En souvenir du futur

Philippe Curval, La volte, 1987, 320 p., 19€ epub sans DRM (in L'Europe après la pluie, 2016, 896 p.)

 

Variation temporelle autour de l'individu et la société, de quoi réinterroger la notion de Politique.

Présentation de l'éditeur :

En souvenir du futur, débordant de notations exotiques et de postulats poétiques dont la science pourrait faire son profit, renouvelle de façon excitante et ambiguë le thème du voyage dans le temps. Le Centre de gestion temporelle envoie ses agents à travers le temps afin de réguler la marche des événements et de gommer tout risque de voir se concrétiser le Marcom. Pour ces voyages, délaissant la machine ou la chimie, Philippe Curval a choisi une troisième force : la passion. Grâce au voyage analogique, Georges Quillan est à même de s’ancrer dans différentes époques et ses étapes sont autant de femmes qu’il a connues : Inglès, Jickie, Véra, Aziza et Nancy.
Sera-t-il susceptible d‘influencer le futur proche ? Pourra-t-il éviter la fin du monde que certains ont cru apercevoir ? Son héros court, en quelque sorte, à la recherche d’un avenir perdu, et sa quête a un parfum prononcé d’angoisse.



Mon ressenti :

Nous sommes quelques années après les évènements du Dormeur se réveillera- t-il. La révolution Eco a pris fin, l'Europe se reconstruit et tend les bras vers Cette chère humanité. Le voyage dans le futur a été inventé.

Drôle de société où même le suicide est un droit qui s'achète pour un lieu et un temps donné avec son lot de spectateurs avides.

Un livre politique autour de l'individu, de la société et de l'imaginaire, le tout porté par une réflexion sur le temps et nos actes. Philippe Curval nous dessine une possible utopie où l'individu serait au coeur du projet politique d'une société. Où nos actes individuels ont une incidence sur le réel. Mais les forces politiciennes, l'envie des hommes au confort poussent la société vers une bureaucratie lointaine et aveugle à ses concitoyens. Une société du renferment, du retrait sur soi.

Des idées très intéressantes amenant à la réflexion mais qui demande une lecture attentionnée. Le récit baigne autour des variations temporelles rendant la lecture d'autant plus difficile car l'auteur nous ballade sans nous en donner les codes. Ses passages sur le temps m'ont fait penser de nombreuses fois à Christopher Priest.
Comme dans les deux autres romans, l'intrigue principale souffre de ruptures de rythme dus au foisonnement d'idées de l'auteur. L'approche psychanalytique ne m'étant pas très familière, je suis parfois resté sur le bord de la route.

Un roman dur et riche à l'opposé des thrillers apocalyptiques pop-corn. Mais une lecture qui fera travailler vos neurones, tout se mérite !



Les autres critiques sur cet omnibus :

La critique La critique

Quelques citations :

Il n’y avait pas mieux que les Américains pour respecter apparemment les droits de l’homme. L’ennui, c’est qu’ils n’avaient pas la même conception de la société que Quillan, car, s’il partageait leur souci de liberté, il n’avait pas comme eux le désir de l’employer à des fins économiques. Dans son esprit, le bien-être des individus ne passait pas d’abord par le confort et l’appétit de consommation, mais par sa capacité de soumettre la réalité au feu de l’imaginaire, seul moyen d’espérer un jour découvrir le bien-fondé de l’existence. Bref, il préférait mourir plutôt que de finir ses jours dans la prison dorée de l’american way of life.

Depuis l’origine, les scientifiques tentent de privilégier la méthode et la rigueur sur l’invention. Ils ont ricané durant des décennies sur les délires de la littérature, oubliant qu’ils employaient jadis un certain nombre de mots purement inventés qui ne correspondaient alors à rien de réel mais dont le concept était si courant qu’il a fini par devenir réalité. Ainsi en fut-il des robots, des voyages dans l’espace, du rayon de la mort, de l’énergie atomique, de la télévision, de l’ordinateur, de la « bande ». Toutes ces découvertes ont pour origine un rêve collectif ou individuel. Les hommes de science n’ont fait qu’y adapter leur connaissance du monde et leur culture pour découvrir la méthode nécessaire à produire ce qui était déjà conceptualisé en puissance. Sans l’imaginaire, le matérialiste irréductible n’aboutit à rien. Bref, la science-fiction précède la science et non le contraire comme des générations de fruits secs l’ont toujours prétendu. Lorsqu’une nation entre en décadence, c’est parce que son peuple n’apprécie plus que la reproduction des expériences déjà connues, poussant à la rigueur jusqu’à l’innovation, jamais l’invention. J’ai l’impression que le voyage temporel sera la dernière trouvaille des Européens parce que leur imaginaire est mort.


Vous êtes des idéalistes de l’obscur, vous colportez le même manichéisme qui conduit les projets les plus extraordinaires à leur perte, qui condamne dans l’œuf toutes les tentatives de libération de l’individu par l’imaginaire et réduit les sociétés à des schémas où l’être humain n’a pas plus de signification qu’un éphémère graffiti à la surface de l’univers !




  

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