu’un geste à faire. Nous ferons ce geste. Il nous conduira à notre perte... tandis que la création libre refleurira. Voyez-vous, je ne peux pas croire que tout a pu être préservé si longtemps, jusqu’à l’Australie des marsupiaux et des ornithorynques, pour périr sous des armes humaines. Je vois distinctement l’abîme qui va s’ouvrir, je vois les nations se redissoudre en peuplades, les peuplades en tribus, les tribus en clans... En vérité, Sydney, la civilisation va mourir, la vie sauvage va renaître !...
Guthrie poussa un vaste éclat de rire :
- Je prédis, fit-il, que les usines de l’Europe et de l’Amérique fumeront sur toutes les savanes et consumeront toutes les forêts ! Toutefois, s’il en était autrement, je ne suis pas de ceux qui se répandraient en pleurs. J’accepterais la revanche des Bêtes !
- Moi, je l’accepte, répondit mystiquement Farnham, parce que ce sera la volonté du Seigneur.

Vainqueur précaire, l’homme ne possédait encore qu’une faible part de la terre sauvage, et, dans l’opacité nocturne, il était perdu au sein d’une puissance invaincue.

Que de fois, dans la nuit belliqueuse, des guerriers Trapus avaient été amenés comme ceux-ci, pour servir de pâture. Que de fois aussi les Goura-Zannkas battus n’avaient-ils pas été mutilés et suppliciés par les Trapus vainqueurs !
- Oui, murmura Philippe, qui songeait à ces choses, c’est une scène des vieux âges.
Il marchait, pensif, à côté de Muriel, et parfois, leurs regards se croisaient avec une douceur profonde...
- Ces choses finiront un jour ! dit-elle.
- Sans doute ! Mais peut-être par la disparition des Trapus et Goura-Zannkas. Sous les balles, les bombes ou les fléaux des Blancs... Car notre civilisation, Muriel, est la plus homicide qui ait paru sur la terre. Depuis trois siècles, nous avons fait disparaître plus de peuples et de peuplades que ne l’avaient fait tous les peuples conquérants de toute l’Antiquité et du Moyen Âge. La destruction romaine a été un jeu d’enfant à côté de la nôtre. Ne vivez-vous pas, Muriel, sur une terre aussi grande que l’Europe, où vous avez fait disparaître la race rouge !



4 commentaires:

  1. Pour ma part, je n'arrive pas à me plonger dans ces "vieux" romans ! :-/

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    1. Pas grave, il y a tant de livres qui sortent, il y en a pour tous les goûts...

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  2. Allez un de plus dans la besace!!! Et merci pour les liens qui me sont précieux!

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