Imprésario du troisième type



John Scalzi, L'Atalante, 2011 (parution originale 2005), 416 p., 11€ epub sans DRM


Premier roman de l'auteur, le potentiel est présent, les défauts de jeunesse aussi. A lire dans l'attente de son prochain roman.

Présentation de l'éditeur : 


Les Yherajks sont des extraterrestres pacifiques et ils aimeraient bien se présenter à nous. Mais les bonnes intentions ne suffisent pas. Car les Yherajks sont des blobs, des masses gélatineuses informes propres à susciter la répugnance. Pire, ils puent épouvantablement. Dans ces conditions, comment aborder l’humanité sans déclencher une déplorable réaction de rejet ?
La solution s’appelle Tom Stein. Tom est un jeune, brillant et ambitieux agent d’artistes à Hollywood, fin négociateur et organisateur de plans de carrière. À lui de s’y coller, de préparer le terrain, d’imaginer par quel biais opérer la rencontre des deux espèces à leur profit mutuel. De concevoir le plan de com’ adéquat.
Un défi à la mesure de la verve de John Scalzi, l’auteur du Vieil Homme et la guerre.



Mon ressenti :


Les extraterrestres sont là, à notre porte mais ils n'osent pas entrer. Sont-ils timides ? Ont-ils des intentions hostiles ? Ont-ils peur qu'on les prennent pour des témoins de Jéhovah ? Rien de tout cela. Ils sont juste affreux et puent terriblement. Et comme ils sont bien élevés, ils veulent se présenter sous leurs plus beaux atours. Après avoir sournoisement écouter derrière la porte, ils ont trouvé la solution : prendre un impresario pour établir un plan de communication !

Un pitch qui donne le ton de suite, le contact se fera à la mode humoristique et satirique, Scalzi est aux manettes. Critique de films à ses débuts, l'écriture est très visuelle, cette carrière dans le monde hoolwoodien est le plus gros défaut du livre. Il s'attarde dans une première moitié à nous faire la satire des agents d'acteurs et d'Hollywood. C'est drôle sans verser dans le lourd, mais la satire reste assez convenue : les coups bas entre agents, les relations avec les acteurs sans cervelles, les séries débiles, les égo démesurés. On se croirait devant la série française Dix pour cent, le pathos en moins. Pas désagréable, mais moi j'ai choisi ce livre pour le troisième type du titre, pas pour l’impresario. Et Tom Stein, l'agent choisi pour concevoir le plan de communication ne semble pas très curieux de notre cher alien...
En outre, Scalzi m'a habitué avec ses romans sous forme de divertissements de glisser quelques problématiques sociétales et là le compte n'y est pas.

Puis vient enfin la rencontre tant attendu, du moins son récit par la première personne qui les a réellement rencontré. Et là c'est assez iconoclaste. Comme les Yherajks ont un langage très fleuri, du moins olfactivement, nous aurons le droit à quelques scènes cocasses. Les événements s'enchainent enfin avec notre blob métamorphe digne héritier de La Chose en beaucoup moins flippant mais beaucoup plus puant.. La satire hollywoodienne devient plus grinçante et certains passages relèvent de la farce dramatique. Et derrière se glisse une critique des apparences, des plans marketing et d'une société du spectacle.

Un roman mi-figue, mi-raisin, à réserver aux inconditionnels de Monsieur Le vieil homme et la guerre.




Quelques citations :


Je lui demande ce qui le motive à travailler pour le Biz. Évidemment, le sens de ma question lui échappe.
« Quoi ? Qu’est-ce que ça peut vous foutre ?
— Je m’interrogeais, c’est tout. Vous ne vous privez pas de dire que c’est un petit canard de merde et que vous y écrivez des petites histoires de merde. On peut se demander ce que vous y faites encore. À moins que vous n’aimiez la merde…
— Quel esprit, décidément ! Je ne sais pas si vous avez remarqué mais le boulot de journalistes n’est plus vraiment porteur dans ce pays. Surtout à Los Angeles, où parler de lecture sera bientôt considéré comme une obscénité.


— Vous me faites penser au type qui se tape une pute et qui lui dit : “Avec la classe que tu as, je me demande comment tu peux faire un boulot pareil !”
— Vous vous considérez comme une pute ?
— Peu importe. La vérité c’est que vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu’au coude, Tom. Prenez un tout petit peu de recul et vous verrez : il n’y a pas de gaspillage. Tout ce qui touche à l’industrie du spectacle est de la plus haute importance.
— Ah oui ?
— C’est le seul bien d’exportation profitable à notre pays.
— On m’aurait menti ? Je croyais que c’était la démocratie. Encore une de ces fables qu’on nous inculque à l’école ? Et l’évolution ? Vous avez du nouveau à ce sujet ? De plus en plus de gens racontent que c’est aussi du pipeau.
— Vous pourriez être sérieux deux minutes, s’il vous plaît ? fait Van Doren. Vous savez que de nombreux pays édictent des lois pour imposer des quotas d’œuvres nationales à la télé comme à la radio ? Pourquoi ? Parce que, s’ils ne le faisaient pas, Hollywood aurait la mainmise sur leurs programmes. Ce ne sont pas nos ogives nucléaires, nos missiles ni nos sous-marins atomiques qui nous valent d’occuper le rang que nous occupons dans le monde d’aujourd’hui, c’est Bugs Bunny and Friends. Nos sociétés ont été forgées par le modèle hollywoodien.
— “Planet Hollywood” ? Vous gobez ça, vous ?
— Ça me paraît évident.
— Pour moi, c’est un fantasme de marchands de hamburgers. Les seuls à croire encore que Hollywood dicte sa politique au monde sont les crétins de gauche traumatisés par les héros des films d’action et les crétins de droite traumatisés par les tétons des actrices.
— Qui a parlé de politique ? Je parle d’image, Tom. La majorité des habitants de cette planète voudraient que leur monde ressemble à celui que leur dépeignent notre cinéma, notre télé, nos musiques. C’est ça, le vrai pouvoir. Hollywood est devenu le modèle culturel universel. Qui veut s’adresser au monde ne parle pas de Washington, de Moscou, de Londres ou d’ailleurs, mais de Hollywood.

8 commentaires:

  1. Cool, du Scalzi !
    Étant un grand fan de lui, je me dois de le lire même si j'ai pu constater que les critiques étaient parfois mitigées(y compris la tienne, donc).
    Je suis en train de finaliser la critique de Zara XXIII qui, pour le coup, fait beaucoup plus consensus. En tout cas j'ai, comme toi, beaucoup aimé :)

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    1. Impossible de ne pas le lire si tu es un fan de Scalzi. Même si je l'ai moins apprécié, je l'ai trouvé meilleur que Redshirts. Je crois qu'il ne me reste plus que Deus ex machina à lire de l'auteur.
      Pour Zara 23, il me tarde de lire ton avis pour me replonger dans ses aventures trépidantes, drôles et critiques. Mais on en reparlera sur ton blog.

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  2. Je vais attendre la suite des "Enfermés" pour me replonger chez Scalzi... ;-)

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    1. Ah, j'avais zappé l'info. C'est pour quand ?

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    2. Mouaih, après vérification, il vient de paraitre, plus que 364 jours à attendre, une broutille !

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  3. Tu l'as à priori un peu plus apprécié que moi, mais je crois qu'on reste d'accord pour dire que c'est loin d'être exceptionnel - à l'exception de la couverture peut-être. ^^

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    1. C'était peut être le moment idéal pour le lire, et pour un premier roman, ça passe.
      Pas très fan cependant de la couverture, mais elle est synchrone avec le contenu.

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