Andreas Eschbach
DRM free
GPI
L'atalante
Roman
Des milliards de tapis de cheveux
Andreas Eschbach, L'atalante, 1999, 320 p., 9€ epub sans DRM
Seul compte le pouvoir que l'on a sur les hommes
Andreas Eschbach tisse son histoire comme une tapisserie. La forme au service du fond. Éblouissant, grandiose et cruel.
Du pouvoir, de l'asservissement des masses et de la lente déconstruction de ce qui a été gravé dans le marbre.
Présentation de l'éditeur :
Noeud après noeud, jour après jour, toute une vie durant, ses mains répétaient les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, comme son père et le père de son père l'avaient fait avant lui...
N'est-ce pas étrange qu'un monde entier s'adonne ainsi au tissage de tapis en cheveux ? L'objet en est, dit-on, d'orner le Palais des Etoiles, la demeure de l'Empereur. Mais qu'en est-il de l'Empereur lui-même ? N'entend-on pas qu'il aurait abdiqué ? qu'il serait mort, abattu par des rebelles ?
Comment cela serait-il possible ? Le soleil brillerait-il sans lui ? Les étoiles luiraient-elles encore au firmament ?
L'Empereur, les rebelles, des milliards de tapis de cheveux ; il est long le chemin qui mène à la vérité, de la cité de Yahannochia au Palais des Etoiles, et jusqu'au Palais des Larmes sur un monde oublié...
Mon ressenti :
On entre de suite dans le coeur du sujet avec le premier chapitre qui présente l'univers via un tapissier. Une fin plus que glaçante qui donne
envie d'en savoir plus sur cette coutume millénaire et ancestrale. Coutume ancrée au plus profond des habitants, vouant un culte à cet empereur lointain dont la mort signifierait la mort des étoiles elle même. Car l'Empereur est comme "dieu, comme le créateur et le gardien de l'univers", il est le "maître des éléments et des astres"
Au fil des chapitres dédiés chacun à un personnage et à un métier différent, nous prenons connaissance de ce monde, de ses coutumes, de sa structure sociale, de son histoire, le tout sans aucune lourdeur. Car ce roman n'est pas tout à fait un roman, tout en l'étant à la fois, il s'agit ici plus d'une succession
de récit de vie tournant autour de ces fameux tapis de cheveux. Nous recroiserons parfois certains personnages au fil de l'intrigue. Mais
quoi de plus naturel que cette construction qui fait le parallèle avec
la fabrication d'un tapis, fil après fil. Les fils de la vie des personnages se mêlent, se démêlent et s’entremêlent pour un final éblouissant et étourdissant.
L'écheveau de fil se résout peu à peu, mais amenant toujours plus de mystères jusqu'à la révélation finale. Qu'en est-il de cet empereur voulant couvrir son palais de ces fameux tapis de cheveux ? Pourquoi ce rite étrange courant depuis des millénaires ?
L'émotion est présente dans le livre, les personnages ayant leur quotas
d'histoires qui finissent souvent mal. Tel ce chapitre 14 : Le palais
des larmes, une des révélations atroces de ce roman dont est tiré
l'illustration de couverture de l'édition poche. D'autres chapitres sont
poignants, contrebalancé, parfois, par de subtiles touches d'humour ou de dérision. Les thématiques tournent autour du pouvoir absolu et de son incidence sur la vie de celle qu'elle tend à gouverner, asservir. Politique, despotisme, religion, contrôle des masses et absurdité de la vie.
Certains récits feront penser à de la fantasy, d'autres sont résolument SF et le fantastique n'est parfois pas si éloigné. En bref, tous les lecteurs de l'imaginaire devraient y trouver leur compte.
Lors de la dernière page tournée, mon seul regret est le dernier chapitre, celui de la grande révélation finale. Pas sur le contenu, mais sur comment elle arrive. Mais rien qui ne doivent vous détourner de lire ce chef d'oeuvre. C'était ma deuxième lecture de ce texte et j'y ai pris tout autant de plaisir que quelques années auparavant.
Et lorsque l'on apprend qu'il s'agit du premier roman de l'auteur, on ne peut être qu'épaté.
Les prix littéraires ne s'y sont pas trompés : Prix allemand de science fiction en 1995, Prix Bob Morane en 2000, Grand prix de l'imaginaire en 2001
Un pur moment de bonheur au style remarquable et au final sublime d'une tristesse absolue selon quelques blogueurs. Je n'aurais pu dire mieux.
Je vous parlez de mélange des genres, les éditeurs se sont arrachés les cheveux pour trouver une illustration. (certaines sont bien à l'ouest tout de même !)
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Quelques citations :
Le problème avec toi, Nargant, expliqua-t-il ensuite, c’est qu’on ne t’a jamais appris à t’adapter. On t’a toujours fait croire que les ordres étaient plus importants que les cas particuliers sur lesquels tu pourrais tomber, et que la moindre insubordination se solde à tous les coups par la mort. À part ça, tu n’as pas appris grand-chose, mais cette obéissance-là, elle t’est passée dans la chair et dans les os et, si après ta mort on s’avise de te découper en rondelles pour examiner tout ça, c’est sûrement de l’obéissance en cristaux qu’on trouvera à la place de la moelle.
C'était son unique distraction et son unique point de repère temporel. Le reste du temps, il se tenait le plus souvent assis dans un coin, adossé à la paroi, et réfléchissait. Surgissaient les visages de ses amis venus lui dire adieu, des épisodes de sa vie venus lui réclamer des comptes. Non, il ne regrettait rien. Si c'était à refaire, il n'agirait pas autrement. Même pour ce vol de reconnaissance, qui s'était pourtant révélé un piège particulièrement retors. Nul ne s'en était douté. Il n'avait rien à se reprocher.
Parfois, il arrivait aussi que ses pensées se taisent. Il restait alors assis là, à regarder l'image floue que lui renvoyait le mur d'en face et à se sentir simplement en vie. Il ne le serait plus bien longtemps. Dorénavant, chaque seconde était infiniment précieuse.
En de tels instants, il était en paix.
Mais il avait aussi ses moments d'angoisse. La certitude que la mort est proche et inéluctable réveille une peur animale, ancestrale, une peur qui se refuse à toute analyse, balaye toute réflexion et dépasse tout idéal supérieur ; une peur qui sourd des plus sombres profondeurs de l'âme et afflue en une vague terrifiante. Dans ces instants-là, il cherchait, tel un noyé, un espoir, une issue et ne trouvait que l'incertitude.
Il est des choses qu'on oublie, d'autres qu'on se rappelle. Parmi celles-ci, la vie vous offre parfois quelques rares instants dont on conserve à jamais le souvenir brûlant, en des images démesurées, éclatantes de lumière.
« Et sinon ? Dans la vie, tu es seule aussi ?
— Mère ! »
Encore la même rengaine. Un autre million d'années s'écouleraient sans doute avant que les parents ne cessent de dicter leur conduite à leurs enfants durant toute leur vie.
Il faut que je le relise un jour, j'avais bien aimé ma première lecture (sauf la fin justement). La deuxième lecture devrait me permettre de mieux l'apprécier dans son intégralité ^^.
RépondreSupprimerUn ressenti identique donc. Je ne me rappelai plus que sommairement du contenu, les images sont vites revenues, certaines splendides, d'autres plus cruelles.
SupprimerJ'en ai un excellent souvenir, un must et une bonne porte d'entrée pour les réfractaires au genre....
RépondreSupprimerEschbach est un auteur à suivre avec du bon et du moins bon. Mais très agréable dans son ensemble
Je ne peux que plussoyer
SupprimerBelle trouvaille, tu attises ma curiosité. Un livre sensible et intelligent visiblement. Je prend ! Merci pour ce retour. T'es tout de suite plus sérieux quand ça te plaît :)
RépondreSupprimerJe pense ne pas m'avancer en disant que tu l'apprécieras. Comme le dis Yogo, Eschbach est un auteur à suivre. J'ai lu quasi tous ces romans adultes, et mon ressenti le moins élevé devait être sur Moyen.
Supprimer"T'es tout de suite plus sérieux quand ça te plaît "
Oui. Ceci dit, certains livres se prêtent plus à l'humour que d'autres.
J'avais adoré, notamment pour sa construction si fine.
RépondreSupprimerOui, c'est rare lorsque la construction et le récit sont en osmose complète. Un bien beau roman.
SupprimerC'est un classique désormais, et peut-être qu'un jour je le lirai. Pour l'instant, je ne sais pourquoi, il ne me dit pas grand chose. Sand doute, ma méfiance quand tout le monde est unanime...
RépondreSupprimerJe pense qu'il devrait te plaire, il y a des accents de fantasy que tu devrais apprécier.
SupprimerMais je suis d'accord avec toi, attends l'envie de le lire avant de e lancer, cela serait bête de gâcher le moment car ce n'était pas le bon moment !
« Des milliards de Tapis de Cheveux » est un livre qui m’a fait - dès sa première lecture - une très forte impression. Il fait partie de ces ouvrages que je relis régulièrement, juste pour le plaisir. C’est un véritable coup de cœur, une histoire délicieusement mélancolique, qui m’inspire : le Palais des Etoiles, ainsi que celui des Larmes, m’ont marquée à tout jamais…
RépondreSupprimerLivre et histoire intemporels.
SupprimerLe palais des larmes, pfff