Liu Cixin, Actes Sud, 2022, 576 p., 19€ epub
Liu Cixin trace sa ligne imaginaire
Présentation de l'éditeur :
Porte-étendard incontesté de la science-fiction chinoise, Liu Cixin
apparaît dans ses textes courts comme un maître de la dramaturgie
cosmique en même temps qu’un écrivain profondément humaniste. Qu’il
mette en scène une inversion du temps, revisite de façon très vernienne
le voyage au centre de la Terre, interroge les conséquences d’une
miniaturisation des êtres humains ou imagine l'application
météorologique de la théorie du chaos pour stopper les guerres, Liu
Cixin ne cesse d’explorer et de distordre avec profondeur et inventivité
les mystères les plus insondables de la science.
Dans cette édition complète de ses nouvelles qui comptera un second volume, l’auteur de la trilogie du Problème à trois corps
démontre comment, dès ses premiers récits et en quelques pages
seulement, il parvient à créer des mondes complexes et passionnants.
Toujours empreintes d’une réflexion mélancolique — et souvent
humoristique — sur le sens de la vie et l’avenir de la Terre, les
nouvelles et novellas de Liu Cixin rappellent avec une posture parfois
presque taoïste l’insignifiance des existences et des actions humaines
dans le cours ordonné (ou chaotique ?) de l’Univers.
Mon ressenti :
Lorsque je vois le
nom d'Actes Sud sur une couverture, mon premier réflexe est de ne pas
lire la quatrième de couverture. Comme il s'agit ici d'un recueil de 17
textes, divulgacher serait presque impossible, une oeuvre d'art post-moderne, mais à l'impossible Actes Sud n'est tenue ! (spoil : vous pouvez le lire, YEAH)
Seconde chose, je sais que je vais raquer le prix fort : 19€ pour du numérique, ça fait mal au fondement, fut-il d'Einstein. Mais pour ce prix désormais, plus de DRM, on salue l'effort.
17 textes donc datant de... De quelles années au fait ? Alors il faut un peu fouiller pour trouver l'info, mais dans les mentions d'édition, on remarque un 1999-2022. Quel est la date du premier, du dernier ? Est ce un ordre chronologique ?
Comme en outre il s'agit du premier des recueils qui devraient sortir, la réponse pourrait être intéressante, mais la réponse ne se trouve pas dans ce recueil. Aucun paratexte non plus, bref, du grand format comme les lecteurs n'en veulent plus.
Edit du 25 mars 2022 : le traducteur Gwennaël Gaffric a eu la gentillesse via FB de me donner les dates pour chaque texte. Cela a du lui prendre une minute pour me coller l'info et une minute pour que je la colle moi même dans ce billet. Total : 2mn de boulot. Conclusion : je pense qu'Actes Sud auraient pu en faire autant !
Je parle rarement des traducteurs dans mes billets, car je ne vois, ni ne réalise pleinement leur travail derrière. Mais si je lis un texte et que l'écriture est fluide, belle, je sais qui il faut remercier.
Passons sur ces frivolités, et voyons ce que cet équateur nous offre à part ce titre intriguant.
En SF, c'est le réalisme qui prévaut je pense aujourd'hui, fini les
textes des années folles où on faisait feu de tout bois, ou seul
l'imagination était la limite.
Liu Cixin n'est, je pense, pas de cet
avis car de nombreux textes prennent pour cadre l'irréalisme mais avec
un traitement réaliste. Parfois cela fonctionne à merveille, activant
le sense of wonder, la pilule euphorisante des lecteurs de SF. Parfois,
la suspension de crédulité demande plus d'effort ou tombe carrément en panne.
Qu'est ce que j'en ai pensé ? Pas le vertige que j'attendais. Pourquoi ? En partie pour ce que je disais deux lignes plus haut, mais aussi pour autre chose que je n'arrive pas à mettre la main dessus. L'auteur a un traitement différent de bien des sujets et une façon particulière de créer son univers. Donc cela a été pour moi une lecture autre à celle que je m'attendais. Comme c'est de la SF, l'autre, c'est très bien aussi.
J'en parlais il y a quelques jours sur Twitter et Le maki me résumait ce qu'était pour lui Liu Cixin :
De la SF chinoise vertigineuse qui pousse (trop) loin
L'amour des sciences, de l'exploration et des découvertes.
Un mélange de modernisme et de traditions.
Le respect des "petites gens"
Et il a parfaitement raison.
Lune complétait par un
Liu Cixin est taré et très humain, et beaucoup trop misogyne.
J'aime son écriture et le vertige qu'elle me procure malgré tous ses défauts.
que je partage aussi.
Petit tour d'horizon des différents textes
Le chant de la baleine (1999)
Une nouvelle courte qui
m'a fait penser au merveilleux scientifique et aussi à Vernes.
Plaisant. Un trafiquant de drogue cherche un moyen de faire passer sa
drogue malgré la surveillance technologique.
Aux confins du
microscopique (1999) reste dans la même veine où une expérience est menée pour
savoir si la matière a une fin ou non. Macro et micro vont ils s'unifier
?
L'effondrement (1999)
Fini l'expansion de l'univers, elle a fait
son temps. Place à son effondrement. Mais ça ressemble à quoi un
effondrement de l'univers ?
Une fois lu ce texte, la compréhension ne peut se faire à cause de cet effondrement...
Avec ses yeux (1999)
Un texte initialement publié dans la revue Bifrost, voilà ce que j'en pensais à l'époque : "Le proche espace est désormais colonisé, des gens y travaillent mais
faire les allers retour domicile travail s'avère encore compliqué. Une
nouvelle technologie permet de voir et ressentir les pérégrinations à
travers des yeux d'humains consentants sur terre. Nous suivons le voyage
de deux personnes. Un hommage à un célèbre roman... A déconseiller aux
claustrophobes. Une ode aussi à la nature, à la technologie, l'espace
étant assez froid. Ne me laissera pas un souvenir impérissable."
Cette seconde lecture m'a donné plus de sensations que la première.
Le feu de la Terre (2000)
Un
jeune ingénieur débordant d'innovation tente d'améliorer le sort des
mineurs de charbon. Une méthode révolutionnaire qui va chambouler la vie
des habitants.
L'innovation est faite d'erreur, de non écoute des
anciens, de risques et aussi de rapidité. Une histoire affreuse, un
drame évitable qui m'a emmené avec lui. Dommage que les personnages
manquent cruellement d'épaisseur.
Terre errante (2000)
Paru en novella en 2020, j'ai été assez étonné de la retrouver ici mais comme c'est un recueil des nouvelles complètes...
Pas ma came : https://lechiencritique.blogspot.com/2020/06/terre-errante.html
L'instituteur du village (2001)
Dans
un coin paumé et reculé de Chine se nichent quelques villageois tirés
du siècle dernier. Un vieil instituteur tente contre et vents marrées d'éduquer.
Dans un coin paumé de notre voie lactée, une guerre incommensurable se fait entre le clan Carbone et le clan Silice.
Deux
univers très éloigné qui vont bien entendu se rejoindre. J'ai beaucoup
aimé la partie sur le village, l'auteur décrivant merveilleusement bien
l'isolement, la pauvreté et la rudesse.
Le Micro-âge (2001)
Sur une
arche destinée à trouver un monde habitable, le silence se fait avec la
Terre. Devenu seul face à ce calme de leur terre natale, le dernier
survivant va tenter de comprendre ce qui s'est passé.
On comprend
l'histoire peu à peu, pour nous amener vers un sujet plus guère
traité en SF. Une sorte de fable qui se conclut néanmoins trop
rapidement
Fibres (2001)
Un aviateur se prend la quatrième
dimension dans la gueule. Incompréhension des protagonistes qui se
demandent se qu'ils font là. Ils se rendent compte que leurs
réalités volent en éclats. Pourquoi ?
Une petite ballade dans les univers parallèles qui manquent toujours de développement.
Le destin (2001)
Des
touristes spatiaux sauvent le monde en détournant un astéroïde qui
allait s'écraser sur terre. Leur acte héroïque va avoir des conséquences
bien fâcheuses.
Petite navigation dans l'espace temps, une petite friandise fort agréable
Brouillage de toute la bande de fréquences (2001)
La
guerre fait rage entre les forces de l'OTAN et la Russie. Cette
dernière ploie sous le feu des occidentaux, les brouillages
électromagnétiques étant le point faible de l'armée Russe. On suit les pas d'un haut gradé et de son fils qui ne sont pas sur la même longueur d'onde en ce qui concerne la guerre.
Un
texte plus long qui permet à l'auteur de prendre le temps de construire
son intrigue et de nous prendre avec lui dans cette relation père fils.
En ces temps d'actualité guerrière, cette longue nouvelle prend une ampleur aigre douce.
Le messager (2001)
Un
vieux scientifique amateur de violon est hanté par le
désespoir. Un soir, il remarque un jeune homme l'écoutant jouer...
Jusqu'ici,
on ne peut dire que les fins à chute soient la spécialité de l'auteur. Vous dire donc
comme je l'ai apprécié, d'autant avec la nostalgie qui s'en dégage et le
dernier message livré.
Le battement d'ailes d'un papillon (2002)
L'auteur prend la maxime au premier degré, et nous en donne une autre plus chinoise.
La guerre en Yougoslavie, l'OTAN bombarde mais un scientifique a un atout dans sa manche, le battement d'aile d'un papillon.
Foutu guerre, foutus politicards, il ne restera rien, sauf cette nouvelle douce amère.
Le soleil de chine (2002)
Exode urbain d'un paysan qui va découvrir le monde.
Un
texte qui part du milieu rural pour nous emmener loin. A la gloire des
gens de peu, qui n'ont que leurs mains pour vivre. Mais aussi une autre
caractéristique.
Très bon texte
La mer des rêves (2002)
Une compétition de sculpture sur glace à laquelle va s'inviter un alien.
Nombreux sont les auteurs à aborder art et SF. Et souvent je m'ennuie. Un de plus à ajouter à la liste
L'ère des anges (2002)
Le
conseil de la sécurité se voit adjoindre un nouveau grand conseil,
celui de la bioéthique. Et justement une session s'ouvre à cause d'un
pays africain crevant sous la famine.
Lorsque l'on a plus rien à
perdre, nous avons tout à gagner. Un texte qui met le merveilleux au
goût du jour et démontre que l'éthique suit la science mais ne l'a
précéde pas. Ou quand l'intérêt prime sur d'autres considérations
morales.
L'équateur d'Einstein (2002) clôt admirablement le recueil, mais je vous en dirais rien !
La grande interrogation de Lorhkan : l’absence totale de marquages chronologiques permettant de les situer, comment est-ce possible ?? Le Nocher des livres regardent différemment le monde qui l’entoure désormais. Liu n'est pas le fils caché de Damasio nous dit Gromovar. Le troll a eu 17 fois le vertige tandis que Soleil vert propose à Cixin d’ôter les doigts de la
couture de son pantalon.
Challenge Winter short stories of SFFF |
Le lien vers Lorhkan arrive chez toi et avec une erreur !
RépondreSupprimerCelui du Nocher aussi !
Le mien est bon, c'est l'essentiel... ;-)
Je suis d'accord avec toi dans l'ensemble mais moins déçu.
Merci, c'est rectifié.
SupprimerCe n'est pas vraiment déçu que je suis, mais un peu surpris.
Les traducteurs, ces gens formidables 😊😇
RépondreSupprimerJe n'ai pas aimé le Problème à trois corps, donc je ne pense pas venir à ce recueil un jour...
C'est différent, tout dépend pourquoi tu n'as pas apprécié
SupprimerTrès déçu du non-divulgachage de la 4ème de couverture. Heureusement qu'Actes Sud bâcle le travail à l'intérieur, ça me rassure un peu, c'est bien d'avoir des constantes dans le monde.
RépondreSupprimerÇa n'arrive pas à me motiver pleinement, alors que j'avais pourtant apprécié "Avec ses yeux", mais pour des nouvelles je tenterai peut-être le coup si l'occasion se présente.
Pas un recueil indispensable, mais qui permet de voir une plume qui s'affine
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