La nuit du Faune

 

Romain Lucazeau, Albin Michel Imaginaire, 2021, 256 p., 10€ sans DRM


 

Dans les interstices de la science, certains décèlent des complots, d'autres imaginent du Merveilleux.

Présentation de l'éditeur : 

Au sommet d’une montagne vit une petite fille nommée Astrée, avec pour seule compagnie de vieilles machines silencieuses. Un après-midi, elle est dérangée par l’apparition inopinée d’un faune en quête de gloire et de savoir. Le faune veut appréhender le destin qui attend sa race primitive. Astrée, pour sa part, est consumée d’un ennui mortel, face à un cosmos que sa science a privé de toute profondeur et de toute poésie. Et sous son apparence d’enfant, se cache une très ancienne créature, dernière représentante d’un peuple disparu, aux pouvoirs considérables. À la nuit tombée, tous deux entreprennent un voyage intersidéral, du Système solaire jusqu’au centre de la Voie lactée, et plus loin encore, à la rencontre de civilisations et de formes de vies inimaginables.
 

Mon ressenti : 

Voilà qui commence mal avec ce livre, dès le titre, je tique : ne serait-ce pas plutôt la nuit de la faune ?
Je dégaine mon dico et non, un faune est bon, c'est un être mythologique. (Après semiosis, étiage, gnomon et hiérophante, l'éditeur s'est-il donné comme but secret de me rendre moins inculte ?)

Romain Lucazeau est normalien, agrégé de philo, auteur d'un livre de notes de bas de page inspiré du théâtre antique, et surtout un vendu à la solde militariste. De quoi cocher pas mal de cases de mon a priori négatif... Les 4B (Apophis, Feyd Rautha, Gromovar et Nicolas Winter) l'ont encensé, mais ce sont des gens intelligents, qui aiment malmener leurs neurones. Moi j'ai une relation bienveillante avec elles.
Bref, pas pour moi. C'était cependant sans compter Nicolas Martin et son émission estivale Infiniment qui m'a chamboulé et décidé à le lire.

Le pitch est simple : une petite fille rencontre un monstre gentil, mais c'est la fille qui va faire peur au monstre !
Mais ce roman n'est pas du tout cela. Si vous avez été un tant soit peu attentif durant vos cours de sciences, vous savez un certain nombre de trucs autour de la création de la Terre, la Lune qui tourne autour, la gravité. Avec un tant soit peu d'attention supplémentaire, vous avez même entendu parler du système solaire, des galaxies, voir des amas et super amas de galaxies, des trous noirs, de la théorie des cordes et de certaines particules très particulières.
Des notions parfois complexes auxquelles Romain Lucazeau va s'amuser en inventant dans les interstices des choses que la science n'a pas su encore expliquer. Il comble les trous et nous conte l'espace connu et inconnu. L'auteur parle de "poétisation de la science" et je suis d'accord avec lui. À force de trainer ses guêtres à La méthode scientifique, il nous fait un spin off : La méthode littéraire.
Ajouter à cela une écriture très musicale, une poésie basée sur la science et un côté assez sombre, le compte est bon.

Las, il y a un hic pour moi, c'est que ce n'est pas ce que j'appelle un roman, avec une histoire, des personnages. Il s'agit plus d'une expérience de pensée, de philosophie : la connaissance est elle une malédiction ? Les civilisations portent elles en elle les germes de la destruction ?... D'une expérience littéraire aussi, l'impression que l'auteur ne s'amuse pas à écrire un roman sur le cosmos, mais veut apporter sa pierre à l'édifice de la littérature.  Il le dit lui-même dans La méthode scientifique : 

Faire entrer la science-fiction dans la littérature.

Alors c'est beau, le traitement est original et foutrement bien fichu, mais impossible pour moi d'adhérer aux pérégrinations mythiques des personnages. J'ai adoré sa vulgarisation littéraire de l'espace, une très belle idée et réalisation, par contre j'ai détesté le côté prétentieux et hautain de la démonstration.

La nuit du Faune est-elle pour toi ? Tout dépend de ce que tu attends d'un roman... 


l’artefact démontrait quelque chose de la civilisation qui l’avait conçue. Une sophistication, une délicatesse, encore capables de tendre d’envie l’expression d’Alexis, d’émerveiller Polémas, mais aussi, de rendre un peu de joie à Astrée. Un je ne sais quoi, une approche esthétique plutôt que fonctionnelle des choses, la cristallisation d’un rêve d’ingénieur, issu d’une période moderniste, agressive. La suggestion qu’un peuple capable de bâtir une telle merveille de métal ne jurait que par le style, la beauté, l’art, entremêlés de technologie. Une pièce de musée, issue d’un futur antérieur, en quelque sorte, une promesse d’avenir qui ne s’était pas réalisée.

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Avis réalisé dans le cadre d'un service de presse.

 

La nuit du Faune, roman de l'année ? Sûrement au vue des émissions de radio qui en parlent :

Grand
Infiniment du 11 juillet 2021
Les confins de notre système solaire sont à un peu plus de 100 000 fois la distance Terre Soleil, soit 15 mille milliards de kilomètres. L’autre extrémité de la Voie Lactée, 100 millions de milliards de kilomètres et les distances rapportées à l’univers observable ne font plus sens tant elles sont importantes. Mais jusqu’où peut-on aller dans l’observation et la compréhension de l’infiniment grand… Et pour nous servir de phare dans ces immensités obscures : Françoise COMBES, Romain LUCAZEAU.


La Nuit du Faune par Romain Lucazeau
C'est plus que de la SF du 30 août 2021
Si le podcast devait décerner un prix (un jour peut-être), alors la palme de l’année 2021 irait sans aucun doute à La Nuit du Faune de Romain Lucazeau. Après une entrée en fanfare dans le monde de la science-fiction avec son space opera Latium en 2017, le normalien et agrégé de philosophie fait son grand retour avec un roman atypique, qui mêle conte philosophique, hard-science, poésie et voyage intergalactique. Avec La Nuit du Faune, Romain Lucazeau prouve, une nouvelle fois, qu’il joue dans la cour des grands et qu’il est possible de produire de la SF française avec de l’ambition littéraire et du « sense of wonder ».


Calvo, Lucazeau : la rentrée littéraire SF
La méthode scientifique du 10 septembre 2021
Ils ont tous les deux gagné le Grand Prix de l’Imaginaire. Ils sont tous les deux considérés comme les meilleurs représentants de la nouvelle génération d’autrices et d’auteurs de science-fiction en France. Leur univers est aux antipodes, ils tracent l’un comme l’autre les contours d’un univers littéraire cohérent et représentent pour autant deux visages radicalement différents de la SF contemporaine et ils sortent à quelques jours d’écart les deux romans les plus attendus, et les plus saisissants de cette rentrée littéraire SF. Un conte philosophique qui flirte avec la hard SF, “La Nuit du Faune”, et un uchronie politique punk radicale, “Melmoth Furieux”, Romain Lucazeau et Sabrina Calvo sont nos invités.

Retour de Dune et de Métal Hurlant : le futur lointain serait-il bloqué dans la science-fiction du passé ? 
Affinités culturelles du 11 septembre 2021
Sortie au cinéma de "Dune" adapté par Denis Villeneuve, reprise du magazine Métal Hurlant, parution du nouveau roman de Romain Lucazeau : le futur lointain n'appartient-il plus qu'à la SF du passé ?

 

10 commentaires:

  1. C'est marrant, moi la phrase "Faire entrer la science-fiction dans la littérature" je la lis "Faire entrer la science-fiction dans l'élitisme à la gomme". Définitivement pas pour moi.

    (par contre fais gaffe, on pourrait presque dire que tu as écrit un avis nuancé 👀)

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    1. (c'est vrai qu'on l'a connu plus mordant, l'ami canin)

      Perso, je vais me laisser tenter. Ça pourrait même être ma prochaine lecture.

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    2. Nuancé oui, il y a des trucs que j'ai adoré, d'autres détesté.
      TmbM a eu le temps de le lire depuis ma réponse, et je suis content qu'il l'ai lu.

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  2. Merci pour ta chronique qui est compréhensible par tous et qui m’explique clairement à quoi il faut s’attendre en le lisant.

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  3. Mon même je me demandais ce qu’était un faune. On a les références littéraires que l’on peut.
    C’est bien de l’avoir expliqué en préambule.

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    1. Ah, je me sens moins seul, merci d'avoir osé le dire (à moitié cependant, l'anonymat... ;p)

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  4. C'est marrant, l'émission de C'est plus que de la SF m'a saoûlée au bout de dix secondes et je n'ai pas écouté l'épisode. Tu viens rappeller ce roman à mon bon souvenir de manière plus positive...
    Les "elles" avec lesquelles tu as une relation plus bienveillante, c'est tes neurones? 🧐

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    1. Oui, ce sont bien mes neurones.
      C'est Infiniment qui m'a donné envie de le lire, je pense que l'on entend bien le côté sense of wonder et l'expérience littéraire.

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