Nouvelles de la mère patrie

Dmitry Glukhovsky, L'Atalante, 2018 (parution originale : 2010), 256 p., 8€ epub sans DRM


за ва́ше здоро́вье !

Vodka, Média, Communisme, Corruption et Embouteillage


Présentation de l'éditeur :


Nouvelles de la mère patrie est un recueil de textes écrits à l’origine pour la presse russe, car, avant même d’être romancier, Dmitry Glukhovsky est journaliste.
Et rien ni personne n’échappe à sa plume acerbe, à commencer, bien sûr, par le numéro 1 (qui échange parfois sa place avec le numéro 2) – le Leader de la Nation –, suivi de près par les strates corrompues de l’administration, les mafieux reconvertis en hommes d’affaires, les nouveaux riches, les gens modestes, les travailleurs immigrés, les flics intègres, les journalistes, la télévision, l’alcoolisme omniprésent, les extraterrestres, le diable et ses hordes de démons, et les habitants oubliés des steppes sibériennes. Chacun reçoit son dû, qui pour ses vices, qui pour sa complaisance, qui pour sa naïveté et son incapacité à ouvrir les yeux sur le monde qui l’entoure. L’absurde et le fantastique, qui jalonnent le quotidien russe, ne sont jamais loin, et l’on se surprend même parfois à ressentir de la tendresse pour certains protagonistes.

Mon ressenti :

Inadmissible ! Révoltant ! Ecoeurant ! Déplorable !

Alors que la Russie rayonne dans la géopolitique mondiale, se saisit de la question des Droits de l'Homme partout où elle est en danger, qu'elle pourfend les dictateurs suçant le sang de leurs concitoyens, qu'elle fait preuve d'une intransigeante transparence dans l’utilisation des fonds publics, que ses politiciens sont tous d'une irréprochable honnêteté, qu'elle a une économie profitant au plus grand nombre, que les questions sociétales sont au coeur de sa politique, Monsieur Dmitry Glukhovsky, écrivaillon de troisième zone se permet de cracher dans la soupe de celui qui le nourrit.
J'avais déjà lu ses romans qui, bien que pouvant se lire de manière ambigüe, m'avait beaucoup plus. Et maintenant, après avoir vendu quelques millions de ses livres, il se permet de commettre des pamphlets contre le grand et valeureux Vladimir Poutine, de passer de la sous littérature qu'est la science fiction pour fabuler comme un journaliste corrompu sur cette grande patrie. Le voilà qu'il se complet dans la satire, dans l’humour noir et grinçant.

A ses yeux, les élites seraient toutes corrompues, la bienveillante idéologie communiste à la solde du capitalisme libéral. Il ose même comparer les leaders du peuple à de grands dinosaures en voie d'extinction, ou, plus révoltant encore, à les faire apparaitre comme des envahisseurs aliens.
Les grandes infrastructures routières de ce pays ne valent pour lui qu'à d'incessants embouteillages et pollution, alors que l'écologie est une question farouchement défende par les élites et le peuple. Peuple qui serait d’après lui insignifiants, alcooliques ou nazis, alors que les minorités sont une priorité du gouvernement démocratique russe.
Les médias sont forcément à la solde du grand communisme, pas d’échappatoire à l'idéologie dominante. Ce serait bien vite oublié que si Vladimir est sur tous les supports, c'est qu'il s'occupe énormément de son peuple. Pour preuve le grand raout annuel où Vladimir pourfend à la demande de ses citoyens quelques édiles locaux qui se sont égarés sur le chemin glissant de la corruption. Mais le Leader de la Nation veille !
Tous les fonctionnaires et politicards seraient corrompus, usant de leurs positions pour soutirer bakchichs et faveurs, le pire serait celui à la tête de ce grand pays. Alors que ce vénérable monsieur, adorant la pèche comme n'importe qui d'autre, redresse son pays comme un sacerdoce.


Allez, trêve de second degré, ce recueil de 16 nouvelles acerbes sur la Russie d'aujourd'hui se lit sans mal, fera sourire ceux qui suivent de loin l'actualité internationale. Pour les amateurs de SF, le bilan sera beaucoup plus noir, à part quelques renvois à nos thématiques, ce n'est clairement pas le sujet des textes. En outre, même si le plaisir de lecture est présent, les nouvelles sont loin d'être inoubliables.

Lorsque j'ai vu ce livre dans les parutions de L'Atalante, je me suis dis chouette, un nouveau Dmitry Glukhovsky, pour de suite déchanter : en lisant la quatrième de couv', je me rends compte qu'il s'agit d'un recueil d'articles écrits pour la presse.
Quelques temps plus tard, mon camarade Lecture42 publie son billet sur ce livre qui s'avère être un recueil de nouvelles, mais parues dans la presse ! Alors je ne sais pas si cela vient de moi, ou de l'éditeur, mais méprise il y a.
Si vous désirez savoir à quelle époque ces textes ont été écrit, dans quels journaux et à quelle occasion, j'espère pour vous que vous savez lire le russe, l'édition de l'Atalante ne s'attardant pas sur ces frivolités...

Lecture 42 a trouvé sa lecture rafraichissante, un grand merci à la vodka glacée.


Petit tour rapide des nouvelles
From Hell : Un géologue septuagénaire décide de retourner sur le terrain pour prouver que la nation russe risque d'être coupée en deux dans quelques millions d'années, la tectonique des plaques se fout de l’idéologie, aussi russe fut elle. Une théorie hérétique pour la Grande Nation Russe. Les fouilles vont révéler de bien grands mystères. Une revisite moscovite de l'autre côté du miroir.
Un pamphlet politico fantastique avec l'ironie en prime.

Tout à un prix : Une entreprise de construction utilise des ouvriers Tadjiks sur ses chantiers. Un beau paravent pour un commerce plus que douteux. Mais au pays en lutte contre le libéralisme, il n'y a pas de petits profits, tout à un prix !
Cynique.

Prothèse : La chirurgie esthétique, c'est bien, mais tout le monde peut en profiter, pas glam pour se faire remarquer. Alors qu'en une entreprise sort un nouvel implant...
Un texte à chute sur les diktats de l'apparence et l'inculture. Plaisant.

Panspermie : Une équipe internationale d'astronautes en orbite décident de fêter les 17 ans Gagarine, le premier homme a être aller dans l'espace.
Une interprétation, audacieuse, de la théorie de la panspermie.
International, la nouvelle mélange les langues françaises (russes) et américaines. pour les monolinguistes tel que moi, cela oblige à aller voir chaque note de page pour voir la traduction. Epuisant et fastidieux au bout de la quarantième. ces allers retours m'ont sortie de la lecture.

Avant l'acalmie : Un présentateur de débat sur le point de se faire virer propose un concept d'émission politique révolutionnaire en droite mire de la téléréalité trash. A l'oreillette "Voix Intérieure" prêchant la Bonne Parole, et cet allégorie économique du vent d'ouest.

Dans notre pays, les ordres qui viennent d’en haut sont l’expression de l’inconscient collectif

Une bonne action : Un milicien du Parti a des principes, une éthique ! Un espèce en voie de disparition en Russie. Alors, quand sa femme le quitte, que son patron lui retire son enquête qui risque de désobliger certaines huiles du Parti, il ne lui reste plus qu'une seule chose à faire.
Comment être un juste parmi les corrompus ? En devenir un aussi ? Une nouvelle que j'ai apprécié grace au personnage qui affronte une nation entière pour faire triompher la justice. La fin est splendide. Et sous des apparats réalistes, la SF est bien présente.

A chacun son destin : Un ministre se pose des questions existentielles à l'aune de ses 50 ans, Malgré sa réussite, que lui reste t-il à prouver ?
Sympathique.

Les informations qui comptent : Un journaliste qui doit couvrir le direct d'un événement planétaire : "Le discours du président adjoint de la commission de la Douma pour les ordures ménagères à propos de l’importance du ramassage des feuilles mortes dans les rues". Cependant, il est pris dans les embouteillages. Et il se pourrait qu'un fait divers se déroulant devant ses yeux fasse de lui le futur présentateur vedette.
Humour noir, caustique et grinçant pour une thématique chère à la SF.

Parfois ils reviennent : Un texte à la mode burlesque sur le changement en Russie, celui d'un président par un autre.
Bof

Utopia : Un homme d'affaire affilié au Parti et fan de Belmondo va voir se réaliser le rêve de sa vie : visiter on utopie. Une affreuse déconvenue.
Souriant.

Une pour tous : Un publiciste est reçu par le grand leader Vous-Savez-Qui. Son prochain contrat, redonner tout son faste au concept de Patriotisme.


Il faut ressusciter et moderniser le patriotisme. Redonner du sex-appeal à la Patrie. Déterminer ce que ce terme peut signifier dans un monde à l’ère d’Internet, à l’époque du village global. Je veux que le mot « Patrie » ne stimule pas seulement les centres nerveux des porte-étendards de l’orthodoxie ou des atamans cosaques. Je veux que la Patrie soit trendy. Que le centre d’art contemporain de Moscou organise des happenings patriotiques de son propre chef, et qu’en même temps, les retraités ne se sentent pas étrangers à cette Patrie-là… (Il guillotina un cigare et, avant de l’allumer, plongea son regard pénétrant dans celui de Goldovsky.) Bien entendu, ce nouveau concept de patrie devra plaire à tout le monde, et tout particulièrement à ceux qui allouent et signent les budgets.


Apparition : Une réécriture moderne et russe de l'immaculée conception.
Plaisant

Toucher le fond : Si il y a bien une chose au dessus de tout en Russie, c'est bien la Vodka (et le Grand Leader). Alors gare à l'alcool frelaté qui pourrait éloigner du droit chemin le peuple russe.
Mouaih

Deus ex Machina : La Grande Russie va devenir une grande nation "démocratique" : le vote électronique fait son apparition, les électeurs fantômes n'ont qu'à bien se tenir.
Un texte à chute drôle et facétieux avec, comme il se doit, un deus ex machina !

Pas de ce monde : Face à l'arrivée d'une pluie d'astéroides sur Terre, les grands dignitaires de la Nation vont devoir monter de quel bois ils se chauffent.
Ou une réponse à la disparition des dinosaures.

Avant et après :
Les habitants d'un village perdu de Sibérie devisent sur le retard des paiements de retraite, sur les rationnements, et la télévision.
Un regard désabusé sur les conditions de vie des campagnes reculées.



8 commentaires:

  1. Merci pour le lien.
    J'ai adoré ton texte au second degré. Pour le niveau des nouvelles nous sommes d'accord, elles ne sont pas toutes du même niveau. Mais je me suis bien marré tout de même.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci.
      Sans être inoubliables, les nouvelles sont plaisantes. J'ai bien aimé Une bonne action et Les informations qui comptent, SF oblige. Il a réussi à allier réalisme et alien.

      Supprimer
  2. Pour ma part, je passe... J'ai pas trop accroché à l'auteur (Futu.re m'est tombé des mains et j'ai eu du mal à terminer Métro !) et je ne suis pas fan des nouvelles.

    Sinon tout va bien et j'ai apprécié la chronique a double sens :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Si tu n'es pas fan de Dmitri, mieux vaut passer.
      Et merci

      Supprimer
  3. Mmh, je vais plutôt commencer par lire Metro dont le 1er attend sagement dans ma PAL. Bon, un peu empoussiéré, mais fidèle au poste !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce recueil contient très peu de SF, et de manière détourné, et si la satire de la politique russe ne t'attire pas...
      Dans Metro, tu as la même chose mais en sous jacent et SF. De lui, il y a aussi Futu.RE et Sumerki que j'avais bien apprécié.

      Supprimer
  4. Ouais, ouais, ouais....
    J'avoue que je ne suis pas emballée sur l'embardée politique. Comme tu le sais, j'aime la SF quand elle est speculative, philosophique, fun, pulp,.... Mais des que l'on vire vers le pamphlet politique cela a tendance à me refroidir.

    Je crois que je vais laisser Dmitri et continuer avec Metro, FUTURE, Sumerski.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bon choix, c'est trois romans sont d'un tout autre calibre

      Supprimer

Fourni par Blogger.