Bifrost n.93. Peter Watts : le choc du futur

Bifrost, Le Bélial, 2019, 192 p., 6€ epub sans DRM



À moins que le monde s’effondre d’ici là.
Erwann Perchoc

Peut on aimer à la fois les chats et les hommes ? C'est la question primordiale à laquelle va tenter de répondre la revue Bifrost

 

Les nouvelles

La Longue patience de la forêt, de Christian Léourier
Monsieur Lanmeur nous entraine dans l'éternel histoire entre se satisfaire de ce que l'on a et découvrir les promesses de l'inconnu, ce qui en fait un texte tout indiqué pour ce dossier. Assez classique sur le fond, la plume de l'auteur permet cependant de passer un agréable moment.


ZeroS,  de Peter Watts
Une histoire de jumeau maléfique, de camarade cadavre et de zombies. Une nouvelle qui se situe dans l'univers de ses romans Vision Aveugle et Echopraxie, mais compréhensible pour le non initié. Alors, comment se fera la guerre dans l'avenir ? Aussi moche qu'aujourd'hui sans aucun doute, cyborg ou pas. Autant j'aime la vision de l'humanité de l'auteur, autant j'ai du mal avec ses textes qui me paraissent pour la plupart un peu abscons.

Carnets de bord


Suit le fameux Cahier critique sur l'actualité du genre SF. Afin de pouvoir prévoir ses futurs achats. Indispensable pour ne pas jeter de l'argent par les fenêtres. Le nombre de pages de la revue n'étant pas illimité, quelques critiques en ligne ici et aussi ici
Une fois n'est pas coutume, Apophis m'a donné envie de lire un roman de fantasy, Olangar de Clément Bouhélier qui me fera découvrir un nouveau sous genre : la (politique-)fantasy.
La critique de Frankenstein 1918 me donne encore plus envie de m'y plonger. Avec quelques doutes, je lirai peut être Underground Airlines, Dimension Technoscience@venir et Complainte pour ceux qui sont tombés.

Rien de bien alléchant dans les revues, il faudra cependant que je jette un jour un oeil sur la revue Galaxie.

Paroles de... s'attarde sur les coulisses du festival Les Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres en compagnie de son fondateur Jean-Luc Rivera.Comme toujours avec cette rubrique, c'est toujours instructif, mais j'aimerai qu'elle soit un peu plus longue, il y a toujours un goût de trop peu.

 

 

Au travers du Prisme : Peter Watts

Vient le dossier consacré à Peter Watts à travers un long entretien, un court essai et une bibliographie.

Apprécier l'instant... craindre l'avenir : un entretien, par Erwann Perchoc
Voilà le morceau de choix du dossier, un long entretien sans langue de bois, avec beaucoup de verve, de recul et de second degré, sans oublier un peu de humour grinçant et son amour incommensurable pour l'espèce humaine. Peter Watts s'y livre sans fard, une enfance heureuse dont les psys doivent se régaler :

Mon père lui a fait son coming out le lendemain de ma naissance — j’imagine qu’il m’a jeté un coup d’œil et a décidé que cinq rapports hétérosexuels répartis sur treize années étaient un prix trop élevé pour une si maigre récompense —, et lui a proposé le divorce.

Concernant les reproches réguliers faits sur sa narration :

Les abus en tant que tels étaient émotionnels — et, au moins, ça m’a appris deux-trois trucs qui m’ont plus tard été utiles pour la création de personnages.
Même si pas assez, selon certains critiques. Mais c’est la vie.

Laissons maintenant les lecteurs de Bifrost pouffer de dédain à la vue de Peter Watts pontifiant sur les subtilités de la narration. Allez-y, les gens, prenez tout le temps qu’il vous faut.

Quand à son amour pour l'humanité mesquine, il est entier :

Vous n’êtes rien que des mammifères humains. Vous paradez, vous donnez des coups de boule, vous luttez pour les ressources comme une myriade d’autres espèces de mammifères — et si vous avez des trucs intelligents à dire, vous laissez souvent vos instincts parler à la place. Grandissez, bordel, ou admettez que vous n’êtes qu’une bande de primates, tout juste bons à vous lancer mutuellement vos fèces à la gueule, mais avec plus de vocabulaire que bien d’autres.

Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l’argent du beurre ; vous pouvez reconnaître que vous n’êtes qu’un mammifère égoïste ou vous pouvez affirmer que vous êtes supérieur aux animaux sauvages, mais dans l’un ou l’autre cas, ayez l’honnêteté de vous comporter en conséquence. Ne prétendez pas être l’Espèce Élue de Dieu puis passer votre putain de vie à vous comporter comme un bulot.
Les gens peuvent se restreindre et penser au long terme. Dans la majorité des cas, ils ne le font pas. Ils utilisent leur néocortex non pour contrôler leurs instincts, mais pour trouver des excuses à ces derniers. Nous ne nous battons pas pour des ressources, nous « propageons la démocratie » ; nous ne pratiquons pas la sélection de parentèle, nous « purgeons les infidèles » ; nous ne violons pas nos femmes, nous « respectons les commandements divins » pour peupler la planète de nos enfants. Nous nous comportons à peu près comme n’importe quel mammifère sur Terre, mais nous refusons de l’admettre.

Quand à sa vision de notre société :

Si mes premières nouvelles plaidaient pour le sauvetage de la planète, mes textes les plus récents tendent à avoir des buts plus modestes : ces temps-ci, je préconise qu’on traque les Trump, les Koch, les Harper et les Trudeau du monde entier, qu’on les traîne dans la rue et qu’on les roue de coups jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il est peut-être trop tard pour éviter la catastrophe, mais on aura une petite vengeance contre ces connards qui se sont mis en travers du chemin. (Bien sûr, vu comment ces gens sont bien protégés, cette ambition s’avère à peine moins irréalisable que sauver la Terre. Mais il ne faut pas perdre espoir.)


En route vers la dystopie avec l'optimisme de la colère, par Peter Watts
Ce texte est connu des lecteurs du recueil Au-delà du gouffre, car il s'agit de sa postface, un peu trop digressive à mon goût sur sa mésaventure étatsunienne.
Dommage d'avoir repris cet article ici, les fans de Watts le connaissent, l'entretien qui le précède donne une idée très claire de ce que pense l'auteur.

Si mes écrits tendent à la dystopie, ce n’est donc pas par amour pour celle-ci, mais parce que la réalité m’y oblige. Un environnement dévasté n’est plus facultatif quand on met en scène le futur proche. Tout ce que je peux faire à présent, c’est imaginer pour mes personnages une manière de se débrouiller avec les cartes qu’on leur a distribuées. Qu’ils implantent faux souvenirs et menottes neurologiques chez leurs employés, qu’ils puissent ordonner l’immolation de dix mille réfugiés innocents… n’est pas ce qui constitue la dystopie. Ce qui la constitue, c’est l’héritage dans lequel ces actions horribles sont les meilleures possibles, où tout autre choix serait pire ; un monde dans lequel des gens commettent des massacres non par sadisme ou par sociopathie, mais parce qu’ils essayent de faire le moins de mal possible. Ce n’est pas un monde que mes personnages ont construit. Seulement celui que nous leur avons laissé.
Il n’y a pas de vrais méchants dans le Monde de Watts. Si vous voulez des méchants, vous savez où chercher.


Eriophora et tisseur de récits : un guide de lecture
Si vous ne connaissez pas l'auteur, ces diverses recensions devraient vous donner quelques pistes. J'avais lu Starfish sans enthousiasme débordant, mais Apophis m'a donné envie de continuer la suite de la trilogie Rifteurs, malgré ses quelques bémols. Quand aux autres romans, la hard SF est peut être trop présente pour moi. Dommage.
Pour les pauvres qui ne peuvent s'acheter la revue, Bifrost a pensé à vous en mettant en ligne les avis parus dans leurs pages les années précédentes : Peter Watts, guide de lecture auxiliaire
Et vous pouvez même retrouver la bibliographie d'Alain Sprauel en ligne


Scientifiction : Les monstres de la science-fiction : des morphologies et des gènes hors-norme, par J-Sébastien Steyer, Alise Ponsero et Roland Lehoucq
Après un rapide détour historique, l'article s'attarde sur les monstres de notre présent, qu'ils soient issus de Tchernobyl, du marronnier de la presse avec le clonage de dinosaure ou encore les ciseaux génétiques CrispR-Cas9 en faisant le parallèle avec différents films.


Le long entretien suffit à lui même pour acheter ce numéro (que je vous conseille d’acheter en version papier, l'epub faisant mal aux yeux...), même si vous y découvrirez un auteur à la Alain Delon, c'est à dire qui aime parler de lui à la troisième personne. Pour ma part, Watts n'est pas pessimiste, juste réaliste.



D'autres avis ici et là 

Fan devant l'éternel, lutin88 l'a lu avec avidité, Xapur s'est laissé piégé par deux blogueurs et envisage de lire l'auteur dans le texte. Un de ses même blogueurs plonge même sans vergogne dans le conflit d'intérêt.


Récapitulatif

14 commentaires:

  1. "Peut on aimer à la fois les chats et les hommes ?", l'éternelle question des maitres et des serviteurs.
    Je ne sais pas si je dois te remercier des extraits choisis, maintenant j'ai une très mauvaise impression de l'auteur.

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    1. Pourquoi cette mauvaise impression ?

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    2. Notamment "et qu’on les roue de coups jusqu’à ce que mort s’ensuive", bravo le cercle vicieux de la violence et de la haine.

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    3. Sur ce coup là, j'aurais tendance à être du côté de Watts, il y en a marre de tendre l'autre joue.

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    4. La haine et la violence n'entraînent que la haine et la violence. Comment reprocher quelque chose à quelqu'un lorsqu'on est coupable du même état d'esprit ? "Non, mais moi mes raisons sont bonnes", c'est ce que disent tous les tyrans.
      Bref. =)

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    5. Mais je n'ai jamais dit que je ne voulais pas être un maître du monde tyrannique !
      Je suis assez d'accord avec toi, mais au bout d'un moment, ils nous gâche beaucoup la vie. Et entre les mots et les actes...

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  2. Je pense qu'Olangar a vraiment de quoi te séduire, tu ne devrais pas être déçu, car il met profondément en valeur le combat social et écologiste. Concernant la suite de la trilogie Rifteurs, je pense aussi qu'elle a plus d'arguments pour te plaire que Starfish. Merci pour ta critique ;)

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    1. Je n'ai pu qu'à...
      Olangar va peut être me faire renouer avec la fantasy.

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  3. LOL
    Oui grande fan.

    Mais j'adore l'esprit de Watts car je partage son point de vue. Nous ne sommes que des primates luttant pour les ressources. ETr j'adore son :
    Ne prétendez pas être l’Espèce Élue de Dieu puis passer votre putain de vie à vous comporter comme un bulot

    Merci pour ce retour

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    1. J'adore ce passage aussi. J'aime bien quand les auteurs remettent l'humain à sa place par rapport à son comportement.

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  4. Ce numéro de Bifrost me fait un peu peur, je l'ai à peine feuilleté pour le moment. Et pour Olangar, c'est un super bouquin :)

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    1. J'ai déjà dit que j'allais lire Olangar, pas la peine d'insister ;p.
      C'est un bon numéro, après Watts a un discours sans fard, mais cela permet aussi de réfléchir à notre positionnement.

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  5. On prend une bonne dose d'espoir en l'espèce humaine avec ce numéro ! :D
    Mais en tout cas Watts dit ce qu'il pense et ne se cache pas derrière son petit doigt. Ça fait parfois mal à entendre (ou à lire en l’occurrence), mais il met vraiment le doigt sur les problèmes de fond. Un bon numéro, avec un entretien passionnant.

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    1. Watts est revigorant ! Une p'tite déprime, on lit l'entretien, et on se dit que finalement, tout ne vas pas si mal. Enfin si, mais bon...

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