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L’agneau égorgera le lion

mai 14, 2025

 

Margaret Killjoy, Argyll éditions, 2024, 128 p., 6€ epub sans DRM


J'avoue que j'aurais peut-être préféré que l'agneau soit en fait un mouton… Ça aurait totalement changé la donne, non ?

Pitch de l'éditeur :

Après des années passées sur la route, Danielle Cain débarque à Freedom, une ville de l’Iowa squattée par des anarchistes, à la recherche d’indices sur le suicide soudain de son meilleur ami.
Sur place, l’ambiance a tourné à l’aigre depuis que les habitants ont invoqué un esprit protecteur, un cerf rouge sang à trois bois. À la fois juge et bourreau, l’animal commence à se retourner contre ses invocateurs.
Danielle espérait élucider les circonstances d’une mort mystérieuse, mais c’est peut-être bien tout une communauté anarchiste qu’elle devra sauver !

Mon ressenti :

L’agneau égorgera le lion est un court roman d’une centaine de pages. On y découvre, à travers les yeux de Danielle, une bourgade reculée, autoproclamée commune libre, où l’autogestion se dévoile en filigrane, sur fond d’enquête teintée de fantastique. La lecture est sympathique, mais j’en ressors avec un sentiment mitigé : le format court nuit, selon moi, à la profondeur du récit.

Les personnages m’ont semblé trop peu fouillés, parfois réduits à des rôles presque caricaturaux. Mis à part Danielle, à laquelle on pourrait s’identifier, les autres habitants de Freedom n’ont guère plus qu’un prénom et une fonction (gentil/méchant). Cela limite l’attachement, et donne l’impression de survoler la communauté, là où j’aurais aimé plonger dans ses contradictions et ses espoirs.

Côté crédibilité, certaines ellipses m’ont déstabilisé : Danielle comprend parfois en quelques heures ce qui aurait pu demander des jours, et le « combat final » laisse des zones d’ombre, notamment sur le rôle des forces de l’ordre... Cette histoire sympathique reste en surface. Peut-être est-ce le format qui veut ça, mais j’ai eu la sensation d’un trop-plein d’idées dans un espace trop restreint. Certes, on pourra me dire qu’il s’agit du premier tome d’une série (ce qui n’est pas clairement indiqué), mais si j’achète un one shot, j’attends une histoire bouclée et aboutie – même si, à la décharge du livre, l’intrigue principale trouve tout de même sa conclusion.

Je ne suis sans doute pas le cœur de cible de cet « urban fantasy » libertaire. J’avais choisi ce livre pour son ambiance anarchiste : elle est bien là, et l’autrice sait la rendre presque vivante, mais malheureusement les aventures ne semblent pas crédibles (cela aurait pu faire un bon épisode de Scoobidoo). J’aurais voulu plus : plus de chair autour des personnages, plus de gourmandise, plus de moyens de m’immerger dans cette utopie. Bref, le même ressenti lors de ma précédente lecture de l'autrice avec son Un pays de fantômes. Il y a cependant quelques réussites : ce cerf rouge qui juge et exécute les habitants, donne une originalité. La parabole sur le pouvoir et la dérive des utopies est bien vue, et l’ambiance fonctionne. Sans compter la très belle couverture.

Histoires Bestiales : Saison 1

mars 03, 2025

 

Anthologie, A.L. Legrand, Southeast Jones, Jean-Pierre Favard, Automne, Marianne Fortier, Josianne Laplante, Rachel Hinterlang, Antoine Cornuel, Frédéric Livyns, Albane Richet, Pierre Brulhet, Luc Verline, Lou Benedict, Ben Morris, The Bookmark Publisher, 2024, 307 p., 7€ epub sans DRM

 

Pitch de l'éditeur :


"Histoires Bestiales" est une anthologie de nouvelles qui explore la relation profonde et mystérieuse entre les humains et les animaux, qu'ils soient réels, domestiques, fantastiques ou totalement imaginaires. Chaque récit est une porte ouverte vers un monde où les créatures de nos rêves et de nos cauchemars prennent vie, nous faisant rire, pleurer, frissonner et rêver. Plongez dans des histoires captivantes où vous rencontrerez des compagnons familiers transformés par la magie, des bêtes mythiques sorties des légendes et des créatures nées de l'imagination la plus débordante. Chaque nouvelle est une aventure unique, une exploration des profondeurs de l'âme humaine à travers les yeux de nos amis les bêtes. Que vous soyez amateur de fantastique, passionné de récits émouvants ou simplement curieux de découvrir des perspectives inédites, ce livre saura vous charmer et vous surprendre.

 

Mon ressenti :

 
Oui, tu es en droit de te demander du pourquoi je t'impose cette hideuse couverture d'un obscur éditeur. Tout ceci est la faute de Southeast Jones, un auteur dont j'apprécie la plume (je l'avais même interviewé ici) et qui m'a demandé si je voulais jeter un oeil à ce recueil dont il a participé. Bien entendu, les mails désactivant les images, c'est bien après avoir répondu par un oui que mes yeux ont saigné.
Seconde chose, c'est quoi comme éditeur
The Bookmark Publisher ? Après quelques recherches, j'ai dégoté cela sur leur page FB


Bref, cela explique la couverture moche, mais n'explique pas pourquoi un ours méchant !

Une micro maison d'édition publiant de l'autoédition, c'est assez étrange, de quoi te, me, faire peur. Mais ayant donné ma parole, j'ai donc ouvert ce recueil dont je n'attendais pas grand chose et qui a su, étrangement, me faire lire de bons textes (et de bien mauvais aussi, il faut bien l'avouer).
Allez, c’est parti pour la critique :
 

Mina - Southeast Jones
Un texte qui commence par un protagoniste qui sort des chiottes, voilà qui est plutôt rare. Et écrit par un Belge, surtout, ce qui explique probablement cela.
Nous suivons l’équipage d’un vaisseau, avec un chat géant et une IA. Après un incident, une seule survivante, accompagnée de ses acolytes non humains.
Ça a le goût de la SF à papa, c’est de la SF à papa, mais le texte se termine sur une note douce-amère : l’ère de la SF à papa est bel et bien révolue, et c’est parfois bien dommage. Un texte nostalgique, avec une bonne dose de légèreté. Voilà du Belge, dans toute sa splendeur.

Le soir, nous nous racontions des histoires - Jean-Pierre Favard
Un groupe de personnes se retrouve dans une maison, accueillis après une tempête. Le soir, ils se racontent des histoires fantastiques. Mais qui sait ce qui est vrai ?
L’auteur tisse un lien entre dérèglement climatique, disparition des espèces et nouvelles apparitions.
L’idée est intéressante, mais la réalisation m’a semblé bancale, tout comme la justification de leur enfermement. Les personnages manquent de consistance, et seul l’un d’eux semble vraiment exister. Dommage. Pas facile de raconter des histoires...

Poussière de vie - Lou Benedict
Une expérience de laboratoire autour des tardigrades et de la solution miracle à leur longévité.
Quelques éclats de génie, notamment dans la comparaison entre la saleté de la maison qu’on doit quitter et celle qu’on désire habiter. L’auteur compare notre terre et la lune. Une fable philosophique qui, pour moi, manque de réalisme. Dommage.

Le chant du hérisson - Automne
Un conte macabre sur un meurtre horrible et la vengeance qui s'ensuit, orchestrée par une ménagerie animale. Nous suivons l’histoire d’un cirque ambulant qui croise la route d’une bande de malfrats.
C’est beau, c’est triste, c’est malaisant, mais c’est aussi magnifiquement beau.
(et il y a un ours, sûrement celui de la couverture ! Il s'appelle Tragen et il est gentil, si si)

Le chasseur de rats - Albane F. Richet
Il vaut mieux connaître le conte Le Joueur de flûte de Hamelin pour apprécier pleinement ce texte. Ce n’était malheureusement pas mon cas, et bien que je comprenne à demi-mot le drame qui s’y joue, cela a empêché une immersion totale.
Un texte fantastique sur un flûtiste qui croit être surveillé par des rats. L’ambiance est là, mais elle manque un peu d’originalité et d’une chute plus surprenante.

Le maître sculpteur - Pierre Brulhet
Un jeune homme se fait poursuivre par trois loubards après avoir craché dans le verre de l’un d’eux. Une nouvelle fantastique, ancrée dans le monde moderne. Nous avons droit à la maison hantée, mais l’auteur contourne habilement les clichés. Plaisant, prenant, mais quelques petits détails empêchent une immersion totale dans l’histoire.

Le refuge - Marianne Fortier
Un homme cherche à se ressourcer dans une cabane en forêt. Sa tranquillité est brisée lorsqu’il découvre des animaux pendus autour de son havre de paix.
Un texte qui guide son lecteur à travers des explications qui mènent peu à peu à la révélation. On navigue à travers les mythes et les légendes. Un agréable moment de lecture.

Russ - Antoine Cornuel
Dans un coin paumé de Russie, un mineur tente de récupérer un peu de charbon dans une mine désaffectée.
Le froid, la vodka, une bête monstrueuse et un mythe. Une belle immersion, mais il manque une chute originale pour compléter cette atmosphère.

Yglia, la dompteuse de monstres - Luc Verline
Une petite fille s’enfonce dans la forêt pour comprendre les légendes que lui raconte sa grand-mère.
Je suis complètement passé à côté de ce texte, un peu trop fantaisiste à mon goût.

La chose - Rachel Hinterlang
Des petits cylindres apparaissent sur Terre.
J’aime quand l’inattendu fait irruption dans le quotidien et que l’humanité cherche à comprendre. On suit ici trois personnes en prise avec cet inconnu. Tout aurait pu être parfait, mais malheureusement, le texte aurait mérité une relecture approfondie. L’auteur, après toutes ces pages, opte pour une explication qui manque de rigueur scientifique. Dommage, car l’idée de départ était intéressante.

Immortel - Frédéric Livyns
Un youtubeur spécialisé dans la recherche de stars disparues (Michael Jackson est-il encore vivant ? Que sont devenus les stars de l’été ?) est contacté par l’un d’eux, le grand Maga Jax (les plus anciens apprécieront le clin d'œil).
Le titre de la nouvelle en dit long, mais ce n’est pas là que réside le charme de l’histoire. De nombreux clins d'œil à la pop-culture. Ce texte, sans effets de style tape-à-l’œil, réussit à faire passer un bien bon moment de lecture.

Belzébuth - Josianne Laplante
Le parrain chez les matous. Je peine à savoir quoi faire de ce texte cousu de fil blanc. C’est mignon par moments, violent à d’autres. Ceux qui n’aiment pas les mignonneries passeront leur chemin, et les amoureux des chats risquent d’être effrayés par la violence. À qui s’adresse ce texte ? Pas à moi.

Des rats et des hommes - Ben Morris
Au Japon, une horde de rats déchaîne toute sa sauvagerie. Des spécimens sont envoyés aux États-Unis pour analyse par un spécialiste.
L’idée est intéressante, mais malheureusement, le texte n’a pas l’ambition qui va avec. Ce n’est pas crédible et cela mériterait d’être bien plus approfondi. Bien pour un premier jet, mais insuffisant pour une publication.

Harmonie - A.L. Legrand
Une forêt magique, des créatures magiques ou non, et de l’harmonie.
Trop ennuyeux pour moi, c’est sous forme de conte, un peu théâtral. Je n’ai pas eu la patience de finir ma lecture.

 

Superméchant débutant

février 19, 2025

 

John Scalzi, L'Atalante, 2024, 320 p., 13€ epub sans DRM


Scalzi, c'est comme le beaujolais : parfois excellent, parfois...
En débouchant un de ses romans, on ressent toujours cette appréhension, cette crainte du mauvais millésime.

Pitch de l'éditeur : 

Une nouvelle inattendue vient ébranler le quotidien de Charlie, qui végète entre son pub préféré de la banlieue de Chicago, son divorce et un boulot alimentaire : son oncle Jake, magnat de l’industrie du stationnement, est mort en faisant de lui son héritier.
Est-ce la fin des ennuis ? Loin de là ! Point de parking dans son héritage, mais une base secrète au fond d’un volcan, sur une île paradisiaque où se trament les pires machinations. Charlie ne s’attendait pas à ça en se rendant chez le notaire, encore moins à des négociations syndicales avec des dauphins augmentés…


Mon ressenti : 

J'ai entamé ce roman à 1h du matin, ne le lâchant qu'à regret à 2h30, le marchand de sable ayant finalement eu raison de moi. Le lendemain, la lecture s'est imposée comme une nécessité pour le terminer au plus vite. Un signe indéniable de haute qualité.

On suit les pas de Charlie, un véritable looser : récemment licencié de son poste de journaliste, quitté par sa femme et sur le point d'être expulsé de son logement. Looser sans aucun doute, mais il conserve son sens de l'humour et son amour pour les chats. Le décès d'un oncle milliardaire qu'il n'a presque jamais vu va bousculer son quotidien.

Avec ce roman, Scalzi nous initie à l'économie des superméchants, c'est à dire l'économie !. Il dévoile comment des multinationales sans scrupules négocient avec les États. C'est drôle, c'est enlevé, dans un style rappelant les films d'espionnage. Mais ici, pas de montres gadgets, de voiture survitaminée, mais des chats et des dauphins augmentés, ainsi que des technologies de pointe faisant la pluie et le beau temps.

L'humour de Scalzi, sa marque de fabrique, est omniprésent. Les dialogues alternent entre humour noir, bons mots et ironie. C'est donc un bon cru, qui satisfera sans aucun doute les fans de l'auteur.



Le Déluge

novembre 13, 2024

 

Stephen Markley, Albin Michel, 2024, 1039 p., 17€ epub sans DRM



Le monde va mal. Le climat déraille, les politiques sont pourris jusqu’à la moelle, les fascistes sont des monstres, les gauchistes des terroristes…


Pitch de l'éditeur :

Californie, 2013.Tony Pietrus, auteur d’un livre-choc sur le dérèglement climatique, reçoit des menaces de mort. Provocation, canular, avertissement ? Le scientifique, qui a prophétisé le chaos à venir, se heurte en effet à un profond déni et assiste, impuissant, à la destruction de la planète. Des supertyphons aux mégafeux, du complotisme antiécologique au capitalisme de surveillance, catastrophes et violences précipitent l’humanité au bord du gouffre.

 

Mon ressenti :

Deux livres en un. L'un centré sur le roman catastrophe, l'autre sur l'action politique. Mais j'ai eu l'impression que ces deux récits étaient mal imbriqués.

1000 pages, et seulement deux mentions de la France ! Et encore, chaque fois noyée dans une longue liste d'autres pays. C'est quand même étonnant, quand on pense que la France a organisé la COP à Paris, que nous trions nos ordures, et que nous sommes le pays avec l'énergie la moins carbonée. Sans parler du fait que nous sommes la destination la plus touristique, le pays le plus accueillant, le plus beau…
Derrière l'ironie, il y a l'un des problèmes majeurs du roman : l'hégémonie américaine.

Oui, tu as raison, tu as déjà lu ce genre de roman, avec la même couverture et cette citation de Stephen King en bandeau. Mais ici, on parle d’un bouquin de 1000 pages, soit l’espace nécessaire pour développer une intrigue, des personnages, un univers, le monde d’après dans toute sa splendeur. Pourtant, malgré ces 1000 pages, c’est du réchauffé. Je m’attendais à des personnalités solides, des individus bien caractérisés avec lesquels je pourrais m’identifier, mais non, que dalle. Les histoires de chacun s'entrelacent, et pour bon nombre d’entre eux, j'ai mis plusieurs pages à savoir qui ils étaient vraiment. À part quelques rares éclaircies, ça reste trop dispersé pour m’embarquer complètement. Et c’est dommage, car lorsque le roman se préoccupe de ses personnages, cela sonne vrai.

Le roman se concentre essentiellement sur l’aspect politique, et là, on n’apprend rien de neuf : la lutte pour le pouvoir, les fascistes qui tirent les ficelles, les manœuvres en coulisses. Et là, franchement, moi la politique, ça m’ennuie profondément, donc... Il y a bien cette héroïne qui veut changer le monde, mais l’auteur en fait une anti-héroïne détestable, à tel point qu’on n’a aucune envie de s’en rapprocher.

Comme dans un mauvais blockbuster, les catastrophes se succèdent, les morts s’accumulent, et à chaque fois, d’autres catastrophes suivent. Mais tout cela reste distant, comme un reportage télé, du grand spectacle pour faire réagir le public. Et là, c'est carrément l’esprit américain. Certes, sans les États-Unis qui s’engagent sur le climat, il serait difficile d’obtenir un changement global, mais c’est un peu oublier d’autres acteurs majeurs comme la Chine ou la Russie, qui sont tout aussi des mastodontes dans ce domaine.

Le roman se lit facilement au début, mais arrivé à mi-chemin, ça devient long. Très long. Je passe une ligne, un paragraphe, puis une page, juste pour voir où tout cela va nous mener. La tension retombe, et avec elle, mon intérêt.

En résumé : optez plutôt pour la trilogie climatique de Jean Marc Ligny ou Terra Humanis de Fabien Cerutti, c'est peut-être pas parfait, mais c'est français. 😅

Les lectures du Maki y a vu plus de qualités que de défauts

Les Champs de la Lune

octobre 07, 2024


Catherine Dufour, Robert Laffont, 2024, 288 p., 14€ epub sans DRM


Privées de la rythmique tellurique, beaucoup d'espèces ont tiré leur révérence. La Lune est superbe, ses paysages sont pleins de majesté, mais elle est définitivement morte et le Vivant le sent bien.



Demain les chats,
Demain les chiens,
Demain les robots ?

Pitch de l'éditeur :

Puisqu'il faut trouver une autre planète habitable, pourquoi pas la Lune ? Mais la vie est rude sous le feu blanc du soleil. À l'abri de son dôme agricole près du cratère Lalande, une fermière regarde les moissons et les générations s'élever et retomber comme les marées terrestres.
Le soir, au clair de la Terre, elle parle avec son chat des fièvres qui frappent les humains, des fissures qui menacent la survie de la ferme, des enfants saisis par l'appel du vide, des robots fous et des fleurs dans la mer de la Tranquilité.
Son quotidien bascule le jour où on lui confie le soin d'une petite fille a la main verte. Qui fera éclore l'autre ?


Mon ressenti : 

Ma découverte de ce roman a été plutôt surprenante. Je suis habituellement les sorties littéraires de près, mais celle-ci m'avait complètement échappé. C'est en écoutant l'émission de rentrée de La science CQFD, dédiée à la SF, que j'ai entendu parler de la sortie d'un inédit de Catherine Dufour (qui doit être l'une des plus invités dans l'émission). J’ai à peine écouté pour éviter les spoilers, mais quelques mots m’ont suffi. Pas besoin de synopsis, j’achète ! De toute façon, avais-je vraiment le choix avec cette couverture magnifique signée Aurélien Police, qui capture à merveille l’atmosphère du roman ? Et puis, c'est Catherine Dufour, tout de même !

Tandis que les actualités défilaient sur l'écran, je me suis fait la réflexion que les parents de Sileqi et moi partagions la même problématique : nous essayons d'appréhender l'infini avec des intelligences conçues, à l'origine, pour faire la distinction entre deux bananes.

Me voilà parti pour l'aventure d'une lune habitée. Une lune merveilleuse donc (qui acte décidément le grand retour de notre satellite dans les préoccupations littéraires et scientifiques), avec des cités abritées dans d'anciens tunnels de lave, et une fermière et son chat vivant sous un dôme à la surface, pour nourrir les soulunaires, les habitants des sous-sols. J'emploie le terme "merveilleuse" car c'est la première impression que j'ai eue en entrant dans ce roman. J'ai écarquillé les yeux comme un enfant en découvrant ce monde. L’autrice prend le temps de nous faire explorer chaque recoin, que ce soit les cités souterraines ou la ferme en surface, au point que j’aurais bien dégainé mon appareil photo pour immortaliser ma balade lunaire. Mais attention, si ce monde est splendide, Catherine Dufour parsème son récit de petits indices : tout n’est pas aussi idyllique qu’il n’y paraît…

Les pizzas terrestres étaient des articles somptueux. Je me souviens d'un panneau, 200 000 euros le kilo. C'était beaucoup, soit tout juste le coût du transport. Mais certains avaient de quoi payer : ils revendaient à la Terre, cher, les techniques de recyclage mises au point sur la Lune. Il paraît que, sur Terre, la bière lunaire avait le même succès au même prix. Une femme nommée Fraye la brassait à partir de moût de spiruline, puis elle l'envoyait là-bas après l'avoir déshydratée, glissant ses paquets dans les renforts des containers des navettes interplanétaires. Elle en gardait quelques barils pour la consommation locale.
- Ça rappelle le pays, me juraient les consommateurs.
Je me demande aujourd'hui ce que ça rappelait aux Terriens. À l'époque, je trouvais seulement inutile d'envoyer sur Terre une boisson lunaire remarquable par sa saveur terrestre.

D'une balade merveilleuse, le roman explore différents genres de la SF pour mon plus grand plaisir : elle en fait des boutures, des greffes, des chimères, qu'elle lie avec plusieurs thématiques (l'écologie, le vivre-ensemble, l'éveil de la conscience, la place de l'homme dans l'univers...). Et elle le fait avec naturel, l'air de ne pas y toucher, tout en nous embarquant avec sa plume. (Si tu ne lis pas de SF car tu trouves trop souvent que la plume est pauvre, tu peux sans souci te jeter sur celui-ci.) Un livre qui m'a fait passer par de nombreuses émotions en découvrant cette lune à côté de cette fermière étrange. J’ai été émerveillé par cette lune avec sa flore et sa faune en "liberté", attristé par une réalité bien moins belle que ce qu’elle laissait paraître, et j'ai même éclaté de rire à certains moments grâce à des touches d'humour bienvenues. Et dans les passages plus tendus, j’ai tourné les pages avec une avidité digne des meilleurs thrillers.

Bref, un roman doux-amer, riche en sensations et en réflexions sur la vie... et/ou sa fin...

Les chiens se laissent parfois mourir sous les coups de leur maître, mais ce n'est pas par bêtise ou lâcheté. C'est par refus de vivre dans un monde où de si cruelles injustices sont possibles. Comme les antiques, ils jettent « la nature humaine à pile ou face » sur leur propre tombe. Crever au pied de l'humanité, c'est une façon de la faire comparaître devant le tribunal de leur volonté. Bien vainement, à mon avis. Les chats les méprisent un peu pour tant d'apparente lâcheté mais expliquer l'empathie à un chat, personne n'y est encore parvenu.

 
L'avis des chroniques du chroniqueur : "J’avais hâte de retrouver la plume de Catherine Dufour avec ce roman, et je l’ai adoré !"


Le vieux pasteur ne s'exprime que par gestes, cela fait partie de ses vœux. Alors qu'il venait vers moi, ses servants immaculés déversaient sous chacun de ses pas des fleurettes de papier qui gâtaient ma pelouse, mais je me suis abstenue de tout commentaire. Les rapports avec le personnel religieux nécessitent beaucoup de tolérance. Ses devoirs spirituels exigent souvent qu'il piétine les convenances de son interlocuteur, aussi, il n'y a qu'une alternative : l'éviter ou se plier à ses bizarreries.

Il m'est apparu que Campanus [un campagnol] est le symbole d'un lien précieux. Elle symbolise un lien entre le petit et le grand, le minuscule et le massif, que tout sépare mais qui partagent le principal : un écosystème. La différence d'échelle entre elle et moi est colossale. Je me suis imaginée face à face avec un être de mille tonnes, mettons un troupeau de dix baleines bleues mesurant vingt mètres chacune. Je les imagine nageant vers moi, dans le vide lunaire, pour m'offrir, du bout d'une nageoire, une larve de coccinelle. Je me suis demandé si j'aurais le cran de tendre mon nez vers la première d'entre elles, et de la regarder dans ses gigantesques yeux. J'ai compris que Campanus est incroyablement courageuse. Qu'elle est la plus courageuse des créatures de ne pas être simplement morte de peur à ma vue. Elle a fait mieux que ne pas mourir : elle a appris à me connaître. Elle m'a apprivoisée, elle a couru sur mes bras, posé son museau sur ma joue, fait pipi sur mon épaule. Elle a dormi près de moi, en confiance. Elle m'a fait don du spectacle de ses gestes emplis de grâce, de sa silhouette ronde dont le pelage a le brillant d'une pierre précieuse, de ses humeurs pleines de piquants. Elle a fait, presque tout seule, le long chemin qui nous sépare sur l'échelle des êtres. Et elle l'a fait à ses seuls risques et périls. Je me suis sentie envahie par l'admiration, à la fois pour elle et pour le lien que nous avons noué.


La science, CQFD

Rentrée littéraire : la SF en première classe
C’est la rentrée littéraire et pour la science-fiction aussi. Nous recevons deux autrices, un auteur, pour trois romans tournés vers l’avenir, avec Sabrina Calvo, Catherine Dufour et Nicolas Martin. Que nous racontent-il de demain, mais surtout d'aujourd'hui ?

Dans "Les Nuit sans Kim Sauvage", on suit Vic, une orpheline abandonnée dans un IKEA qui vit une histoire d’amour avec Maria Paillette, son assistante virtuelle. Dans "Les Champs de la lune", on se promène sur le régolithe lunaire avec une jardinière de l’espace pour découvrir la colonisation spatiale. Et enfin dans "Fragile/s", dans une France proche de la nôtre, on modifie le génome d’enfants d’une société bientôt stérile et où les mères pondeuses sont au cœur d’une dystopie politique.

Fragile/s

août 22, 2024

Nicolas Martin, Au Diable Vauvert, 2024, 432 p., 13€ epub sans DRM



Parfois, une goutte de sueur te glace le dos en tombant entre tes omoplates. Le roman de Nicolas Martin est cette petite goutte. Il aurait pu n'être qu'un simple roman engagé, mais il ne perd jamais de vue ses personnages, à la manière d'un Robert Charles Wilson, nous montrant la grande Histoire à travers la petite.
Pour moi, c'est un grand roman, de ceux que l'on relit pour ne jamais oublier que nos vies sont décidément très fragiles.

Pitch de l'éditeur :


Dans une France où la fertilité s’effondre et la majorité des naissances sont touchées par le syndrome de I’X fragile, Typhaine, élue par le très sélectif Programme expérimental de génoembryologie grâce à la position de son mari, accouche d’un garçon sain. Mais l’étonnante progression cognitive de son fils est bien vite aussi inquiétante que le contrôle dont font l’objet les mères, alors que le pays bascule dans la dictature…




Mon ressenti :


Un petit garçon en bonne santé ! Pourtant, alors que l'échographie est positive, la mère est effondrée. En deux pages, j'étais captivé, cherchant à comprendre pourquoi cette mère était si atterrée. Quelques pages plus tard, le tableau s'éclaircit : une épidémie touche toutes les naissances, presque plus de garçons, pour la plupart infertiles, et des filles frappées par le syndrome de l'X fragile. Dans un État dirigé par des patriotes, les droits s'amenuisent. Tiphaine est juriste dans l'aide aux migrants, tandis que Gauthier gravit les échelons du parti qui propose un programme spécial "naissance"...

Ce fut une photo de Romeo qui la trahit. Une photo du petit garçon, un peu floue, prise à distance, qu'Aissatou avait mise en fond d'écran de son hololink. Quand Typhaine la vit, un soir, sur le plan de travail de la cuisine, elle ne dit rien à Aïssatou. Elle savait que jamais la jeune Malienne n'aurait pris ce risque seule. Jamais elle n'aurait pu avoir accès aux horaires et aux déplacements de Roméo sans aide. Elle s'en ouvrit le soir même à Élisa, en tête à tête. Bien sûr, elle était inquiète. Inquiète pour Aïssatou, pour Roméo avant tout. Si ces visites secrètes étaient découvertes, la jeune femme perdrait tout lien, définitivement, avec son enfant. Inquiète également pour son amie, qui jouait là sa liberté, peut-être sur le très long terme. Mais également fière. Fière qu'Élisa ait le courage de faire ce à quoi elle-même avait renoncé : passer à l'acte, s'opposer à cet ordre social infect, résister à cette oppression à laquelle tous s'étaient conformés, dont elle. Ce techno-cocon autoritaire, individualiste, dans lequel plus personne ne bougeait de peur de perdre le confort acquis, où la solidarité n'était qu'un vieux souvenir, et où la vie avait cédé la place à la survie et à la peur de l'autre.

Soyons honnêtes, j'aime Nicolas Martin, et tu pourrais douter de mon objectivité à propos de son premier roman. De plus, il le publie aux éditions Au Diable Vauvert, maison d'édition où j'avais découvert la trilogie "Jéhovah" de James Morrow, mes premiers grands formats il y a bien longtemps. J'avais adoré leurs couvertures, leur mise en page. Retrouver un de leurs livres trente ans plus tard me rajeunit. Bref, tout concourait à me faire passer un très agréable moment de lecture, d'autant plus que j'avoue avoir eu la chance de lire une version bêta de ce roman il y a quelques mois, déjà très prometteuse. Et pour finir, je figure dans les remerciements, ce qui achève de compromettre mon objectivité.



Je parle de moments agréables, mais ce n'est pas le bon terme, car l'univers décrit est sombre, oppressant ; c'est une anticipation qui pourrait bien devenir réalité, au vu des résultats électoraux récents, avec une montée inquiétante de l'extrême droite. Ce roman interroge aussi nos convictions et la facilité avec laquelle elles peuvent être bafouées. Ce couple de petits bourgeois pourrait bien me ressembler. Ce n'est pas un roman agréable, mais il est très réaliste, très bien écrit.

Ne jamais oublier qui nous sommes, d'où nous venons, dans quel monde nous souhaitons vivre. Cette vision, il l'avait bradée pour son profit, pour son bénéfice, pour son avenir à lui. Et celui de son fils. Quitte à piétiner nos valeurs. Quitte à piétiner notre passé.
Quitte à me piétiner, moi.

On suit ce couple à deux moments de leur vie : la naissance de leur fils sain, et leur vie d'avant, avec la naissance de leur fille fragile douze ans auparavant. Deux périodes pour mesurer la fragilité de leur vie, de leurs convictions.
Un mélange de La Servante écarlate et du film Le Village des damnés, moderne, réaliste et addictif. Une fois commencé, il est impossible de le lâcher. L'auteur ne perd jamais de vue ses personnages, et c'est ainsi que la petite histoire rejoint la grande, comme dans les romans de Robert Charles Wilson, un autre de mes auteurs favoris, dont la référence est ici pleinement assumée, ce qui m'a arraché des cris de plaisir.

Cette génération qui a cru que face au coup de force institutionnel, il était encore possible de faire entendre la voix du peuple, que l'heure de la révolution était sur le point d'advenir. Cette génération dont il ne subsiste aujourd'hui plus aucun témoin, et dont les luttes se sont fracassées sur la répression brutale et meurtrière d'un pouvoir totalitaire à qui tous les gouvernements précédents avaient préparé le terrain. Nous sommes d'une autre génération, tardive, timorée, apeurée. Celle qui est née bien après la reconquête autoritaire, l'échine courbée. Celle pour qui il est devenu dangereux de contrevenir. Celle pour qui il est devenu honteux de penser. Celle pour qui l'abdication n'est pas un choix, mais une fatalité.
Nous étions pourtant convaincus que nous serions plus solides. Plus intelligents, plus évolués que le système.
Quelle blague.

Les relations mère-enfant y sont bouleversantes, avec une mère qui aime sa fille fragile et hait son fils parfait. Peu à peu, elle perd pied, devenant psychotique, sa vision se brouille : réalité ou hallucinations ? Un livre qui donne une place centrale aux femmes et à la maternité, à l'immigration et au handicap de manière très juste. Je ressors de cette lecture avec des sentiments ambivalents : un magnifique roman qui fait terriblement peur, surtout en ces temps troublés. Merci Nicolas.


Mais à cette époque, nous pensions que ça ne pouvait être que temporaire. Que statistiquement, mathématiquement, logiquement, le vent allait tourner. Qu'ils finiraient inévitablement par chuter. Que cette période était une erreur, une parenthèse malheureuse. Que le bon sens, l'humanisme, la coopération, la solidarité ne pouvaient que revenir, parce que toutes ces valeurs nous sont intrinsèques. Elles sont ce qui nous définit en tant qu'espèce. Je le savais, Gauthier le savait. Quelle que soit l'amertume de la pilule, nous serions plus forts que ce système oppressif.
Après tout, l'Histoire nous montre que les dictatures, les pouvoirs autoritaires finissent toujours par être renversés.
Et l'Histoire se répète, n'est-ce pas ?

L'Histoire se répétait peut-être.
Avant.
Jusqu'à l'effondrement.
Aujourd'hui, l'Histoire cesse de se répéter.
Elle s'achève.

"Fragile/s séduira les amateurs de dystopies à la recherche d'une lecture immersive et haletante" - dixit Le Maki -- et "invite à une réflexion profonde sur les limites de la science et de l’éthique, et met en lumière les dangers de l’eugénisme et des régimes autoritaires" selon Aude.

Avec un blog nommé L'épaule d'Orion, il fallait se douter qu'un jour, un écrivain ait besoin d'une épaule où déposer ses tourments...

La Sonde et la taille

juillet 22, 2024


Laurent Mantese
, Albin Michel Imaginaire, 2024, 624 p., 13€ epub sans DRM


 

Un roman loin des clichés barbares.

 

Pitch de l'éditeur :

Conan, le roi des Sept Nations, est vieux. Aux yeux du barbare qu'il reste malgré les ors du royaume et les afféteries de la cour, il a passé cet âge formidable qui se compte ainsi : huit fois la somme des doigts de ses deux mains. Il souffre des reins et c'est cette maladie qui va le tuer, non un coup de hache ou un poignard planté dans le dos. Alors que tous complotent dans l'ombre, lorgnent son trône d'ébène, aiguisent leurs lames, un acte chirurgical peut encore le sauver : la sonde et la taille. Une opération périlleuse qui pourrait aussi hâter sa mort. Mais qu'a-t-il à perdre ? Rien. Surtout s'il veut avoir une chance de protéger la seule chose qui compte désormais à ses yeux : son fils adoptif. 

 

Mon ressenti :

Conan le Barbare, ce nom qui résonne comme une promesse tonitruante de muscles huilés, avait toujours été pour moi synonyme d'Arnold Schwarzenegger en tenue de cuir plus que de pages épiques à dévorer. Mais l'envie de plonger dans ce roman ne m'a pas lâché et me voilà embarqué pour 624 pages de fantaisie. Par Crom !

Je m'attendais à un déluge de testostérone en action, de duels sauvages et de litres de sang éclaboussant les pages (il y en a quand même pas mal). Au lieu de cela, j'ai découvert un récit plus subtil, une exploration d'un monde en pleine crise où Conan commence à sentir la charogne faisandée avec une testicule grosse comme un melon pourri; désormais un roi vieillissant dont le règne vacille tel un colosse fatigué, suscite l’envie et la convoitise. L’auteur nous entraîne dans cette période charnière.


Les points, c'est surfait !

Messieurs, avant de vous lancer dans cette lecture, sachez que vos bijoux de famille pourraient être secoués par certaines images traumatisantes ! (La sonde et la taille du titre) De plus, si vous préférez les phrases courtes et directes, préparez-vous à un défi stylistique. Laurent Mantese semble ignorer les points pour mieux embrasser les points-virgules, tissant ainsi des phrases longues, riches en détails et en descriptions luxuriantes. Un choix qui peut sembler laborieux, mais qui invite en réalité à une immersion dans cet univers, chaque mot contribuant à poser une ambiance singulière et envoûtante qui s’harmonise parfaitement avec le récit.

Bref, j'ai lu ce long roman d'un bout à l'autre sans déplaisir et je peux enfin dire que j'ai lu un roman avec Conan le Barbare !

Worm-Zero

juin 11, 2024

 

Jean-Christophe Gapdy, Rivière blanche, 2024, 292 p., 22€ papier

 

Joueurs de jeux vidéo, ne vous laissez pas tromper par le titre : il ne s'agit pas d'un préquel à la saga Worms, mais du point final à la série des Gueules des vers.
 
 

Pitch de l'éditeur : 

Dès leur naissance, Mirus et les supra-gueules des vers se ruèrent à travers l’Univers pour courber l’espace et tordre le temps, dupliquant, çà et là, des mondes et systèmes qu’elles frôlaient. Lorsque, lentement, les civilisations naquirent, y compris celle des Humains, elles ignoraient tout de ces singularités, jusqu’au jour où elles commencèrent à s’éloigner de leurs planètes. C’est alors que chacune d’elles découvrit ces trous de vers effrayants et, surtout, le péril de WORM-ZERO…

 

Mon ressenti :

Soyons clairs, ce dernier tome est pour moi le meilleur, et clôt merveilleusement l'ensemble. Le terme "merveilleux" n'est pas exagéré ici, car l'auteur m'a véritablement ébloui en réinventant les classiques de la science-fiction à sa manière. On retrouve bien sûr des trous de ver, mais aussi des rencontres du troisième type, des univers parallèles, du voyage spatio-temporel... Le tout lié par une réflexion sur les androïdes, les cyborgs et l'intelligence artificielle.

Les précédents tomes pouvaient parfois être complexes, mais ici, JC Gapdy simplifie les choses, offrant un roman plus apaisé et avec une plume plus assurée. L'intrigue tourne autour de la découverte, dans le système solaire, de gueules de ver aux propriétés étranges, jouant avec l'espace et le temps, et créant des univers parallèles qui s'entremêlent.

Ce que j'ai le plus apprécié, c'est la rencontre avec une espèce alien qui conserve son étrangeté : il est impossible de comprendre pleinement cette altérité. J'aurais aimé en savoir plus, mais j'adore que l'auteur ait choisi de laisser libre cours à mon imagination.

Cerise sur le gâteau, l'auteur nous propose un petit jeu à travers les intitulés des parties, avec des allusions à d'autres romans de SF à découvrir.
Worm-Zero conclut parfaitement ce cycle atypique, mais pas de larmes à verser : JC Gapdy nous promet quelques spin-offs dans les années à venir (projets entre parenthèses, l'éditeur ayant des problèmes de santé...)

 

Au cœur des Méchas

mai 10, 2024

Denis Colombi, Editions 1115, 2024, 96 p., 9€ papier


Une histoire de petites mains dans un monde de géants

Pitch de l'éditeur : 

Quand on ne peut plus faire l’économie des combats titanesques face aux assauts répétés de la menace extraterrestre, ne reste qu’une solution pour sauver l’humanité : l’amputer d’une fraction de sa population en l’envoyant travailler au cœur des Méchas. Mais pour combien de temps, encore ?


Mon ressenti :

Lorsque une personne a des compétences dans un domaine et se met à pondre un texte littéraire, ma crainte est : et si son bouquin n'était qu'un prétexte pour nous asséner un cours magistral ? En l'occurrence, il s'agit d'un sociologue, donc de la science molle, ça s'étale mieux ! et de voir de longs passages bien didactiques pour te montrer qu'il est celui qui sait. D'autant plus quand le savant n'est pas le plus médiatisé, il faut prouver encore plus son talent. Bref, voici mon état psychologique qu'en j'ai ouvert le livre dont le pitch me faisait bien envie.

Si vous avez déjà vu Neon Genesis Evangelion ou Pacific Rim, vous savez ce qu'est un mécha, un robot géant piloté par un humain. Mais on sait moins d'autres trucs, c'est qu'il y a toute l'équipe d'ingénierie qui se trouvent à l'intérieur de la bestiole pour la réparer. Le job de notre protagoniste, c'est mécano, qui raconte son histoire à un quidam venant admirer le prochain combat entre un mécha et un méchant alien.
Un protagoniste goguenard et cynique qui prends conscience de sa place dans la société, un rouage indispensable mais invisible et méprisé. Une réflexion profonde mais jamais lourde sur la condition humaine.

Un texte lu d'une traite, et dont la chute, géniale, permet de continuer l'histoire. Cela m'a fait penser au livre Le vieil homme et la guerre de John Scalzi, un sujet proche, de la chair à canon, et un ton léger pour une réflexion profonde. Le bémol aurait pu venir d'un univers un peu limité au vue du nombre de pages, la menace alien est présente et peu développé, le peu de personnages idem. Mais je n'ai pas trouvé de manque. J'ai cru à l'univers et au personnages, comme au traitement de l'homme, du moins ici de la femme, car notre mécano est une femme. Une belle réussite, même si les thèmes abordés ne vous séduisent pas d'emblée.

Qu'en est il de l'étalage de sciences de l'auteur ? Il n'y en a pas ! On en redemande. Pas de lourdeurs conceptuelles ni d'étalage de connaissances sociologiques à l'horizon ! Juste une histoire prenante, un personnage attachant et une critique sociale fine et intelligente.

Une interview de l'auteur est disponible : Denis Colombi : Le Socio-Combattant de l'Imaginaire

Même son de cloche chez De l'autre côté des livres : le résultat est un texte à la fois intelligent et amusant qui se lit également très bien et vous offre un moment de détente, avant de vous fournir matière à réflexion.

Arborescentes - Tome 1

avril 25, 2024

Frédéric Dupuy, Bragelonne, 2024, 384 p., 13€ Epub sans DRM


Arborescentes : là où les arbres ont des secrets et les héros sentent parfois l'oignon !🌳


Pitch de l'éditeur :

Il est des endroits dans le monde dont on ne saurait dire qu'ils accueillent des enfants tant les environs sont lugubres et les lieux austères.

Tel est l'orphelinat des Soeurs Aniel. Avec ses grandes fenêtres à barreaux et ses portes en métal aux lourds battants, on croit entrer dans une ancienne prison, ou dans un asile de fous. Ou pire encore, dans une banque.

Petite, boulotte et bougonne, avec des yeux cernés jusqu'à l'os, Hélène y vit dans une minuscule chambre et n'en sort que la nuit. Hélène a juré de ne plus dormir, et c'est un travail de tous les instants. Elle est atteinte de la Maladie de la Belle au Bois dormant, qui peut frapper à tout moment et l'emporter dans un sommeil infini, comme sa mère avant elle.

Il n'existe pas de remède, aucun traitement connu à cette forme de narcolepsie, qui demanderait des dispositifs bien trop coûteux pour le nombre de cas connus en France, même pour des laboratoires aux poches profondes. Même pour les laboratoires Varkoda, dirigés par l'inflexible héritier de la famille fondatrice, connu pour s'arroger des brevets au prix de la destruction de la jungle équatoriale amazonienne, et au mépris de la vie humaine.

Et pourtant, une étrange infirmière entraîne Hélène dans son sillage, vers un hôpital et un monde aux ressources inexplicables, un lieu extraordinaire, enchâssé dans une forêt introuvable tel un bijou brillant dans un écrin vert, qui lui offrira peut-être un avenir, et un rôle à sa mesure dans le combat fantastique qui s'annonce. Car les forces ancestrales bientôt réveillées par Hélène et Arès Varkoda dépassent l'entendement, et l'équilibre fragile entre nature et humanité est en péril.


Mon ressenti :


Des autochtones dans une forêt au Brésil se font voler leur plante médicinale, tandis qu'à Nantes, une MECS accueille un nouvel enfant placé qui est surpris par une fille semblant être un zombie. Pendant ce temps, à Dammarie-les-Lys, une chercheuse travaillant pour une entreprise spécialisée dans la cire se voit remettre une plante volée dans la forêt brésilienne. Cette introduction ancrée dans la réalité, écrite de manière très réaliste, happe le lecteur et le transporte vers des univers très différents.

"Arborescentes", c'est le cerveau de Frédéric Dupuy passé au mixeur, un roman qui mêle les genres et les références, où même l'héroïne est décrite comme peu attrayante et sentant l'oignon. On aurait pu craindre que ce mélange ne fonctionne pas, mais l'auteur, tel un chef cuisinier, a su mixer les saveurs pour créer un plat unique. Bien que je sois principalement lecteur de science-fiction, ce livre m'intriguait et me faisait peur en même temps, notamment en raison de son aspect magique. De plus, il s'agit d'une tétralogie, mais cette fois-ci, pas besoin d'attendre quatre ans pour la suite, car les prochains romans sortiront tous cette année (en mai, août et novembre).

Entre "Alice au pays des merveilles" et le thriller d'espionnage, c'est surtout la partie plus réaliste qui m'a le plus plu. On sent que l'auteur s'est documenté sur les sujets abordés, notamment sur l'industrie pharmaceutique et sa tendance à s'approprier le vivant. La partie "Alice" m'a laissé un peu plus indifférent, n'étant pas fan des enfants, mais elle se laisse lire si vous êtes comme moi allergique aux gosses.

En fin de compte, j'ai pris plaisir à me perdre dans ces différentes aventures et j'ai même été quelque peu frustré que la fin arrive si vite, avec une autre piste à explorer. En somme, l'auteur semble avoir beaucoup d'idées saugrenues en réserve. To be continued...

Le pacte de sang

avril 17, 2024



Clément Bouhélier, Critic, 2024, 350 p., 11€ epub sans DRM



Le digne héritier du film Alien !
Un castel-horror qui joue avec la figure du ... du quoi au fait... Mystère...


Pitch de l'éditeur :



1364. Défaites lors de la bataille d'Auray, les troupes de Bertrand Duguesclin sont en déroute. Deux chevaliers en fuite s'aventurent à l'intérieur d'un mystérieux château abandonné. Ils vont faire face à la pire des abominations. Près de 700 ans plus tard, lors d'un séminaire en Bretagne, les membres d'une entreprise de référencement web se rendent dans ce même château pour participer à un escape game. Mais pour eux également, la nuit va virer au cauchemar. Quelque part derrière les murs sombres, une chose attend, tapie dans l'ombre. Elle compte bien assouvir son appétit et régler ses comptes.

Mon ressenti :

Tout est bien présent pour un roman fantastique (dans les deux sens du terme) : une bête, un château et une légende. Certains auraient choisi la facilité, Clément Bouhélier est plus sournois. Un début classique, alternant deux époques, jadis et aujourd'hui. Et même une troisième période, à J+1 de l'une. Mais il peut s'en passer des choses en une nuit...

Un roman, trois genres : Pour la partie historique, nous sommes en 1364 et on suit les pas de deux chevaliers fuyant le charnier d'une guerre et trouvant refuge dans un château. Pour le genre social, l'auteur nous plonge dans un séminaire de team building qui se déroule dans un château, et il va en falloir du building dans cette équipe déchirée... Et un roman policier qui se déroule de nos jours +1, où les flics enquêtent sur une jeune fille retrouvée pleine de sang, en panique, errant dans une rue proche... d'un château. Le tout épicé d'une pointe d'horreur légèrement gore.

Un roman en apparence simple, mais le monstrueux auteur adore jouer avec son lecteur, lui faire croire d'une piste balisée pour en emprunter une autre, et encore une autre et encore une autre... Il croise les points de vue, nous met dans la peau du monstre, qui bien entendu n'est pas celui que l'on croit.

L'auteur revisite et surtout modernise une figure du monstrueux, beaucoup plus proche du film Alien que de... On y retrouve la critique du libéralisme, un thriller haletant et il y ajoute une pointe d'enquête policière. Pris dans son piège, le lecteur n'a qu'une seule issue pour sortir de ce joli guêpier : lire jusqu'à plus soif pour enfin se dire, quel talent. Clément Bouhélier, alors que je déteste la fantasy, m'avait démontré que je pouvais avoir tort avec son cycle Olangar. Il fait de même avec Le pacte de sang, me donnant envie de découvrir les romans fantastiques.

Seule fausse note de ce livre, l'éditeur a fait le choix de mettre une préface dévoilant le pot au rose sur ce monstre. Je vous conseille donc de lire cette préface comme une postface.

 

Une belle réussite dans le genre fantastique/horreur pour le troll, mais attention y’a du sang, de la bidoche, de la tripe et du vomi, on est pas ici pour cueillir des marguerites prévient l'Ours inculte. La conclusion de Fantasy à la carte, un récit court, rythmé et sans concession dans toutes les formes de violence qu'elles soient physiques ou sociales.

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