Ondes Futures du samedi 01 au vendredi 07 juin 2019

mai 31, 2019

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.


Cette semaine sur les ondes :

Le chat est-il le fléau d'écosystèmes fragiles;
Le clown est-il le fléau de nos enfants;
Le blockbuster américain est-il le fléau du cinéma ?

Tout cela et bien plus encore

En ligne sur Wakelet : https://wke.lt/w/s/upsWGU





La méthode scientifique : la science critique

mai 27, 2019




Son générique est reconnaissable entre mille, elle vulgarise l'actualité et les concepts scientifiques pour notre plus grand bonheur. Décrypter la relativité générale, voyager dans les trous noirs, explorer les lunes du système solaire, voguer dans l'espace lointain, faire rebondir le big bang est une routine quotidienne pour elle.
Les plus grands penseurs et scientifiques lui font l'honneur de leur présence. Macro ou micro, aucune théorie ne lui résiste. Elle taille dans le vif des sujets à l'aide de ses ciseaux Crispr-Cas9, elle affronte les sciences improbables et ose même côtoyer les mauvais genres.
Depuis trois ans, elle nous accompagne à l'heure du goûter et dissèque avec méthode, pédagogie et humour les sujets les plus variés.
"La méthode scientifique : la science critique" c’est le programme radiophonique qui est le nôtre pour l’heure qui vient.

Et pour nous parler de cette émission, nous avons l'immense plaisir d’accueillir la personne derrière la voix, la star des petits puits de science : Nicolas Martin. Bonjour







J'ai découvert La méthode scientifique grâce à vos émissions dédiées à la science-fiction et de fil en aiguille, je l'écoute en fonction des sujets. Vous en êtes le présentateur et le producteur. Est-ce que vous pouvez nous dire en quoi consiste ces différentes casquettes ?

Nicolas Martin : Il s'agit en fait de la même chose. Producteur est le nom officiel qui est sur mon contrat de travail. Contrairement à une émission de télé où le producteur est celui qui est en charge de la production exécutive, c'est à dire de l'argent, de l'organisation, du tournage, etc.., le producteur radio est plus un rédacteur en chef ou responsable éditorial : le contenu publié dans l'émission est sous ma responsabilité.



Pour situer, qu'est-ce que La méthode scientifique ? Quels en sont ses origines ? La formule a-t-elle changé depuis ?

Avant Le méthode scientifique, il y avait déjà une case sciences sur France Culture qui était tenue chaque jour par un producteur différent, sur une forme ancienne des programmes de la chaîne avec ce qu’on appelait des “producteurs tournants”. Puis, petit à petit, cette forme a été remplacée pour donner une cohérence via des producteurs uniques. La tranche des sciences a été la dernière à finaliser ce lifting. Cela faisait longtemps que j'étais à France Culture, j'avais pris la responsabilité d'une chronique scientifique deux ans auparavant dans La matinale de Marc Voinchet. Et comme j'étais identifié à peu près compétent dans le domaine des sciences, la directrice de France Culture, Sandrine Treiner, m'a proposé d'incarner cette nouvelle tranche qu'on a choisi d'intituler La Méthode scientifique. Nous en sommes à la troisième saison.

La formule initiale a peu évolué :
Le lundi, sciences du vivant : Biologie, Médecine, Santé, Paléontologie, Ethologie... qu'on avait appelé Humain/s;
Le mardi, Planète/s : les planètes, l'astrophysique, la cosmologie, mais aussi la physique fondamentale, et notre planète, la Terre : l'environnement, la géologie, …;
Le mercredi, Futur/s, pour dire nouvelles technologies, robotique, informatique, recherche fondamentale;
Le jeudi, Histoire/s : histoire des sciences, mais aussi des rencontres ou grands entretiens avec les scientifiques, ainsi que tout ce qui concerne la politique de la recherche.
Et le fameux vendredi, qui est soit un vendredi Actus avec des journalistes de la presse et du web scientifique, soit un vendredi fiction avec la SF. Il était impensable pour moi en tant que grand lecteur et grand fan de science-fiction de faire de la science sans parler de SF. Par ailleurs, quand on parle avec les scientifiques, dont beaucoup sont lecteurs de ce genre, il y a un dialogue évident entre la science et la SF. Si il y a un espace où il est important de parler de ce genre qui est très sous représenté et sous-traité dans les médias, c'est chez nous.



Vous avez une équipe à vos côtés. Pouvez-vous nous expliquer le rôle des uns et des autres ?
L'équipe est-elle toujours la même depuis ces débuts ?

C'est la même équipe depuis le début, à part à la réalisation. Nous sommes en tout et pour tout six plus un :
- le réalisateur Olivier Bétard s'occupe de la mise à l'antenne de l'émission, de choisir les musiques, d’être en régie pour suivre le bon déroulement à l'antenne, et la mettre en onde.
- Eve Etienne, une programmatrice, s'occupe, une fois la thématique établie, de trouver les invités et de composer les plateaux.
- Deux reporters, Antoine Beauchamp et Céline Loozen, que vous entendez à l'antenne un jour sur deux. Ils font des reportages chaque jour en lien avec l’émission et rédigent chaque semaine une fiche de synthèse, qui est ma base de travail : un document d'une vingtaine de pages (écrit tout petit !) qui me permet d'avoir une grande synthèse du sujet du jour accompagnée d’une bibliographie.
- Noémie Naguet est notre community manager, elle fait deux synthèses par semaine, plus l'animation des comptes sociaux et de la veille scientifique.
- Natacha Triou fait le journal des sciences les vendredis. Au tout début, c'était Xavier Martine, puis Zoé Sfez. C'est un peu notre poste de professeur de défense contre les forces du mal d'Harry Potter. Il change tous les ans.
- Plus un poste de stagiaire qui tourne. En général nous en avons deux par an.

Nicolas Martin entouré de ses invités et de l'équipe de la Méthode scientifique
Crédits : France Culture - Radio France


Les émissions sont-elles réalisées en direct, dans les conditions du direct, ou des montages sont-ils effectués ?

C'est à 95% du direct. Il nous arrive de façon exceptionnelle d'enregistrer quand des invités sont présents un jour particulier, ou lorsque des grands noms ne peuvent pas se déplacer. On adapte alors notre agenda pour enregistrer en amont.



J’apprécie le ton très pédagogue et vulgarisateur des sujets, et je pense que cela provient aussi du choix des invités. Comment sont-ils choisis ?

C'est Eve Etienne qui s'en occupe. Tous les lundis soirs après l'émission, nous faisons une conférence de rédaction où tout le monde est présent. Si les reporters sont en déplacement, ils nous envoient des propositions. On débat en fonction de l'actualité des sciences, des publications. On essaye d'être le plus lié possible à l'actualité, c'est une des charges de l'émission.
Sur France Culture, il y a plusieurs émissions, comme "La fabrique de l'Histoire" ou "Les chemins de la philosophie", qui fonctionnent sur des séries de quatre émissions sur la même thématique. Après quelques hésitations, nous nous sommes dit qu’il fallait coller à l'actualité des sciences le plus près possible en dédiant chaque émission à un sujet d’actualité.
Nous lisons des revues, Nature, Science, The Lancet, mais aussi la presse française Science et Avenir notre partenaire, mais aussi Sciences et vie, La recherche, Pour la Science... On discute et on trouve les thèmes dont on veut parler et les enjeux. Par exemple aujourd’hui, nous ne voulions pas faire une énième émission sur le Big bang. Mais quand Françoise Combes et Jean-Philippe Uzan publient un livre, nous les invitons et cela donne une superbe émission, un régal à faire et à écouter.
Une fois que l'on a les sujets, Eve regarde qui pourrait venir à notre table, au bout de trois ans on commence à connaître quelques personnes. La contrainte principale est d'aller au maximum vers la parité, mais c'est un obstacle très difficile à lever malgré l'énergie que l'on y met. Eve cherche les publications d'articles essentiellement, les citations et puis éventuellement les livres. On se concentre dans un premier temps sur le travail des équipes scientifiques pour pouvoir trouver nos invités. Une fois que nous avons des noms, les gens qui s'occupent des synthèses leur téléphonent pour faire une pré-interview afin de s'assurer que, dans la préparation de l'émission, nous n'avons rien oublié. Si il y a des choses qui leur semblent cruciales, ils nous donnent des directives qui permettront à posteriori d'améliorer mon fil conducteur. Dès lors, je sais, à la fin de l'émission, que j'aurai abordé les points les plus importants.



Malgré le fait que vous potassez vos sujets, que nous sommes dans le "sérieux", vous intégrez souvent des touches d'humour ou de légèreté dans vos émissions. Une réelle volonté ou est-ce simplement vous ? L'humour est-il bon pédagogue ?

Oui, déjà cela fait partie de mon tempérament, et c'est aussi un outil pédagogique. C'est important de montrer qu'avec la science, avec les scientifiques même lorsque l'on travaille sur des sujets sérieux, on peut implémenter un peu de légèreté. Lorsque l'on est sur une émission très ardue, sourire un peu, pouvoir rigoler, détend l'atmosphère... La science n'est pas que grave.

Je pense que ça participe aussi au ton de l'émission, cela donne une tonalité particulière, fait partie de son ADN. C'est l'une des raisons qui font que les gens nous aiment ou on contraire ne nous aiment pas du tout, dans un sens ou dans l'autre. J'ai déjà eu dans ma boite mail quelques messages désagréables à ce propos, mais je ne veux pas renoncer à cela, car j'ai toujours fonctionné de cette manière. L'humour permet de souffler, de se détendre, de se re-concentrer et de repartir à l'assaut. Je veux montrer que les scientifiques ne sont pas que des purs cerveaux, que la science n'est pas que rébarbative, triste et austère. Casser cette image d'austérité est important.
Ce jour avec Françoise Combes et Jean-Philippe Uzan, deux astrophysiciens et physiciens de très haut niveau, nous avons passé une heure à rigoler ensemble en parlant de choses très complexes.



Lorsque je lis les titres des émissions et les threads, j'en suis mort de jalousie. Qui les écrit ? La personne va-t-elle postuler pour rédiger les 4èmes de couverture chez Actes Sud ?

(rires) La rédaction des titres est collective et c’est Noémie Naguet qui rédige les threads.




Qui choisit les chansons qui collent souvent très bien - trop - au sujet traité ? (Pour info, j'ai eu dans la tête pendant trois jours la chanson Toi, ma gueule de notre feu rocker national diffusée lors de l'émission sur la reconnaissance faciale)

C'est essentiellement notre réalisateur Olivier Bétard qui propose, parfois moi. La personne ayant préparé la fiche de synthèse peut aussi suggérer un titre. Nous cherchons à varier, de ne pas passer que de la pop anglaise, en programmant de la chanson française, de la musique classique ou un peu de jazz vocal, que j'aime beaucoup. C'est donc un travail collectif mais cornaqué par le réalisateur.



Lors de mon trajet maison-boulot, si j'écoute une de vos émissions, je pousse toujours des Ouh Ouh Ouh, pouvez-vous nous parlez de ce générique et de son choix ?

C'est l’une de mes grandes fiertés, cela me tenait à coeur pour diverses raisons : c'est issu d'un album que j’écoutais quand j'étais au collège. J'étais fan de Star Trek et mon amie d'enfance, Hélène, avait trouvé cet album Mr. Spock's Music from Outer Space de Leonard Nimoy, des reprises de standards des années 60 mis à la sauce Star Trek, avec parfois la voix de Leonard Nimoy, l’acteur qui incarne Spock. Dedans, il y avait "Music to watch space girls by".
Quand on a monté l'émission, j'avais plein d'idées de génériques, comme Says de Nils Frahm, qui est le générique de fin aujourd'hui. J'écoutais plein de trucs, et il y avait cette idée-là, géniale dans une émission de science, de mettre un générique de SF un peu kitsch, un peu années 60. Les autres propositions étaient standards et je me disais que ce titre allait vraiment marquer l'émission, l'identifier, soit parce qu’on l'aime ou au contraire parce qu’on le déteste. Certaines personnes y étant assez opposés, je suis donc allé voir la directrice et je lui ai fait écouter les derniers choix qu’on avait, des musiques que j'aimais le moins et “Space girls” en dernier. Lorsqu'elle l'a écouté, elle a dit, c'est sûr, c'est celui-là. A ce moment-là, on ne pouvait plus le changer et c'est comme cela que j'ai fait passer cette musique, un peu en douce.
C'est d'autant plus important pour moi que mon amie Hélène était malade à ce moment, elle est morte quelques mois après. C'est une sorte d'hommage à elle, à moi, à nous. Je ne changerai jamais ce générique, il a cette valeur sentimentale.



J'imagine que je ne suis pas le seul à écouter votre émission. Quelle est son audience ?

Quatre heure de l'après-midi n'est pas une heure de grande écoute à la radio. Néanmoins, depuis deux ans et demi, nous avons multiplié par plus de deux l'audience de la tranche. Ce qui est très important pour nous, c'est que très vite, au bout de 3-4 mois, nous sommes entrés dans le top 5 des émissions les plus téléchargées de la chaîne. Et aujourd'hui on tient fièrement et fermement la troisième place, avec plus d’un million cinq cent mille téléchargements par mois.



Quelle est sa perception par les institutions scientifiques et éducative ? 


Nous travaillons très bien avec les institutions, le CNRS, l'INSERM, avec les universités. Ils nous ouvrent en grand leurs portes. Il n'y a pas un acteur public en France avec lequel nous avons un problème. On a eu tout le monde : la ministre, le nouveau patron du CNRS et le patron de l'Inserm, celui du CNES, etc. Même si parfois je ne suis pas tendre avec eux, ils reviennent. Les acteurs scientifiques majeurs font de même, comme les partenaires privés.
Car finalement, il n'y plus énormément d'émissions de sciences, pour faire de la science un peu pointue. Il y a la Tête au carré sur France Inter, nous, ou quelques émissions mais hebdomadaire.



Quelle est l’émission qui vous a le plus marqué, vous et votre équipe ?

C'est impossible de répondre à cela, il y en a beaucoup, on en a fait plus de 500. La cinq centième était une chouette émission, un clin d'oeil à l'adresse des auditeurs, qui reste un excellent moment et un extrêmement bon souvenir. J'avais invité la plupart de mes chroniqueurs habituels du vendredi et on avait demandé aux auditeurs de La méthode de leur poser des questions vachardes et des questions pièges. Nous avions disposé dans le public un certain nombre de scientifiques et d'auteurs qui avaient pour mission de re-poser par-dessus d'autres questions pièges, pour lesquelles ils n'étaient pas au courant. Lorsque l’on a des invités comme Étienne Klein, Catherine Dufour, Roland Lehoucq, Benjamin Bayard qui se prêtent au jeu avec plaisir et malice, c’est un bonheur. On était assez heureux de voir réunie toute l'équipe de La méthode scientifique, la famille constituée en deux et demi d'émissions.

Il y a aussi les entretiens avec Hélène Courtois ou Hubert Reeves (ici et ici), qui sont des moments incroyables. J'ai eu de la chance de faire un entretien en science-fiction avec Robert Charles Wilson, un de mes auteurs favoris. Je pourrais aussi citer ceux avec Norman Spinrad ou Christopher Priest. Ou encore celui de cette fin d’année, je ne peux pas encore vous dévoiler le nom, et avec qui je serai très heureux de m’entretenir.

Ou cette émission du jour avec Françoise Combes et Jean-Philippe Uzan sur le Big bang. Quand je sors de là, je suis remonté comme une pendule : le niveau scientifique est extrêmement pointu, c'est de la très bonne vulgarisation, avec de grands scientifiques transmettant avec passion, envie, désir et amour. Ils sont incroyables et c'est le genre d'émission qui me fait du bien.
Il y en a beaucoup comme celles-là et heureusement.



L'année dernière, vous avez été absent de l'antenne durant quelques semaines pour une expédition scientifique (?), pouvez nous en dire quelques mots ?

J'ai eu la grande chance et le grand privilège de partir un mois en Antarctique pour tourner un documentaire qui va être diffusé sur les ondes de France Culture cet été sous deux formes distinctes : 10 épisodes d'une demi-heure qui seront diffusés les quinze premiers jours de juillet ; et vous pourrez entendre tout l'été à la fin de La matinale des petites pastilles de cinq minutes qui renverront à ce feuilleton. Cela s’intitulera “Un été en Antarctique” (note du chien : mon avis sur ce documentaire)



Vous produisez aussi "Les idées claires", vous pouvez nous en dire quelques mots ?

Les idées claires est un format hebdomadaire né il y a un an. L'idée était de chercher un module vraiment signé France Culture pour participer à la lutte contre les fake news. Après mûres réflexions, on s'est dit que cela serait intéressant de revenir à la science et de faire parler les scientifiques, d'avoir un point de vue scientifique qui n'est pas là pour dire c’est vrai - c'est faux, mais de donner la littérature scientifique sur un sujet, de dire quel est le consensus scientifique autour d'une question qui peut être aussi bien conspirationniste, de la désinformation, de la fausse vérité, de la fake news... France Info voulait faire la même chose et nous avons uni nos forces à travers un podcast natif ensuite diffusé sur la grille d’été de France Culture. Et il y a de petits modules vidéos diffusés sur les réseaux sociaux, Facebook essentiellement et Twitter. Ils nous permettent par ailleurs de toucher un public qui n'est celui de France culture ou de France info. Ces vidéos ont pour but d'être viralisées, de redonner un socle argumentaire à des gens qui peuvent ne pas avoir forcément de pensées conspirationnistes ou complotistes; mais aussi redire “Ne vous laissez pas avoir”, voilà ce que la littérature scientifique nous permet de penser sur des sujets aussi vastes comme Les aides sociales coûtent un pognon dingue ?, ou Le VIH a-t-il été créé en laboratoire ? ou L'Homme a-t-il vraiment marché sur la Lune ?
ou encore le dernier Réchauffement climatique : est-il déjà trop tard ?


De gauche à droite : Gwennaël Gaffric, Li Cam, Nicolas Martin, Raphaël Granier de CAssagnac et Natacha Triou


Passons à la SF maintenant. Deux vendredi par mois, vous dédiez une émission à la science-fiction, soit via le traitement d'une thématique, soit par le biais d'entretien. Cela est-il venu naturellement ? De qui vient l'idée ? A t-il fallu lutter pour imposer cette idée ?

Dès le départ de l'émission, j'ai dit à ma directrice que je voulais de la SF à La méthode scientifique, il n'y a eu aucun problème et c'est vraiment consubstantiel à l'émission. La SF est traitée quasiment nulle part : un peu chez François Angelier, mais ce n'est pas son genre de prédilection. Et je voulais aussi la traiter par tous les biais : littéraires, cinéma, série et jeux vidéo via des thématiques, des auteurs, des sorties cinéma...



L'émission faisant partie des références dans le milieu, vous devez recevoir pas mal de demandes ? Quels sont les choix effectués ?

Une anecdote pour répondre car elle est amusante : depuis deux ans, nous sommes partenaires des Utopiales de Nantes. L'année dernière, il y avait tout un tas d’éditeurs SF, dont je ne citerai pas le nom ici, que je suis allé engueuler un soir : "Vous êtes cons ! Je suis là tous les quinze jours, vous avez une fenêtre énorme de visibilité, vous vous plaignez à travers les Etats généraux de l'imaginaire, de dire pourquoi la SF ne fonctionne pas, pourquoi on a pas de visibilité dans les médias, etc.. Je suis là et je ne connais pas : toi tes dernières publications; toi si tu as des auteurs qui passent, ..." J'ai donc poussé une gueulante, un peu rué dans les brancards, ce qui a fait rire tout le monde.
Ceci dit, certains avaient déjà compris le fonctionnement, dont un qui m’envoyait un mot et me réservait un créneau chaque fois qu’un grand auteur ou autrice était disponible. Ce qui m’a permis d’avoir par exemple Dmitri Glukhovsky récemment au Salon du livre de Paris, ou Nnedi Okorafor, Christopher Priest, Norman Spinrad.
Maintenant ils savent qu'on existe et nous travaillons en bon compagnonnage, mais il a fallu secouer le cocotier.



Pour le fidèle auditeur, difficile de ne pas connaître votre auteur favori, Robert Charles Wilson. Dès que vous pouvez placer Spin dans une émission, vous le faites. Il se trouve que je suis son plus grand fan français. Avez-vous lu toute sa bibliographie ? Qu'est-ce que vous aimez dans ses textes ?

Il est mon auteur vivant favori, car j’ai une passion pour Spin, mais c'est loin d'être le seul. J’ai encore un roman non lu de lui sur ma table de chevet "Les affinités" qui attendra un peu car je suis en train de rattraper deux livres non lus de celui qu’on devrait avoir d’ici la fin de l'année (suspens…)
Ce que j’aime chez Wilson ? Spin m'a cassé les jambes. Objectivement, c'est l'un des plus grands titres SF du 21eme siècle, j'adore la trilogie, j'adore son univers. "Le vaisseau des voyageurs", "A travers temps", "Darwinia" sont formidables. "Les derniers jours du Paradis" est incroyable. Celui qui m'a le plus déçu est "La cité du futur", je l'ai trouvé un peu morne, un peu moins inspiré.
Ce que j’adore chez Wilson, c'est ce côté un peu hard-science, il a cette façon de complètement repenser le temps et l'espace sans tomber dans un classique d'auteurs de SF de se débarrasser d'un objet juste en créant un néologisme, et puisqu’on crée le néologisme, l'objet existe. Chez Wilson, on est vraiment sur quelque chose de très science based dans l'ensemble, et je trouve que c'est un remarquable conteur. Sa trilogie Spin Axis Vortex, même si j'ai trouvé Axis un petit poil en dessous, est une grande claque littéraire. Et je le compare volontiers à Dune d’Herbert ou au Neuromancien de Gibson, cette littérature qui m'ouvre de nouveaux champs.



Vous avez eu l'immense plaisir de vous entretenir avec lui, pouvez-vous nous parlez du off : comment les premiers contacts se sont passés, votre ressenti ...? 

J'étais hyper stressé, c'est une émission qui a été enregistrée en duplex depuis Toronto à cause du décalage horaire. C'est toujours compliqué ce genre d'entretien parce que nous sommes obligés d'enregistrer avec le traducteur simultané, même si moi je suis bilingue français-anglais. Le traducteur est à mon côté et j'entends les réponses en anglais et en français. Cela me met en porte à faux car je reçois trop d'informations linguistiques et cela me déstabilise un peu.
Mais c'était super, c'est quelqu'un de généreux. Je l'avais déjà rencontré lors des Utopiales et interviewé il y a 3-4 ans pour Entrée libre à la télévision où j'étais rédacteur en chef. Je savais que c'était un "bon client" comme on dit dans le métier une personne qui parle volontiers, pas compliquée, ce n'est pas Norman Spinrad qui est une autre paire de manche. Donc je savais que cela allait bien se passer, à part cette traduction simultanée.
Et j'étais parti heureux : avant l’entretien, il avait posté un billet sur Facebook disant qu'il était un peu inquiet. Mais lorsqu'il est sorti de là, il a posté un statut en disant qu'il était absolument ravi de son entretien, que l'intervieweur connaissait très bien son oeuvre et que les questions étaient cohérentes et bien choisies. Donc j'étais extrêmement fier et très content.




Sujet qui fâche : lors de l'écoute de cet entretien, je n'ai pu m'empêcher de constater certaines coupes. Vous n'avez pas honte ?

C'est dur de tout faire rentrer en une heure malheureusement. Dans ce genre d'entretien, j'enregistre toujours un peu plus et on reconstruit après. Mais vous n'avez pas manqué grand chose, cela devait être des redites dues principalement à des interruptions de faisceaux



Wilson, Priest, Gluhkovski, Curval, Genefort, Damasio, Okorafor... La liste des auteurs invités est longue, quels sont les auteurs que vous aimeriez faire venir sur votre plateau ? 

Il y en a plein, et je n'ai même pas parlé de Damasio (ici et ici) qui est dans mes auteurs SF favoris. Un auteur que j'aimerai bien recevoir, mais c'est un peu hors cadre car ce n'est pas vraiment de la SF, plus du fantastique : c'est Neil Gaiman que j'aime beaucoup, l’un de mes auteurs fétiches. J’aimerai bien m'entretenir avec lui, mais maintenant qu'il fait du cinéma et des séries, je pense qu'il est inatteignable.
Il y a plein de gens que j'aime beaucoup, comme Catherine Dufour qui vient régulièrement.
Et il y a un autre auteur que j’adore, que j'aurais peut-être avant la fin de l'année. Mais cela je ne vous le dis pas, je préfère garder la surprise. La seule chose que je peux concéder est que son nom et son prénom commence par la même lettre, vous pouvez chercher…(note du chien : il s'agissait de Hugh Howey)



Plus anecdotique, lors d'une émission - une table ronde ? - consacrée à la science, une de vos invitées s'est emportée sur le fait que vous parliez de SF dans une émission à priori sérieuse.

C'était lors d'un forum organisé à la Sorbonne sur un sujet autour de l'intelligence artificielle et c'est Laurence Devillers qui avait dit effectivement qu'elle pensait que c'était une émission sérieuse et que nous n'étions pas là pour faire de la science-fiction.
Je lui pardonne car ce sont des émissions qui sont enregistrées en public. Et souvent les invités, dans ces cas-là, font ce que l'on appelle la "claque" : ils font un peu de spectacle et outrepassent leurs positions pour s'attirer l'approbation du public. C’est ce qu’elle a essayé de faire. Je l'ai un peu reprise à la volée car ce n'était pas très malin d'opposer science et science-fiction, on peut faire des émissions très sérieuses en prenant la science fiction comme modèle, ça ne décrédibilise pas le propos. Surtout pour ce qui est de l'intelligence artificielle, où on peut particulièrement se référer à ce genre de littérature qui l'a parfaitement illustré et a certainement contribué à dessiner les contours de la recherche en robotique. C'était plus un petit moment d'humeur qu'autre chose.


De la SF plein la valise !


Depuis deux ans, avant la période estivale, vous organisez une table ronde avec les éditeurs et journalistes SF, il y a beaucoup de monde, l'ambiance est à la franche camaraderie. Aurons-nous la chance d'une troisième édition ?

Oui bien sûr : de la SF plein la valise, c’est l’occasion de faire le plein d’idées avant les vacances pour que les auditeurs puissent piocher dans les propositions faites par les différents invités, et profitent de l’été pour découvrir soit des classiques, soit des nouveautés autant en littérature qu’en cinéma, en séries ou en jeu vidéo… On ne dérogera pas à la règle cette année, ce sera une nouvelle fois la dernière émission de la saison !
De la SF plein la valise : 2017 - 2018



Comment en êtes-vous venu à la SF ?

Très tôt et très naturellement. Le point de départ était après avoir lu Le Horla de Maupassant vers 12-13 ans, qui m'avait fait peur. En en parlant avec mon père, il m'a conseillé un auteur qu'il lisait lorsqu’il avait mon âge et lui avait foutu la trouille : c'étaient des nouvelles de Lovecraft. Je me souviens très bien de ma première lecture de Cauchemar à Innsmouth : j'étais dans une maison à la campagne et j'ai eu une trouille bleue, il pleuvait dehors, j'avais vraiment les pétoches. C’est le point de départ. Mon père aimait bien la SF, c'est lui qui m'a un peu orienté vers ça, il m'a mis Frank Herbert entre les mains, il adorait Philip José Farmer, Asimov, Tolkien. Il m'a ouvert aux littératures de l'imaginaire. C'est marrant car mon père était un type assez terrien mais il a été fan de SF jusqu'à la fin de sa vie. C'est même moi qui lui ait offert Spin, il a lu toute la trilogie. Et lui m'offrait des Stephen King, nous avions cet échange littéraire là.



Et la fantasy, vous n'en parlez pas dans vos émissions ?

Ce n'est pas dans le cahier des charges de l’émission car c'est moins science based. Et j'aime moins tout simplement. J'ai beaucoup lu Tolkien, beaucoup joué à Tolkien d'ailleurs, j'étais un grand jour de jeu de rôle adolescent. Mais j'en lis assez peu aujourd'hui.



France Culture dédie régulièrement son antenne à la SF, notamment avec Mauvais genres, ou les Fictions, est ce que cela est dû à une de ses obligations en tant que chaîne publique ou est-ce simplement du fait des présentateurs ?

C'est vraiment du fait de François Angelier, de Blandine Masson, responsable de la fiction à France Culture. Elle a fait d'ailleurs un des premier un podcast natif en sélectionnant un projet SF l’Appel des Abysses. Je ne crois pas qu’il y ait de cahier des charges particulier sur la chaîne, mais en revanche, il y a des gens qui aiment la science-fiction et qui veulent la défendre.



Il me semble que France culture a une représentation élitiste auprès du public, la SF une connotation assez populaire, n'y voyez-vous pas une certaine dichotomie ?

Lors des derniers résultats d’audience, nous avons fait la plus grosse progression sur les 35-45 ans. France Culture n'est plus du tout la radio élitiste, un peu fermée aux parisiens et parisiennes qu'elle était il y a quelques années. Cela s'est beaucoup démocratisé, rajeuni. Il faut casser cette image-là, elle n'est plus opérante. La représentation que vous vous faites de France Culture est une image galvaudée qui ne correspond plus à la réalité. Il y a plein d'endroits à France Culture, comme l'émission Les chemins de la philosophie qui explique la philosophie avec Game of thrones ou avec Alien, La dispute d'Arnaud Laporte parle de Avengers,... La culture populaire a intégré les ondes de France Culture très largement et depuis de nombreuses années.



Sur votre fiche wikipédia, il est noté que vous avez obtenu un bac D, donc orienté biologie, puis que vous vous avez poursuivi vos études en Lettres, pourquoi ce grand écart ?

Ce sont de vieux dossiers ! Je voulais faire Médecine pour être neurochirurgien, je voulais mettre mes doigts dans le cerveau des gens, mais je n'étais pas très solide ni en maths, ni en physique. J'étais par ailleurs un grand lecteur et, lorsque j'ai vu que je ne pourrais pas accéder à une fac de médecine compte tenue de mes résultats scolaires, et comme ce n'était pas vraiment ce que je voulais faire de ma vie, je me suis orienté spontanément vers la littérature. Parce que j'écrivais, parce que j'ai toujours eu un comportement littéraire, au sens de lecteur, de scénariste ou d'écrivain.

Tentative de ressemblance avec Tom Selleck ? source


Vous avez exercé en tant que professeur de lettres, comment en êtes-vous arrivé à la radio ?

J'étais un fan inconditionnel de la radio. Je n'ai jamais eu la télé chez moi, sauf quand je vivais avec des gens qui l'avaient, et je ne la regarde pas. J'ai toujours écouté la radio, de tout temps. Adolescent, j'écoutais une radio pirate, Radio Flash Megastar, en grandissant France Inter. J'adore ce média, j'ai toujours adoré ce média. J'ai fait des petits boulots, j'ai bossé sur internet dans des petits médias qui m'ont permis d'obtenir ma carte de presse. J'étais donc journaliste et je me suis dit que je pouvais faire de la radio. J'ai toqué à la porte de Radio France en leur disant "Regardez, j'ai une carte de presse !". On m'a répondu que j’étais bien mignon, mais qu’avant de présenter une émission aux auditeurs de France inter, il allait falloir apprendre un peu et avoir quelques heures de vol au compteur. Je suis donc allé dans le sud ouest à France Bleu Béarn commencer ma carrière de pigiste.



France Bleu, France Inter, France Culture, France 5 : le service public, un choix de circonstances ou politique ?

C'est politique. Cependant, lorsque j'étais à France 5, je travaillais pour une société de production privée. Mais à la radio, je ne pourrais pas aller travailler dans le privé - je le dis en tout état de cause parce que l'on m'a fait des propositions pour y travailler à quelques moments de ma carrière. Il y a une liberté éditoriale. Le service public me tient à coeur, faire oeuvre de service public est très important pour moi. France Culture est ma maison d'amour, j'étais très heureux de pouvoir y rentrer et quand je suis parti à France 5, je me suis dit je pars, mais je reviendrais. Et je suis revenu.

Une équipe du Cercle © Canal+ / Xavier Lahache


Vous collaborez à l'émission de critique cinématographique "Le cercle" sur Canal + , comment en êtes vous arrivé là ?

C'est une émission de cinéma que j'adore. J’ai commencé ma carrière radiophonique, en tant journaliste, reporter, présentateur de journal d’info généraliste. Puis je suis passé à la culture, ce qui m'a amené à faire l'émission Déjeuner sur l'herbe à France Culture. Puis j'ai été appelé à faire le journal de la culture chez Laurent Goumarre, qui m’a appelé pour être rédacteur en chef à Entrée libre avec lui ; ma deuxième partie de carrière était très culturelle. Quand on m'a proposé de faire une émission scientifique, j'avoue avoir eu un petit pincement d'abandonner la culture et ce milieu que je commençais à connaître, surtout le cinéma qui est très important pour moi, au moins aussi important que la littérature. J'adore le cinéma de genre, d'horreur notamment, j'écris des scénarios, j'ai réalisé des courts métrages, des clips. Quand Alain Kruger, le producteur du Cercle, une émission que je regarde, et dans laquelle bosse mon ami et co-scénariste Simon Riaux, j'ai foncé car c'est une belle émission, un réel endroit pour parler de cinéma et cela me permettait de garder un lien avec ce média d'amour et cette culture cinématographique qui fait partie intégrante de mon identité culturelle





Nicolas Martin et Hilary Clinton• Crédits : Radio France
Vous êtes donc réalisateur, avec des courts métrages. J'ai lu que vous étiez en train de faire un film. Vos oeuvres audiovisuelles sont elles disponibles en ligne ?

Je suis en train d'écrire un long métrage en cours de pré-production, c’est un film qui fait peur, pas un film d’horreur mais dans le style horrifique qui peut vraiment foutre la trouille. C'est ma culture aussi, je suis tombé dedans à 13-14 ans. Il y avait un vidéo club spécialisé dans les film d'horreur qui avait ouvert en bas de chez mes parents, donc j'ai acheté un magnétoscope et j'y allais tous les week end louer avidement des vidéocassettes. Entre le moment où j'ai acheté le magnétoscope et le moment où je suis parti de chez mes parents, cinq ans plus tard, j'avais vu tous les films à quelque rares exceptions près, à tel point que parfois le gérant m'apportait ses propres collections. J'adore le grand quignol, j'adore ces univers sombres, bordéliques, légèrement sanguinolent. Comme Lovecraft, c’est ma culture.
Certaines de mes oeuvres sont disponibles sur le site post-mortem.org.



Toujours sur Wikipedia, il est indiqué que vous avez créé le collectif les « OUTragés de la République » lors de la loi sur le Mariage pour tous. Pourquoi ce collectif ? Quels sont ses buts ? En faites-vous toujours partie ?

J'en fais toujours partie, du moins officiellement, car l'association a été déposée au journal officiel. C'est une autre partie de mon activité. A un moment donné, lors de la première partie du débat sur le mariage pour tous, avec mon copain de l'époque, ce qui traversait la société nous était insupportable, alors qu'on ne réclamait pas monts et merveilles, juste l'égalité des droits en terme de conjugalité et de parentalité. Avant que la loi ne soit défendue par Christiane Taubira, il y avait cette fameuse Frigide Barjot - Virginie Tellenne de son vrai nom - qui était sur tous les plateaux de télé en disant des horreurs et qui avait peu ou prou aucuns contradicteurs. Le jour où François Hollande a dit aux maires au lendemain de cette énorme Manif pour tous, qu’ils auraient la liberté de conscience, c'est devenu insupportable pour nous. Avec des amis, nous nous sommes dits que nous ne pouvions pas laisser passer cela, et en discutant sur Facebook, nous avons décidé de manifester, mais pas à l'Elysée car on aurait été dégagé manu militari. On a décidé d'organiser, le lundi pour le mardi soir, une manif devant le siège du parti socialiste à Solferino. On pensait qu'on allait être une trentaine et le mardi soir, nous étions environ 1000. Nous avons été reçu par le porte parole du PS pour discuter. Je n'étais pas dans une association, et je me suis retrouvé à parler dans un mégaphone, à parler aux gens. Parler aux gens, je sais faire et comme j'ai une grande gueule, que j'avais un réseau, j'ai décidé d'aller empêcher Frigide Barjot ou Christine Boutin d'aller raconter des horreurs, d’aller sur leur propre terrain. Au début, je m'invitais dans les émissions et je prenais le micro, puis au fur et à mesure, nous nous sommes dit qu'il fallait avoir une structure pour être représentatifs et nous avons créé cette asso avec des amis pour avoir un titre officiel pour les médias. Et je suis devenu porte parole des OUTragés de la République, pour aller défendre cette parole et empêcher ces gens de faire plus de mal qu’ils n'étaient en train de le faire à la société. Comme je n'avais pas d'agenda politique ou associatif, j'avais une parole totalement libre, je pouvais vraiment leur tenir tête sans avoir peur d’avoir un mot de travers car après, je me foutais des conséquences. Je voulais juste, à chaque fois qu'ils disaient des horreurs, être là et leur dire : “Non, vous ne pouvez pas dire ça, continuer à dire vos horreurs, faire du mal à la société, faire mal à des gens, à des gamins, qui à 12 -13 – 14 - 15 ans se découvrent homosexuels et à qui vous ne cessez de dire qu'ils ne sont pas normaux, qu'ils n'ont pas le droit de se marier, qu'il ne faut pas qu'ils fondent de familles, qu'ils sont des parias de la société”. Surtout quand on connaît la prévalence de suicide chez ces jeunes adolescents qui est entre 3 et 7 fois supérieur à celle des adolescents hétéros. J'ai toujours été très engagé politiquement, et là ça été un moment important pour moi d'utiliser, et mon aisance à parler, et mon réseau pour incarner cette cause politique dans la mesure du possible et essayer de la faire avancer à ma petite mesure. Je n'ai somme toute pas fait grand chose, mais si cela a pu porter un peu, si certain gamins ont entendu mon message, j'aurais au moins servi à quelque chose.

Nicolas Martin, militant et fondateur du collectif "les OUTragés de la République" (Xavier Héraud/Yagg.com)


Le traitement médiatique de la tuerie d'Orlando vous a choqué, par l'invisibilité des victimes appartenant à la communauté LBGT. D'un autre côté, il me semble que cette communauté soit plus visible au cinéma, à la télé, dans la littérature depuis quelques temps. D'après vous, pourquoi avoir voulu cacher l'orientation sexuelle des victimes ? Serait-ce un symptôme du PFH, concept cher à Hubert Reeves ?

Le putain de facteur humain. Avec Orlando, je ne pense pas que les gens l'ont fait exprès, qu'ils ont fait attention à ne pas dire cela. C'est juste que les gens sont tellement atterrés, ne réalisent pas qu'à un moment donné, l'origine d'un meurtre de masse, d'une telle violence ait une origine homophobe. En effet, les lois progressent, mais elles progressent très timidement : il ne faut pas oublier qu'en France, la PMA est toujours interdite pour les femmes, que les statuts des personnes transsexuelles ou intersexes est scandaleux, que le statut des personnes LGBT migrantes qui viennent ici soit pour chercher refuge pour sauver leur vie, soit parce qu'elles sont malades, on les traite comme du bétail. Il y a encore des problèmes structurels autour de l'identité de genre et de l'identité sexuelle qui ne sont pas résolues, comme sur la reconnaissance des enfants des familles homoparentales. Ce n'est pas parce que l'on a fait le mariage que tout va bien, il y a encore beaucoup de combats à mener, il ne faut pas se tromper là-dessus.

Je viens justement de m'enflammer sur les réseaux sociaux et me faire insulter copieusement à propos de la sortie de Pierre Palmade. Quand on voit un type comme lui, une sorte d’humoriste sur le retour de 50 piges qui vient faire son mea culpa parce qu'il est accro au cul et à la coke et qui à un moment donné dit dans l'hilarité générale devant Laurent Ruquier, un homosexuel qui a toujours dit que lui ne voulait pas de mariage avant de changer d'avis, et devant Charles Consigny qui est homosexuel et proche de Christine Boutin, ce qui veut tout dire..

Les gays, ce sont des gens qui mangent gay, qui rient gay, qui vivent gay, qui parlent gay, qui font des films gays. Et les homos, ce sont des gens qui sont homos mais ce n’est pas marqué sur leur front, on ne le sait pas quand ils parlent, on ne le sait que quand on va dans leur chambre à coucher.

Donc il y aurait les mauvais gays et les bons homos qui restent dans leur chambre et qu'on ne voit pas car ils sont invisibles. Je pense au message qu'on envoie aux plus jeunes, qui sont les plus fragiles. Car on oublie que le coming out quand on a 13 ans ou 16 ans, qu'on est isolé, qu’on vit dans une famille homophobe ou que l’on a pas de référent, ce sont des moments de grande vulnérabilité et de grandes souffrances. Alors lorsqu’on voit tout le monde qui se tape les cuisses en disant “Ah AH AH les gays avec les plumes dans le cul, c'est dégueulasse”, c'est un message extrêmement dangereux. C'est la culture de la haine de soi, de l'homosexualité refoulée, et ça envoie des messages horribles car ça continue à affirmer à la société : un bon PD est un PD qu'on ne voit pas ou une gouine qui se cache dans sa chambre et dont on entend pas parler.

Il faut rappeler que les émeutes de Stonewall à New York ont été faites par des personnes trans, par des folles, par des gens extrêmement out. Aujourd'hui, il n'y a pas un bon PD qui s'est bien fondu dans la société et un mauvais PD qui est folle et qui défile avec des plumes dans le cul à la Gay Pride. Les PD, c'est comme les hétéros, il y en a pour tout le monde, pour tous les goûts. L'idée, c’est surtout qu'une société tolérante et démocratique est une société qui les accepte toutes et tous, quel qu’ils et quelle qu’elles soient, quel que soit leur identité de genre, quel que soit leur sexualité. Le but n'est pas de porter sa sexualité en étendard, mais de dire quand on est une minorité, l'identité sexuelle, c'est politique. Car quand on est une minorité, quand on est PD à la rue à Paris et que l'on se fait tabasser la gueule car on a eu le malheur de prendre la main de son copain, et bien oui, l'identité sexuelle, c'est politique !

Les messages qu'il faut faire passer sont des messages d'intégration, c'est faire changer les mentalités et pas continuer à répandre, quand on est un vieux PD toxico qui fait rire tout le monde à la télévision, que le bon PD est celui qui se cache dans sa chambre. Ce n'est pas vrai, c'est dangereux, c'est criminel, c'est bête et c'est méchant.



En parlant d'identité sexuelle et d'égalité, la SF s'empare de plus en plus de ses thématiques, ou à travers des personnages LBGT. Dans mes lectures, je pense notamment à La cité de l'orque de Sam J Miller, mais il y a aussi Ursula Le Guin. Jeanne A Debats. Effet de mode ? Volonté éditoriale ? Ouverture de la société ?

Il y a aussi Sabrina Calvo, Grand prix de l'imaginaire, une autrice transgenre, il faut le dire, c'est important.
Je ne pense pas du tout que ce soit un effet de mode, la SF est un genre progressiste, un genre, comme le dit Alain Damasio, qui est ontologiquement de gauche, un genre qui prend à bras le corps les modifications et les mouvements de la société. Il est logique que la science-fiction s'empare des questions de genre, d'identités. Et ce n'est pas nouveau.



L'écriture genrée, inclusive est une problématique actuelle, certains auteurs utilisent le iel, d'autres l'inclusive. Avez-vous une opinion dessus ?

A titre personnel, je suis pour l'écriture inclusive. Ensuite, comme tous les changements, il ne faut pas que cela soit des changements top/down à imposer à tout le monde. Il faut du temps et laisser les générations futures qui sont beaucoup plus souples sur ces questions-là, se les approprier, les utiliser, de faire attention.
Dans l'émission, je dis toujours autrice, maîtresse de conférences, cela me paraît une évolution normale de la société et de la langue.



Les mots éclectisme et hyperactif semblent bien vous définir. D'accord, pas d'accord ?

Mon équipe et mes proches vous répondraient trois fois oui. J'ai tendance à charger un peu la barque, mais en même temps, ce serait dommage de ne pas le faire maintenant alors que ça marche et qu’on est sur la bonne vague.



Question primordiale, la méthode scientifique est elle renouvelée ?

Je n'ai pas d'information à ce sujet, mais je serais surpris que ce ne soit pas le cas. Mais je n’ai pas d’information officielle.
[Note du chien : Nicolas Martin m’a indiqué avoir reçu l’information officielle ce vendredi 24 mai, La méthode scientifique est renouvelée pour une quatrième saison.]



Le mot de la fin ?

Je suis très content de faire ce job là et de donner cette tribune à la SF et aux littératures de l'imaginaire. Je suis très content que cela se passe sur France Culture, vous parliez de l'image élitiste de la chaîne et j'espère que lorsque l'on jette une oreille à La méthode scientifique, que l'on ne considère pas que cela soit élitiste, peut être juste un peu complexe. Mais la complexité, dans un monde qui tend à l’éviter, à l’effacer, à s’en méfier : c’est justement important ! Parier sur l’intelligence des auditeurs, c’est aller à l’encontre d’une époque où l’on prend souvent les gens pour des imbéciles. Nous, au contraire, on parie sur leur curiosité, sur leur désir d’apprendre, sur le fait qu’ils ne vont pas baisser les bras au premier obstacle, au contraire. On peut se saisir de la science-fiction, la rendre accessible à tout le monde et montrer qu'il n'y pas une littérature noble et une littérature de gare. Ces littératures et ces genres populaires sont au moins aussi intéressants, si ce n'est plus, que les genres dit académiques.



Merci à Nicolas Martin pour sa gentillesse et sa disponibilité.
Merci à toute l'équipe de La méthode scientifique, grâce à laquelle je comprends de mieux en mieux les livres que je lis.

Il s'agit d'une retranscription d'une conversation téléphonique qui a eu lieu le Mardi 07 mai 2019. Le passage de l'oral à l'écrit a nécessité à certains moments une réécriture, toutes erreurs, toutes approximations sont donc de mon fait.


https://www.francebleu.fr/emissions/100-nature/un-clip-pour-un-groupe-norvegien-tourne-dans-la-foret-landaise-par-nicolas-martin



Retrouvez tous les podcasts de La méthode scientifique sur le site de France Culture
Le compte Twitter de l'émission
Son site Post Mortem - les petits contes cruels de Nicolas Martin


Ce que je disais de quelques émissions



Durant 3 jours, j'ai fait du teasing sur Facebook pour tenter de vous faire découvrir l'invité, ou plutôt faire monter le suspense. Voici les explications :

Vendredi :
un micro onde : Micro + Ondes

Samedi :
Spock : Allusion au générique de l'émission


 Dimanche :
Un manchot, allusion à son futur documentaire "Un été en Antarctique"


Ondes Futures du samedi 25 au vendredi 31 mai 2019

mai 24, 2019

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.


Cette semaine sur les ondes :

Après Faire des sciences avec Star Wars, tout aussi amusant, Faire des sciences avec les nazis;
Pendant ce temps là, les cowboys font front contre les envahisseurs;
Et d'autres cherchent désespérément le formulaire 27B /6.

Tout cela et bien plus encore
En ligne sur Wakelet : https://wke.lt/w/s/Gid99z





Les hommes protégés

mai 23, 2019

Robert Merle, Folio, 1974, 448  p., 10€ papier




Les écrivains de SF (même publié en blanche) ont de l'imagination à revendre : inventer un monde où les femmes seraient au pouvoir ! La suspension consentie de l'incrédulité n'a qu'à bien se tenir.

Présentation de l'éditeur :


A la suite d'une épidémie d'encéphalite qui ne frappe que les hommes, les femmes les remplacent dans leurs rôles sociaux, et c'est une Présidente, Sarah Bedford, féministe dure, qui s'installe à la Maison-Blanche. Le Dr. Martinelli, qui recherche un vaccin contre l'encéphalite, est enfermé avec d'autres savants à Blueville, dans une « zone protégée ».
Je censure le reste qui dévoile l'intrigue et résume le livre !!!


Mon ressenti :


Une épidémie mortelle frappe la gente masculine. Afin de continuer à faire tourner la machine, les femmes s'installent au pouvoir, politique, économique et social. Renversement des rôles sociaux avec à la tête de la Maison blanche, une féministe pure et dure. Le Dr. Martinelli travaille sur la recherche d'un vaccin, mais comme il est un mâle, il est protégé des autres hommes pour ne pas être contaminé. Toute la question est de savoir si il est protégé ou prisonnier ?

Suite à ma lecture du roman Les assoiffées de Bernard Quiriny, deux blogueurs (TmbM et Lekarr76) m'avaient vivement conseillé ce livre de Robert Merle. De bons prescripteurs ?

Le combat féministe ne date pas d'aujourd'hui. Déjà dans les années 60-70, certaines avaient voulu quitter les fourneaux. Robert Merle, qu'on ne présente plus (Malevil, La mort est mon métier) avait alors imaginé un monde matriarcal oppressant pour les quelques mâles restant.

Comment après des années de patriarcat, changer la société ? La ligne revancharde prônée par la présidente des Etats-Unis provoque un séisme, les hommes deviennent des parias. certains, pour montrer leur bonne foi, préfèrent devenir ablationnistes (je vous laisse le soin d'imaginer ce qu'il en retourne), d'autres choisissent la liberté et ses chemins de traverse et d'autres, de part leur connaissances, sont protégés pour servir les intérêts patriotiques.

Dans un monde en huis clos, l'auteur distille peu à peu les éléments de cette société, en tirant les conséquences psychologiques et  sociétales d'un tel paradigme. D'un début outrancier, une dictature féministe, chaque personnage apporte par la suite une touche de nuance, en particulier le Dr. Martinelli qui s'interroge de plus en plus sur l'ancien monde patriarcale et misogyne.
Le thriller pêche par moment mais nous sommes légèrement dans la Commedia dell'arte même si le fond est sérieux. Certaines situations sont surjouées, le personnage principal est un peu macho, un charmeur italien qui a du mal à ne plus tenir le haut du pavé. Ce qui fait que l'on passe un bon moment de détente, tout en se posant quelques questions sur l'égalité entre les sexes et quelques milliers d'années d'oppression masculine.

Un roman qui n'a rien perdu sa force critique



Quelques citations :

Je n’aime pas trop la façon cynique dont ce vif jeune homme parle de son patron. Il traite tout d’un peu trop haut, Cresby, y compris l’encéphalite 16. Il a tort. Il est peut-être né, en ce qui le concerne, avec une cuillère d’argent dans la bouche, mais la maladie, ce n’est pas comme la misère : ça s’attrape.

Dans la version vulgaire des faits de la vie, on dit que l’homme pénètre la femme. Mais ne pourrait-on pas dire aussi que la femme « entoure » l’homme ?

Il donna l’impression d’être un bon chimiste qui ne voulait pas voir plus loin que sa chimie et qui, par commodité personnelle ou paresse d’esprit, avait fini par élever une cloison étanche entre la science et sa conscience.

Et là, tout d’un coup, je comprends pourquoi dans nos films, si les rapports entre hommes sont souvent convaincants, les personnages féminins, par contre, sont si pâles et si faibles. La raison, c’est qu’on les spécialise dans leur sexe. Elles sont figées dans leur fonction coïtale, maternelle ou décorative. Elles n’existent qu’en tant que femelles de l’espèce. De ce fait, elles n’ont plus aucune possibilité de se développer, et de devenir intéressantes.

Je trouve qu’il ne faut pas se tromper d’ennemi. L’homme n’est pas un ennemi – même s’il joue souvent à l’égard de la femme un rôle négatif. Il ne faut pas confondre l’acteur qui joue le rôle avec celui qui écrit le scénario.
— Et qui a écrit le scénario ?
— La culture misogyne dont nous avons hérité.
— Bedford vous dirait que c’est l’homme qui a fondé cette culture.
— Oh, écoutez, docteur, il y a si longtemps ! On ne va quand même pas frapper l’homme d’un second péché originel. [...]
— Je vais vous étonner, dit-elle. Il y a même des jours où je me demande si c’est bien exact que la femme se libère par le travail.
— Oh, quand même, ça, c’est vrai !
— C’est surtout vrai pour les penseuses de LIB. Elles sont avocates, médecins, journalistes. Bref, une élite. Mais pour une ouvrière dans une usine, vous trouvez que c’est très « libérateur » de faire un travail à la chaîne, avec un contremaître sur le dos ?

Je n’ai pas prévu qu’à mi-chemin, j’aurais à passer devant une bonne vingtaine d’ouvrières du Bâtiment qui font la pause casse-croûte assises sur le trottoir. Quand je les vois, c’est trop tard. Il faut passer. Ce que j’essaye de faire les yeux baissés, feignant l’indifférence. Mais je n’aurais jamais imaginé ce qui suivit. Jusqu’ici, dans mes déambulations, tout s’était borné à quelques frôlements, interpellations, sifflements, voire une fois ou deux, à des propositions grossières. Mais ici est-ce le beau soleil, le désœuvrement de la pause, le peu de passage à cette heure ? Du plus loin qu’elles m’aperçoivent, les ouvrières me fixent et me détaillent avec des yeux comme des soucoupes et dès que je suis à distance audible, elles m’interpellent. C’est un déchaînement inouï. Il y a quelque chose de méprisant et de sadique dans ce déshabillage, une sorte de viol verbal dont la violence m’atterre. Je feins la surdité, je passe, je n’ose presser le pas, je ne voudrais pas les provoquer en ayant l’air de fuir. Peine inutile. Devant moi se dresse une grande fille, le visage couvert de taches de rousseur. Ses yeux bleus perçants lui sortent presque des orbites, elle est ruisselante de sueur et me barrant le passage, elle crie, au milieu des rires et des encouragements : les filles, ce petit mignon, je vais me le farcir ! Elle me saisit avec force par les bras, me serre à m’étouffer et m’embrasse sur la bouche. Ses lèvres sont chaudes et il émane d’elle une forte odeur. Je me débats, je crie, je lui échappe, mais d’autres mains m’agrippent. Les filles, en poussant des cris, se ruent à l’assaut, s’agglutinent en grappes autour de moi. Petit mec ! dit la blonde au milieu des rires, en me serrant de nouveau le cou dans le creux de son bras gauche, faudrait voir à nous aider à faire notre devoir patriotique !

Les Meurtres de Molly Southbourne

mai 20, 2019

Tade Thompson, Le Bélial, 2019, 140 p., 5€ epub ans DRM


Mes parents m'ont toujours dit que ce n'était pas bien de tuer, mais Molly n'est pas ma soeur, et ses parents ne sont pas les miens. Heureusement, car je serais mort à cette heure plutôt que de vous parler de cette novella.

Présentation de l'éditeur :


Molly est frappée par la pire des malédictions. Aussi les règles sont-elles simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge.
Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bas-toi.
Ne saigne pas.
Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent.
Si tu trouves un trou, va chercher tes parents.
Molly se les récite souvent. Quand elle s’ennuie, elle se surprend à les répéter sans l’avoir voulu… Et si elle ignore d’où lui vient cette terrible affliction, elle n’en connaît en revanche que trop le prix. Celui du sang.


Mon ressenti :

Donc Molly tue. Pas par plaisir, ni par sadisme, elle n'est pas non plus une tueuse en série, encore que, elle en a tué des gens, au point de ne plus connaitre leur décompte.
Non, Molly tue pour sauver sa peau, tuer ou être tuer, c'est son sacerdoce. Et Molly va vous raconter son histoire peu banale. Et en même temps, tenter de comprendre la sienne.

Une fois les premières lignes commencées, il vous sera difficile de ne pas le lire d'une traite, bien que la fin étant en même temps le début du livre, on connait, croit connaitre, toute l'histoire.
Au fil du récit, l'enfance traumatisante puis le passage à la vie adulte, tentant vainement de trouver un conformisme impossible, Molly va en essuyer des vertes et des pas mûres.
Dans la veine fantastique horrifique, l'auteur nous parle de la femme, de son corps, de la maternité et de l'enfantement. Une fois le livre fermé, j'ai pensé au film Carry au bord du diable Carrie au bal du diable, car on ne sait pas réellement si Molly n'est pas tout simplement folle, et que tous ces événements ne sont pas issues de sa psyché dûe à une éducation parentale défaillante.
Après, comme le dit Tade Thompson, toutes les interprétations sont bonnes, à vous de trouver la votre.

Tuez net l’auteur et laissez les lecteurs prendre ce qu’ils veulent de l’œuvre pendant qu’ils dansent sur sa tombe barthésienne

Deux raisons pourtant font que je n'ai pas tout à fait apprécier ce texte.
L'une d'elle est l’invraisemblance du comportement de Molly, qui se laisse porter par la vie plutôt que de passer un interrogatoire à ses parents pour comprendre sa particularité, ainsi que 2-3 autres choses détaillées chez Artemus Dada
L'autre est que je trouve que l'auteur a voulu trop aborder de sujets et permet une abondance de niveaux de lecture, et que cela transpire dans son texte, remplis en outre de références littéraires. Moi, j'aime les textes binaires.

Un texte que je vous conseille de lire comme un thriller, sans trop vous attarder sur les multiples sous texte, vous pourrez le relire et vous torturez les neurones par la suite.

L'éditeur a eu la bonne idée d'insérer une interview de l'auteur, donnant quelques clés de compréhension, ou bien vous perdre encore plus...
Je précise que des suites sont prévues, mais ce tome se suffit à lui même.

Pour d'autres avis, je vous renvoie sur le forum du Bélial qui les répertorie.

Ondes Futures du samedi 18 au vendredi 24 mai 2019

mai 17, 2019

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.


Cette semaine sur les ondes :

L’apocalypse est enfin là, France Culture te livre ses derniers conseils;
Et même si la météo fait des siennes, offrez vous une ultime promenade avec des envahisseurs.

Tout cela et bien plus encore
En ligne sur Wakelet : https://wke.lt/w/s/MbEzXL





Futur antérieur - Destination lune : deux expos en pays Ch'ti

mai 16, 2019

En Nord Pas-de-Calais, il n'y a pas que des beffrois, des mines, des frites, du maroilles ou du genièvre, il y a aussi les genres de l'imaginaire ou les sciences qui sont régulièrement mis à l'honneur.
Il y a le MOOC SF ou Fantasy, la BU d'Arras organise régulièrement des expositions (ici ou ici), ou encore le festival Atrebatia...

Petit arrêt sur deux expositions temporaires qui valent le détour.



Futur antérieur, trésors archéologiques du 21e siècle après J.-C.

Du 16 mars au 16 juin 2019
Maison de l'archéologie du Pas-de-Calais, Dainville
Gratuit
Site web

Présentation :


Que restera-t-il de notre civilisation dans 2000 ans ? Comment les archéologues du futur étudieront et comprendront notre société ? Pour le savoir, vous allez franchir 2 millénaires …
En 4019, le 21ième siècle n'est plus qu'un passé depuis longtemps oublié. La mémoire écrite et audiovisuelle a été effacée, victime de ses supports trop fragiles. Nos déchets actuels, bien que nombreux, se dégradent rapidement dans le sol, sont recyclés ou détruits pour la plupart. Ne subsistent alors que des objets fragmentaires en métal, en verre, en terre cuite ou en pierre, exhumés ici ou là et qui seront les seuls témoins de notre quotidien.
Des archéologues tentent alors de décrypter le fonctionnement de notre société à travers ces objets privés de leur contexte qui seront savamment transformés en reliques archéologiques.
Gardez à l’esprit que dans cette exposition, le présent est un passé depuis longtemps révolu… N’oubliez pas d’oublier.
Exposition réalisée par la Cité de la Préhistoire d’Orgnac, en collaboration avec le Musée romain de Lausanne-Vidy Suisse, d’après l’exposition conçue à Lausanne en 2002. Adaptation Département du Pas-de-Calais.

Mon ressenti :

Dès la porte franchie, on s'en prend plein les mirettes, c'est beau, futuriste :






Comment le futur percevra notre présent, telle est la question ici.
Une frise dévoile les grandes périodes du futur, et tout ce que vous avez lu et vu en SF se réalisera !
2150, guerre des clones; 2842, Etat flottant et en 3650, enfin, la première rencontre extraterrestre.


Puis vient une collection d'objets retrouvés dans les fouilles effectuées par les archéologues du futur.
A quoi pouvez donc servir toutes ces trouvailles, comment les humains vivaient en 2000, quels étaient leurs dieux ? Autant de questions dont les réponses sont pleines d'humour et de second degré. Et peut être pas si insensé que cela pour des gens vivant dans un monde en paix, sans adoration d'Etre supérieur. Autre temps, autre moeurs.
A travers plusieurs thématiques - outils et techniques, villes, croyance, art - le monde d'aujourd'hui se dévoile.





''Regarde ton Dieu. Repars trouver ton peuple.
Dis-lui que tu as vu son idole. Dis lui de venir me trouver tout de suite.
Dis lui d'aller raconter aux autres tribus que leur grand-maître vient d'être enfin réincarné.''
Ludwig von 88


Une exposition pour réfléchir à ce que nous laisserons aux générations futures. Des déchets, surtout, un tempérament belliqueux, de l'idolatrie...
Juste un petit bémol, histoire de critiquer, il y a peut être une certaine redondance qui s'installe dans l'analyse des objets retrouvés au fur et à mesure de la visite. Mais c'est tellement bien réalisé que je leur pardonne. Et à ce prix là.
J'y ai passé un agréable moment de détente, de réflexion aussi. Bon pour les zygomatiques et les neurones.
C'est une exposition itinérante, si vous n'habitez pas au pays de la chicorée, peut-être aurez vous la chance de la voir s'installer à votre porte.
Vous pouvez y emmener sans problème vos mioches, des petites activités ludiques parsèment le parcours, et vous pourrez vérifier leur capacité d'attention, un livret à leur destination vous est donné à l'entrée.

Et avant ou après l'exposition, je vous conseille un petit resto sans prétention où vous pourrez déguster de la bonne cuisine locale : le Carpe Diem* à Arras. Sans prétention, mais le goût est là.
A moins que vous ne décidiez de faire un saut au Musée du Louvre Lens, sur le chemin, vous pouvez vous arrêtez A l'Fosse 7* à Avion pour y déguster des mets du coin dans une ambiance minière.




Destination lune

Du 15 avril au 1er septembre
Arkeos, Musée parc archéologique, Douai
8€, Gratuit les 1er dimanches du mois

Présentation :

Mercredi 12 septembre 1962, le président des États-Unis d'Amérique John Fitzgerald Kennedy lance dans un discours mythique la course à la Lune. Une course rêvée depuis bien longtemps déjà par nombre d'écrivains et compositeurs et qui va entraîner dans un élan unique l'ensemble de l'humanité jusqu'à cette nuit du 20 au 21 juillet 1969 où le petit pas de Neil Armstrong va devenir un bond de géant pour l'humanité.
Le moment est donc venu de nous saisir de cette opportunité historique, non seulement pour revivre cette épopée en compagnie de celles et ceux qui en ont été témoins, mais aussi pour offrir un autre regard sur cet astre des nuits, objets de tant d'interrogations et de fascination.
L'exposition "Destination Lune" entend marquer les 50 ans de la première exploration humaine de cet astre qui sera présenté sous toutes ses facettes : historique, scientifique, littéraire, musicale, pictural, spatiale…


Mon ressenti :

Après la terre, destination la lune.


Pour fêter les 50 ans des premiers pas de l'homme sur la lune, une rétrospective interdisciplinaire : objets, photos, livres, musiques, sciences. Fort riche en document divers, de nombreux panneaux guident le chaland. Je n'ai pu malheureusement pas m'y attarder comme j'aurais voulu pour apprécier - ou critiquer ? - les différents espaces. J'y suis passé le premier dimanche du mois, c'est gratuit, et les organisateurs de l'expo y étant présents, ils ont improvisés une visite guidée gratuite. Qui a dit que les gens du Nord n'étaient pas chaleureux ?













Vous pouvez y venir avec vos petits diables hautains, ils pourront tenter de reconstituer Saturn 5, se prendre en photo en habits de cosmonautes ou poser au côté de la plus célèbre fusée.

Après une heure de vaines tentatives, mon bilan, peu glorieux.

Les conspirationnistes y trouveront la justification de leurs thèses.
 
Héritiers d'Hergé, vérifiez qu'Arkéos a bien payé la licence.

N'oubliez pas d'aller visiter le parc accessible depuis la grande passerelle surplombant le canal, un chantier qui se déroulera sur quelques dizaines d'années, reproduisant un village du haut Moyen-âge d'après les vestiges retrouvés, permettant à terme la restitution de trois ensembles : une occupation villageoise, une motte-féodale et une abbaye. Les bâtiments anciens y sont reconstruits avec les techniques de l'époque : ni clou ni vis nous dirait Pattex !
 
Alors, il pleut toujours dans le Nord, Dany ?

Rustique, mais authentique !

Les étrangers ne passeront pas ! Il y a des choses qui ne changent guère, ...

Une friterie d'époque ?

A terme...


Ayant déjà manger ch'ti le midi, je vous conseille un peu de dépaysement avec la très bonne cuisine asiatique du resto Au Gourmet d'Indochine* à Douai. Un peu cher, mais de la cuisine minute.





* Si vous dites venir de la part du chien critique, un os à la moelle vous sera offert gracieusement.
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