La fin du monde a du retard

 

J. M. Erre, Buchet Chastel, 2014, 336 p., 7€ epub sans DRM


Voilà l'exemple typiquement français : la fin du monde est programmée, et La France, comme toujours, prend du retard dans son calendrier. Alors que je paye mes impôts et voilà le résultat, je vais rater la fin !
Foutu pays. De mon temps...

Présentation de l'éditeur :


Construit sous la forme d’une course poursuite, La Fin du monde a du retard met en scène Alice et Julius, deux amnésiques qui s’évadent de la clinique psychiatrique où ils sont traités. En effet, Julius s’est donné pour mission de déjouer un terrible complot qui menace l’humanité. Poursuivis par la police, par des journalistes et par de mystérieux personnages de l’ombre, ils iront de péripéties en rebondissements jusqu’à l’incroyable révélation finale.


Mon ressenti

J'avais pu tester l'écriture de J.M. Erre avec Le grand n'importe quoi, une histoire de boucle spatio-temporelle avec des aliens qui m'avait fait passer un bon moment. Dans sa bibliographie trainait une histoire de fin du monde, alors pourquoi pas ?

Alice n'a pas beaucoup de bol dans la vie. De une, elle est à l'asile, et de deux, elle est seule. Le plus beau jour de sa vie a en effet très mal tourné, l'explosion de joie s'est vite transformée en explosion tout court. Résultat, 262 morts, 1 survivante. Plus de famille, plus d'amis. Pour surmonter son traumatisme, son cerveau a disjoncté, fait table rase du passé, et hop, amnésie totale.
Julius, lui est un toxicomane assez bizarre, il se shoote aux capsules de Nespresso, une petite snifette et ça repart. Lui son problème, c'est que personne ne veut croire qu'il a raison : un grand complot se profile et va sonner le glas de la fin du monde. Pour preuve de sa clairvoyance, il est devenu amnésique, si cela n'est pas un coup des complotistes.

D'un côté nous avons donc notre bande d'amnésiques qui va de péripétie en péripétie, tentant par tous les moyens de mettre fin à la fin du monde.
D'un autre, nous suivons un commissaire de police à deux doigts de la retraite, qui voit tomber sur son bureau un dossier brûlant, et surtout doit collaborer avec un jeune lieutenant à la langue bien pendue.

La fin du monde a du retard, c'est donc un récit crépusculaire loufoque, diablement rythmé. Les pages se tournent rapidement, l'inventivité de l'auteur fait mouche, il détourne les codes du thriller ésotérique pour mieux nous amuser et s'amuser des mises en abimes.
Derrière l'histoire burlesque, quelques beaux morceaux. comme les extraits du site lafindumonde.com. l'auteur parvient à être le plus parfait complotiste et nous révèle La Vérité: on nous cache des choses.

C'est drôle et con, parfait pour un petit moment de détente et pour réviser quelques classiques comme Platon ou Ulysse.
Mais la question primordiale reste : que vient faire un pigeon unijambiste et borgne, avec une collerette blanche lors d'une fin du monde dans tout cela ?



Quelques citations :




Une soucoupe roulante.
Le groupe des photographes s’écarta pour laisser passer l’objet roulant non identifié. Certains tombèrent à genoux pour entonner un chant de gloire ; d’autres, rattrapés par leur mission sur Terre, mitraillaient l’apparition ; quelques-uns, enfin, traversaient la route, décidés à intégrer au plus vite la clinique Saint-Charles. De forme quasi sphérique, d’apparence similimétallique, de couleur pseudo blanchâtre, l’appareil prouvait l’existence d’une intelligence des plus moyennes.


Les monstres ont un avantage : on les voit venir de loin. La Méduse se balade avec une chevelure de serpents, Cerbère fait le malin avec ses trois têtes écumantes, la créature de Frankenstein a des cicatrices plein la face, les sorcières ont de grosses verrues et les extraterrestres des tentacules partout. Impossible de se tromper : dès le plus jeune âge, on apprend dans les contes que les gentils sont beaux, raffinés et élégants, et que les méchants ont des physiques impossibles. Moralité, les enfants : méfiez-vous des gens laids.

Que voulez-vous espérer d’une société où les gens ne lisent plus ?
– Les gens ne lisent plus ? Comment vous le savez ?
– Vous vous moquez de moi ? Ouvrez les yeux !
– Ça veut dire que les gens lisaient avant ? Mais quand ?
– Je ne discute pas avec vous, vos raisonnements sont biaisés.
– J’essaie juste de comprendre parce que j’avais appris à l’école que jusqu’à la fin du XIXe siècle et les lois de Jules Ferry, la majorité des Français ne savaient pas lire.
– Toujours votre mauvaise foi.
– Je sais aussi que jusqu’à la fin des années 1950, les gens qui faisaient des études secondaires étaient rares. D’ailleurs le livre de poche n’apparaît qu’à ce moment-là.
– Je ne vois pas le rapport.
– Si on considère que la société des écrans naît à partir des années quatre-vingt avec le développement des télévisions, l’apparition des magnétoscopes et le début des ordinateurs, finalement on peut dire qu’au cours de l’histoire de France, les gens ont lu pendant vingt ans. Les années soixante et soixante-dix, c’est ça ?
– Je ne réponds pas.
– Et par une étrange coïncidence, c’était l’époque de votre jeunesse. Vous avez entendu parler du mythe de l’âge d’or ?

Le libraire apparut, un casque de chantier sur la tête, une énorme masse à la main et un badge « Espèce en voie de disparition » sur la poitrine.
– Excusez-moi, fit l’homme, j’étais en train de mettre au pilon un carton de liseuses qu’on m’a livrées par erreur. Il n’y a rien de plus revigorant qu’une petite extermination d’ebooks de bon matin.

Pourquoi ce refus de la réalité de la part du lecteur ? Parce qu’il aime se reconnaître dans le parcours d’un héros injustement accusé. Un héros qui lui dit que tout est toujours de la faute des autres. Un héros qui lui évite de s’interroger sur ses propres responsabilités.
On se souvient que la phase 1 de l’histoire des complots attribuait aux dieux la responsabilité des malheurs humains. Dans la phase 2, c’étaient les étrangers qui étaient mis en cause. Dans la troisième, c’étaient nos semblables. L’ennemi était au-dessus de nous, puis à côté de nous, puis parmi nous.
Dans la phase 4, l’ennemi est en nous. Dans la phase 4, l’homme découvre qu’il complote contre lui-même, qu’il est la cause de son propre malheur, qu’il s’est lui-même posé des chaînes. Voilà ce qu’apprend celui qui sort de la caverne : nous sommes notre fatalité, nous sommes notre tragédie.
Et ce n’est pas beau à voir.

14 commentaires:

  1. La fin du monde ceci, la fin du monde cela... Tu ne deviendrais pas un peu monomaniaque ?
    J'aurais tendance à dire qu'une lecture de J.M. Erre me suffit, mais bon, tu le vends bien quand même. Je le garde donc dans un coin de mon esprit si j'ai envie d'un tel divertissement pour changer. ^^

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    1. Faut que j'en parle à mon psy. Et sur ce coup, c'est un peu de ta faute, c'est toi qui m'a fait découvrir l'auteur. Moi, j'essaye juste d'apporter un peu de joie et d'espoir, c'est de saison. Je viens de finir le tome 2 de Liu Cixin, c'est très roboratif et revigorant, la planète va bientôt allez mieux, l'humanité va disparaître.
      Je partage donc mon allégresse.

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  2. Ça a l'air complètement barré ce truc ! C'est intrigant !

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    1. C'est barré, je confirme. Laisse toi tenter, cela se lit vite et permet de faire fonctionner les zygomatiques.

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  3. Tu nous sors toujours de ces livres... mais bon, ca ne me tente pas trop non plus celui-ci !

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    1. Faut parfois sortir des sentiers battus.
      Dans mes prochains billets, il y a la Forêt sombre, peut être que celui te plaira plus ?

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  4. Ca à l'air super amusant, je note !

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  5. je sais bien que c'est la fin, mais juste celle de l'année, cher blogopote à 4 pattes. Tu ne nous ferais pas de la fixette sur la fin du monde? LOL

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    1. L'ancien monde ne m'intéresse guère, j'attends le prochain. J'essaye de le faire venir avec ces quelques incitations.

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    2. ESt-ce que cela fonctionne ?
      Autrement passe directement aux incantations.

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    3. Pour l'instant, le résultat reste très mitigé...
      Je vais devoir me mettre à la fantasy pour les incantations

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  6. Un récit de fin du monde qui fait rire ? C'est pas courant…

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