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30/Nicolas Martin/custom

Superméchant débutant

février 19, 2025

 

John Scalzi, L'Atalante, 2024, 320 p., 13€ epub sans DRM


Scalzi, c'est comme le beaujolais : parfois excellent, parfois...
En débouchant un de ses romans, on ressent toujours cette appréhension, cette crainte du mauvais millésime.

Pitch de l'éditeur : 

Une nouvelle inattendue vient ébranler le quotidien de Charlie, qui végète entre son pub préféré de la banlieue de Chicago, son divorce et un boulot alimentaire : son oncle Jake, magnat de l’industrie du stationnement, est mort en faisant de lui son héritier.
Est-ce la fin des ennuis ? Loin de là ! Point de parking dans son héritage, mais une base secrète au fond d’un volcan, sur une île paradisiaque où se trament les pires machinations. Charlie ne s’attendait pas à ça en se rendant chez le notaire, encore moins à des négociations syndicales avec des dauphins augmentés…


Mon ressenti : 

J'ai entamé ce roman à 1h du matin, ne le lâchant qu'à regret à 2h30, le marchand de sable ayant finalement eu raison de moi. Le lendemain, la lecture s'est imposée comme une nécessité pour le terminer au plus vite. Un signe indéniable de haute qualité.

On suit les pas de Charlie, un véritable looser : récemment licencié de son poste de journaliste, quitté par sa femme et sur le point d'être expulsé de son logement. Looser sans aucun doute, mais il conserve son sens de l'humour et son amour pour les chats. Le décès d'un oncle milliardaire qu'il n'a presque jamais vu va bousculer son quotidien.

Avec ce roman, Scalzi nous initie à l'économie des superméchants, c'est à dire l'économie !. Il dévoile comment des multinationales sans scrupules négocient avec les États. C'est drôle, c'est enlevé, dans un style rappelant les films d'espionnage. Mais ici, pas de montres gadgets, de voiture survitaminée, mais des chats et des dauphins augmentés, ainsi que des technologies de pointe faisant la pluie et le beau temps.

L'humour de Scalzi, sa marque de fabrique, est omniprésent. Les dialogues alternent entre humour noir, bons mots et ironie. C'est donc un bon cru, qui satisfera sans aucun doute les fans de l'auteur.



Le Chant des glaces

janvier 22, 2025

Jean Krug, Critic, 2021, 350 p., 11€ epub sans DRM



Jean Krug nous sert un cocktail glacé de science-fiction… mais attention, à mettre trop de glaçons, le goût se perd !



Pitch de l'éditeur :


Delas est une planète glaciaire dont les ressources, extraites jour et nuit par des milliers de prisonniers, alimentent en eau potable le reste de la galaxie. Mais on y trouve également le cryel, un morceau de glace aux propriétés spéciales que seuls les plus agiles des détenus parviennent à prospecter : les chanteurs.
Lorsqu’un jour, l’occasion est donnée à Bliss et Fey, chanteurs insurgés, de se libérer, ils n’hésitent pas une seconde.
Accompagnés par Nox, ancien pilote et Jennah, scientifique exilée, ils vont plonger au cœur du plus gigantesque des glaciers. Et dans les méandres de ses galeries obscures, animés par la quête folle d’un cryel parfait, c’est surtout leur propre conscience qu’ils vont explorer. Avec cette question lancinante : « Au fond, quelle liberté ? »

Mon ressenti :

Le nom de Jean Krug circule depuis quelques temps dans la sphère de l'imaginaire. En plus d'être romancier, il est aussi glaciologue, et en ces temps de changement climatique où les hivers disparaissent peu à peu, un peu de fraîcheur ne peut faire de mal. Donc en route vers ce chant des glaces.

Chant qui m'a très vite désarçonné : n'ayant pas lu le pitch, je croyais que l'action se déroulait sur notre Terre, mais pas du tout ! Nous sommes loin dans le futur, sur une planète glacée qui sert de prison esclavagiste. Le roman se concentre autour du cryel, un cristal de glace aux propriétés exceptionnelles, l'énergie du futur...

Le Chant des glaces navigue à travers plusieurs sous-genres de la science-fiction : space opera, planet opera, SF militaire, et roman d’aventure… avec plus ou moins de réussite. Parfois, je me suis demandé où l’auteur souhaitait réellement m’emmener. Personnellement, c’est le côté thriller qui m’a le plus emporté, ainsi que les passages se déroulant dans ou sur la glace. J’avoue avoir craint que l’auteur parte dans trop d'explications scientifiques autour de la glace, de par son métier. Mais non, c'est même l'inverse, j'aurais voulu en apprendre d'avantage sur les glaciers, gourmand que je suis...
Le principal défaut de ce livre réside dans sa volonté de s’aventurer dans trop de directions à la fois. J’ai eu l’impression que l’auteur y mettait tout son amour pour la SF. Mais il a un trop gros cœur 😅.

Cela reste un premier roman, imparfait, mais parfait pour le dépaysement.
Il y a quelques jours, je lisais un article sur les glaciers où était évoqué les moulins. Et grâce à Jean Krug, je savais ce que ce n'était pas un moulin à vent ! Un divertissement très visuel aux accents écolo qui m'a permis l'air de rien d'être un peu moins con, c'est déjà pas mal. Et l'envie de continuer à découvrir l'auteur...


 

Le Déluge

novembre 13, 2024

 

Stephen Markley, Albin Michel, 2024, 1039 p., 17€ epub sans DRM



Le monde va mal. Le climat déraille, les politiques sont pourris jusqu’à la moelle, les fascistes sont des monstres, les gauchistes des terroristes…


Pitch de l'éditeur :

Californie, 2013.Tony Pietrus, auteur d’un livre-choc sur le dérèglement climatique, reçoit des menaces de mort. Provocation, canular, avertissement ? Le scientifique, qui a prophétisé le chaos à venir, se heurte en effet à un profond déni et assiste, impuissant, à la destruction de la planète. Des supertyphons aux mégafeux, du complotisme antiécologique au capitalisme de surveillance, catastrophes et violences précipitent l’humanité au bord du gouffre.

 

Mon ressenti :

Deux livres en un. L'un centré sur le roman catastrophe, l'autre sur l'action politique. Mais j'ai eu l'impression que ces deux récits étaient mal imbriqués.

1000 pages, et seulement deux mentions de la France ! Et encore, chaque fois noyée dans une longue liste d'autres pays. C'est quand même étonnant, quand on pense que la France a organisé la COP à Paris, que nous trions nos ordures, et que nous sommes le pays avec l'énergie la moins carbonée. Sans parler du fait que nous sommes la destination la plus touristique, le pays le plus accueillant, le plus beau…
Derrière l'ironie, il y a l'un des problèmes majeurs du roman : l'hégémonie américaine.

Oui, tu as raison, tu as déjà lu ce genre de roman, avec la même couverture et cette citation de Stephen King en bandeau. Mais ici, on parle d’un bouquin de 1000 pages, soit l’espace nécessaire pour développer une intrigue, des personnages, un univers, le monde d’après dans toute sa splendeur. Pourtant, malgré ces 1000 pages, c’est du réchauffé. Je m’attendais à des personnalités solides, des individus bien caractérisés avec lesquels je pourrais m’identifier, mais non, que dalle. Les histoires de chacun s'entrelacent, et pour bon nombre d’entre eux, j'ai mis plusieurs pages à savoir qui ils étaient vraiment. À part quelques rares éclaircies, ça reste trop dispersé pour m’embarquer complètement. Et c’est dommage, car lorsque le roman se préoccupe de ses personnages, cela sonne vrai.

Le roman se concentre essentiellement sur l’aspect politique, et là, on n’apprend rien de neuf : la lutte pour le pouvoir, les fascistes qui tirent les ficelles, les manœuvres en coulisses. Et là, franchement, moi la politique, ça m’ennuie profondément, donc... Il y a bien cette héroïne qui veut changer le monde, mais l’auteur en fait une anti-héroïne détestable, à tel point qu’on n’a aucune envie de s’en rapprocher.

Comme dans un mauvais blockbuster, les catastrophes se succèdent, les morts s’accumulent, et à chaque fois, d’autres catastrophes suivent. Mais tout cela reste distant, comme un reportage télé, du grand spectacle pour faire réagir le public. Et là, c'est carrément l’esprit américain. Certes, sans les États-Unis qui s’engagent sur le climat, il serait difficile d’obtenir un changement global, mais c’est un peu oublier d’autres acteurs majeurs comme la Chine ou la Russie, qui sont tout aussi des mastodontes dans ce domaine.

Le roman se lit facilement au début, mais arrivé à mi-chemin, ça devient long. Très long. Je passe une ligne, un paragraphe, puis une page, juste pour voir où tout cela va nous mener. La tension retombe, et avec elle, mon intérêt.

En résumé : optez plutôt pour la trilogie climatique de Jean Marc Ligny ou Terra Humanis de Fabien Cerutti, c'est peut-être pas parfait, mais c'est français. 😅

Les lectures du Maki y a vu plus de qualités que de défauts

Les Champs de la Lune

octobre 07, 2024


Catherine Dufour, Robert Laffont, 2024, 288 p., 14€ epub sans DRM


Privées de la rythmique tellurique, beaucoup d'espèces ont tiré leur révérence. La Lune est superbe, ses paysages sont pleins de majesté, mais elle est définitivement morte et le Vivant le sent bien.



Demain les chats,
Demain les chiens,
Demain les robots ?

Pitch de l'éditeur :

Puisqu'il faut trouver une autre planète habitable, pourquoi pas la Lune ? Mais la vie est rude sous le feu blanc du soleil. À l'abri de son dôme agricole près du cratère Lalande, une fermière regarde les moissons et les générations s'élever et retomber comme les marées terrestres.
Le soir, au clair de la Terre, elle parle avec son chat des fièvres qui frappent les humains, des fissures qui menacent la survie de la ferme, des enfants saisis par l'appel du vide, des robots fous et des fleurs dans la mer de la Tranquilité.
Son quotidien bascule le jour où on lui confie le soin d'une petite fille a la main verte. Qui fera éclore l'autre ?


Mon ressenti : 

Ma découverte de ce roman a été plutôt surprenante. Je suis habituellement les sorties littéraires de près, mais celle-ci m'avait complètement échappé. C'est en écoutant l'émission de rentrée de La science CQFD, dédiée à la SF, que j'ai entendu parler de la sortie d'un inédit de Catherine Dufour (qui doit être l'une des plus invités dans l'émission). J’ai à peine écouté pour éviter les spoilers, mais quelques mots m’ont suffi. Pas besoin de synopsis, j’achète ! De toute façon, avais-je vraiment le choix avec cette couverture magnifique signée Aurélien Police, qui capture à merveille l’atmosphère du roman ? Et puis, c'est Catherine Dufour, tout de même !

Tandis que les actualités défilaient sur l'écran, je me suis fait la réflexion que les parents de Sileqi et moi partagions la même problématique : nous essayons d'appréhender l'infini avec des intelligences conçues, à l'origine, pour faire la distinction entre deux bananes.

Me voilà parti pour l'aventure d'une lune habitée. Une lune merveilleuse donc (qui acte décidément le grand retour de notre satellite dans les préoccupations littéraires et scientifiques), avec des cités abritées dans d'anciens tunnels de lave, et une fermière et son chat vivant sous un dôme à la surface, pour nourrir les soulunaires, les habitants des sous-sols. J'emploie le terme "merveilleuse" car c'est la première impression que j'ai eue en entrant dans ce roman. J'ai écarquillé les yeux comme un enfant en découvrant ce monde. L’autrice prend le temps de nous faire explorer chaque recoin, que ce soit les cités souterraines ou la ferme en surface, au point que j’aurais bien dégainé mon appareil photo pour immortaliser ma balade lunaire. Mais attention, si ce monde est splendide, Catherine Dufour parsème son récit de petits indices : tout n’est pas aussi idyllique qu’il n’y paraît…

Les pizzas terrestres étaient des articles somptueux. Je me souviens d'un panneau, 200 000 euros le kilo. C'était beaucoup, soit tout juste le coût du transport. Mais certains avaient de quoi payer : ils revendaient à la Terre, cher, les techniques de recyclage mises au point sur la Lune. Il paraît que, sur Terre, la bière lunaire avait le même succès au même prix. Une femme nommée Fraye la brassait à partir de moût de spiruline, puis elle l'envoyait là-bas après l'avoir déshydratée, glissant ses paquets dans les renforts des containers des navettes interplanétaires. Elle en gardait quelques barils pour la consommation locale.
- Ça rappelle le pays, me juraient les consommateurs.
Je me demande aujourd'hui ce que ça rappelait aux Terriens. À l'époque, je trouvais seulement inutile d'envoyer sur Terre une boisson lunaire remarquable par sa saveur terrestre.

D'une balade merveilleuse, le roman explore différents genres de la SF pour mon plus grand plaisir : elle en fait des boutures, des greffes, des chimères, qu'elle lie avec plusieurs thématiques (l'écologie, le vivre-ensemble, l'éveil de la conscience, la place de l'homme dans l'univers...). Et elle le fait avec naturel, l'air de ne pas y toucher, tout en nous embarquant avec sa plume. (Si tu ne lis pas de SF car tu trouves trop souvent que la plume est pauvre, tu peux sans souci te jeter sur celui-ci.) Un livre qui m'a fait passer par de nombreuses émotions en découvrant cette lune à côté de cette fermière étrange. J’ai été émerveillé par cette lune avec sa flore et sa faune en "liberté", attristé par une réalité bien moins belle que ce qu’elle laissait paraître, et j'ai même éclaté de rire à certains moments grâce à des touches d'humour bienvenues. Et dans les passages plus tendus, j’ai tourné les pages avec une avidité digne des meilleurs thrillers.

Bref, un roman doux-amer, riche en sensations et en réflexions sur la vie... et/ou sa fin...

Les chiens se laissent parfois mourir sous les coups de leur maître, mais ce n'est pas par bêtise ou lâcheté. C'est par refus de vivre dans un monde où de si cruelles injustices sont possibles. Comme les antiques, ils jettent « la nature humaine à pile ou face » sur leur propre tombe. Crever au pied de l'humanité, c'est une façon de la faire comparaître devant le tribunal de leur volonté. Bien vainement, à mon avis. Les chats les méprisent un peu pour tant d'apparente lâcheté mais expliquer l'empathie à un chat, personne n'y est encore parvenu.

 
L'avis des chroniques du chroniqueur : "J’avais hâte de retrouver la plume de Catherine Dufour avec ce roman, et je l’ai adoré !"


Le vieux pasteur ne s'exprime que par gestes, cela fait partie de ses vœux. Alors qu'il venait vers moi, ses servants immaculés déversaient sous chacun de ses pas des fleurettes de papier qui gâtaient ma pelouse, mais je me suis abstenue de tout commentaire. Les rapports avec le personnel religieux nécessitent beaucoup de tolérance. Ses devoirs spirituels exigent souvent qu'il piétine les convenances de son interlocuteur, aussi, il n'y a qu'une alternative : l'éviter ou se plier à ses bizarreries.

Il m'est apparu que Campanus [un campagnol] est le symbole d'un lien précieux. Elle symbolise un lien entre le petit et le grand, le minuscule et le massif, que tout sépare mais qui partagent le principal : un écosystème. La différence d'échelle entre elle et moi est colossale. Je me suis imaginée face à face avec un être de mille tonnes, mettons un troupeau de dix baleines bleues mesurant vingt mètres chacune. Je les imagine nageant vers moi, dans le vide lunaire, pour m'offrir, du bout d'une nageoire, une larve de coccinelle. Je me suis demandé si j'aurais le cran de tendre mon nez vers la première d'entre elles, et de la regarder dans ses gigantesques yeux. J'ai compris que Campanus est incroyablement courageuse. Qu'elle est la plus courageuse des créatures de ne pas être simplement morte de peur à ma vue. Elle a fait mieux que ne pas mourir : elle a appris à me connaître. Elle m'a apprivoisée, elle a couru sur mes bras, posé son museau sur ma joue, fait pipi sur mon épaule. Elle a dormi près de moi, en confiance. Elle m'a fait don du spectacle de ses gestes emplis de grâce, de sa silhouette ronde dont le pelage a le brillant d'une pierre précieuse, de ses humeurs pleines de piquants. Elle a fait, presque tout seule, le long chemin qui nous sépare sur l'échelle des êtres. Et elle l'a fait à ses seuls risques et périls. Je me suis sentie envahie par l'admiration, à la fois pour elle et pour le lien que nous avons noué.


La science, CQFD

Rentrée littéraire : la SF en première classe
C’est la rentrée littéraire et pour la science-fiction aussi. Nous recevons deux autrices, un auteur, pour trois romans tournés vers l’avenir, avec Sabrina Calvo, Catherine Dufour et Nicolas Martin. Que nous racontent-il de demain, mais surtout d'aujourd'hui ?

Dans "Les Nuit sans Kim Sauvage", on suit Vic, une orpheline abandonnée dans un IKEA qui vit une histoire d’amour avec Maria Paillette, son assistante virtuelle. Dans "Les Champs de la lune", on se promène sur le régolithe lunaire avec une jardinière de l’espace pour découvrir la colonisation spatiale. Et enfin dans "Fragile/s", dans une France proche de la nôtre, on modifie le génome d’enfants d’une société bientôt stérile et où les mères pondeuses sont au cœur d’une dystopie politique.

Le meilleur titre de La Science, CQFD - Saison 2

septembre 05, 2024

 

Magnétar : l’aimant dans le placard
Maison Poincaré : un musée, et π c'est tout !
Hubert, sur les Reeves de l'Univers
Silence, ça mousse !
Déchets, dis-moi qui est la poubelle ?
Aires marines protégées, à bon entendeur chalut !
...

Hilarant, cocasse, honteux, poétique, consternant, intelligent...
Chaque jour l'équipe de La science CQFD se casse la tête pour trouver LE titre de l'émission, celui qui te fera lever au ciel, éclater de rire dans le métro bondé...

Mais quel est le titre qui t'a le plus marqué durant cette seconde saison ?
Une enquête s'imposait !

Le sondage a eu lieu du lundi 26 août au dimanche 01 septembre 2024 inclus.
Nombre de participants : 168

Le MEILLEUR titre : Procrastination... titre provisoire

56 votes

Voyons, 2024 et son lot de bonnes résolutions... Peut-
être que l’on verra cela plus tard. D’ailleurs, pourquoi procrastine-t-on ? Quels sont les mécanismes cérébraux impliqués dans cet art de tout remettre à plus tard ?
Vous devez faire cette tâche administrative quand, soudain, vous préférez boire un thé, récurer votre évier, puis passer deux heures à regarder des vidéos de chats sur YouTube. "Ne jamais remettre au lendemain ce que l'on pourrait faire le surlendemain", on se l'ait tous dit un jour.
La procrastination est-elle le syndrome de notre époque fatiguée, ou trouve-t-elle des explications plus fondamentales, du point de vue neurologique ? Comment le cerveau prend-t-il une décision, ou plus exactement, comment ne la prend-il pas ? 

 

Second : Ötzi : libéré, dégivré

40 votes


C’est la momie la plus étudiée au monde : Ötzi, la star de l’archéologie glaciaire. Qu’est-ce que cet homme des glaces, vieux de 5 300 ans, nous apprend-il de son époque ?
C’est par hasard que des randonneurs l’ont découvert, dans les alpes italiennes, à plus de 3 000 mètres d'altitude. Une momie parfaitement conservée, avec ses vêtements, son slip en peau de veau, son bonnet en peau d’ours, ses outils et son corps recouvert de 61 tatouages.
"The Iceman" a vécu à l’époque de l’âge du cuivre, vers la fin du Néolithique. Plus de 30 ans après sa découverte, les chercheurs du monde entier continuent de l’étudier. De récents travaux nous apportent d’ailleurs de nouvelles informations sur ses origines génétiques et son apparence physique.
 
 
 

Troisième : One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites »

31 votes
 
Le titre de cette émission est emprunté aux pancartes vues lors des marches pour le climat.

Le One Planet Polar Summit : le premier sommet international consacré aux régions polaires s’est conclu vendredi dernier à Paris. Quelles sont ses conclusions ?
C’est une première mondiale : un sommet pour alerter des dangers qui pèsent sur les glaciers et les pôles. La cryosphère - soit la glace de manière globale - est en voie de disparition. Les pôles sont bien plus que des sentinelles du changement climatique, ils en sont le moteur. L’équilibre de la planète dépend largement de l’Arctique et de l’Antarctique. La recherche polaire joue donc un rôle majeur pour les sciences du climat, de l’environnement, de la biodiversité. Les moyens qui lui sont consacrés sont-ils à la hauteur de ses enjeux ?
 
 

Les auditeurs titrent leur émission favorites



Il y a trois ans, l'équipe de La Méthode Scientifique avait fêté les résultats en m'accordant une interview méméorable (La méthode scientifique se fait titrer le portrait). Cette année, ce sont quelques auditeurs réguliers de l'émission qui ont voulu remercier l'équipe.
 

Comment as-tu découvert La science, CQFD / La méthode scientifique ? Depuis combien de temps écoutes tu l’émission ?


Blop : J'ai découvert La méthode scientifique, désormais ancêtre de la Science CQFD, parce que Nicolas Martin faisait tous les 15 jours une émission sur la science-fiction. (Oui, j'aime la SF, c'est beau, la SF). Des blogopotes en parlaient régulièrement, j'ai testé, j'ai commencé à rattraper mon retard sur les émissions de SF, puis, pauvre de moi, j'ai continué en écoutant presque toutes les émissions quotidiennes. Je suis une scientifique ratée, j'adore les sujets scientifiques (surtout la physique) mais j'ai fait des études supérieures en sciences humaines, parce qu'au lycée j'étais une quiche en maths. Donc avec l'émission, j'avais trouvé ma dose de drogue dure. Et j'ai adoré que Natacha Triou prenne le relai. Vous avez écouté Natacha quand elle lit des extraits de romans ? C'est une tuerie !!! J'écoute l'émission depuis seulement 4 ans. Tant d'années et d'émissions loupées... (Oui je sais, on écoute les podcast quand on veut). (Mais mes journées ne font que 24h et j'ai un métier et une famille, bordayl)

Krosstalk : Mmm, suis pas terrible sur les dates. J’ai l’impression de l’écouter depuis toujours. Mais je pense en fait avoir commencé à écouter genre vers 2017. Sur comment j’ai découvert l’émission, c’est probablement via les gens de la commu SFFF, dont peut-être le chien...)

Catherine Dufour : Aucune idée. J'écoute ça depuis le début, je suppose. C'est un peu un passage obligé quand on est auteure de SF.

Les lectures du Maki : Les réseaux sociaux ont parfois de bons côtés, on y croise des chiens sympas qui nous font découvrir des émissions intelligentes et passionnantes. Cela devait être dans les années Covid !

Le chien critique : Comme Blop, j'ai commencé à écouter La méthode scientifique à cause des "Vendredis SF", dont mon auteur chouchou, Robert Charles Wilson. J'ai aimé le ton, sérieux avec des touches de légèreté. Et un jour, ils ont programmé une émission sur les tardigrades (Le tardigrade : un animal petit, mais costaud !) que j'ai donc écouté et adoré. J'étais ferré, plus moyen d'arrêter d'écouter... Bref, j'écoute depuis quasiment la création de l'émission.



Quel est le titre qui t’as le plus marqué : l’as-tu choisi pour son originalité, sa pertinence scientifique, ou simplement parce qu’il t’a fait sourire ?


Krosstalk : Pas facile.. Peut-être “One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites »”. Pour le combo sujet et jeu de mots

Catherine Dufour : La syphilis ! Je raffole des maladies dont souffraient nos ancêtres, sachant qu'au XIXe siècle, tout le monde avait la syphilis, et tout le monde avait la tuberculose. Ça explique beaucoup de choses dans la littérature du XIXe et j'ai été très dixneuviémiste.

Les lectures du Maki : Je n'ai pas de titres qui m'ont marqué plus que d'autres (surtout parce que je les oublie vite !) Mais j'attends toujours avec impatience le titre du lendemain, c'est cette découverte qui est amusante. J'avoue que plus le jeu de mot est pourri, plus j'aime... et on ne va pas se plaindre, l'équipe est pleine de ressources de ce côté là.

Le chien critique : Je pense que je pourrais en parler des jours entiers. Dans mon top, il y a "Zone 51 : et j'ai crié Aliens pour qu'ils reviennent" qui est un des marqueurs de la fabrique des titres : en référence avec une chansonnette qui vous reste dans la tête. Extraterrestres : il est Fermi d'en douter, ou Covid : l’ombre du delta plane lient la pertinence scientifique et la légèreté. Sans oublier le cycle de Dune, qui  semble donner des ailes à l'équipe : Dune, épice et tout ! ou Dune : le ver de trop ?

Blop : Je suis fondamentalement bon public et je ris à la plupart des blagues. Donc un bon jeu de mot va m'emporter. J'adore le côté "à la limite du bon goût". Mais si en plus il est scientifiquement pertinent, c'est l'extase. Je pense que mon titre préféré depuis 2020, c'est "Zone 51 : et j'ai crié Aliens pour qu'ils reviennent". Mais franchement, "Les naines brunes ne comptent pas pour des prunes...". Et puis ... "The Last of Us : il va y avoir des spores" Bref. Je suis en PLS.



Quel titre t’as le plus fait sourire la saison dernière et pourquoi ?


Catherine Dufour : Les dinosaures à plumes. J'imagine la terre hantée par d'énormes poules et ça me fait rêver.

Le chien critique : J'ai eu énormément de mal à trouver mes trois titres préférés entre Magnétar : l’aimant dans le placard; Maison Poincaré : un musée, et π c'est tout !; Hubert, sur les Reeves de l'Univers; One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites »; Procrastination... titre provisoire.
Un musée, et π c'est tout m'a fait extrêmement rire. Mais à l'inverse, le très poétique et pertinent Hubert, sur les Reeves de l'Univers m'a fait chavirer.
 
Blop : One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites ». C'est drôle et c'est (malheureusement) très pertinent. Bon, je ne peux pas laisser passer non plus "Communication interstellaire : un travail de longue Alien", parce que c'est soooo SF...

Krosstalk : Forcément “A deux doigts d’Uranus”, ou “The Las of Us : il va ya voir des spores”. Ca revient quand d’ailleurs, hein ?



Y a-t-il un titre qui t’as fait réfléchir à un sujet scientifique d'une manière totalement inattendue ? Raconte-nous cette révélation !

Les lectures du Maki : Le titre est la cerise sur l'émission, c'est le thème abordé et son traitement qui te fait réfléchir. 

Le chien critique : Dernièrement, une émission sur les groupes sanguins (Groupe universel sanguin : ça sang bon ?) m'a appris qu'il n'y avait pas que 4 groupes sanguins, mais plus d'une quarantaine. Je ne suis pas un scientifique, donc l'émission me fait découvrir énormément d'aspects que je ne connais pas.

Blop : "Maison Poincaré : un musée, et π c'est tout !" Faisant partie de l'immense majorité des français qui habitent pas en ile de France, je ne savais pas qu'un musée des mathématiques ouvrait, je ne savais même pas que c'était possible d'ouvrir un musée des maths, et surtout, je me suis rendue compte que je n'avais aucune idée de qui était réellement Poincaré ! La profondeur abyssale de mon ignorance m'étonnera toujours.

Krosstalk : Révélation peut-être pas, mais ça ajoute souvent des précisions ou apporte une mise à jour des infos sur certains sujets, en science; ça évolue souvent assez vite. Et je réécoute quelquefois les émissions, notamment quand je les ai suivies en faisant autre chose (SHAME ON ME, SORRY NATACHA ET LA TEAM)

Catherine Dufour : Les "schnops" dans l'océan de Titan. Des nutriments, mais oui. Ca, ça fait rêver. Je n'étais pas au courant



As-tu une anecdote amusante ou un moment mémorable lié à l’écoute de cette émission ?

Blop : J'ai assisté à l'enregistrement en public de la Science CQFD "Utopiales : rafraîchissez-vous l'alien" (encore un titre de dingue) aux Utos en octobre 2022. Un moment mémorable : Natacha étant malade, c'est Antoine Beauchamp qui a présenté l'émission, dont deux des invités étaient... Nicolas Martin et Simon Riaux, qui venaient parler de leur livre "Xénographie". Ils ont foutu un bordel monstre. On a énormément rigolé dans la salle, où nous étions très nombreux et très bruyants, même si la qualité de la captation des techniciens de France Culture a pu quasiment faire disparaitre le brouhaha. On sentait le bonheur de Nicolas de ne plus avoir à gérer la structure de l'émission, le temps de parole, etc. Antoine Beauchamp m'a dit après que effectivement, ils étaient un peu chauds à gérer, les 2 énergumènes. Un excellent souvenir.

Krosstalk :
Non, pas vraiment. Juste je voudrais remercier Nico Martin qui m’a convaincu de lire Hugh Howey, je ne l’ai pas regretté


Catherine Dufour :
En rentrant d'un festival en Corse. J'étais au volant, on écoutait la radio et mon cadet m'a dit "c'est rigolo, la dame dans le poste a la même voix que ta copine adorable du festival !" Mais oui, fils. C'est la même. Je crois qu'il est amoureux.

Les lectures du Maki : Je ne vais pas être original, c'est la dernière de Nicolas Martin qui restera dans les mémoires. C'était très émouvant, un peu comme un grand frère qui quitte la maison, on sait qu'on continuera à se voir mais ca ne sera plus pareil. Heureusement la famille était toujours là et le concept a perduré, differement mais toujours avec le même plaisir et le même emerveillement.

Le chien critique : Je n'écoute jamais l'émission en direct, mais en podcast durant mes trajets boulot. Et je ne suis pas seul dans ma voiture, il y a mon fils qui subit tout ce verbiage scientifique depuis son plus jeune âge. Comme j'aime découvrir les coulisses des choses que j'aime, en 2019, je demande, sans trop y croire, une interview à Nicolas Martin qui accepte (ce mec est une perle). Entretien qui se fera par téléphone, avec mon fils de 8 ans dans les parages, qui passera plusieurs fois dans mon dos et qui se mettra à fredonner les fameux Hou Hou Hou du générique de La méthode scientifique. J'ai essayé de garder mon sérieux, mais cela a été très difficile. Dans ma tête, je me disais qu'à son âge, je chantais à tue tête les génériques de Capitaine Flam, d'Albator ou d'Ulysse 31, on a les références qu'on peut !!!



Un mot pour l’équipe ?

Catherine Dufour : Ne changez rien ! Cette émission est sans prix. Et bravo. Et merci.

Les lectures du Maki : Merci, vous êtes un des rares remparts contre l'obscurantisme. Continuez à nous divertir et nous instruire.

Blop : Les filles, les gars, ce que vous faites tous les jours est une respiration indispensable, un moment de réflexion posé et argumenté, accompagné d'humour et de sourires. Ne lâchez pas, vous faites un bien fou à l'esprit critique et à la culture scientifique des français, et à la santé de mon cerveau (et de mon moral) en particulier. Merci infiniment.

Krosstalk : Continuez comme ça, ne lâchez rien ! Il n’y a que quelques émissions que j’écoute en direct, La Science, CQFD et Cultures Monde en sont. C’est précieux pour moi d’avoir régulièrement des infos scientifiques sur des sujets aussi variés, avec un peu de temps pour développer avec les intervenant•es. Bon d’accord, je confesse que j’écoute un peu moins les émissions médicales; ça m’inquiète trop, bêtement Merci à tous et à toutes pour ce qui est pour vous un travail, et pour nous un plaisir
 
Le chien critique : Une émission d'utilité publique qui me met chaque jour de bonne humeur. Je pense que les Nobels devraient créer un prix du meilleur médiateur scientifique et lui décerner ce prix chaque année. MERCI

 
 
 

Qui sont-ils ?


Blop : Lectrice de SFFF, blogueuse très épisodique, bibliothécaire. Ne prenez pas la vie trop au sérieux : vous n'en sortirez pas vivant.
Twitter : @Blopromptu
Son blog : Impromptu

Krosstalk : Sound Design | Sci-Fi | Science | Essaie de résister à l’entropie.
Twitter : @krosstalk

Catherine Dufour : Ecrivaine
Twitter : @Twittcdufour
Site web : https://kat.mecreant.org//

Les Lectures du Maki
Twitter : @Lectures_Maki
Son blog : les-lectures-du-maki.blogspot.fr
 
 

Fragile/s

août 22, 2024

Nicolas Martin, Au Diable Vauvert, 2024, 432 p., 13€ epub sans DRM



Parfois, une goutte de sueur te glace le dos en tombant entre tes omoplates. Le roman de Nicolas Martin est cette petite goutte. Il aurait pu n'être qu'un simple roman engagé, mais il ne perd jamais de vue ses personnages, à la manière d'un Robert Charles Wilson, nous montrant la grande Histoire à travers la petite.
Pour moi, c'est un grand roman, de ceux que l'on relit pour ne jamais oublier que nos vies sont décidément très fragiles.

Pitch de l'éditeur :


Dans une France où la fertilité s’effondre et la majorité des naissances sont touchées par le syndrome de I’X fragile, Typhaine, élue par le très sélectif Programme expérimental de génoembryologie grâce à la position de son mari, accouche d’un garçon sain. Mais l’étonnante progression cognitive de son fils est bien vite aussi inquiétante que le contrôle dont font l’objet les mères, alors que le pays bascule dans la dictature…




Mon ressenti :


Un petit garçon en bonne santé ! Pourtant, alors que l'échographie est positive, la mère est effondrée. En deux pages, j'étais captivé, cherchant à comprendre pourquoi cette mère était si atterrée. Quelques pages plus tard, le tableau s'éclaircit : une épidémie touche toutes les naissances, presque plus de garçons, pour la plupart infertiles, et des filles frappées par le syndrome de l'X fragile. Dans un État dirigé par des patriotes, les droits s'amenuisent. Tiphaine est juriste dans l'aide aux migrants, tandis que Gauthier gravit les échelons du parti qui propose un programme spécial "naissance"...

Ce fut une photo de Romeo qui la trahit. Une photo du petit garçon, un peu floue, prise à distance, qu'Aissatou avait mise en fond d'écran de son hololink. Quand Typhaine la vit, un soir, sur le plan de travail de la cuisine, elle ne dit rien à Aïssatou. Elle savait que jamais la jeune Malienne n'aurait pris ce risque seule. Jamais elle n'aurait pu avoir accès aux horaires et aux déplacements de Roméo sans aide. Elle s'en ouvrit le soir même à Élisa, en tête à tête. Bien sûr, elle était inquiète. Inquiète pour Aïssatou, pour Roméo avant tout. Si ces visites secrètes étaient découvertes, la jeune femme perdrait tout lien, définitivement, avec son enfant. Inquiète également pour son amie, qui jouait là sa liberté, peut-être sur le très long terme. Mais également fière. Fière qu'Élisa ait le courage de faire ce à quoi elle-même avait renoncé : passer à l'acte, s'opposer à cet ordre social infect, résister à cette oppression à laquelle tous s'étaient conformés, dont elle. Ce techno-cocon autoritaire, individualiste, dans lequel plus personne ne bougeait de peur de perdre le confort acquis, où la solidarité n'était qu'un vieux souvenir, et où la vie avait cédé la place à la survie et à la peur de l'autre.

Soyons honnêtes, j'aime Nicolas Martin, et tu pourrais douter de mon objectivité à propos de son premier roman. De plus, il le publie aux éditions Au Diable Vauvert, maison d'édition où j'avais découvert la trilogie "Jéhovah" de James Morrow, mes premiers grands formats il y a bien longtemps. J'avais adoré leurs couvertures, leur mise en page. Retrouver un de leurs livres trente ans plus tard me rajeunit. Bref, tout concourait à me faire passer un très agréable moment de lecture, d'autant plus que j'avoue avoir eu la chance de lire une version bêta de ce roman il y a quelques mois, déjà très prometteuse. Et pour finir, je figure dans les remerciements, ce qui achève de compromettre mon objectivité.



Je parle de moments agréables, mais ce n'est pas le bon terme, car l'univers décrit est sombre, oppressant ; c'est une anticipation qui pourrait bien devenir réalité, au vu des résultats électoraux récents, avec une montée inquiétante de l'extrême droite. Ce roman interroge aussi nos convictions et la facilité avec laquelle elles peuvent être bafouées. Ce couple de petits bourgeois pourrait bien me ressembler. Ce n'est pas un roman agréable, mais il est très réaliste, très bien écrit.

Ne jamais oublier qui nous sommes, d'où nous venons, dans quel monde nous souhaitons vivre. Cette vision, il l'avait bradée pour son profit, pour son bénéfice, pour son avenir à lui. Et celui de son fils. Quitte à piétiner nos valeurs. Quitte à piétiner notre passé.
Quitte à me piétiner, moi.

On suit ce couple à deux moments de leur vie : la naissance de leur fils sain, et leur vie d'avant, avec la naissance de leur fille fragile douze ans auparavant. Deux périodes pour mesurer la fragilité de leur vie, de leurs convictions.
Un mélange de La Servante écarlate et du film Le Village des damnés, moderne, réaliste et addictif. Une fois commencé, il est impossible de le lâcher. L'auteur ne perd jamais de vue ses personnages, et c'est ainsi que la petite histoire rejoint la grande, comme dans les romans de Robert Charles Wilson, un autre de mes auteurs favoris, dont la référence est ici pleinement assumée, ce qui m'a arraché des cris de plaisir.

Cette génération qui a cru que face au coup de force institutionnel, il était encore possible de faire entendre la voix du peuple, que l'heure de la révolution était sur le point d'advenir. Cette génération dont il ne subsiste aujourd'hui plus aucun témoin, et dont les luttes se sont fracassées sur la répression brutale et meurtrière d'un pouvoir totalitaire à qui tous les gouvernements précédents avaient préparé le terrain. Nous sommes d'une autre génération, tardive, timorée, apeurée. Celle qui est née bien après la reconquête autoritaire, l'échine courbée. Celle pour qui il est devenu dangereux de contrevenir. Celle pour qui il est devenu honteux de penser. Celle pour qui l'abdication n'est pas un choix, mais une fatalité.
Nous étions pourtant convaincus que nous serions plus solides. Plus intelligents, plus évolués que le système.
Quelle blague.

Les relations mère-enfant y sont bouleversantes, avec une mère qui aime sa fille fragile et hait son fils parfait. Peu à peu, elle perd pied, devenant psychotique, sa vision se brouille : réalité ou hallucinations ? Un livre qui donne une place centrale aux femmes et à la maternité, à l'immigration et au handicap de manière très juste. Je ressors de cette lecture avec des sentiments ambivalents : un magnifique roman qui fait terriblement peur, surtout en ces temps troublés. Merci Nicolas.


Mais à cette époque, nous pensions que ça ne pouvait être que temporaire. Que statistiquement, mathématiquement, logiquement, le vent allait tourner. Qu'ils finiraient inévitablement par chuter. Que cette période était une erreur, une parenthèse malheureuse. Que le bon sens, l'humanisme, la coopération, la solidarité ne pouvaient que revenir, parce que toutes ces valeurs nous sont intrinsèques. Elles sont ce qui nous définit en tant qu'espèce. Je le savais, Gauthier le savait. Quelle que soit l'amertume de la pilule, nous serions plus forts que ce système oppressif.
Après tout, l'Histoire nous montre que les dictatures, les pouvoirs autoritaires finissent toujours par être renversés.
Et l'Histoire se répète, n'est-ce pas ?

L'Histoire se répétait peut-être.
Avant.
Jusqu'à l'effondrement.
Aujourd'hui, l'Histoire cesse de se répéter.
Elle s'achève.

"Fragile/s séduira les amateurs de dystopies à la recherche d'une lecture immersive et haletante" - dixit Le Maki -- et "invite à une réflexion profonde sur les limites de la science et de l’éthique, et met en lumière les dangers de l’eugénisme et des régimes autoritaires" selon Aude.

Avec un blog nommé L'épaule d'Orion, il fallait se douter qu'un jour, un écrivain ait besoin d'une épaule où déposer ses tourments...

La Sonde et la taille

juillet 22, 2024


Laurent Mantese
, Albin Michel Imaginaire, 2024, 624 p., 13€ epub sans DRM


 

Un roman loin des clichés barbares.

 

Pitch de l'éditeur :

Conan, le roi des Sept Nations, est vieux. Aux yeux du barbare qu'il reste malgré les ors du royaume et les afféteries de la cour, il a passé cet âge formidable qui se compte ainsi : huit fois la somme des doigts de ses deux mains. Il souffre des reins et c'est cette maladie qui va le tuer, non un coup de hache ou un poignard planté dans le dos. Alors que tous complotent dans l'ombre, lorgnent son trône d'ébène, aiguisent leurs lames, un acte chirurgical peut encore le sauver : la sonde et la taille. Une opération périlleuse qui pourrait aussi hâter sa mort. Mais qu'a-t-il à perdre ? Rien. Surtout s'il veut avoir une chance de protéger la seule chose qui compte désormais à ses yeux : son fils adoptif. 

 

Mon ressenti :

Conan le Barbare, ce nom qui résonne comme une promesse tonitruante de muscles huilés, avait toujours été pour moi synonyme d'Arnold Schwarzenegger en tenue de cuir plus que de pages épiques à dévorer. Mais l'envie de plonger dans ce roman ne m'a pas lâché et me voilà embarqué pour 624 pages de fantaisie. Par Crom !

Je m'attendais à un déluge de testostérone en action, de duels sauvages et de litres de sang éclaboussant les pages (il y en a quand même pas mal). Au lieu de cela, j'ai découvert un récit plus subtil, une exploration d'un monde en pleine crise où Conan commence à sentir la charogne faisandée avec une testicule grosse comme un melon pourri; désormais un roi vieillissant dont le règne vacille tel un colosse fatigué, suscite l’envie et la convoitise. L’auteur nous entraîne dans cette période charnière.


Les points, c'est surfait !

Messieurs, avant de vous lancer dans cette lecture, sachez que vos bijoux de famille pourraient être secoués par certaines images traumatisantes ! (La sonde et la taille du titre) De plus, si vous préférez les phrases courtes et directes, préparez-vous à un défi stylistique. Laurent Mantese semble ignorer les points pour mieux embrasser les points-virgules, tissant ainsi des phrases longues, riches en détails et en descriptions luxuriantes. Un choix qui peut sembler laborieux, mais qui invite en réalité à une immersion dans cet univers, chaque mot contribuant à poser une ambiance singulière et envoûtante qui s’harmonise parfaitement avec le récit.

Bref, j'ai lu ce long roman d'un bout à l'autre sans déplaisir et je peux enfin dire que j'ai lu un roman avec Conan le Barbare !

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