Toxoplasma

Sabrina Calvo, La Volte, 2017, 384 p., 11€ epub sans DRM


Si vous voulez savoir à quoi ressemblerait du Spielberg à la sauce contre-culture, Toxoplasma est tout indiqué.

Présentation de l'éditeur : 


Après un grand soulèvement, l’île de Montréal est assiégée - ses ponts bloqués par l’armée fédérale. Internet disparu, une Commune improbable s’y organise, redoutant à tout instant l’effondrement du monde.
Au cœur de ce chaos, Nikki Chanson, détective pour chats perdus et spécialiste de films de série Z dans un vidéo-club à la dérive, enquête sur des sacrifices de rongeurs. Entre hallucinations en VHS et cauchemars de forêt détruite, son quotidien s’engouffre bientôt dans une conspiration dont elle ne percera le mystère qu’avec l’aide d’une coureuse de bois virtuels et d'une marionnette d'un show pour enfants.

Mon ressenti :


Des chats, des ratons laveurs, des VHS qui combattent des Betamax, une marionnette chien, des mots québécois au parler hacker, des anti-spécistes, des punks, un crapaud-garou, une possible conspiration, du vaudoue, des films de série Z, (liste non exhaustive), le tout dans un Montréal communard.

Du rétro cyberpunk fantastique, un roman fourre tout bordélique comme cette Commune qui ne veut pas expirer.
On commence par des animaux décapités pour finir par une course poursuite contre un drone militaire, en passant par une vision des lol-cats qui envahissent le réseau en lui refourguant la toxoplasmose. Sabrina Calvo nous entraîne dans un drôle de périple autour de la nature de la réalité, un cyberpunk analogique halluciné dans un futur très années 80.
Vous dire que j'ai compris - ou aimé - ce roman serait mentir. Il faut sûrement être atteint de toxoplamose pour tenter une totale compréhension de ce roman non identifié. Sabrina Calvo réinvente le cyberpunk, plus analogique que digital, plus poétique que métaphorique, plus militant que politique. C'est un rêve étrange auquel il faut se raccrocher à quelques items pour y déceler un sens. Bourré de références à la contre culture, ce roman est un peu trop alternatif  pour moi, je m'y suis perdu, sans repères pour me raccrocher. Une herméneutique radicale pour une expérience littéraire vraiment autre. Au final, je ne savais plus reconnaitre si j'étais face à une critique sous-jacente ou à un hymne d'amour lancée pêle-mêle aux années 80, aux hipsters, aux hackers, aux punks, à l'anarchie.

Ce que l'on ne peut reprocher à l'auteure, c'est d'avoir son propre imaginaire, et un sens de la formule qui fait mouche : 

La vie est trop courte pour s’épiler la chatte, sœurette.

Dans une litière, le chat d’Ichi se lèche l’anus sans se soucier du monde autour de lui.


Le jour où le nazisme sera rentable, tous les capitalistes seront nazis. 


Cependant, pas sûr après ce voyage d'aller voir Sous la colline ce qui s'y passe.

Si vous voulez savoir si la plume de Calvo pourrait vous convenir, il faut pénétrer dans son univers, dont la table des matières donnent un aperçu assez nette :



Le chroniqueur a beaucoup aimé ce décor hors norme, L'ours inculte a adoré ce ce plateau multi-saveurs qui a déstabilisé Lekarr et Boudicca , stabilisé Dionysos. et sorti de sa zone de confort Miroirs SF

Ce roman a reçu le Grand Prix de l'Imaginaire 2018, ainsi que le prix Rosny aîné 2018


Quelques citations :


— Bon alors Finn, quelques règles.
— Putain, ça commence.
— Quoi ?
— Les règles. Je suis anarchiste, ma petite dame.
— Qu’est-ce que tu y connais ? Un anarchiste a jamais dit qu’il fallait pas de règles. Juste pas d’autorité.
— Et qui fait respecter ces règles ?
— On se débrouille.
— Tocarde.

Quand les guerres en Europe ont pris le relais après la Septième Crise, c’est le monde qui s’était engouffré dans la brèche du mysticisme. Elle en sait quelque chose : elle a fui les griffes d’une communauté pseudo-chrétienne instrumentalisant la femme et refusant toute ouverture des frontières. Leur argument avançait d’obscures théories économico-théologiques mêlant avènement céleste et rétablissement du marché libre. Kim a même un slogan pour ça : « Le jour où le nazisme sera rentable, tous les capitalistes seront nazis. »


Nikki retrouve le punk du vidéo-club, affalé sur un matelas défoncé avec ses potes. Il se lève d’un coup pour la saluer, semble ravi de la voir ici, l’entraîne dans une autre salle, pleine à craquer de longs tee-shirts déchirés, de bracelets de tennis en mousse anti-sueur, de rangers défractées. Le snobisme underground, le juste placement de l’épingle à nourrice, les subtils codes vestimentaires d’un monde qui se regarde dans sa sublime résistance à l’ordre établi, ordre en lui-même, vraiment, pas méchant, juste un peu triste, elle trouve, un peu mort, mais qui est-elle pour juger, avec son unique boucle d’oreille et sa robe de fausse bourgeoise. 






15 commentaires:

  1. Ça parait du pur Calvo, c'est vraiment une expérience à vivre, littéralement. Je ne crois pas m'être encore remis de ma lecture de "Nid de coucou" (alors que ça se compte maintenant en années), mais pourquoi pas pour une nouvelle expérience un jour, même si c'est loin d'être une priorité. ^^

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    1. Au moins, on reconnait sa patte, ce qui nous change du parfois interchangeable, auquel nous sommes peut être trop habitué

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  2. Un roman où il faut effectivement s'accrocher pour en venir à bout. Comme toi j'ai apprécié le back-ground et le rythme, moins l'intrigue un peu trop touffue et hermétique à mon goût.
    J'en ai causé ici : http://sfemoi.canalblog.com/archives/2017/12/27/35992872.html

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    1. Cela part un peu dans tous les sens, mais cela colle avec la thématique anar.

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  3. Je l'ai emprunté à la bibliothèque celui-ci, espérons qu'il me plaira plus qu'à toi !

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  4. En fait, la je suis déstabilisée avant de le lire. Je ne sais si c'est fait pour moi....

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    1. A première vue, je te dirais d'éviter de le lire. C'est vraiment très loin de tes goûts. Mais je pense que c'est une expérience à lire, il se peut que tu apprécies, que tu rentres dans cet univers particulier.
      Bref, il faut le lire pour savoir

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    2. OK, alors je tenterai l'expérience. :-)

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  5. Comme le lutin, j'ai souvent tourné autour mais je n'ai pas franchi le pas et ton billet ne m'incite pas à le faire. ;-)

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    1. Mais tu ne crains rien avec la toxoplasmose, c'est surtout dangereux pour les femmes enceintes !

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  6. Clairement pas mon style de lecture... par contre j'adore ton style de chronique ;)

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  7. Comment peut-on donner un Grand prix de l'imaginaire à ce chancre. Au moins l'autrice ne laisse pas indifférent. C'est déjà ça!

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