René Barjavel, 1968, Pocket, 416 p., 8€ papier
La science libère l'homme, le politique l'asservit.
Présentation de l'éditeur :
Au pôle Sud, les membres d'une expédition internationale sont en émoi. Ils ont détecté, sous 1 000 mètres de glace, des ruines gigantesques, enfouies depuis 900 000 ans et d'où s'élève un signal régulier. Que vont-ils découvrir ?
Mon ressenti :
Ayant lu par imprudence un roman de René Barjavel, il y a quelques temps, le voyage en Antarctique de Nicolas Martin m'avait donné envie de retrouver l'atmosphère du pôle Sud. Considéré comme un classique de la SF, paru en blanche comme il se doit, que vaut cette nuit des temps ?
On démarre assez classique avec une expédition scientifique qui découvre des ruines dont l'existence est impossible selon les connaissances de la science et de l'Histoire de la Terre. Nous sommes en plein mythe de la civilisation disparue.
Mais là où souvent s'arrête l'histoire, Barjavel prend un virage assez novateur dans la forme, il nous narre les événements d'il y a un million d'années. On part dès lors en pleine utopie où la science a permis des progrès fulgurants grâce à l'équation de Zoran : l'énergie universelle. Chaque citoyen y a accès librement, la vie est belle et douce. Utopie oblige, la dystopie n'est cependant jamais loin...
— Je ne comprends pas ce qui le rend si dur, dit-il. Il est pratiquement pur.— « Il », quoi « il » ? Quel est ce métal ? demanda Léonova énervée.Hoover était un géant roux ventru et débonnaire, aux mouvements lents. Léonova était mince et brune, nerveuse. C’était la plus jolie femme de l’expédition. Hoover la regarda en souriant.— Quoi ! Vous ne l’avez pas reconnu ? Vous, une femme ?... C’est de l’or !...
La lecture vaut surtout pour sa critique des médias et pour la place accordée à la science, même si elle reste ancrée dans l'imagerie de l'époque. Les items sont classiques, le thriller aussi et certains événements font parfois lever les sourcils ou offrent un peu de sport à nos zygos. Paru en 68, le texte en contient les marqueurs, révolution des moeurs, les blocs politiques rappellent le conflit Est/Ouest, toutes les représentations de la SF sont présentes : alimentation à l'aide de pilules, voiture volante... La place de la femme est mi-figue, mi-raisin selon les pages.
Reste une ode à la science, progrès humaniste libérateur de l'Homme et une forme novatrice pour l'époque. Le ton est assez pessimiste, l'homme étant décidément et définitivement un loup pour lui-même.
Ce roman était à l'origine un scénario de film qui n'a jamais vu le jour.
Pour compléter, tu peux toujours écouter ce podcat consacré à l'auteur.
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Défi Cortex |
René Barjavel : une oeuvre à l'abri des ravages du temps

La méthode scientifique du 21 décembre 2018
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Comment
Barjavel est-il devenu une référence de la science-fiction ? Quel fut
son parcours et ses autres vies ? Comment percevait-il le progrès
scientifique ? Quelles furent ses inspirations et qui inspira-t-il ?
Pour parler de l’œuvre de René Barjavel, nous recevons aujourd'hui Pierre CREVEUIL, président de l’association des Amis de René Barjavel, et Natacha VAS-DEYRES, chercheuse associée de l’université Bordeaux-Montaigne et spécialiste de la littérature d’anticipation.
Pour parler de l’œuvre de René Barjavel, nous recevons aujourd'hui Pierre CREVEUIL, président de l’association des Amis de René Barjavel, et Natacha VAS-DEYRES, chercheuse associée de l’université Bordeaux-Montaigne et spécialiste de la littérature d’anticipation.
Quelques citations :
Nous avons quelque chose en commun qui est plus fort que nos différences : c’est le besoin de connaître. Les littérateurs appellent ça l’amour de la science. Moi, j’appelle ça la curiosité. Quand elle est servie par l’intelligence, c’est la plus grande qualité de l’homme. Nous appartenons à toutes les disciplines scientifiques, à toutes les nations, à toutes les idéologies. Vous n’aimez pas que je sois un Russe communiste. Je n’aime pas que vous soyez de petits capitalistes impérialistes lamentables et stupides, empêtrés dans la glu d’un passé social en train de pourrir. Mais je sais, et vous savez que tout ça est dépassé par notre curiosité. Vous et moi, nous voulons savoir. Nous voulons connaitre l’Univers dans tous ses secrets, les plus grands et les plus petits. Et nous savons déjà au moins une chose, c’est que l’homme est merveilleux, et que les hommes sont pitoyables, et que chacun de notre côté, dans notre morceau de connaissance et dans notre nationalisme misérable, c’est pour les hommes que nous travaillons. Ce qu’il y a à connaître ici est fantastique. Et ce que nous pouvons en tirer pour le bien des hommes est inimaginable. Mais si nous laissons intervenir nos nations, avec leur idiotie séculaire, leurs généraux, leurs ministres et leurs espions, tout est foutu !
Vous aimez les escargots, petite sœur ? Ils sont repartis d’au-dessous du barreau le plus bas de l’échelle, et ils ont refait toute la grimpette, ils sont retombés en route, ils ont remonté encore, et retombé, et, obstinés et têtus, le nez en l’air, ils recommençaient toujours à grimper, et j’irai jusqu’en haut, et plus haut encore ! dans les étoiles ! Et voilà ! Ils sont là ! Ils sont nous ! Ils ont repeuplé le monde, et ils sont aussi cons qu’avant, et prêts à faire de nouveau sauter la baraque. C’est pas beau, ça ? C’est l’homme !