La fin de tout

John Scalzi, L'Atalante, 2017, 432 pages, 12€ epub sans DRM



Avec un titre pareil, on pourrait croire que John Scalzi se lance dans le post apocalyptique. Il n'en ait rien, tout au plus les préquelles d'une possible apocalypse.

Présentation de l'éditeur :


Le jour de mes soixante-quinze ans, je me suis engagé. Ainsi commençait Le Vieil Homme et la Guerre, le premier livre de la série.
Mais le temps a passé depuis l’époque où la Terre alimentait benoîtement les Forces de défense coloniale en chair à canon. À présent, c’est non. Et, désormais au régime sec, l’Union coloniale regarde se cabrer les mondes qu’elle a colonisés. On se prend ici et là à revendiquer son indépendance. Et tout cela dans un univers où l’espèce humaine est loin d’avoir la cote. Prise entre le Conclave, puissante confédération de peuples extraterrestres plus ou moins hostiles, et ses propres divisions internes, l’humanité pourrait bien faire face à... la fin de tout.
D’autant qu’une organisation clandestine en plein essor hante l’obscurité de l’espace et qu’elle œuvre à dresser par tous les moyens les uns contre les autres.
« Salut. Je m’appelle Rafe Daquin et je suis un cerveau en boîte. »

Mon ressenti :


Le vieil homme et la guerre, sixième épisode. John Perry est toujours absent, remplacé par la fine équipe diplomatique de l'Union Coloniale (UC) rencontrée dans Humanité divisée. Je mets en toute fin de billet un résumé fait par l'auteur pour ceux qui voudrait lire ce roman recueil sans lire Humanité divisée. Autant dire que la lecture du tome précédent est plus que recommandé pour comprendre au mieux l'intrigue de ce roman recueil. Roman, sujet qui fâche et qui m'a valu la rédaction d'un billet rageur contre les infâmes éditeurs.
Donc non, ce n'est pas un roman, c'est un recueil de nouvelles - novellas avec une ligne directrice. Il paraitrait que cela se nomme "fix-up"...
Donc 4 novellas + 1 bonus, pas de roman, merci Monsieur L'atalante pour la non précision de l'information.
John Scalzi a t-il réussi à me faire oublier ce désagrément avec sa prose, voyons voir :


La vie de l'esprit :
Un cerveau en boite, une pilule bleue et tel est pris qui croyait prendre.

Éloignons tout de suite le malentendu, la pilule bleue n'est pas pour John Perry qui aurait des troubles de la sexualité suite à la vieillesse ou suite au traitement vert des Forces de Défenses Coloniales (FDC), il s'agit d'une technique de logiciel malveillant nommé blue pill en référence au film Matrix.
Nous avions déjà rencontré ce type de cerveau en boite dans un texte de Humanité divisée. Ce dernier était assez sombre en envoyant toute la détresse du cerveau en boite au visage du lecteur. Ici le ton est plus léger, notamment grâce à la personnalité du cerveau en question.
Cela ne révolutionne pas le genre, mais cela se consomme comme une bonne distraction.

En prime en fin de roman recueil, Une autre version de La vie de l'esprit :
"Quand je supprime un passage dans un livre, je ne le jette pas. Je le range dans le « fichier des coupures », et je le garde au cas où il pourrait me servir plus tard.
C’est ce que j’ai fait ici : j’ai récupéré plusieurs extraits de ce fichier et je les ai remaniés pour composer le premier chapitre d’une autre version de « La Vie de l’esprit », la première novella de La Fin de tout. Cette version présente (globalement) les mêmes péripéties avec (globalement) les mêmes personnages, mais selon un angle narratif bien distinct."
J'ai préféré cette version, dommage qu'il ne s'agit que le début, mais l'auteur le précise, lui, dans sa préface. Intéressant aussi de constater que sur une même idée, la narration peut prendre une autre forme. Je vous conseille de lire ces 2 textes à la suite.

Cette union fantôme :

On se retrouve en pleine diplomatie politique. Le Conclave est la cible de plusieurs personnes/Etat qui ne rêvent que de voir cette union des peuples disparaitre, le Général Gau, sa conseillère et son chef de sécurité vont tout faire pour tenter d'éliminer ces manœuvres politiques.
La paix est décidément une sacré épine dans le pied pour certains, faire la guerre est plus prometteur niveau carrière.
Intéressante dans son allégorie de diverses organisations internationales telle que l'Onu.

Illustration : John Harris

Résister au temps :
Trois soldats des FDC et leur chef sont envoyé sur diverses missions. L'occasion de discuter du jour de la pizza et celui des raviolis, de la possibilité de détruire un immeuble entier pour tuer un snipper.
C'est drôle, imaginatif, frôle le burlesque dans les relations de la soldatesque et de leur rapport à leur chef. Et au final pas si léger que cela et en dit plus long sur les pensées des militaires face aux missions parfois absconses qu'on leur demande. Bref, John Scalzi réussi à me faire comprendre qu'un militaire n'est pas forcément une personne dénué de cerveau. Une prouesse !

L'union ou le néant : La nouvelle qui donne l'explication du titre. Le complot intergalactique pour mettre fin au monde tel qu'il est atteint son paroxysme. L'agence tout risque de la diplomatie va devoir puiser dans toute son énergie pour tenter d'enrayer le cataclysme.
Un texte qui peut se lire de diverses manières, soit comme un roman d'espionnage, de space opéra et de thriller, Soit comme une analyse politique internationale.

Humanité divisée m'avait laissé mitigé, l'auteur installant son univers dont la conclusion nous est donnée ici.
John Scalzi manie les codes du space opéra, de la SF militaire et de l'humour avec habileté pour nous donner un roman recueil divertissant. C'est parfois con, potache mais aussi très intelligent. En creux, l'auteur s'y livre a une fine analyse politique, stratégique des instances internationales, de la politique extérieure americaine. Une critique de l’impérialisme tout en finesse, en arrière plan du divertissement.
L'occasion aussi de nous parler de démocratie, de l'autre, de l'entente entre les peuples, de rebellion face à la dictature.
Décidément pas si con ce Scalzi.
Et il a réussi à me faire oublier les malhonnêtetés de L'atalante. Très fort ce Scalzi !


La critique La critique La critique



La critiqueLa critique



Quelques citations :


C’était à la demande du général que l’on avait discrètement escamoté ces implantations. On avait divulgué à Hado des informations périmées sur leur existence afin de le faire passer pour un imbécile.
La stratégie avait porté ses fruits : il était effectivement passé pour un imbécile quand il avait interpellé le général à ce sujet. Ce que Tarsem et moi-même avions sous-estimé, cependant, c’était le nombre de députés qui continueraient de suivre sciemment un imbécile.
Cette union fantôme

La diplomatie est une trahison. Tendre la main au lieu du poing, c’est trahir. Penser que des intelligences ayant évolué dans des environnements différents puissent néanmoins trouver un terrain d’entente, c’est trahir. Si l’on considère tout cela comme fondamentalement contraire aux intérêts de l’humanité, alors il est assez logique qu’il ne reste plus en définitive que la guerre. La lutte. L’affrontement qui conduit à la ruine pour l’une des espèces engagées ou pour les deux.
Une autre version de la Vie de l'esprit

Malgré toute sa résistance, la foule a fini par reculer. Certains manifestants ont jeté des bouteilles et d’autres projectiles vers les entonnoirs, mais ils ont eu la surprise de les voir rebrousser chemin et rejaillir sur eux à toute vitesse. À l’évidence, manifester n’engage à aucune connaissance préalable des lois de la physique.
Résister au temps

::Je n’y manquerai pas. À propos, Ilse… ::
::Oui, lieutenant ? ::
::Quel était votre métier sur Terre ? Je me le suis toujours demandé. ::
::J’étais prof de maths dans un collège de Tallahassee, en Floride. ::
::Hum ! Ce n’est pas ce que je m’imaginais. ::
::Vous plaisantez ? Essayez donc d’enseigner l’algèbre à un tas de petits cons pendant trente-huit années d’affilée. À vue de nez, il me reste une petite décennie avant que j’aie fini d’évacuer la rage accumulée. ::
Résister au temps

— Oui, on est mardi, a répondu Sau Salcido. Demande-moi comment je le sais.
— Ton AmiCerveau ? a lancé Ilse Powell.
— Non : parce qu’on a eu de la pizza hier au mess du Tübingen. Le jour de la pizza tombe toujours un lundi. Aujourd’hui, nous sommes donc mardi.
— C’est trop compliqué pour moi, a fait Lambert.
— Qu’on soit mardi ? s’est étonné Salcido.
— Non, que ce soit lundi le jour de la pizza. Sur Terre, j’étais agent d’entretien dans une école primaire. Là-bas, le jour de la pizza, c’était le vendredi. Les instits s’en servaient pour canaliser les enfants. « Soyez sages, sinon vous n’aurez pas de pizza vendredi. » Faire du lundi le jour de la pizza pervertit l’ordre naturel des choses.
— Ce n’est pas le pire, à mon avis, a lâché Powell. Au mess du Tübingen, on sert des macaronis le jeudi…
— Au lieu du mardi !
— Évidemment. « Les macaronis du mardi. » Parfaitement logique.
— Pas dans toutes les langues, a fait remarquer Salcido. En allemand, par exemple, on dirait Dienstagmakkaroni. Ça ne colle pas. Enfin, je crois que ça se dirait Dienstagmakkaroni. Je ne suis pas traducteur.
— Tu pourrais demander à ton AmiCerveau, a dit Lambert.
— Et toi, tu aurais pu demander au tien quel jour on est, alors je ne vois pas où tu veux en venir.
— Dans l’école où je travaillais, les macaronis, c’était le mercredi, a déclaré Lambert pour botter en touche.
— Quelle drôle d’idée ! s’est écriée Powell.
— Pourquoi ? Ça commence pareil.
— Pas dans toutes les langues, a objecté Salcido.
— Peut-être. Il n’empêche que ça commence pareil.
— À condition de ne pas y regarder de trop près, a dit Powell. Du strict point de vue de la phonétique, « mè » n’a rien à voir avec « ma ».
— Bien sûr que si.
— « Mèèèèèèè ! » a fait Powell. Rien à voir avec « maaaaaaa ».
— Tu chipotes.
— Aide-moi, tu veux ? a demandé Powell à Salcido.
— Elle n’a pas tort, a dit Salcido à Lambert.
— « Les macaronis du mardi », ça sonne tout de même mieux que « la pizza du lundi », a déclaré Lambert.
— Pas dans toutes les langues, a insisté Salcido. En allemand, « lundi » se dit Montag. D’où « la pizza du lundi ». Ce qui est assez logique.
— Ce n’est pas logique du tout, a protesté Lambert. C’est complètement inepte !
— C’est imparable, oui. Vous connaissez cette vieille chanson ? « Quand la lune accroche ton regard comme une grosse pizza, c’est l’amore*. » Eh bien, Montag vient de Mond, qui veut dire « lune ». CQFD.
— Je n’ai jamais entendu cette chanson, a grogné Powell. Tu viens de l’inventer. À défaut d’arguments, tu t’es rabattu là-dessus pour avoir le dernier mot.
— Complètement d’accord, a fait Lambert.
— Pas du tout !
— C’est n’importe quoi.
— Non.
— On vote, a décidé Lambert en levant la main, bientôt imité par Powell. La motion est adoptée. C’est du grand n’importe quoi.
Résister au temps

La bonne nouvelle, c’était que ce nouveau type de propulsion se fondait sur une théorie reconnue. Par conséquent, s’il faisait la preuve de sa fiabilité, il révolutionnerait le voyage spatial.
La mauvaise nouvelle, c’était que malgré nos efforts il n’était fiable qu’à quatre-vingt-dix-huit pour cent lorsque la masse de l’objet à propulser était inférieure à cinq tonnes. À partir de ce seuil, la probabilité d’échec suivait une courbe exponentielle. Pour un vaisseau de la taille d’une frégate coloniale standard, le taux de succès atteignait le chiffre gênant de sept pour cent. Et, quand le système connaissait une défaillance, le vaisseau explosait. Maintenant, quand je dis « explosait », il faut comprendre qu’il « entrait en interaction catastrophique avec la topographie de l’espace-temps d’une manière que nous ne sommes pas encore tout à fait capables d’expliquer ». Mais « exploser » exprime bien l’idée, surtout en ce qui concerne l’être humain qui se retrouverait au milieu.
L'union ou le néant 

Plantons le décor pour les néophytes de la série :

Alors, Ocampo s’est mis à parler. Il m’a parlé de l’humanité et de l’Union coloniale, dont il m’a brièvement présenté l’histoire, à commencer par ses premières rencontres avec des espèces extraterrestres intelligentes. Rencontres qui ont invariablement mal tourné pour ce système politique naissant et lui ont valu pour toujours sa réputation agressive, belliqueuse et paranoïaque.

Il m’a rappelé la décision prise jadis de séquestrer la planète Terre, de ralentir volontairement son développement politique et technologique pour la réduire en définitive à l’état d’élevage de colons et de soldats afin d’offrir à l’Union coloniale les ressources humaines brutes dont elle avait besoin pour s’élever parmi les autres espèces intelligentes beaucoup plus vite que celles-ci ne s’y étaient attendues ni préparées.

Il m’a expliqué que le Conclave, un regroupement de centaines de peuples extraterrestres, s’était formé en partie à cause de l’Union coloniale. Le général Tarsem Gau avait fini par le comprendre, plus que toute autre société ou gouvernement, l’Union coloniale était ainsi structurée qu’elle finirait par dominer l’ensemble de l’espace local, avec pour conséquence le génocide, intentionnel ou non, des autres espèces intelligentes. Dès lors, la seule solution était de mettre en place ce Conclave : soit l’Union coloniale serait absorbée dans cette confédération, une voix parmi toutes les autres, soit elle serait neutralisée car incapable de s’en prendre à un groupe aussi puissant.

L’idée était excellente en théorie, m’a-t-il expliqué, mais l’Union coloniale avait tout de même failli détruire le Conclave en une occasion. Seule la décision personnelle du général Gau d’épargner l’UC avait empêché les espèces affiliées à son organisation de lui tomber dessus à la manière d’un train lancé à toute vapeur contre un rongeur égaré sur ses rails. Le général Gau disparu, l’UC redeviendrait une cible, et l’humanité entière avec elle.
 

10 commentaires:

  1. Peut être qu'un jour je me lancerai sur cette série... mais après le mauvais souvenir Honor Harrington de Weber toujours chez l'Atalante, je n'ose pas trop tenter. :-/

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    1. Tu écoutes le lutin et tu lis Le vieil homme et la guerre. Après on en reparle.

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    2. Je vais attendre que le prix du numérique soit au moins égal à celui du poche... 10€ l'ePub (Atalante) et 7€ le poche (Milady) !!!

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    3. J'ai la même mésaventure avec ma lecture en cours. Il fau vraiment que l'Etat modifie les règles du jeu, cela devient du n'importe quoi.

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    4. Je pense que là c'est un problème de droit entre les différentes maisons éditions. L'Atalante n'a pas du céder les droits numériques à Milady !?

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  2. Cela n'a rien à voir avec HH. HH est un space opera militaire sans autre but que le divertissement et l'action. Scalzi propose une Sf dans un cadre militaire mais à théme.

    Bon malgré ta déconvenue, je pense que je vais le lire, si Scalzi est parvenu à te faire oublier la manigance de l'éditeur, c'est fort. Je prends!

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    1. En gros,
      HH = SF miliaire de bourrin
      Scalzy = SF miliaire de tafiole

      Lit Humanité divisée avant. Au vue de ton rythme de lecture, les deux tomes sont lus en deux battements de cils.

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  3. Je me rend vraiment compte qu'il faut lire humanité divisée avant!! Je vais rectifier cela.

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