La Ballade de Black Tom

 

Victor LaValle, 2018, Le Bélial, 160 p., 5€ epub sans DRM


À H.P. Lovecraft,
avec tous mes sentiments contradictoires


Sous une anodine ballade dans les rues de Harlem, Victor Lavalle dynamite les apparences. Et ceux qui en font leur miel.


Présentation de l'éditeur :


En cette année 1924, Charles Thomas Tester, musicien médiocre et escroc de bas étage, traîne sa longue silhouette dans les rues grouillantes de Harlem en quête de quelques dollars, de quoi manger et conserver le toit qu’il partage avec son père vieillissant. Il n’ignore rien de la magie qu’un costume ajusté comme il convient peut provoquer, de l’invisibilité qu’un étui à guitare peut générer, jusque dans les quartiers les plus huppés, ni de la malédiction gravée dans la couleur de sa peau, celle-là même qui attire invariablement le regard des Blancs et des flics qui vont avec. Tommy est un prince. Un prince de Harlem. Mais quand il livre un grimoire occulte à une sorcière recluse au cœur du Queens, il n’a aucune idée des portes qu’il entrouvre alors, ni de la monstruosité que son geste pourrait bien libérer...
Une horreur à même d’engloutir New York tout entière.


Mon ressenti :


Charles Thomas Tester aurait pu avoir une vie normale comme tant d'autres. Mais il traine une sacré casserole dans cette Amérique des années 1920 : il est noir !

Cette novella peut se lire comme un simple récit fantastique, réussi qui dose très finement la montée dramatique. L'atmosphère est bien rendue, on est dans les pas du personnage, visitant ces quartiers malfamés, ou huppés dans une ambiance jazzy. Les personnages sont bien campés, tout en nuance.
Nous suivons la ballade d'un jeune noir qui survit grâce à quelques combines. Jusqu'au jour où il va croiser la route d'un vieillard qui ne se laisse pas abuser par l'habit... Peu à peu, l'auteur égrène quelques notes de magie, noire, d'occultisme et de réalité pervertie pour en milieu de récit changer de point de vue et nous offrir un autre regard.




On peut aussi lire ce texte de manière politique. Et c'est la cerise sur le gâteau.
Qu'elle soit vestimentaire, physique ou morale, l'apparence est un des maitre mot de ce texte. Charles Thomas Tester n'est pas dupe de cet état de fait, joue le Noir devant le Blanc, devant le flic. Il est débrouillard, alors se faire passer pour une personne que l'on est pas, tenter de devenir invisible dans un quartier où être noir est un affront...
Le remerciement de Victor LaValle en début de texte (et de ce billet) suffit en une économie de mots à rendre à Paul ce qui lui revient, mais c'est surtout un bon coup de genou dans les roubignoles de l'écrivain de Providence. En ces temps de Lovecraft-mania, salutaire!
Un texte aussi très actuel sur le ressenti des fils d'immigrés qui ont vu leurs parents trimer pour une misère, en devant baisser la tête pour unique prime.
Bref, une novella sociologique qui parvient à en dire beaucoup plus qu'un essai sur la condition des immigrés et des inégalités, tout en préservant le plaisir de lecture.

Cependant, malgré une montée en tension réussie et un regard social réaliste, La Ballade de Black Tom n'est pas un texte qui me restera longtemps en mémoire. J'ai trouvé le récit fantastique assez convenu somme toute. Je n'ai pas grelotté sous ma couette, ni sursauté.
Une belle ballade, certes, pas inoubliable. Mais tout à fait recommandable, pas comme certains textes d'un certain auteur...


Des avis quasi unanimes :

Blackwolf a savouré l'ambiance qui monte lentement en tension et en angoisse;
Lutin82 a apprécié la lecture à plusieurs niveaux qui enrichit les sensations et l’intérêt du texte;
Apophis place ce texte de la collection Une heure-lumière parmi ses textes les plus magistraux et indispensables;
Gromovar salue un texte très sympathique qui prouve qu'on peut faire du « Lovecraft » militant et réussir;
Celindané  a aimé ce récit particulièrement glaçant, dépassant la mythologie créée par Lovecraft;
Samuel Ziterman s"est laissé porter par l'humanité du récit de très bonne facture;
Pour l'Ours inculte, une histoire prenante, saveur Cthulhu;
Boudicca a été séduite aussi et surtout par son ambiance résolument oppressante;
Pour Artemus Dada.l'histoire d'épouvante la plus saisissante qu'il lui a été donnée de lire;

Comme moi, FeydRautha  a préféré l'ambiance à la trame de l’histoire qui ne l'a pas particulièrement fasciné;
Seul Vert a eu du mal à rentrer dans l’histoire et en est même sortie !

Prix Shirley Jackson 2017 et British Fantasy Award 2017 dans la catégorie novella

Citation :



Mais Tommy Tester ne se sentait pas capable de se joindre aux réjouissances. Hier encore, la promesse de ce monde nouveau aurait pu le tenter, mais aujourd’hui, elle lui semblait sans valeur. Tout détruire et confier ce qui restait à Robert Suydam et ces imbéciles ? Qu’est-ce qui changerait vraiment ? L’humanité n’était pas responsable de ce gâchis ; elle était ce gâchis.

 
Challenge S4F3


4 commentaires:

  1. Le seul truc qui pourrait me le faire lire, c'est qu'il est publié dans "Une heure lumière", parce que sinon...

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    1. C'est mon préféré de la collection. Après, il ne faut pas se forcer.

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  2. J'avais également adoré l'ambiance très réussie, malgré effectivement une trame qui réserve de peu de surprises.

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