Le temps revisité

 

Anthologie coordonnée par Stéphane Dovert, Editions Arkuiris, 2019, 416 p., 3€ epub sans DRM


Peut-on en 2019 sortir une anthologie sur la thématique éculée du voyage dans le temps ?

Présentation de l'éditeur :

Aussi présent qu’impalpable, le temps semble rythmer métronomiquement la partition de nos vies.
Quoi de plus faux !
Les vingt nouvelles de ce recueil, dans les registres de la science-fiction et du fantastique, nous prouvent que le temps n’est pas un long fleuve tranquille ; que son cours capricieux s’écoule dans tous les sens ; que l’on peut l’inverser, le réduire, l’allonger voire le superposer dans une cacophonie d’instants plus ou moins bien maîtrisés.


Mon ressenti :


Voilà une anthologie que j'ai acheté pour le nom d'un seul auteur au sommaire, une chose extrêmement rare, voir unique. Mais j'aime bien sa production, et de deux, je voulais au moins une fois acheter avec mes propres deniers une de ses œuvres. Voilà chose faite. Et trois euros en numérique pour 20 nouvelles, ce n'est pas du vol. (à moins que les auteurs ne touchent que dalle ?)
La majorité des auteurs m'étaient inconnus, seuls deux noms surnagés : Jean Christophe Gapdy, la cause de mon achat et Arnauld Ponthier.
L’anthologie s'ouvre sur un avant propos et se termine par une bio-bibliographie des différents auteurs. J'aurais aimé trouvé une petite présentation des différents textes, surtout que le site de l'éditeur est clairement à revoir en terme d'informations données. L'édition numérique  est acceptable dans son ensemble, si ce n'est des problèmes dans l'interlignage et l'absence de chapitrage, assez chiant sur un livre de 400 pages.
L'anthologie se trouve facilement chez les libraires mastodontes en ligne, beaucoup moins ailleurs.

Au vue de cette mise en bouche, j'avais peu confiance dans l'intérêt de ce livre, mais certains auteurs s'en sont sortis avec brio :


Double peine, Nicolas Sick
Que ne ferait on pas par amour ?
Un texte qui commence mal, cela parle d'amour. Et au final, j'ai beaucoup aimé. J'y ai trouvé beaucoup d'originalité et d'inventivité. Une histoire somme toute assez simple mais l'auteur instille beaucoup de doutes et d'interrogations sur ce qui s'est passé, sur l'anticipation de la justice et de la peine. En plus, plusieurs effets Kiss Kool essaiment le récit. J'ai cru voir la chute. Et non. Les nouvelles peines sont glaçantes d'un possible futur.
Le pitch : une jeune femme est reconnue coupable pour un fait dont on ne connait rien. Le couperet tombe, 53 ans de condamnation. Et elle sourit. Pourquoi ?


Tempus Fugit, Antoine Vanhel
Des mercenaires augmentés sont appelés sur une station dans l'espace. Une mission à priori simple qui va prendre une tournure singulière. Les mercenaires ont tout de l'attirail classique, mais ont un petit plus peu vu dans mes lectures : il peuvent se mouvoir dans d'autres temps, plus rapide que le notre afin de surprendre leurs adversaires. Un très bon texte



Chasse temporelle, Jean Christophe Gapdy

Une poursuite à travers temps, un fast and furious à la mode SF.
Le pitch : Futur, un savant invente la machine à voyager dans le temps, mais son bio-androïde le tue et s'échappe dans une autre époque. La chasse est lancée. Comme à son habitude, l'auteur, sous une apparente simplicité, s'amuse avec son lecteur. Et les certitudes de ce dernier vont vaciller sur leur base. Bref, je me suis fait avoir comme un bleu. On revisite certains éléments historiques qui vont prendre dès lors une autre saveur. A découvrir.
L'intrigue se passe dans l'univers de syssol, sans qu'il soit nécessaire de le connaître. L'auteur a développé un site internet pour vous faire découvrir son monde qui emprunte à plusieurs genres : Hard-SF, Cyberpunk, Spac opera, Polar noir. Je le dis et re-dis et re-re-dis, lisez du Gapdy, c'est bon pour les neuronnes.


D"autres auteurs n'ont pas à rougir de leurs performances.

Texto, Cédric Teixeira
2016 Une ado meurt pour un texto non reçu. 2028… deux scientifiques font des essais de téléportation quantique (si si ça existe)
Dommage qu'il y ait quelques invraisemblances qui font que l'histoire fonctionne, car sinon, c'est un texte très plaisant. Pour ceux qui aime les paradoxes temporel.



Incipit, Thibaud Faguer-Redig

 … Car chacun garde en mémoire les images des orangs-outans se balançant, terrifiés, au sommet d’arbres momentanément épargnés par les mercenaires du bois. Quelques heures plus tard, après de molles tentatives d’expropriation, les pauvres bêtes se fracassaient le crâne au sol et étaient presque aussitôt broyées par les troncs vaincus.
Voici l'incipit par lequel s'ouvre le texte, de quoi intriguer.
Lorsque la maladie est mortelle, la pénurie de temps se fait jour. Même si nous sommes plus dans la littérature générale, en quelques pages, l'auteur nous peint un jeune dont la vie s'échappe peu à peu, sans mélo, et avec brio.


Lettres à Revers, Emmanuelle Nuncq
Tout le monde s'est au moins posé une fois ce genre de questions : et si ma vie s'était déroulée différemment. C'est ce qui arrive à Eléonore, une dame de la Cour qui se réveille un matin la veille. Et chaque jour, l'antechronologie se répète. Cela illustre le propos mais la fin était couru d'avance. 


Le Chat du réfrigérateur, Audrey Aragnou
Chat quantique, univers multiple et prémonition à la mode humour. Une petite friandise rafraichissante, je n'en attendais pas moins au vue du titre.


Temps mort, Arnauld Pontier

Un duel entre deux hommes, difficile d'en dire plus. En quelques lignes, une réflexion absurde sur ce que nous faisons de notre temps.



Avec le temps, Arhana
Un vieil artiste, une jeune amoureuse, une amoureuse éconduite, une demande spéciale. Et une vengeance. Une bon divertissement qui évacue le côté fleur bleu qui m'avait fait très peur.


Pour le reste, cela est beaucoup plus mitigé par rapport à la thématique du voyage dans le temps.
Premier écueil à éviter : l'amour et le voyage dans le temps. Si je lis de la SF, c'est que je n'en ai rien à foutre de l'Amour, sinon, je choisirai un autre rayon pour acheter mes bouquins. Premier écueil où sont tombés :
Alexandre Ratel et ses Naufragés de l’éternité où un plongeur perd la vie lors d'une tentative d'apnée, pour se réveiller sur le Titanic. Une histoire qui aurait pu être bonne : si les personnages étaient plus consistants et réalistes, et si le côté fleur bleu et religieux étaient absents.
Céline Chevet et son Reset nous conte une histoire d'amour sur fond de multivers et de sauvegarde quantique. Bancal et mièvre.
Stéphane Dovert et ses Alternatives nous parle d'une scientifique qui travaille dans un centre de recherche militaire à fabriquer des petites armes biologiques toutes mimis. Jusqu'au jour où un quidam arrive à pénétrer dans son bureau sans y être annoncé. Étrange car on ne rentre pas comme dans un moulin dans une base militaire. Cela parle multivers quantique avec une petite originalité : ici, c'est l'instant qui permet de réécrire le passé pour qu'il s'adapte au choix effectué. Intriguant, avant que l'histoire d'amour ne vienne plomber le tout.

Deuxième écueil : éviter ce qui a déjà été écrit mieux par d'autres. Faites l'effort de lire les oeuvres majeures du genre, cela vous évitera d'écrire dans le vide.
Cotton time de Jules Edmond Label nous parle d'un voyageur temporel qui se retrouve à une autre époque que celle de son retour, en pleine prohibition. Passé le fait du voyageur du futur qui s'étonne des us et coutumes d'une époque révolue, la fin s'égare dans les paradoxes. Manque d'originalité pour satisfaire mon appétit.
Pierre Montbrand et son Retour en Bavière nous entraine durant la seconde guerre mondiale, des scientifiques travaillent sur un programme temporel avant d'être exfiltré vers les Amériques. De nos jours, des phénomènes étranges de produisent aux Etats Unis. L'un des scientifiques va devoir se jouer du temps pour déjouer le plan nazi. Pas très original les nazis et le voyage dans le temps. Mais l'auteur nous entraîne dans son histoire, ce qui n'est pas si mal

Troisième écueil : me donner envie de lire le texte, c'est parfois très subjectif. Soit le style ne me convenait pas, ou l'histoire était trop longue à se mettre en place ou encore nous étions trop dans la blanche. Bref, lu jusque la fin si le texte était court, abandonné dans le cas contraire : L'interdit de Roger Raynal, Mayeul de la Serre et ses Danses nocturnes, Agathe Tournois et son Examen temporel, Éric Lysøe et sa Perle d’éternité, Le passage de Michelle Labeeu et enfin Charlotte Mangaud et son Temple d’un éternel été


4 commentaires:

  1. Oui, on peut sortir une anthologie sur le voyage dans le temps. La vraie question, c'est peut-on en sortir une bonne ? (et là j'ai des doutes sur le principe même...)
    Au moins tu as encore pu élever Gapdy dans ton Panthéon personnel, c'est déjà ça. =P

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    1. Et il y a aussi deux trois autres textes qui me donnent envie de découvrir d'autres auteurs.
      Recueil ou anthologie, difficile de faire le 100% parfait, cela dépend beaucoup de celui qui lit aussi. Mais j'ai retenté le coup avec une autre antho sur la même thématique et j'ai assez aimé le voyage.

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  2. Je n'ai toujours rien lu de ce fameux Gapdy. Il faudrait peut-être que je jette un œil à ce qu'il fait… même si ce n'est clairement pas avec ce recueil que je compte faire mes premiers pas dans son œuvre.

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    1. Le recueil, malgré quelques bons textes, est clairement dispensables.
      Je te conseille son roman Les gueules des vers, qui aura bientôt une suite. Ou son recueil Aliens, Vaisseaux et Cie pour découvrir l'étendue de son talent.

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