L'inclinaison

Christopher Priest, Denoël Lunes d'encre, 2016, 400 p., 17€ epub avec DRM



Ou comment je me suis laissé porter par la mélodie.



Présentation de l'éditeur :


Compositeur de musique renommé, Alesandro Sussken est né dans un pays en guerre, clos, dirigé par une impitoyable junte militaire. Parti au front, son frère Jacj n'est jamais revenu. Un jour, on propose à Alesandro une tournée de neuf semaines dans certaines îles de l'Archipel du Rêve, dont la volcanique Temmil, sur laquelle vit And Ante, un guitariste de rock qu'Alesandro considère comme un plagiaire éhonté.
Cette tournée, aux distorsions temporelles incompréhensibles, va changer la vie d'Alesandro d'une façon inattendue. Il va tout perdre : sa femme, ses parents, sa liberté. Pour comprendre sa descente aux enfers, il n'aura pas d'autre solution que de retourner dans cet Archipel du Rêve, aussi séduisant que dangereux...

Mon ressenti :


J'ai attendu quelques temps avant de me plonger dans cette dernière livraison de l'auteur. A cela, plusieurs raisons : les thématiques dévoilées par le résumé avaient, à mon avis, un goût de littérature blanche; j'avais moyennement apprécier son dernier roman, L'adjacent; et un prix déraisonnable doublé de DRM.
Mais comment raisonnablement faire l'impasse sur un roman de Monsieur "J’avais atteint l’âge de mille kilomètres."


Et donc de me plonger dans sa lecture, et dès le premier chapitre, me voilà happé par la prose :
Je grandis dans un monde de musique, en temps de guerre. Celle-ci interférait avec celui-là. Après que je fus devenu adulte et compositeur, nombre de mes créations furent volées, copiées ou plagiées. Je perdis mon frère, mon épouse et mes parents, devins un criminel et un fugitif, voyageai dans des îles, découvris le graduel. Tout affectait tout le reste, mais la musique était la panacée, la constante.
Quand je me mis en quête de mon persécuteur, je devins accidentellement un voyageur du temps.
Le temps est un processus graduel — comme le vieillissement, on ne remarque pas sa progression.

Difficile de chroniquer ce Priest. Donc je vais faire comme tout "bon" journaliste : faire du plagiat pur et simple pour écrire mon article :

"Le héros annonce dès le départ qu'un évènement a ruiné sa vie. Nous allons donc le suivre dans son récit, avec cette idée en tête, dans l'attente du dit évènement et de la ruine à venir. Mais en fait, c'est tout autre chose que nous propose Christopher Priest."(Les lectures de Mariejuliet). "un étrange phénomène spatio-temporel baigne les îles, rendant impossible l'établissement d'une cartographie fiable. Du "vortex" ou "gradient temporel", on ne savait jusqu'ici pas grand-chose, autant dire rien. Alesandro Sussken y est directement confronté au cours de son voyage dans l'Archipel, et le lecteur avec lui voit enfin se lever le voile sur un des mystères mythiques de l'œuvre de Christopher Priest." (Le fictionaute).

"Le problème du temps, dans cet univers, avait déjà été abordé par Priest, mais cette fois, il est au cœur du roman, et d’une façon vertigineuse. Au fond, Priest transpose le paradoxe des jumeaux de Langevin en dehors du voyage spatial, sans nécessité de vitesses relativistes, dans un monde (l’Archipel du rêve) dont la physique semble complètement déréglée par rapport au nôtre." (Le Journal Extime de Cyrille). "Rêve ou vérité, chaque lecteur se fera son propre avis, mais on plonge clairement dans un roman totalement ouvert, où l’absence d’explications sur certains points rend l’ensemble, je trouve, plus captivant, offrant à chaque lecteur la possibilité de s’approprier le récit, où chacun y construira ses propres explications.""Ce n’est pas le genre de récit qu’il faut tenter de comprendre de bout en bout, mais plus se laisser porter par cette ambiance perturbante, fascinante et envoutante."(Blog-O-Livre). La technologie ne le concerne pas, il n’écrit pas pour expliquer par quel mécanisme le temps s’écoule différemment d’une île à l’autre, mais ce n’est pas grave, nous ne sommes pas là pour cela, nous sommes là pour voir ces personnages malmenés par le temps vivre malgré tout, pour nous perdre avec eux dans ce monde incompréhensible. (Noosfere).

"Lire un roman de Christopher Priest, c'est aussi (re)découvrir une écriture qui possède sa propre petite musique, son rythme particulier. Derrière un style riche et faussement simple, l'auteur de "L'inclinaison" nous invite à voyager à travers un récit porté par des ambiances posées, envoûtantes par instant, lancinantes et traînantes à d'autres créant un sentiment langoureux qui convient bien au sentiment de perte de contrôle et d'errance du personnage central." (Naufragés volontaires).
"Tout comme le pouvoir des îles, l’écriture de Priest est douce, lente et impitoyable, car jamais elle ne vous lâche. Depuis ses débuts Christopher Priest s’est illustré par sa plume redoutable qui sert toujours à merveille son propos. Ici, -comme dans tout l’univers de l’archipel du rêve- elle joue encore plus le jeu de la nonchalance insulaire et des voyages maritimes, allant jusqu’à se faire complètement oublier au profit de la narration. Et en artisan conteur, le grand Priest transfigure ce roman nonchalant en une aventure dramatique et tumultueuse."(Space fictions)

"Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié cette lecture. Le rythme m'a plu, tout comme l'intrigue. J'ai eu l'impression de naviguer dans l'Archipel du Rêve, de sentir le soleil des îles ou le froid glacial de la Glaund. J'ai tremblé devant la Generalissima et questionné la réalité comme Sandro : comment peut-on perdre du temps objectif de sa vie juste en voyageant entre des îles ?" (Un papillon dans la lune)
"Je suis pourtant assez cartésien, et j’aime bien avoir des explications aux phénomènes étranges que l’on rencontre dans les romans SFFF. Mais avec « L’inclinaison », je ne sais pas par quel miracle, j’ai passé un pacte avec Christopher Priest, j’ai accepté (et ce dès le début) de ne pas comprendre ce qu’il se passe. Il ne faut pas chercher d’explication. Le voyage est plus important que la destination." (Lorhkan et les mauvais genre). "Comme pour chaque roman de l’auteur, le lecteur s’approprie le récit ; et ce dernier parlera différemment à chaque lecteur." (Livrement)

Ce que j'ajouterai, c'est que j'ai trouvé ce roman politique aussi, ce qui est rare chez l'auteur. Difficile dans dire plus sans dévoiler une partie de l'intrigue, mais l'auteur s'interroge notamment sur le rapport Etat / Individu. Ce n'est pas le coeur du roman, juste une des pistes, possible,  de compréhension du roman.

Pour conclure, j'ai un peu de mal à comprendre le titre français du roman.

Bravo au traducteur Jacques Collin, garder la musicalité du texte original n'a pas dû être une sinécure.

Merci aux blogueurs de m'avoir amplement simplifier la tâche.







Challenge Lunes d'encre

Quelques citations :

"J’avais passé tant de temps à rêver et à fantasmer les îles que j’avais créé de toutes pièces dans mon esprit un Archipel du Rêve, plausible mais totalement imaginaire. J’avais avantageusement puisé de la musique de ces fantasmagories, mais la réalité allait-elle se montrer à la mesure du rêve ? Qu’allais-je réellement découvrir, et comment y réagirais-je ?"

"J’orchestrai de longs passages romantiques pour l’orchestre de chambre, mais une dysharmonie rampante sapait peu à peu ces thèmes, jusqu’à la conclusion à la fois du morceau et de la suite, où tous les instruments jouaient les uns contre les autres en une cacophonie de notes discordantes."







6 commentaires:

  1. Chapeau, juste chapeau.
    Un bien beau roman, en plus. Dommage pour les DRM. Et cœur licorne sur Priest.

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  2. Cela fait longtemps que je n'ai pas lu un Priest, les critiques semblent unanimes, je vais peut être me laisser tenter...

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