Featured

30/Nicolas Martin/custom

Le Déluge

novembre 13, 2024

 

Stephen Markley, Albin Michel, 2024, 1039 p., 17€ epub sans DRM



Le monde va mal. Le climat déraille, les politiques sont pourris jusqu’à la moelle, les fascistes sont des monstres, les gauchistes des terroristes…


Pitch de l'éditeur :

Californie, 2013.Tony Pietrus, auteur d’un livre-choc sur le dérèglement climatique, reçoit des menaces de mort. Provocation, canular, avertissement ? Le scientifique, qui a prophétisé le chaos à venir, se heurte en effet à un profond déni et assiste, impuissant, à la destruction de la planète. Des supertyphons aux mégafeux, du complotisme antiécologique au capitalisme de surveillance, catastrophes et violences précipitent l’humanité au bord du gouffre.

 

Mon ressenti :

Deux livres en un. L'un centré sur le roman catastrophe, l'autre sur l'action politique. Mais j'ai eu l'impression que ces deux récits étaient mal imbriqués.

1000 pages, et seulement deux mentions de la France ! Et encore, chaque fois noyée dans une longue liste d'autres pays. C'est quand même étonnant, quand on pense que la France a organisé la COP à Paris, que nous trions nos ordures, et que nous sommes le pays avec l'énergie la moins carbonée. Sans parler du fait que nous sommes la destination la plus touristique, le pays le plus accueillant, le plus beau…
Derrière l'ironie, il y a l'un des problèmes majeurs du roman : l'hégémonie américaine.

Oui, tu as raison, tu as déjà lu ce genre de roman, avec la même couverture et cette citation de Stephen King en bandeau. Mais ici, on parle d’un bouquin de 1000 pages, soit l’espace nécessaire pour développer une intrigue, des personnages, un univers, le monde d’après dans toute sa splendeur. Pourtant, malgré ces 1000 pages, c’est du réchauffé. Je m’attendais à des personnalités solides, des individus bien caractérisés avec lesquels je pourrais m’identifier, mais non, que dalle. Les histoires de chacun s'entrelacent, et pour bon nombre d’entre eux, j'ai mis plusieurs pages à savoir qui ils étaient vraiment. À part quelques rares éclaircies, ça reste trop dispersé pour m’embarquer complètement. Et c’est dommage, car lorsque le roman se préoccupe de ses personnages, cela sonne vrai.

Le roman se concentre essentiellement sur l’aspect politique, et là, on n’apprend rien de neuf : la lutte pour le pouvoir, les fascistes qui tirent les ficelles, les manœuvres en coulisses. Et là, franchement, moi la politique, ça m’ennuie profondément, donc... Il y a bien cette héroïne qui veut changer le monde, mais l’auteur en fait une anti-héroïne détestable, à tel point qu’on n’a aucune envie de s’en rapprocher.

Comme dans un mauvais blockbuster, les catastrophes se succèdent, les morts s’accumulent, et à chaque fois, d’autres catastrophes suivent. Mais tout cela reste distant, comme un reportage télé, du grand spectacle pour faire réagir le public. Et là, c'est carrément l’esprit américain. Certes, sans les États-Unis qui s’engagent sur le climat, il serait difficile d’obtenir un changement global, mais c’est un peu oublier d’autres acteurs majeurs comme la Chine ou la Russie, qui sont tout aussi des mastodontes dans ce domaine.

Le roman se lit facilement au début, mais arrivé à mi-chemin, ça devient long. Très long. Je passe une ligne, un paragraphe, puis une page, juste pour voir où tout cela va nous mener. La tension retombe, et avec elle, mon intérêt.

En résumé : optez plutôt pour la trilogie climatique de Jean Marc Ligny ou Terra Humanis de Fabien Cerutti, c'est peut-être pas parfait, mais c'est français. 😅

Les lectures du Maki y a vu plus de qualités que de défauts

Les Champs de la Lune

octobre 07, 2024


Catherine Dufour, Robert Laffont, 2024, 288 p., 14€ epub sans DRM


Privées de la rythmique tellurique, beaucoup d'espèces ont tiré leur révérence. La Lune est superbe, ses paysages sont pleins de majesté, mais elle est définitivement morte et le Vivant le sent bien.



Demain les chats,
Demain les chiens,
Demain les robots ?

Pitch de l'éditeur :

Puisqu'il faut trouver une autre planète habitable, pourquoi pas la Lune ? Mais la vie est rude sous le feu blanc du soleil. À l'abri de son dôme agricole près du cratère Lalande, une fermière regarde les moissons et les générations s'élever et retomber comme les marées terrestres.
Le soir, au clair de la Terre, elle parle avec son chat des fièvres qui frappent les humains, des fissures qui menacent la survie de la ferme, des enfants saisis par l'appel du vide, des robots fous et des fleurs dans la mer de la Tranquilité.
Son quotidien bascule le jour où on lui confie le soin d'une petite fille a la main verte. Qui fera éclore l'autre ?


Mon ressenti : 

Ma découverte de ce roman a été plutôt surprenante. Je suis habituellement les sorties littéraires de près, mais celle-ci m'avait complètement échappé. C'est en écoutant l'émission de rentrée de La science CQFD, dédiée à la SF, que j'ai entendu parler de la sortie d'un inédit de Catherine Dufour (qui doit être l'une des plus invités dans l'émission). J’ai à peine écouté pour éviter les spoilers, mais quelques mots m’ont suffi. Pas besoin de synopsis, j’achète ! De toute façon, avais-je vraiment le choix avec cette couverture magnifique signée Aurélien Police, qui capture à merveille l’atmosphère du roman ? Et puis, c'est Catherine Dufour, tout de même !

Tandis que les actualités défilaient sur l'écran, je me suis fait la réflexion que les parents de Sileqi et moi partagions la même problématique : nous essayons d'appréhender l'infini avec des intelligences conçues, à l'origine, pour faire la distinction entre deux bananes.

Me voilà parti pour l'aventure d'une lune habitée. Une lune merveilleuse donc (qui acte décidément le grand retour de notre satellite dans les préoccupations littéraires et scientifiques), avec des cités abritées dans d'anciens tunnels de lave, et une fermière et son chat vivant sous un dôme à la surface, pour nourrir les soulunaires, les habitants des sous-sols. J'emploie le terme "merveilleuse" car c'est la première impression que j'ai eue en entrant dans ce roman. J'ai écarquillé les yeux comme un enfant en découvrant ce monde. L’autrice prend le temps de nous faire explorer chaque recoin, que ce soit les cités souterraines ou la ferme en surface, au point que j’aurais bien dégainé mon appareil photo pour immortaliser ma balade lunaire. Mais attention, si ce monde est splendide, Catherine Dufour parsème son récit de petits indices : tout n’est pas aussi idyllique qu’il n’y paraît…

Les pizzas terrestres étaient des articles somptueux. Je me souviens d'un panneau, 200 000 euros le kilo. C'était beaucoup, soit tout juste le coût du transport. Mais certains avaient de quoi payer : ils revendaient à la Terre, cher, les techniques de recyclage mises au point sur la Lune. Il paraît que, sur Terre, la bière lunaire avait le même succès au même prix. Une femme nommée Fraye la brassait à partir de moût de spiruline, puis elle l'envoyait là-bas après l'avoir déshydratée, glissant ses paquets dans les renforts des containers des navettes interplanétaires. Elle en gardait quelques barils pour la consommation locale.
- Ça rappelle le pays, me juraient les consommateurs.
Je me demande aujourd'hui ce que ça rappelait aux Terriens. À l'époque, je trouvais seulement inutile d'envoyer sur Terre une boisson lunaire remarquable par sa saveur terrestre.

D'une balade merveilleuse, le roman explore différents genres de la SF pour mon plus grand plaisir : elle en fait des boutures, des greffes, des chimères, qu'elle lie avec plusieurs thématiques (l'écologie, le vivre-ensemble, l'éveil de la conscience, la place de l'homme dans l'univers...). Et elle le fait avec naturel, l'air de ne pas y toucher, tout en nous embarquant avec sa plume. (Si tu ne lis pas de SF car tu trouves trop souvent que la plume est pauvre, tu peux sans souci te jeter sur celui-ci.) Un livre qui m'a fait passer par de nombreuses émotions en découvrant cette lune à côté de cette fermière étrange. J’ai été émerveillé par cette lune avec sa flore et sa faune en "liberté", attristé par une réalité bien moins belle que ce qu’elle laissait paraître, et j'ai même éclaté de rire à certains moments grâce à des touches d'humour bienvenues. Et dans les passages plus tendus, j’ai tourné les pages avec une avidité digne des meilleurs thrillers.

Bref, un roman doux-amer, riche en sensations et en réflexions sur la vie... et/ou sa fin...

Les chiens se laissent parfois mourir sous les coups de leur maître, mais ce n'est pas par bêtise ou lâcheté. C'est par refus de vivre dans un monde où de si cruelles injustices sont possibles. Comme les antiques, ils jettent « la nature humaine à pile ou face » sur leur propre tombe. Crever au pied de l'humanité, c'est une façon de la faire comparaître devant le tribunal de leur volonté. Bien vainement, à mon avis. Les chats les méprisent un peu pour tant d'apparente lâcheté mais expliquer l'empathie à un chat, personne n'y est encore parvenu.

 
L'avis des chroniques du chroniqueur : "J’avais hâte de retrouver la plume de Catherine Dufour avec ce roman, et je l’ai adoré !"


Le vieux pasteur ne s'exprime que par gestes, cela fait partie de ses vœux. Alors qu'il venait vers moi, ses servants immaculés déversaient sous chacun de ses pas des fleurettes de papier qui gâtaient ma pelouse, mais je me suis abstenue de tout commentaire. Les rapports avec le personnel religieux nécessitent beaucoup de tolérance. Ses devoirs spirituels exigent souvent qu'il piétine les convenances de son interlocuteur, aussi, il n'y a qu'une alternative : l'éviter ou se plier à ses bizarreries.

Il m'est apparu que Campanus [un campagnol] est le symbole d'un lien précieux. Elle symbolise un lien entre le petit et le grand, le minuscule et le massif, que tout sépare mais qui partagent le principal : un écosystème. La différence d'échelle entre elle et moi est colossale. Je me suis imaginée face à face avec un être de mille tonnes, mettons un troupeau de dix baleines bleues mesurant vingt mètres chacune. Je les imagine nageant vers moi, dans le vide lunaire, pour m'offrir, du bout d'une nageoire, une larve de coccinelle. Je me suis demandé si j'aurais le cran de tendre mon nez vers la première d'entre elles, et de la regarder dans ses gigantesques yeux. J'ai compris que Campanus est incroyablement courageuse. Qu'elle est la plus courageuse des créatures de ne pas être simplement morte de peur à ma vue. Elle a fait mieux que ne pas mourir : elle a appris à me connaître. Elle m'a apprivoisée, elle a couru sur mes bras, posé son museau sur ma joue, fait pipi sur mon épaule. Elle a dormi près de moi, en confiance. Elle m'a fait don du spectacle de ses gestes emplis de grâce, de sa silhouette ronde dont le pelage a le brillant d'une pierre précieuse, de ses humeurs pleines de piquants. Elle a fait, presque tout seule, le long chemin qui nous sépare sur l'échelle des êtres. Et elle l'a fait à ses seuls risques et périls. Je me suis sentie envahie par l'admiration, à la fois pour elle et pour le lien que nous avons noué.


La science, CQFD

Rentrée littéraire : la SF en première classe
C’est la rentrée littéraire et pour la science-fiction aussi. Nous recevons deux autrices, un auteur, pour trois romans tournés vers l’avenir, avec Sabrina Calvo, Catherine Dufour et Nicolas Martin. Que nous racontent-il de demain, mais surtout d'aujourd'hui ?

Dans "Les Nuit sans Kim Sauvage", on suit Vic, une orpheline abandonnée dans un IKEA qui vit une histoire d’amour avec Maria Paillette, son assistante virtuelle. Dans "Les Champs de la lune", on se promène sur le régolithe lunaire avec une jardinière de l’espace pour découvrir la colonisation spatiale. Et enfin dans "Fragile/s", dans une France proche de la nôtre, on modifie le génome d’enfants d’une société bientôt stérile et où les mères pondeuses sont au cœur d’une dystopie politique.

Le meilleur titre de La Science, CQFD - Saison 2

septembre 05, 2024

 

Magnétar : l’aimant dans le placard
Maison Poincaré : un musée, et π c'est tout !
Hubert, sur les Reeves de l'Univers
Silence, ça mousse !
Déchets, dis-moi qui est la poubelle ?
Aires marines protégées, à bon entendeur chalut !
...

Hilarant, cocasse, honteux, poétique, consternant, intelligent...
Chaque jour l'équipe de La science CQFD se casse la tête pour trouver LE titre de l'émission, celui qui te fera lever au ciel, éclater de rire dans le métro bondé...

Mais quel est le titre qui t'a le plus marqué durant cette seconde saison ?
Une enquête s'imposait !

Le sondage a eu lieu du lundi 26 août au dimanche 01 septembre 2024 inclus.
Nombre de participants : 168

Le MEILLEUR titre : Procrastination... titre provisoire

56 votes

Voyons, 2024 et son lot de bonnes résolutions... Peut-
être que l’on verra cela plus tard. D’ailleurs, pourquoi procrastine-t-on ? Quels sont les mécanismes cérébraux impliqués dans cet art de tout remettre à plus tard ?
Vous devez faire cette tâche administrative quand, soudain, vous préférez boire un thé, récurer votre évier, puis passer deux heures à regarder des vidéos de chats sur YouTube. "Ne jamais remettre au lendemain ce que l'on pourrait faire le surlendemain", on se l'ait tous dit un jour.
La procrastination est-elle le syndrome de notre époque fatiguée, ou trouve-t-elle des explications plus fondamentales, du point de vue neurologique ? Comment le cerveau prend-t-il une décision, ou plus exactement, comment ne la prend-il pas ? 

 

Second : Ötzi : libéré, dégivré

40 votes


C’est la momie la plus étudiée au monde : Ötzi, la star de l’archéologie glaciaire. Qu’est-ce que cet homme des glaces, vieux de 5 300 ans, nous apprend-il de son époque ?
C’est par hasard que des randonneurs l’ont découvert, dans les alpes italiennes, à plus de 3 000 mètres d'altitude. Une momie parfaitement conservée, avec ses vêtements, son slip en peau de veau, son bonnet en peau d’ours, ses outils et son corps recouvert de 61 tatouages.
"The Iceman" a vécu à l’époque de l’âge du cuivre, vers la fin du Néolithique. Plus de 30 ans après sa découverte, les chercheurs du monde entier continuent de l’étudier. De récents travaux nous apportent d’ailleurs de nouvelles informations sur ses origines génétiques et son apparence physique.
 
 
 

Troisième : One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites »

31 votes
 
Le titre de cette émission est emprunté aux pancartes vues lors des marches pour le climat.

Le One Planet Polar Summit : le premier sommet international consacré aux régions polaires s’est conclu vendredi dernier à Paris. Quelles sont ses conclusions ?
C’est une première mondiale : un sommet pour alerter des dangers qui pèsent sur les glaciers et les pôles. La cryosphère - soit la glace de manière globale - est en voie de disparition. Les pôles sont bien plus que des sentinelles du changement climatique, ils en sont le moteur. L’équilibre de la planète dépend largement de l’Arctique et de l’Antarctique. La recherche polaire joue donc un rôle majeur pour les sciences du climat, de l’environnement, de la biodiversité. Les moyens qui lui sont consacrés sont-ils à la hauteur de ses enjeux ?
 
 

Les auditeurs titrent leur émission favorites



Il y a trois ans, l'équipe de La Méthode Scientifique avait fêté les résultats en m'accordant une interview méméorable (La méthode scientifique se fait titrer le portrait). Cette année, ce sont quelques auditeurs réguliers de l'émission qui ont voulu remercier l'équipe.
 

Comment as-tu découvert La science, CQFD / La méthode scientifique ? Depuis combien de temps écoutes tu l’émission ?


Blop : J'ai découvert La méthode scientifique, désormais ancêtre de la Science CQFD, parce que Nicolas Martin faisait tous les 15 jours une émission sur la science-fiction. (Oui, j'aime la SF, c'est beau, la SF). Des blogopotes en parlaient régulièrement, j'ai testé, j'ai commencé à rattraper mon retard sur les émissions de SF, puis, pauvre de moi, j'ai continué en écoutant presque toutes les émissions quotidiennes. Je suis une scientifique ratée, j'adore les sujets scientifiques (surtout la physique) mais j'ai fait des études supérieures en sciences humaines, parce qu'au lycée j'étais une quiche en maths. Donc avec l'émission, j'avais trouvé ma dose de drogue dure. Et j'ai adoré que Natacha Triou prenne le relai. Vous avez écouté Natacha quand elle lit des extraits de romans ? C'est une tuerie !!! J'écoute l'émission depuis seulement 4 ans. Tant d'années et d'émissions loupées... (Oui je sais, on écoute les podcast quand on veut). (Mais mes journées ne font que 24h et j'ai un métier et une famille, bordayl)

Krosstalk : Mmm, suis pas terrible sur les dates. J’ai l’impression de l’écouter depuis toujours. Mais je pense en fait avoir commencé à écouter genre vers 2017. Sur comment j’ai découvert l’émission, c’est probablement via les gens de la commu SFFF, dont peut-être le chien...)

Catherine Dufour : Aucune idée. J'écoute ça depuis le début, je suppose. C'est un peu un passage obligé quand on est auteure de SF.

Les lectures du Maki : Les réseaux sociaux ont parfois de bons côtés, on y croise des chiens sympas qui nous font découvrir des émissions intelligentes et passionnantes. Cela devait être dans les années Covid !

Le chien critique : Comme Blop, j'ai commencé à écouter La méthode scientifique à cause des "Vendredis SF", dont mon auteur chouchou, Robert Charles Wilson. J'ai aimé le ton, sérieux avec des touches de légèreté. Et un jour, ils ont programmé une émission sur les tardigrades (Le tardigrade : un animal petit, mais costaud !) que j'ai donc écouté et adoré. J'étais ferré, plus moyen d'arrêter d'écouter... Bref, j'écoute depuis quasiment la création de l'émission.



Quel est le titre qui t’as le plus marqué : l’as-tu choisi pour son originalité, sa pertinence scientifique, ou simplement parce qu’il t’a fait sourire ?


Krosstalk : Pas facile.. Peut-être “One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites »”. Pour le combo sujet et jeu de mots

Catherine Dufour : La syphilis ! Je raffole des maladies dont souffraient nos ancêtres, sachant qu'au XIXe siècle, tout le monde avait la syphilis, et tout le monde avait la tuberculose. Ça explique beaucoup de choses dans la littérature du XIXe et j'ai été très dixneuviémiste.

Les lectures du Maki : Je n'ai pas de titres qui m'ont marqué plus que d'autres (surtout parce que je les oublie vite !) Mais j'attends toujours avec impatience le titre du lendemain, c'est cette découverte qui est amusante. J'avoue que plus le jeu de mot est pourri, plus j'aime... et on ne va pas se plaindre, l'équipe est pleine de ressources de ce côté là.

Le chien critique : Je pense que je pourrais en parler des jours entiers. Dans mon top, il y a "Zone 51 : et j'ai crié Aliens pour qu'ils reviennent" qui est un des marqueurs de la fabrique des titres : en référence avec une chansonnette qui vous reste dans la tête. Extraterrestres : il est Fermi d'en douter, ou Covid : l’ombre du delta plane lient la pertinence scientifique et la légèreté. Sans oublier le cycle de Dune, qui  semble donner des ailes à l'équipe : Dune, épice et tout ! ou Dune : le ver de trop ?

Blop : Je suis fondamentalement bon public et je ris à la plupart des blagues. Donc un bon jeu de mot va m'emporter. J'adore le côté "à la limite du bon goût". Mais si en plus il est scientifiquement pertinent, c'est l'extase. Je pense que mon titre préféré depuis 2020, c'est "Zone 51 : et j'ai crié Aliens pour qu'ils reviennent". Mais franchement, "Les naines brunes ne comptent pas pour des prunes...". Et puis ... "The Last of Us : il va y avoir des spores" Bref. Je suis en PLS.



Quel titre t’as le plus fait sourire la saison dernière et pourquoi ?


Catherine Dufour : Les dinosaures à plumes. J'imagine la terre hantée par d'énormes poules et ça me fait rêver.

Le chien critique : J'ai eu énormément de mal à trouver mes trois titres préférés entre Magnétar : l’aimant dans le placard; Maison Poincaré : un musée, et π c'est tout !; Hubert, sur les Reeves de l'Univers; One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites »; Procrastination... titre provisoire.
Un musée, et π c'est tout m'a fait extrêmement rire. Mais à l'inverse, le très poétique et pertinent Hubert, sur les Reeves de l'Univers m'a fait chavirer.
 
Blop : One Planet - Polar Summit : « les calottes sont cuites ». C'est drôle et c'est (malheureusement) très pertinent. Bon, je ne peux pas laisser passer non plus "Communication interstellaire : un travail de longue Alien", parce que c'est soooo SF...

Krosstalk : Forcément “A deux doigts d’Uranus”, ou “The Las of Us : il va ya voir des spores”. Ca revient quand d’ailleurs, hein ?



Y a-t-il un titre qui t’as fait réfléchir à un sujet scientifique d'une manière totalement inattendue ? Raconte-nous cette révélation !

Les lectures du Maki : Le titre est la cerise sur l'émission, c'est le thème abordé et son traitement qui te fait réfléchir. 

Le chien critique : Dernièrement, une émission sur les groupes sanguins (Groupe universel sanguin : ça sang bon ?) m'a appris qu'il n'y avait pas que 4 groupes sanguins, mais plus d'une quarantaine. Je ne suis pas un scientifique, donc l'émission me fait découvrir énormément d'aspects que je ne connais pas.

Blop : "Maison Poincaré : un musée, et π c'est tout !" Faisant partie de l'immense majorité des français qui habitent pas en ile de France, je ne savais pas qu'un musée des mathématiques ouvrait, je ne savais même pas que c'était possible d'ouvrir un musée des maths, et surtout, je me suis rendue compte que je n'avais aucune idée de qui était réellement Poincaré ! La profondeur abyssale de mon ignorance m'étonnera toujours.

Krosstalk : Révélation peut-être pas, mais ça ajoute souvent des précisions ou apporte une mise à jour des infos sur certains sujets, en science; ça évolue souvent assez vite. Et je réécoute quelquefois les émissions, notamment quand je les ai suivies en faisant autre chose (SHAME ON ME, SORRY NATACHA ET LA TEAM)

Catherine Dufour : Les "schnops" dans l'océan de Titan. Des nutriments, mais oui. Ca, ça fait rêver. Je n'étais pas au courant



As-tu une anecdote amusante ou un moment mémorable lié à l’écoute de cette émission ?

Blop : J'ai assisté à l'enregistrement en public de la Science CQFD "Utopiales : rafraîchissez-vous l'alien" (encore un titre de dingue) aux Utos en octobre 2022. Un moment mémorable : Natacha étant malade, c'est Antoine Beauchamp qui a présenté l'émission, dont deux des invités étaient... Nicolas Martin et Simon Riaux, qui venaient parler de leur livre "Xénographie". Ils ont foutu un bordel monstre. On a énormément rigolé dans la salle, où nous étions très nombreux et très bruyants, même si la qualité de la captation des techniciens de France Culture a pu quasiment faire disparaitre le brouhaha. On sentait le bonheur de Nicolas de ne plus avoir à gérer la structure de l'émission, le temps de parole, etc. Antoine Beauchamp m'a dit après que effectivement, ils étaient un peu chauds à gérer, les 2 énergumènes. Un excellent souvenir.

Krosstalk :
Non, pas vraiment. Juste je voudrais remercier Nico Martin qui m’a convaincu de lire Hugh Howey, je ne l’ai pas regretté


Catherine Dufour :
En rentrant d'un festival en Corse. J'étais au volant, on écoutait la radio et mon cadet m'a dit "c'est rigolo, la dame dans le poste a la même voix que ta copine adorable du festival !" Mais oui, fils. C'est la même. Je crois qu'il est amoureux.

Les lectures du Maki : Je ne vais pas être original, c'est la dernière de Nicolas Martin qui restera dans les mémoires. C'était très émouvant, un peu comme un grand frère qui quitte la maison, on sait qu'on continuera à se voir mais ca ne sera plus pareil. Heureusement la famille était toujours là et le concept a perduré, differement mais toujours avec le même plaisir et le même emerveillement.

Le chien critique : Je n'écoute jamais l'émission en direct, mais en podcast durant mes trajets boulot. Et je ne suis pas seul dans ma voiture, il y a mon fils qui subit tout ce verbiage scientifique depuis son plus jeune âge. Comme j'aime découvrir les coulisses des choses que j'aime, en 2019, je demande, sans trop y croire, une interview à Nicolas Martin qui accepte (ce mec est une perle). Entretien qui se fera par téléphone, avec mon fils de 8 ans dans les parages, qui passera plusieurs fois dans mon dos et qui se mettra à fredonner les fameux Hou Hou Hou du générique de La méthode scientifique. J'ai essayé de garder mon sérieux, mais cela a été très difficile. Dans ma tête, je me disais qu'à son âge, je chantais à tue tête les génériques de Capitaine Flam, d'Albator ou d'Ulysse 31, on a les références qu'on peut !!!



Un mot pour l’équipe ?

Catherine Dufour : Ne changez rien ! Cette émission est sans prix. Et bravo. Et merci.

Les lectures du Maki : Merci, vous êtes un des rares remparts contre l'obscurantisme. Continuez à nous divertir et nous instruire.

Blop : Les filles, les gars, ce que vous faites tous les jours est une respiration indispensable, un moment de réflexion posé et argumenté, accompagné d'humour et de sourires. Ne lâchez pas, vous faites un bien fou à l'esprit critique et à la culture scientifique des français, et à la santé de mon cerveau (et de mon moral) en particulier. Merci infiniment.

Krosstalk : Continuez comme ça, ne lâchez rien ! Il n’y a que quelques émissions que j’écoute en direct, La Science, CQFD et Cultures Monde en sont. C’est précieux pour moi d’avoir régulièrement des infos scientifiques sur des sujets aussi variés, avec un peu de temps pour développer avec les intervenant•es. Bon d’accord, je confesse que j’écoute un peu moins les émissions médicales; ça m’inquiète trop, bêtement Merci à tous et à toutes pour ce qui est pour vous un travail, et pour nous un plaisir
 
Le chien critique : Une émission d'utilité publique qui me met chaque jour de bonne humeur. Je pense que les Nobels devraient créer un prix du meilleur médiateur scientifique et lui décerner ce prix chaque année. MERCI

 
 
 

Qui sont-ils ?


Blop : Lectrice de SFFF, blogueuse très épisodique, bibliothécaire. Ne prenez pas la vie trop au sérieux : vous n'en sortirez pas vivant.
Twitter : @Blopromptu
Son blog : Impromptu

Krosstalk : Sound Design | Sci-Fi | Science | Essaie de résister à l’entropie.
Twitter : @krosstalk

Catherine Dufour : Ecrivaine
Twitter : @Twittcdufour
Site web : https://kat.mecreant.org//

Les Lectures du Maki
Twitter : @Lectures_Maki
Son blog : les-lectures-du-maki.blogspot.fr
 
 

Fragile/s

août 22, 2024

Nicolas Martin, Au Diable Vauvert, 2024, 432 p., 13€ epub sans DRM



Parfois, une goutte de sueur te glace le dos en tombant entre tes omoplates. Le roman de Nicolas Martin est cette petite goutte. Il aurait pu n'être qu'un simple roman engagé, mais il ne perd jamais de vue ses personnages, à la manière d'un Robert Charles Wilson, nous montrant la grande Histoire à travers la petite.
Pour moi, c'est un grand roman, de ceux que l'on relit pour ne jamais oublier que nos vies sont décidément très fragiles.

Pitch de l'éditeur :


Dans une France où la fertilité s’effondre et la majorité des naissances sont touchées par le syndrome de I’X fragile, Typhaine, élue par le très sélectif Programme expérimental de génoembryologie grâce à la position de son mari, accouche d’un garçon sain. Mais l’étonnante progression cognitive de son fils est bien vite aussi inquiétante que le contrôle dont font l’objet les mères, alors que le pays bascule dans la dictature…




Mon ressenti :


Un petit garçon en bonne santé ! Pourtant, alors que l'échographie est positive, la mère est effondrée. En deux pages, j'étais captivé, cherchant à comprendre pourquoi cette mère était si atterrée. Quelques pages plus tard, le tableau s'éclaircit : une épidémie touche toutes les naissances, presque plus de garçons, pour la plupart infertiles, et des filles frappées par le syndrome de l'X fragile. Dans un État dirigé par des patriotes, les droits s'amenuisent. Tiphaine est juriste dans l'aide aux migrants, tandis que Gauthier gravit les échelons du parti qui propose un programme spécial "naissance"...

Ce fut une photo de Romeo qui la trahit. Une photo du petit garçon, un peu floue, prise à distance, qu'Aissatou avait mise en fond d'écran de son hololink. Quand Typhaine la vit, un soir, sur le plan de travail de la cuisine, elle ne dit rien à Aïssatou. Elle savait que jamais la jeune Malienne n'aurait pris ce risque seule. Jamais elle n'aurait pu avoir accès aux horaires et aux déplacements de Roméo sans aide. Elle s'en ouvrit le soir même à Élisa, en tête à tête. Bien sûr, elle était inquiète. Inquiète pour Aïssatou, pour Roméo avant tout. Si ces visites secrètes étaient découvertes, la jeune femme perdrait tout lien, définitivement, avec son enfant. Inquiète également pour son amie, qui jouait là sa liberté, peut-être sur le très long terme. Mais également fière. Fière qu'Élisa ait le courage de faire ce à quoi elle-même avait renoncé : passer à l'acte, s'opposer à cet ordre social infect, résister à cette oppression à laquelle tous s'étaient conformés, dont elle. Ce techno-cocon autoritaire, individualiste, dans lequel plus personne ne bougeait de peur de perdre le confort acquis, où la solidarité n'était qu'un vieux souvenir, et où la vie avait cédé la place à la survie et à la peur de l'autre.

Soyons honnêtes, j'aime Nicolas Martin, et tu pourrais douter de mon objectivité à propos de son premier roman. De plus, il le publie aux éditions Au Diable Vauvert, maison d'édition où j'avais découvert la trilogie "Jéhovah" de James Morrow, mes premiers grands formats il y a bien longtemps. J'avais adoré leurs couvertures, leur mise en page. Retrouver un de leurs livres trente ans plus tard me rajeunit. Bref, tout concourait à me faire passer un très agréable moment de lecture, d'autant plus que j'avoue avoir eu la chance de lire une version bêta de ce roman il y a quelques mois, déjà très prometteuse. Et pour finir, je figure dans les remerciements, ce qui achève de compromettre mon objectivité.



Je parle de moments agréables, mais ce n'est pas le bon terme, car l'univers décrit est sombre, oppressant ; c'est une anticipation qui pourrait bien devenir réalité, au vu des résultats électoraux récents, avec une montée inquiétante de l'extrême droite. Ce roman interroge aussi nos convictions et la facilité avec laquelle elles peuvent être bafouées. Ce couple de petits bourgeois pourrait bien me ressembler. Ce n'est pas un roman agréable, mais il est très réaliste, très bien écrit.

Ne jamais oublier qui nous sommes, d'où nous venons, dans quel monde nous souhaitons vivre. Cette vision, il l'avait bradée pour son profit, pour son bénéfice, pour son avenir à lui. Et celui de son fils. Quitte à piétiner nos valeurs. Quitte à piétiner notre passé.
Quitte à me piétiner, moi.

On suit ce couple à deux moments de leur vie : la naissance de leur fils sain, et leur vie d'avant, avec la naissance de leur fille fragile douze ans auparavant. Deux périodes pour mesurer la fragilité de leur vie, de leurs convictions.
Un mélange de La Servante écarlate et du film Le Village des damnés, moderne, réaliste et addictif. Une fois commencé, il est impossible de le lâcher. L'auteur ne perd jamais de vue ses personnages, et c'est ainsi que la petite histoire rejoint la grande, comme dans les romans de Robert Charles Wilson, un autre de mes auteurs favoris, dont la référence est ici pleinement assumée, ce qui m'a arraché des cris de plaisir.

Cette génération qui a cru que face au coup de force institutionnel, il était encore possible de faire entendre la voix du peuple, que l'heure de la révolution était sur le point d'advenir. Cette génération dont il ne subsiste aujourd'hui plus aucun témoin, et dont les luttes se sont fracassées sur la répression brutale et meurtrière d'un pouvoir totalitaire à qui tous les gouvernements précédents avaient préparé le terrain. Nous sommes d'une autre génération, tardive, timorée, apeurée. Celle qui est née bien après la reconquête autoritaire, l'échine courbée. Celle pour qui il est devenu dangereux de contrevenir. Celle pour qui il est devenu honteux de penser. Celle pour qui l'abdication n'est pas un choix, mais une fatalité.
Nous étions pourtant convaincus que nous serions plus solides. Plus intelligents, plus évolués que le système.
Quelle blague.

Les relations mère-enfant y sont bouleversantes, avec une mère qui aime sa fille fragile et hait son fils parfait. Peu à peu, elle perd pied, devenant psychotique, sa vision se brouille : réalité ou hallucinations ? Un livre qui donne une place centrale aux femmes et à la maternité, à l'immigration et au handicap de manière très juste. Je ressors de cette lecture avec des sentiments ambivalents : un magnifique roman qui fait terriblement peur, surtout en ces temps troublés. Merci Nicolas.


Mais à cette époque, nous pensions que ça ne pouvait être que temporaire. Que statistiquement, mathématiquement, logiquement, le vent allait tourner. Qu'ils finiraient inévitablement par chuter. Que cette période était une erreur, une parenthèse malheureuse. Que le bon sens, l'humanisme, la coopération, la solidarité ne pouvaient que revenir, parce que toutes ces valeurs nous sont intrinsèques. Elles sont ce qui nous définit en tant qu'espèce. Je le savais, Gauthier le savait. Quelle que soit l'amertume de la pilule, nous serions plus forts que ce système oppressif.
Après tout, l'Histoire nous montre que les dictatures, les pouvoirs autoritaires finissent toujours par être renversés.
Et l'Histoire se répète, n'est-ce pas ?

L'Histoire se répétait peut-être.
Avant.
Jusqu'à l'effondrement.
Aujourd'hui, l'Histoire cesse de se répéter.
Elle s'achève.

"Fragile/s séduira les amateurs de dystopies à la recherche d'une lecture immersive et haletante" - dixit Le Maki -- et "invite à une réflexion profonde sur les limites de la science et de l’éthique, et met en lumière les dangers de l’eugénisme et des régimes autoritaires" selon Aude.

Avec un blog nommé L'épaule d'Orion, il fallait se douter qu'un jour, un écrivain ait besoin d'une épaule où déposer ses tourments...

La Sonde et la taille

juillet 22, 2024


Laurent Mantese
, Albin Michel Imaginaire, 2024, 624 p., 13€ epub sans DRM


 

Un roman loin des clichés barbares.

 

Pitch de l'éditeur :

Conan, le roi des Sept Nations, est vieux. Aux yeux du barbare qu'il reste malgré les ors du royaume et les afféteries de la cour, il a passé cet âge formidable qui se compte ainsi : huit fois la somme des doigts de ses deux mains. Il souffre des reins et c'est cette maladie qui va le tuer, non un coup de hache ou un poignard planté dans le dos. Alors que tous complotent dans l'ombre, lorgnent son trône d'ébène, aiguisent leurs lames, un acte chirurgical peut encore le sauver : la sonde et la taille. Une opération périlleuse qui pourrait aussi hâter sa mort. Mais qu'a-t-il à perdre ? Rien. Surtout s'il veut avoir une chance de protéger la seule chose qui compte désormais à ses yeux : son fils adoptif. 

 

Mon ressenti :

Conan le Barbare, ce nom qui résonne comme une promesse tonitruante de muscles huilés, avait toujours été pour moi synonyme d'Arnold Schwarzenegger en tenue de cuir plus que de pages épiques à dévorer. Mais l'envie de plonger dans ce roman ne m'a pas lâché et me voilà embarqué pour 624 pages de fantaisie. Par Crom !

Je m'attendais à un déluge de testostérone en action, de duels sauvages et de litres de sang éclaboussant les pages (il y en a quand même pas mal). Au lieu de cela, j'ai découvert un récit plus subtil, une exploration d'un monde en pleine crise où Conan commence à sentir la charogne faisandée avec une testicule grosse comme un melon pourri; désormais un roi vieillissant dont le règne vacille tel un colosse fatigué, suscite l’envie et la convoitise. L’auteur nous entraîne dans cette période charnière.


Les points, c'est surfait !

Messieurs, avant de vous lancer dans cette lecture, sachez que vos bijoux de famille pourraient être secoués par certaines images traumatisantes ! (La sonde et la taille du titre) De plus, si vous préférez les phrases courtes et directes, préparez-vous à un défi stylistique. Laurent Mantese semble ignorer les points pour mieux embrasser les points-virgules, tissant ainsi des phrases longues, riches en détails et en descriptions luxuriantes. Un choix qui peut sembler laborieux, mais qui invite en réalité à une immersion dans cet univers, chaque mot contribuant à poser une ambiance singulière et envoûtante qui s’harmonise parfaitement avec le récit.

Bref, j'ai lu ce long roman d'un bout à l'autre sans déplaisir et je peux enfin dire que j'ai lu un roman avec Conan le Barbare !

Noémie Naguet de Saint Vulfran, la femme qui murmure à l'oreille de La science, CQFD

juin 13, 2024


En 2016, Noémie était une parfaite inconnue et huit ans plus tard, rien n’a changé ! Pourtant, des millions de personnes écoutent son travail et 60 000 sont abonnés à son compte Twitter. Son carnet d’adresses ferait pâlir tous les petits puits de science de France et de Navarre, car elle converse quotidiennement avec les plus grands scientifiques.
Le mystère qui l'entoure alimente les spéculations les plus folles : elle serait une simple touche de clavier, la F5; ou une intelligence artificielle passionnée de sciences propageant la parole scientifique sur les ondes; voire même LA tueuse de souris. Certains prétendent l'avoir vue hanter les caves de Radio France, psalmodiant des phrases étranges : "Jusqu'à preuve du contraire" ou "Ce qu'il fallait démontrer".
Le succès de "La méthode scientifique" et de "La science CQFD" est aussi le sien. Un entretien exclusif pour découvrir Noémie Naguet de Saint Vulfran, la femme qui murmure à l'oreille de La science, CQFD.




 

 

Noémie, j'ai la chance de connaître un peu ce que tu fais, mais je pense que c'est loin d'être le cas de tous, peux-tu te présenter ?

Je travaille dans l’équipe de “La Science, CQFD”, feu “La Méthode scientifique”. J’y suis depuis le début de toute cette aventure (septembre 2016). Je ne parle pas dans le micro, mais je prépare le contenu d’une à deux émissions par semaine. Je m’occupe en parallèle tous les jours du compte twitter de l’émission (@ScienceCQFD), que j’ai créé à mon arrivée à la radio.

De gauche à droite : Olivier Bétard, Eve Etienne,
Alexandra Delbot, Celine Loozen, Noémie Naguet de Saint Vulfran,
Antoine Beauchamp et Natacha Triou
(Une seule personne travaille, Noémie...
Natacha, ce n'est pas poli de montrer du doigt !)
Source : https://twitter.com/pintofscienceFR/status/1227269726574915595/photo/1

 

Afin de vérifier si tu as ta place dans “La Science, CQFD”, une question scientifique : que penses-tu, chez la souris, de la caractérisation des populations enrichies en cellules souches hématopoïétiques dans le placenta et le sac vitellin au cours du développement embryonnaire ?

Ahah, j’en pense que depuis ma thèse, on me traite souvent de tueuse de souris ^^, mais mon objet principal d’étude, c’était les cellules souches du sang (appelées “hématopoïétiques” dans le jargon). Après la naissance, les cellules fonctionnelles qui coulent dans notre sang (globules rouges, plaquettes et globules blancs) ont une durée de vie limitée (c’est 120 jours pour un globule rouge par exemple). Leur quota doit donc être sans cesse renouvelé pour qu’on en ait toujours autant et ça, ça se fait grâce à des cellules très particulières, qui sont donc ces fameuses cellules souches du sang. Elles sont nichées dans la moelle osseuse de tous nos os, mais chez l’embryon, au moment où la circulation sanguine démarre (c.-à-d. très tôt dans le développement), il n’y a pas encore d’os, donc pas encore de moelle osseuse. Cela veut donc dire qu’il y a quand même des cellules souches du sang quelque part… Elles naissent donc ailleurs, mais où ? La question de base de ma thèse, c’était justement de déterminer à quel(s) endroit(s) elles apparaissent en premier, quel chemin migratoire elles parcourent (via la circulation sanguine), par quels organes elles passent pour, in fine, atterrir dans la moelle osseuse une fois que celle-ci est apparue, et quelles molécules de surface elles acquièrent petit à petit pour finalement les rendre pleinement fonctionnelles. Voilà pour le pitch ! Pour les pistes : il se trouve que le sac vitellin, et surtout le placenta, sont deux bons candidats de lieu d’émergence. C’est donc là-dessus que j’ai bossé et comme tout jeune chercheur, je n’ai pas toutes les réponses, mais j’ai mis ma petite goutte d’eau dans l’océan :). Mais qu’on se rassure, ça fait plus de 10 ans que j’ai soutenu, j’ai déjà essayé depuis de relire des passages de ce pavé dont j’ai laborieusement accouché, et je ne comprends pas tout ce que j’ai écrit ! C’est vraiment représentatif à mon sens de cette période “de grâce” de la vie, qui correspond à ces années pendant lesquelles on fait des études et où notre cerveau est perpétuellement en train d’engranger de l’information. On passe alors par ce pic d’intelligence où nos connexions neuronales foisonnent et carburent H24. Mais depuis, c’est le déclin ^^. Maintenant, je tente de placer “cellule souche hématopoïétique” au Time's Up, en souvenir 😅

La thèse de Noémie en 2012
Même le résumé est cryptique !!!


 

 

Comment passe-t-on d'une thèse en biologie à “La Science, CQFD” ?

Ah ça… Ma thèse s’est humainement très mal passée. C’était clairement un enfer, j’ai vraiment subi chaque instant et je n’ai tenu que parce que je savais que ça allait avoir une fin. Je le dénonce aujourd’hui, car ça arrive vraiment plus souvent qu’on ne le croit. Je le savais déjà avant, mais j’en ai pris pleinement conscience au moment où j’ai préparé cette émission (Thèse, le début de la fin ?), et après avoir découvert ce livre (Comment l'université broie les jeunes chercheurs - Adèle B. Combes, 2022). Je passe sur les détails sinon cette interview ferait 30 pages, mais le plus beau jour de ma vie a été le jour de ma soutenance. J’étais enfin en face de personnes (le jury) qui s’intéressaient vraiment au travail que j’avais fourni durant toutes ces années, et ce, de manière bienveillante. J’ai pris conscience d’un tout autre univers l’espace de ces quelques heures et le souvenir que j’ai de cette discussion est littéralement “incroyable”, en bien. Jamais je n’aurai pensé que les résultats que j’avais obtenus auraient pu donner lieu à tant de questionnements sympathiques. Il n’en reste pas moins qu’en sortant de doctorat, et comme beaucoup de jeunes docteurs, j’avais le syndrome de l’imposteur et cette impression de ne rien savoir faire d’autre que disséquer des placentas de souris (ça, c’était pleinement maîtrisé en revanche…). Je n’avais aucune envie de continuer dans la recherche. J’ai donc enchaîné avec un an d’étude au CNAM en cours du soir pour avoir un diplôme en communication. Finalement, comme j’avais un diplôme scientifique et un diplôme de communication, j’ai voulu mixer les deux.

En termes d’expérience professionnelle, j’ai eu plusieurs vies avant la radio. Déjà pendant ma thèse, je m’étais pas mal investie dans l’association des doctorants de ma fac, en particulier dans le festival “Les chercheurs font leur cinéma”, que j’ai porté deux ans et qui existe toujours. Post-thèse, j’ai fait quelques ateliers d’initiation aux sciences dans les maternelles et primaires. Je suis ensuite passée par le Palais de la Découverte, où j’ai pu rencontrer le public en tant que médiatrice : je faisais des conférences et des visites guidées aux groupes scolaires et visiteurs du musée sur différentes thématiques scientifiques (en biologie !). J’ai bossé au CNRS ensuite où là, j’avais carte blanche pour faire de l’événementiel et faire valoir le travail des laboratoires auprès du grand public, mais aussi dans les hôpitaux et les prisons (deux endroits où les gens ne peuvent pas sortir, donc j’apportais la science à eux). J’ai aussi pas mal participé à la renaissance de “C’est pas Sorcier” sur le web avec Fred. C’est la plateforme numérique lespritsorcier.org, où figure toujours la rubrique, “Zap’in sciences” (https://lespritsorcier.org/zapin-sciences/), avec de petites vidéos hebdomadaires que j’ai préparées et écrites à l’époque. Puis, j’ai eu vent grâce à une amie de thèse (merci Muriel si tu lis ça un jour !) qu’une émission scientifique se montait à la radio. J’ai donc démissionné de partout et j’ai pris le train au démarrage !
 
 

 


À force de voir passer tant de scientifiques, regrettes-tu parfois, un instant, d'avoir bifurqué ?

Pas un seul instant. Il faut bien sûr des chercheurs ! Mais ce n’est vraiment pas pour moi. Je préfère de loin transmettre les sciences que participer à les concevoir. Je trouve ça bien plus riche, moins routinier, moins frustrant, moins compétitif, plus concret, plus humain. Bref, tout est mieux, de mon point de vue en tout cas, en vivant les choses depuis l’extérieur. Mon cerveau est très content d’apprendre, et je suis très contente de participer à produire une émission qui permet d’instruire les auditeurs avec ce que j’ai compris. J’aime cette émulation quotidienne, qui va donc dans les deux sens et c’est ça qui est super : j’ingurgite de l’information tous les jours, et j’aime à me dire que je participe à rendre les gens un peu moins bêtes aussi (dans le bon sens du terme !).

J’ai envie de dire que l’aventure de La Méthode scientifique c’est vraiment l’Aventure incroyable de ma vie avec un grand A, tant d’un point de vue professionnel qu’humain. Un de ces trucs que tu ne vis qu’une fois, parce que tu es là au bon moment au bon endroit, que tu te sens vraiment à ta place. Un de ces rares trucs dont tu te souviens toute ta vie avec grande nostalgie.

 


Premier jour à Radio France

Tu es arrivée en 2016 dans l'équipe, comment ont évolué tes fonctions, ta place dans l'équipe ?

Quand je suis arrivée à France Culture, je me demandais vraiment pourquoi on m’avait embauchée, encore un peu traumatisée de ma thèse probablement ^^, j’avais peur de me lancer dans la préparation d’émissions qui ne portaient pas sur un sujet de biologie, en me disant que je n’y arriverais pas. Mais finalement… j’y suis allée. Et aujourd’hui, je préfère justement préparer des émissions qui ne sont pas sur la biologie :). J’ai découvert les autres disciplines, je crois que je préfère d’ailleurs l’astronomie… je ne comprenais rien à l’univers, pour moi le Big-Bang et la naissance de la Terre c’était la même chose. On en était à peu près là ^^, mais en fait, le fonctionnement des étoiles, des trous noirs, les missions spatiales en cours et à venir, le prochain retour sur la Lune, etc. : tout est vraiment incroyable. Dans un autre registre, je me suis aussi surprise récemment à adorer défricher un sujet de physique quantique… comme quoi, tout arrive ! Mais rassure-toi, pareil que pour ma thèse, quand je relis une fiche deux semaines après l’avoir écrite, je ne comprends plus rien du tout ^^.

En termes de compétence de préparation, bien sûr on a tous évolué, et ce n’est pas dommage ! Honnêtement, c’est le jour et la nuit. D’ailleurs, les fois où on reprend nos préparations d’émissions de 2016 et qu’on les relit dans l’optique de s’en inspirer pour préparer une émission plus actuelle … et ben… on ne reprend absolument rien du tout 😂 et on est vraiment unanimes sur le fait qu’on se demande tous comment Nicolas Martin a fait pour faire une émission d’une heure avec… aussi peu d’informations !

 

La science, c'est bien, mais la SF, c'est mieux ! L'émission a toujours fait une place à l'imaginaire. En lis-tu ? Est-ce toi qui prépares les dossiers ? Est-ce toi qui a préparé celle sur Robert Charles Wilson, mon auteur préféré ?

Oui c’est moi ;) J’adore, mais vraiment j’adore, préparer les émissions de SF. Je ne sais pas pourquoi hein parce que je n’ai quasiment jamais rien vu ni lu, mais j’aime beaucoup les préparer. Maintenant, je connais tout un tas de noms d’auteurs, de livres, de films et de séries à regarder. Et il n’y a probablement pas assez d’une vie entière pour s’en sortir !

En route pour les Utopiales 2019
   

 

Sur ton CV, je vois que tu intitules ton poste dans l'émission "distributrice de connaissances". Je trouve cela joli, peux-tu nous expliquer le fondement de cet intitulé ?


Bien vu ;) Ça vient du temps où je m’interrogeais sur moi et où je cherchais ce que j’aimais faire (enfin, rassurons-nous, je me cherche toujours, mais aujourd’hui un peu moins qu’hier !). C’était pendant ma thèse, peut-être même dès la 1ère année. Je savais bien que je ne voulais pas continuer là-dedans. Et la fac proposait une formation qui m’a beaucoup aidé, une espèce de gros brainstorming personnel, sur ce que chacun aimait faire ou ne pas faire, les caractéristiques du métier “parfait”, les différents chemins possibles post-thèses en fonction des affinités de chacun, etc. Une sorte de réflexion solo en somme, mais aussi collective, sur un temps long (quelques jours) et sur de nombreux aspects. À la sortie de cette formation, chacun est reparti avec un intitulé de “métier”, une direction à prendre a priori pour la vie future. Et moi, c’était celui-là. C’est une assez jolie histoire rétrospectivement, parce qu’il se trouve que ça correspond vraiment exactement à ce que je fais aujourd’hui.

 

L'année dernière, nous avons eu la chance de t'entendre lors de quelques reportages de l'émission. Il ne me semble pas que l'expérience ait duré longtemps, pourquoi ? Tu préfères rester dans l'ombre ?

Oui, j’ai fait ça quelques fois l’an dernier ! J’ai pu le faire parce que Céline Loozen, qui est loin de passer sa vie à Saclay (tu pourras l’interroger là-dessus !), s’était absentée quelques semaines. Une partie des reportages à enregistrer s’est donc reportée sur moi pendant cette période. Et j’ai pu me prêter à l’exercice.

Comment ça marche ? On commence par programmer un thème d’émission à venir, et là, branle-bas de combat, car il faut ensuite : trouver un chercheur pertinent à contacter, qui a une manip pertinente à montrer, attendre son retour, espérer que ça colle parce que sinon on doit trouver un plan B, prendre RDV avec cette personne, préparer le reportage et son déroulé, et y aller pour l’enregistrer. Ensuite il faut revenir à la radio et monter le son (tout l’art de l’enregistrement consiste à ne prendre “que” 20 mn max de son, car le reportage final ne doit pas dépasser 6 mn environ).

Honnêtement dans ce process, les parties qui m'intéressent et que j’adore faire, c’est à partir de “préparer le reportage”. Ça, c’est vraiment chouette. Mais toutes les étapes en amont me collent de l’eczéma et un stress pas possible ! Parce qu’il n’y a jamais qu’un seul reportage à caler en plus. Les échéances sont là. Le timing est super serré vu qu’on est dans une quotidienne. Alors pour répondre à ta question : non, ce n’est pas que j’aime absolument rester dans l’ombre. C’est que 1 : si je continuais à faire des reportages, ce serait en plus de mon travail actuel, et ça commencerait à faire vraiment beaucoup. Et 2 : même si j’avais le temps, je ne pourrai pas faire ça toute l’année, ça me stresse beaucoup trop ! Mais Céline le fait magnifiquement bien, l’occasion pour toi de lui demander ses secrets peut-être :)

En compagnie de Céline Loozen


Nicolas Martin a sorti récemment un livre “La naissance du savoir”. Toi qui as interviewé de nombreux scientifiques, as-tu une hypothèse sur la réponse ?
Je ne suis pas certaine d’avoir une réponse à cette question en 3 lignes. La preuve : Nicolas en a fait un livre entier ! Une hypothèse sur la naissance me semble donc assez ambitieuse en un paragraphe. En revanche sur l’acquisition du savoir, ce que je peux dire simplement c’est que tout comme on sait que “la chance ne sourit qu’aux esprits préparés”, je pense que la connaissance ne rejoint que les esprits curieux. C’est le cas de tous les membres de cette équipe, et c’est surtout le cas de tous nos auditeurs, qu’on ne remerciera jamais assez, car c’est pour eux qu’on fait tout ça (et un peu pour nous aussi ^^) !

 


60.000 abonnés sur Twitter, cela ressemble à un beau succès. Les réseaux sociaux sont souvent critiqués, mais j'ai l'impression que nous pouvons y trouver aussi beaucoup de choses positives. Qu'en penses-tu ?

C’est gentil ! C’est sûr qu’au départ, personne ne pensait que ça allait aussi bien fonctionner. Je me rappelle que j’avais même insisté pour qu’on crée un compte, en essayant de persuader l’équipe que c’était une bonne idée. Apparemment, j’avais raison ;) Ça a demandé un peu de briefing interne, parce que depuis le début et pour chaque émission, je demande à ce qu’on ajoute des tweets déjà tout faits sur les préparations, comme ça je n’ai plus qu’à faire copier/coller au moment du live tweet . Et même si je ne sais pas combien de personnes lisent effectivement ce qu’on poste, les gens nous suivent donc ça me semble être un bon indice d’intérêt… D’autant que l’idée des threads qui sont faits chaque jour est venue de la sphère twitter elle-même (les premières années, je faisais seulement des tweets isolés). Certains s’amusent même à nous faire des bingo de l’émission et d’autres des concours du meilleur titre ;)

Concernant ce qu’on peut trouver sur Twitter (je sais qu’il faut dire X, mais personne n’arrive à s’y faire !), j’avoue que je ne m’en sers pas pour autre chose que pour me tenir au courant de ce qui se passe dans le domaine scientifique. Et pourvu que l’on suive les bonnes personnes, on a de bonnes informations et on découvre même de bons univers. De ce point de vue là, et en faisant abstraction de toutes les mauvaises choses qu’on peut y trouver par ailleurs, oui Twitter est chouette ;)

Bingo créé par un auditeur de l'émission

 


Depuis l'arrivée d'Elon Musk à la tête de Twitter, nous assistons à des vagues régulières d'exil de ses membres. Comment se dessine l'avenir du compte de La science CQFD ?

Honnêtement, je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c’est que, tant qu’il n’y aura pas un autre endroit où aller, qui soit aussi bien suivi par ceux qui nous suivent aujourd’hui sur Twitter, il n’y a aucune raison qu’on bouge. Cependant, on a quand même bien noté que l’ambiance n’est plus la même… ne serait-ce qu’en remarquant qu’au lieu de prendre environ 1000 abonnés par mois, on vient d’en prendre le même nombre en un an…

 


À l'écoute de “La Science, CQFD”, l'auditeur est surpris par l'aisance des entretiens. Cette simplicité cache un travail en amont auquel tu participes activement. Il y a deux ans, tu disais préparer deux dossiers par semaine. Est-ce toujours le cas et peux-tu nous dire le but de cette préparation ?

Oui, c’est toujours ça. On essaie de tourner ceci dit, pour que ce ne soit pas toujours la même personne qui ait deux fiches à faire par semaine. On a certaines périodes de rushs malgré tout, pendant lesquelles on ne peut pas alterner. Pendant les deux premiers mois de l’année, j’ai tourné à 2 fiches par semaine toutes les semaines par exemple, ce qui fait du 48h environ pour préparer une fiche. Ce n’est pas beaucoup… Certaines thématiques peuvent se préparer plutôt rapidement, mais honnêtement, les trous blancs en 48h par exemple, c’était assez chaud ^^

Le but ultime de cette préparation est de donner suffisamment de billes à Natacha pour qu’elle puisse converser une heure avec deux invités qui, eux, travaillent depuis 10-20-30 ans sur le sujet du jour, alors qu’elle-même n’y connaissait quasiment rien le matin même. Peut-être qu’elle se servira de tout, peut-être que non. En tout cas, si l’illusion est là, que les invités sont contents et qu’en plus, elle ressort contente et enrichie par la discussion qui a eu lieu, alors on a tout gagné.


 

Comment décidez-vous des thématiques que vous allez aborder ?

Ça se fait une fois par semaine, le lundi en général. En gros, on débriefe de ce qu’on a lu, des articles scientifiques (vulgarisés ou non) qu’on a vu passer, des événements qui arrivent bientôt, des sorties de livres ou films à venir, et on en discute pour savoir si tel sujet peut tenir une heure ou pas ; s’il ne peut pas tenir une heure et qu’il est quand même intéressant, on discute de comment élargir le thème pour que ça puisse tenir une heure malgré tout. En tout cas, pour chaque choix de sujet, on s’appuie sur une actualité relativement récente que l’un d’entre nous a vu passer.

Souvent, on a des sujets qu’on veut faire passer et qu’on remet sur le tapis toutes les semaines. Petite fierté personnelle : j’ai proposé régulièrement et depuis 8 ans de faire une émission Code Quantum en SF, mais même avec l’annonce du reboot en 2022 je n’avais pas réussi. Cette année, j’ai enfin eu gain de cause ! Comme quoi, la patience et l’obstination finissent toujours par payer :). Mon nouveau combat, c’est le repositionnement des médicaments. À suivre.

En tout cas, tous les thèmes qu’on choisit sont récapitulés sur un tableau à 4 lignes (pour 4 semaines) et 4 colonnes (du lundi au jeudi). On a donc tout le temps une visibilité de thèmes sur 4 semaines. Mais on est jamais à l’abri de devoir casser la programmation du jour pour le lendemain en cas d'événement exceptionnel. Par exemple cette année : la mort d’Hubert Reeves ou Peter Higgs. Dans ces cas-là, on annule au dernier moment l’émission qu’on avait prévu de faire, et on la décale à plus tard.

L'équipe en 2019, avec une pièce rapportée

 

Comment sont répartis les sujets entre vous ?

C’est vraiment au feeling, on essaie d’être juste et de nous laisser choisir ce qu’on aime faire, en laissant aux autres ce qu’on n’aime pas faire. En général, ça marche assez bien et on ne se “dévoue” que très rarement pour une émission qu’on n’aurait en fait pas envie de préparer.

 


Place maintenant à ta veille, quels sont les outils que tu utilises, ta méthode pour traiter le sujet ? Es-tu secondée par une documentaliste ?

Il y a un service de documentation à RadioFrance oui, mais personnellement je ne l’utilise que rarement. Je me rends compte que c’est difficile d’expliquer les étapes que je suis quand j’ai une émission à préparer en fait ^^ Côté veille, je m’appuie quasi entièrement sur des articles vulgarisés, des dossiers ou rapports que je trouve sur le web, ou encore des intros de thèses / mémoires sur la thématique à traiter. Parfois sur des livres qui traitent du sujet aussi. Et beaucoup sur des vidéos, conférences, TedX, interviews ou autres interventions orales qui peuvent m’expliquer le schmilblick d’une manière ou d’une autre. Ce sont d’ailleurs tous ces liens-là que je tweete pendant l’émission concernée. En ce qui concerne les émissions de SF, je m’appuie beaucoup sur des essais/mémoires, des livres et surtout sur des critiques et des pages de blogs qui me racontent tout en résumé condensé sans que j’aie besoin de lire tous les livres ou de voir forcément les films !

 


Tu prépares donc une synthèse d'une dizaine de pages. Cet exercice est déjà difficile lorsque l'on connaît le sujet, cela doit ressembler à l'ascension de l'Everest pour les thématiques inconnues ou pointues. Quelle est ta recette magique ?

Une fois que j’ai à peu près rassemblé un condensé de liens URL sur lesquels je peux m’appuyer, je commence la fiche. Nan. En fait, je crois que je fais les deux en parallèle, en même temps. Je lis des trucs, et quand ça me plaît et qu’il y a un contenu scientifique sympa, je l’ajoute.

Au fur et à mesure, certaines problématiques se dégagent. Il y a d’ailleurs une partie “Problématiques” dans cette fiche, qui reprend tout ce qu’elle contient, mais sous forme de questions écrites dans l’ordre du plan auquel on a pensé pour l’émission.

Côté organisation, hm, je ne sais pas trop comment je m’y prends en fait. Je crois que j’écris et que j’organise cette fiche vraiment comme si c’était moi qui allais devoir prendre l’antenne. À la fin, le plan de la fiche peut clairement constituer le plan d’une heure d’émission.

Une fois tout ça finit, il ne reste plus qu’à compléter avec la partie des interviews des 2 invités (parfois un seul, et parfois trois).

 


J'imagine qu'une fois ce travail fait, quelques noms commencent à se dégager, comment choisissez-vous vos invités ? Comment se passe la prise de contact ? Nicolas Martin me disait porter une attention particulière à la mixité, pas trop dur ? (dans cette interview en 2019)

Alors en fait… le choix des invités magiques, c’est un boulot à part entière et à plein temps ! Et ce n’est pas moi qui le fais (c’est Eve Etienne). Quand je commence une fiche, les invités sont déjà choisis et les RDV téléphoniques déjà pris. À chaque fois, ils sont absolument parfaitement choisis. Ça m'aide d’ailleurs beaucoup de les connaître en amont du démarrage d’une fiche, surtout pour les sujets un peu difficiles, car ça me permet de m’appuyer aussi sur leur travail pour concevoir l’émission.

Pour ce qui est de la mixité, on essaie bien sûr de s’y tenir, mais ce n’est pas toujours facile !

 


Une interview est ensuite réalisée en amont de l'émission avec les invités, quel est son but ?

Ces conversations au téléphone permettent en fait de finir de préparer l’émission. Elles ont lieu idéalement l’avant-veille du jour J. À quoi servent-elles ? Et bien par exemple, parfois il reste encore des questions sans réponse que je n’ai pas réussi à trouver de moi-même, et c’est l’occasion d’en savoir plus directement en discutant avec des spécialistes du sujet. Parfois, j’ai aussi besoin de mieux comprendre ce sur quoi travaillent plus précisément. Il arrive aussi qu’ils aient envie de dire telle ou telle chose, de faire passer certains messages ou d’insister sur tel ou tel point, et ils me le disent aussi. À noter aussi que rarement (mais ça arrive quand même), ils ne savent absolument pas vulgariser et on s’en rend compte au téléphone ; on en parle alors en équipe et on ajuste alors le plateau en fonction au mieux.

Pour en revenir à cette fameuse fiche, à la toute fin, on arrive donc plutôt à 15 pages que 10. C’est parfois dur d’en rester là, surtout quand il y a 3 invités. Ça peut monter à 17, mais on essaie de se tenir à 15 sinon, ça fait trop de pages à lire pour Natacha et elle râle (gentiment !) ^^

 


Au final, une émission d'une heure t'a pris combien de temps ? Entre le choix du sujet et sa diffusion sur les ondes, combien se sont passés de jours ?

Entre le choix du sujet et l’émission en elle-même, il se passe toujours 4 semaines. En revanche, pour la préparation d’une fiche, on est sur du 3 jours pleins en général, ce qui est assez peu mine de rien quand on pense que le sujet est totalement inconnu au départ ! Ce qui est vraiment intéressant, c’est que souvent on conçoit des émissions un peu niches, on les élabore vraiment complètement et on les “modèle” un peu comme on a envie. In fine, elles ressemblent donc à ce qu’on avait envie qu’elles soient, et c’est très gratifiant.

 

 
Interview de l'équipe en 2021,
à propos des titres des émissions
 
Dans toute cette somme de travail, il faut savoir se détendre, qui est représenté par les titres, un des marqueurs de l'émission. Peux-tu nous décrire comment se passe ce moment de cogitation collective ?

Franchement, on rigole bien à ce moment-là, mais c’est très difficile à décrire. On part du mot du thème de l’émission, et là on tente des jeux de mots à n’en plus finir jusqu’à trouver la perle rare. On n’y arrive pas toujours, mais quand c’est le cas, elle apparaît clairement comme une évidence et on pousse tous des “ahhhhhh” et des “ohhhhhh” tous en coeur, comme une vieille bande de colocataires dégénérés que l’on est ^^. On essaie de garder ces titres un peu bancals, car c’est un peu devenu notre “marque de fabrique”. On se prend une remarque de temps en temps par la direction, car nos titres ne sont parfois que des jeux de mots sans fond ^^ On se remet donc dans les rangs, mais on sait qu’on finira malgré nous par s’en ré-éloigner !

 


Cette année, “La Science, CQFD” n'est plus diffusée sur 4 jours (message subliminal, c'est honteux). Pour éviter la révolte des petits puits de science, une nouvelle émission a vu le jour : “Sciences chrono”, tenue par Antoine Beauchamp. Quel est ton rôle dans cette aventure ?

Aucun ;) Il fait tout tout seul 💪 Au début de l’année, j’ai préparé quelques émissions, mais ça me faisait trop d’émissions à préparer par semaine au total, et tenir ce rythme sur la durée n’était pas possible pour moi.
 

Pas de travail le vendredi, deux mois de vacances en été, vous êtes de vrais fonctionnaires ! - question subsidiaire, quel est ton statut pro ? Loin de moi l'idée de croire que tu ne travailles pas durant ces moments, que fais-tu durant ces pauses radiophoniques ?

Alors, il n’y a pas d’émission le vendredi certes, mais il n’en reste pas moins qu’on travaille quand même comme un jour normal ! On est seulement 3 pour préparer 4 émissions par semaine donc en 4 jours ce serait impossible ! Et pour répondre à ta question sur le statut, je suis en CDI depuis presque 2 ans maintenant, après 6 ans d’intermittence :)

Un certain Nicolas Martin voulait te poser une question : "C'est qui ton préféré dans l'équipe maintenant que je suis parti ?"



Ahah, depuis, on a fusionné je crois ! Impossible de répondre autrement. On est devenu une sorte d’entité à 8 personnes. Ça peut être le début d’un nouveau scénario d’horreur pour Nicolas ^^ On a des running gags, des private joke que nous seuls pouvons comprendre. On finit certaines phrases des autres. On connaît par cœur les tic et les toc de chacun, et on en a même développé qu’on n’avait pas au départ (c’est l’enfer). Dès que quelqu’un dit quelque chose qui nous rappelle les paroles d’une chanson, on se met à la chanter (très faux en général). On fait des bruits bizarres assez régulièrement. Je crois que je vais m’arrêter là sinon les gens vont avoir peur. On va finir par devenir la plus longue coloc de l’histoire des colocs, si ce n’est déjà le cas ! C’est assez flippant cette histoire 😂

 

Nous avons une bonne connaissance de ton travail désormais, peux-tu nous parler des sujets, loisirs qui ont une place importante pour toi ?

L’été, il n’y a pas d’émission et on est tous loin de la radio. Pour ma part, j’essaie d’en profiter pour des moments en famille, mais aussi pour voyager un peu... L’an dernier, je suis partie en Sicile. Cet été, je vais à Bali en solo, en quête d’un peu d’émerveillement :) Et le reste de l’année je fais du yoga. À la base, c’était pour faire le pont et le poirier, mais ça c’était la théorie ! J’ai mis 6 mois à toucher mes pieds au final ^^ L’objectif initial revient donc peu à peu sur la table ;)

 


 



Un immense merci à Noémie d'avoir pris le temps de répondre à mes nombreuses questions.

 

Son compte twitter : https://twitter.com/Nnaguet

Le site de l'émission : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-science-cqfd

Le site de Sciences Chrono d'Antoine Beauchamp : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sciences-chrono

Le site de Avec sciences d'Alexandra Delbot : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-des-sciences

 

Bonus de fin
La boisson préférée de Noémie ?
Le vin rouge qui tâche 😂 ! C'est Alexandra Delbot qui le dit. Source


Fourni par Blogger.