Métro Paris 2033 : Rive gauche

Pierre Bordage, L'atalante, 2020, 464 p., 10€ epub sans DRM (epub disponible, en librairie le 28 mai)





Sois toujours prête à combattre, ma fille,
et plus encore parce que tu as une fente
et pas une misérable queue entre les cuisses,
tu dois être plus forte qu’eux…

Jusqu'où aller pour la démocratie ?


Présentation de l'éditeur :

En 2033, les humains ont été chassés de la surface, désormais inhabitable.
À Paris, les survivants se sont réfugiés dans les profondeurs du métropolitain. Des communautés sont installées au niveau de certaines stations de Rive Gauche, plus ou moins en contact, souvent en conflit ; la surface est crainte parce qu’irradiée ; Rive Droite est un lieu maudit.
Dans les méandres des boyaux de Paris, à défaut de lumière, les émotions sont plus vives, les rancœurs plus tenaces, les haines plus exacerbées. Une œuvre sombre et baroque, en trois volumes : Rive Gauche, Rive Droite, Cité.


Mon ressenti :

Métro 2033, puis 2034, puis 2035, soit une série de romans et de jeux vidéos. Puis des fans fictions et l'univers grandit au point que certains d'entre eux pointent le bout de leur nez en étant publié.
Pierre Bordage s'empare de cette "licence" de l'écrivain russe Dmitry Glukhovsky.
Petite précision : c'est seulement l'idée de départ qui est identique, une population confinée dans le métro, mais les deux approches sont différentes et peuvent se lire de manière totalement indépendante. Le récit et les personnages sont différents. Le métro Glukhovskien était initiatique, ici, nous sommes plus dans le changement après des temps sombres.

Bon point : ce n'est pas une paraphrase du Métro russe. Le temps n'est déjà pas le même : Que s'est il passé en surface, en quelle année sommes nous et pourquoi cette date de 2033 ? L'époque de la catastrophe ? Alors que l'une des critiques de la trilogie originelle était le manque d'éléments féminins et la place accordée à la femme, ici, sans en faire trop, sans en faire étalage, ce sont les femmes qui sont sur le devant de la scène.
Seul point commun, cela se passe dans le métro et on y parle Politique.
Le russe était aussi assez empreint de désespoir, ce n'est pas le cas ici, l'Apocalypse a eu lieu et les idéaux humanistes refont surface. Une présidente de station entame un voyage à travers les stations pour proposer son projet de fédération, l'entraide plutôt que la violence. Mais tous ne sont pas sur la même longueur d'ondes. Dont les puissants de la station Montparnasse avec cet ecclésiastique en conflit avec les politiques.

La pièce de choix est bien entendu la place accordée à la femme, à travers différents personnages et nuances. L'auteur semble nous dire que l'avenir de l'homme est clairement la femme, voir, plus nuancé, une osmose dans la relation entre les deux sexes, comme semble l'indiquer l'histoire des deux enfants errants. La vielle garde, elle, est toujours engoncée dans ces certitudes patriarcales, mais le vieux monde n'est-il pas mort ?
J'ai bien aimé aussi ce système d'argent mis en place et que je vous laisse découvrir, ou encore ce divers néologismes, dont ce Métrolites pour parler des habitants. Bordage invente plutôt qu'imiter.
Le roman est assez bienveillant, optimiste sur la nature humaine. Et même si il y a une certaine part de violence, de malveillance des personnages, les utopistes le sont un peu trop parfois à mon goût. Mais cela fait aussi sa force face à nombre de post apo. 
J'y ai trouvé quelques notes de merveilleux, avec toute une exploration se rapprochant à mon sens du mythe de la Terre creuse et son bestiaire étrange et fabuleux qui laisse présager de bons moments de lectures pour la suite.

Jusqu'où aller pour la démocratie ? Voilà une question difficile. Pour combattre ses ennemis, faut-il utiliser leurs stratégies, leurs compromissions ou laisser faire les basses besognes par d'autres, sans se salir les mains ? Ces questions irriguent le roman et place le lecteur dans une réflexion : comment agirai-je dans cette situation ?

Mais Put de Rive Droite, il s'agit d'une trilogie et ce tome se termine sans que rien ne soit réellement révélé, terminé. Bref, plus qu'à attendre la suite, que je lirai avec plaisir.

Avis réalisé dans le cadre d'un Service de Presse


Défi Cortex


Je vous conseille fortement l'entretien de 2019 de Dmitry Glukhovsky qui faisait déjà une allusion à ce roman de Bordage et dont le fil rouge est plein d'humour.

Dmitry Glukhovsky, le printemps russe

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/le-printemps-russe
La méthode scientifique du 15 mars 2019
Téléchargement direct (enregistrer sous)
Nous nous demandions autour de cette table, il y a peu de temps, si la Science-Fiction, au sens le plus large du terme, était encore politique, en 2019 et à l’aube de l’effondrement de nos sociétés. C’était sans tourner le regard à l’est, et sur l’oeuvre de Dmitry Glukhovsky, rendu célèbre par la trilogie Métro 2033, 34 et 35, adaptée en jeu vidéo, une dystopie qui emprunte autant à l’univers des frères Strougatski qu’à leur adaptation cinématographique par Tarkovski. Un univers noir, désespéré, qui raconte en creux la survie dans une Russie post-effondrement. Maniant un ton qui varie entre la gravité et l’humour grinçant, toujours très noir, Dmitry Glukhovsky, journaliste de formation, rappelle que la littérature de genre est un prisme de critique sociale et politique aussi puissant qu’affuté.





Quelques citations :



Il n’y a pourtant aucun mal à avouer son ignorance. On peut remplir le vide, pas ce qui est déjà encombré d’une illusion de plein.


Nul besoin de légendes, donc, la réalité recèle des merveilles accessibles à celui qui consacre une partie de son temps et de son énergie à les chercher. Mais les humains, qui cèdent facilement à la paresse et au découragement, préfèrent se réfugier dans les mondes illusoires pour donner de faux sens à leurs existences. Peut-être leur instinct grégaire les pousse-t-il également à s’agréger autour de croyances communes pour consolider leurs communautés. C’est ainsi que sont nées les religions de la surface censées unir les hommes et responsables d’une grande partie des désastres qui ont conduit les survivants de l’humanité décimée à rejoindre les rats dans les profondeurs de la Terre. Nous nous hâtons bien entendu de reproduire les mêmes erreurs, preuve, s’il en était encore besoin, que les humains ressentent le besoin fondamental d’adopter des pensées et des pratiques communes, de s’enfermer dans une sorte de prison collective dont ils peuvent toucher du doigt les murs et le plafond. La liberté, justement, abolit les prisons. Elle se présente comme un vide effrayant au captif qui s’aperçoit soudain que la porte de sa geôle n’est pas fermée à clef.




16 commentaires:

  1. 10 euros !? Presque 500 pages.

    Ça vaut le coup de tenter l'aventure.

    Cela dit, l'univers russe et celui-ci sont indépendants si j'ai bien compris ?

    En tout cas, merci pour la réclame.

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    1. Il vous en prie.
      C'est vrai que L'atalante joue le jeu du numérique, prix bas et pas de DRM, certaines maisons d'éditions devraient en prendre de la graine.

      Les deux univers sont bien indépendant, j'ai fait le rapprochement car j'ai lu les deux, mais ce sont deux romans différents. (mais il serait dommage de passer à côté de Metro 2033 car il vaut le coup d'oeil)

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  2. J'ai bien du mal à me motiver pour lire la série de Dmitry Glukhovsky - c'est mal, je sais - et ce n'est pas loin d'être la même chose pour Pierre Bordage - bis. Et paf, tu arrives à tout de même bien éveiller mon intérêt... tout ça pour souligner que c'est un vrai tome 1. Ça t'amuse de jouer à l'ascenseur émotionnel ?

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    1. Tu m'en vois - presque - profondément désolé.
      J'ai beaucoup pensé à toi en le lisant, je me suis dit que tu aimerais sûrement cette approche humaniste et bienveillante.
      Quand à lire le Glukhovsky, ce n'est pas un impératif, mais il a fait de bo one shot aussi : Futu.Re et Sumerki, miam miam

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  3. Penses-tu que c'est lisible sans avoir lu la trilogie originelle ? C'est intrigant :)

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    1. Sans aucun problème, c'est juste l'idée de départ, une population confinée dans le métro, mais les deux approches sont différentes et peuvent se lire de manière totalement indépendante.

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  4. Comme je n'ai pas trop aimé Metro 2033, je peux aimer celui-ci ?

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    1. Tout dépend pourquoi tu n'as pas aimé Metro 2033 ! Si c'est à cause de l'action qui se déroule dans le métro, cela risque de ne pas passer ;p

      Pour moi, ce sont clairement deux romans très différents, donc tout est possible

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    2. J'avais bien aimé le début mais la fin avec l'arrivée des "oiseaux" m'a fait perdre le fil, la crédibilité du truc...

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  5. Après ma lecture récente et plus qu'enthousiaste de "Métro 2033", je ne me vois pas faire l'impasse sur celui-ci.

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  6. Je suis plus tentée par celui-là que par l'oeuvre d'origine. Bon ceci dit, si c'est une trilogie, je vais attendre de voir comment ça tourne ^^

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  7. J'ignorais que les livres d'origine avaient "essaimé", si je puis dire. Moi aussi, comme d'autres ci-dessus, ça me branche bien, mais je suis emmerdée que ce soit une trilogie...

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