L'homme invisible

 

Herbert George Wells, Domaine public,1897, 256 p., 0€ epub



J’apercevais déjà, dégagé des ténèbres du doute, le tableau magnifique de tout ce que l’invisibilité pouvait représenter pour un homme : le mystère, le pouvoir, la liberté. D’inconvénients, je n’en voyais aucun.

Une vingtaine d'adaptation cinématographique, cinq séries TV, des BDs... Tout le monde connait, croit connaître l'histoire, mais qui l'a lu ? Rendons visible ce livre devenu invisible.

Présentation :


C'est en hiver que l'étranger s'est installé à l'auberge du village d'Iping. Ses bandages, qui lui enveloppent entièrement la tête, sauf le nez, d'un rouge vif, lui donnent un aspect étrange, assez terrifiant, et les langues vont bon train.
On l'aurait peut-être laissé en paix s'il n'avait pas retardé le paiement de sa note et s'il n'y avait pas eu un vol mystérieux au presbytère. Mandat est donné de l'arrêter, mais comment se saisir d'un personnage qui disparaît à mesure qu'il se dépouille de ses vêtements? Quant à l'étranger, obligé d'être nu pour échapper aux poursuites, il souffre cruellement du froid et de la faim.

Mon ressenti : 


Et il murmura quelque chose entre ses dents, – des mots suspects, comme des malédictions.
Il était là, debout, si bizarre, si agressif, une bouteille dans une main, un tube dans l'autre, que Mme Hall eut une sorte d'inquiétude. Mais c'était une femme résolue.

Un étranger débarque un soir de tempête de neige dans l'auberge du village. Irascible, extraverti et misogyne, les langues commencent à jaser, mais l'inconnu paye bien ! D'autant qu'il a des moeurs étranges, il ne sort que de nuit par des chemins isolés et on ne le voit qu'avec des lunettes englobantes, des bandages et des gants. Et les chiens ne souffrent guère sa compagnie. Serait-il un criminel ? Un nègre ? Ou pire encore un Anarchiste ?

Quoi que l'on pensât de lui, tout le monde à Iping s'accordait à ne pas aimer cet étranger.

Et vint le triste jour où cet étranger ne peut payer la note de son logis, jour qui scellera son funeste destin et sera celui de la révélation

Mais ! s'écria Huxter, tandis qu'il était ainsi penché, ce n'est pas un homme ! Ce ne sont que des vêtements sans corps !

La scène de l'arrestation est très loufoque et s'ensuit un jeu de massacre burlesque. Le ton du roman est à la satire sociale.


Si vous aimez les vieux films de satire sociale en noir et blanc, tel Boudu sauvé des eaux, l'homme invisible vous comblera, pour les autres, il restera une histoire sympathique à l'odeur de naphtaline.
Mais l'intérêt est ailleurs !
Ce texte est parue en pleine époque de découvertes scientifiques, et Wells s’interroge sur l'éthique de la science, de ses possibles égarements. Wells n'est pas contre la science, il nous démontre juste que comme tout progrès, il faut réfléchir aux conséquences négatives des inventions et peut être poser des limites. Wells nous questionne aussi sur l'Autre, le différent, l'anormal, ce "nègre" ou "métis". La foule se méfie et n'attends qu'une occasion pour donner la chasse.
L'originalité vient aussi dans le choix du personnage principal antipathique, égocentrique, sans scrupule dont l'auteur parvient au début de l'histoire à jouer sur sa psychologie


Au final, sous une légèreté apparente et un burlesque de situation, un livre qui nous amène sans lourdeur à quelques réflexions. Une réussite en ce sens.

Et si l'histoire nous apprend une chose, c'est qu'il vaut mieux, si vous découvrez la formule de l'invisibilité, de la tester en été ou dans les pays du sud. Mauvais, le rhume lorsque l'on est invisible !

Vous pouvez télécharger gratuitement ce roman sur feedbooks ou ailleurs

 

Quelques citations :

Mme Hall apparut derrière le comptoir. Son mari lui fit des signes pour l'inviter à se taire. Cela réveilla en elle l'esprit conjugal d'opposition.
« Qu'est-ce que vous écoutez là ? N'avez-vous donc rien de mieux à faire, un jour de fête comme aujourd'hui ? »
Hall essaya de se faire comprendre par des grimaces et des gestes muets ; mais sa femme était obstinée, elle éleva la voix. Hall et Henfrey, découragés, se retirèrent sur la pointe des pieds dans le bar, continuant à gesticuler pour la mettre au courant.

Par le Ciel, Kemp, les hommes de votre caractère ne savent pas ce que c'est que la rage !… Avoir travaillé pendant des années, avoir fait des projets, des plans, et trouver alors quelque crétin, maladroit et aveugle, qui vient se jeter en travers de votre carrière !… Il n'existe pas d'imbécile qui n'ait été mis au monde pour me nuire…


6 commentaires:

  1. Je dis oui ! C'est cool de le mettre en lumière. C'est fou comme les reprises ne laissent transparaître que la lecture au premier degré quasiment.

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  2. Entre les adaptations et le livre, c'est le grand écart.
    J'ai bien aimé aussi que ce soit dans ine autre veine que ses autres écrits.

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  3. Je l'ai lu il y a une éternité. J'étais ado. J'avais beaucoup aimé à ce moment là. Un regard émerveillé, braqué sur l'aventure. Je crains que l'aspect réflexion m'ait échappé, du moins de manière consciente.

    J'aime bien toutes ces citations qui illustrent ta critique. Belle trouvaille, comme souvent! :-)

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    1. Un roman qui peut se lire à différents niveaux, donc susceptible de plaire à un lectorat jeune. Et de combler l'ado devenu adulte. Souvent le fait des grands livres.

      Merci

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  4. Un classique qu'il faudrait que je lise !

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  5. Je me plonge dans les classiques en cas de panne d'inspiration livresque. Cela dépayse et relativise certaines nouveautés

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