La Nuit des temps

mars 30, 2020

René Barjavel, 1968, Pocket, 416 p., 8€ papier




La science libère l'homme, le politique l'asservit.

Présentation de l'éditeur :


Au pôle Sud, les membres d'une expédition internationale sont en émoi. Ils ont détecté, sous 1 000 mètres de glace, des ruines gigantesques, enfouies depuis 900 000 ans et d'où s'élève un signal régulier. Que vont-ils découvrir ?

Mon ressenti :


Ayant lu par imprudence un roman de René Barjavel, il y a quelques temps, le voyage en Antarctique de Nicolas Martin m'avait donné envie de retrouver l'atmosphère du pôle Sud. Considéré comme un classique de la SF, paru en blanche comme il se doit, que vaut cette nuit des temps ?

On démarre assez classique avec une expédition scientifique qui découvre des ruines dont l'existence est impossible selon les connaissances de la science et de l'Histoire de la Terre. Nous sommes en plein mythe de la civilisation disparue.
Mais là où souvent s'arrête l'histoire, Barjavel prend un virage assez novateur dans la forme, il nous narre les événements d'il y a un million d'années. On part dès lors en pleine utopie où la science a permis des progrès fulgurants grâce à l'équation de Zoran : l'énergie universelle. Chaque citoyen y a accès librement, la vie est belle et douce. Utopie oblige, la dystopie n'est cependant jamais loin...

— Je ne comprends pas ce qui le rend si dur, dit-il. Il est pratiquement pur.
— « Il », quoi « il » ? Quel est ce métal ? demanda Léonova énervée.
Hoover était un géant roux ventru et débonnaire, aux mouvements lents. Léonova était mince et brune, nerveuse. C’était la plus jolie femme de l’expédition. Hoover la regarda en souriant.
— Quoi ! Vous ne l’avez pas reconnu ? Vous, une femme ?... C’est de l’or !...

La lecture vaut surtout pour sa critique des médias et pour la place accordée à la science, même si elle reste ancrée dans l'imagerie de l'époque. Les items sont classiques, le thriller aussi et certains événements font parfois lever les sourcils ou offrent un peu de sport à nos zygos. Paru en 68, le texte en contient les marqueurs, révolution des moeurs, les blocs politiques rappellent le conflit Est/Ouest, toutes les représentations de la SF sont présentes : alimentation à l'aide de pilules, voiture volante... La place de la femme est mi-figue, mi-raisin selon les pages.
Reste une ode à la science, progrès humaniste libérateur de l'Homme et une forme novatrice pour l'époque. Le ton est assez pessimiste, l'homme étant décidément et définitivement un loup pour lui-même.

Ce roman était à l'origine un scénario de film qui n'a jamais vu le jour.
Pour compléter, tu peux toujours écouter ce podcat consacré à l'auteur.

Défi Cortex

 

René Barjavel : une oeuvre à l'abri des ravages du temps

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-du-vendredi-21-decembre-2018
La méthode scientifique du 21 décembre 2018
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Comment Barjavel est-il devenu une référence de la science-fiction ? Quel fut son parcours et ses autres vies ? Comment percevait-il le progrès scientifique ? Quelles furent ses inspirations et qui inspira-t-il ?
Pour parler de l’œuvre de René Barjavel, nous recevons aujourd'hui Pierre CREVEUIL, président de l’association des Amis de René Barjavel, et Natacha VAS-DEYRES, chercheuse associée de l’université Bordeaux-Montaigne et spécialiste de la littérature d’anticipation.



Quelques citations :


Nous avons quelque chose en commun qui est plus fort que nos différences : c’est le besoin de connaître. Les littérateurs appellent ça l’amour de la science. Moi, j’appelle ça la curiosité. Quand elle est servie par l’intelligence, c’est la plus grande qualité de l’homme. Nous appartenons à toutes les disciplines scientifiques, à toutes les nations, à toutes les idéologies. Vous n’aimez pas que je sois un Russe communiste. Je n’aime pas que vous soyez de petits capitalistes impérialistes lamentables et stupides, empêtrés dans la glu d’un passé social en train de pourrir. Mais je sais, et vous savez que tout ça est dépassé par notre curiosité. Vous et moi, nous voulons savoir. Nous voulons connaitre l’Univers dans tous ses secrets, les plus grands et les plus petits. Et nous savons déjà au moins une chose, c’est que l’homme est merveilleux, et que les hommes sont pitoyables, et que chacun de notre côté, dans notre morceau de connaissance et dans notre nationalisme misérable, c’est pour les hommes que nous travaillons. Ce qu’il y a à connaître ici est fantastique. Et ce que nous pouvons en tirer pour le bien des hommes est inimaginable. Mais si nous laissons intervenir nos nations, avec leur idiotie séculaire, leurs généraux, leurs ministres et leurs espions, tout est foutu !


Vous aimez les escargots, petite sœur ? Ils sont repartis d’au-dessous du barreau le plus bas de l’échelle, et ils ont refait toute la grimpette, ils sont retombés en route, ils ont remonté encore, et retombé, et, obstinés et têtus, le nez en l’air, ils recommençaient toujours à grimper, et j’irai jusqu’en haut, et plus haut encore ! dans les étoiles ! Et voilà ! Ils sont là ! Ils sont nous ! Ils ont repeuplé le monde, et ils sont aussi cons qu’avant, et prêts à faire de nouveau sauter la baraque. C’est pas beau, ça ? C’est l’homme !

Ondes Futures du samedi 28 mars au vendredi 03 avril 2020

mars 27, 2020

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.


Cette semaine sur les ondes :

Miyazaki et Tolkien s'emparent des mythes et légendes;
Pendant que le ciel inspire les mythes et la science-fiction.


Tout cela et bien plus encore : https://wke.lt/w/s/upmw0m


Imitation Game

mars 26, 2020

Film réalisé par Morten Tyldum, 2015, 01h55



Trois époques pour tenter de décrypter qui est Alan Turing et comment il a cassé le code Enigma.

Synopsis :


Mathématicien de génie, Alan Turing est chargé par les autorités britanniques, dès 1939, de briser Enigma, le code secret utilisé par les Allemands. Une mission de haute importance car cette découverte pourrait mettre fin à la guerre. Il travaille sans relâche au sein des équipes réunies à Bletchley Park. Les relations d'Alan Turing avec ses collègues, Hugh Alexander, Denniston et Nock, sont compliquées, tant le scientifique se montre asocial. Seule Joan Clarke, une jeune femme brillante et avide de liberté, semble le comprendre. Alan Turing finit par la demander en mariage alors qu'il est homosexuel. Un secret qu'il tente de cacher tant bien que mal...

Alan jouant au jeu de l'amour et du cryptage

Mon ressenti :

Enigma vs Christopher
Maths vs Nazis
Secrets vs Mensonges


Deux ans après qu'Alan Turing fut gracié par la Reine d'Angleterre, ce biopic revenait sur ce génie des prémices de l'informatique et de son rôle, longtemps ignoré et tu, durant la seconde guerre mondiale.


Les allemands étant à cheval sur leur vie privée, ils cryptaient tous leurs messages. Les patries de la liberté voyaient d'un mauvais oeil ces petits cachotiers et décidaient, en particulier les anglais dans ce cas, de découvrir comment révéler leurs secrets.
Même si en majorité les événements se déroulent durant la guerre, celle ci reste au loin mais palpable dans les faits et gestes, dans la psychologie des personnages.

Alan jouant au Memory

Alors qu'en ces temps difficiles, tout devrait aller dans le sens de l'effort pour vaincre les nazis, la société reste ancré dans ses représentations : les femmes restent confinées dans leur rôle genrée et les homosexuels doivent cacher leur identité sexuelle (la réalité historique est un peu différente)
La force du film est de ne pas s'arrêter au décryptage du code Enigma, mais d'aller plus loin dans l'Histoire de cette guerre qui révèle bien d'autres surprises...
Je n'aime pas la guerre, les militaires car ce sont toujours une histoire des puissants, de récit national. Faire croire que la guerre a été gagné par l'héroïsme et non par un calcul mathématiques et statistiques ou autres choses est beaucoup plus vendeur. Ce film montre les dessous de la victoire, faite d'innombrables petits faits divers qui mis bout à bout...

Un film qui vaut aussi par l'interprétation de Benedict Cumberbatch qui incarne parfaitement l'image (d'épinal) de ce génie asocial. Encore une fois, c’est un film commercial, et les quelques liens vers Wikipedia (Imitation Game - Alan Turing) montre clairement les quelques simplifications, hiatus à la réalité historique. Dommage de faire de ce matheux un homme asocial, limite autiste de haut vol.
Mais rien n'empêche le spectateur d'aller plus loin...

J'ai beaucoup aimé ce film qui permet de connaitre un pan méconnu de l'Histoire de la seconde guerre mondiale. Pour ma part, j'ai passé un très agréable moment de visionnage,

Alan jouant au jeu de l'imitation


A cette fin, je te conseille l'écoute de cet entretien avec Dermot Turing, le neveu d'Alan qui permet de nuancer pas mal de choses sur sa personnalité sois disant asociale, sur son rôle prédominant dans le décryptage ou encore sur le déroulé de l'Histoire.

En outre, tu y apprendras le rapport entre le la bombe au chocolat et Enigma.

Et surtout, que le code a été cassé pas une, mais trois fois !

Enigma, les secrets du code nazi

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-jeudi-10-octobre-2019
La méthode scientifique du 10 octobre 2019
Téléchargement direct (enregistrer sous)

La fabrique de l’histoire, aidée par la fiction et notre goût collectif pour la jonction entre les drames personnels et les enjeux universels aura retenu que, derrière les lignes de front et le sacrifice de milliers de jeunes gens lors du débarquement de Normandie, la victoire des alliés dans la Seconde Guerre Mondiale a été rendue possible par les travaux d’un génie de l’informatique, qui a réussi à craquer le code allemand Enigma avant d’être poussé au suicide et oublié de tous. Alan Turing est aujourd’hui réhabilité et son neveu Dermot publie aujourd’hui l’histoire de cette machine Enigma mais loin d’être une hagiographie de son oncle. Ce livre est au contraire un document sur la longue et sinueuse histoire de ce déchiffrement et du rôle central de la Pologne et de la France dans ce récit.


Alan jouant à l'homme statue

Bob, textile futé - Tout va bien, dormons tranquilles - Céder la place - Orwell m'a tu

mars 23, 2020

Editions 1115, 32 p., 1€ la nouvelle, epub sans DRM 



Pas un, pas deux, pas trois, pas 1115, mais 4 textes chroniqués ! Il est fou, le chien critique, il est fou !

Bruno, Emmanuel, Luce et Ménéas nous emmènent voyager dans des contrées actuelles ou dans un futur assez proche. Qu'ils s'interrogent sur la technologie, nos comportements alimentaires, culturels ou politiques, tous nous disent attention, chacun de nos actes à des conséquences. Réfléchissez 7 fois avant d'agir.

Bob, textile futé, de Luce Basseterre, 2018

Présentation de l'éditeur : Vous pouvez changer de peau, changer de style, revoir toute votre garde-robe ou endosser de nouveaux costumes. Ou vous pouvez aussi laisser faire Bob.
Bob peut tout changer pour vous, il peut vous transformer, littéralement. Mais attention, Bob ne connaît pas ses limites.
Et si, un jour, il allait trop loin ?

Mon ressenti :
Bob est un textile futé, très technique. Ici, pas question de juste écrire quelques caractères en surimpression, il s'agit d'un tissu révolutionnaire, comme une deuxième peau avec son identité propre. Mais peut-on faire confiance à Bob ?
Sans effet spectaculaire, l'autrice nous amène à réfléchir sur les innovations  technologiques plébiscités par les start-up, s'embarrassant peu de questions éthiques pour mieux se concentrer sur l'argent. J'ai bien aimé l'ensemble, les changements de point de vue sont bien amenés, mais j'aurais préféré un final plus percutant, et j'ai trouvé l'histoire un peu tiré par les cheveux.
Et  désormais, je vais regarder d'un autre oeil les nouveaux tissus technologiques.
La question que je me pose aussi, le Bob du titre est-il un clin d'oeil à Bob l'éponge ?

L'avis de Koyolite


Tout va bien, dormons tranquilles, de Ménéas Marphil, 2018

Empathie, quand tu nous tiens...

Présentation de l'éditeur : Notre héros sort du noir pour plonger dans l'inconnu. Et quel inconnu ! De mécanismes et de rouages, le monde autour de lui tourne comme une machinerie folle, prête à broyer les individus, sans d'autre fonction que de les trier, les ranger et les mener au terme d'un parcours implacable. Mais quel est le terme de ce parcours exactement ?


Pendant ce temps, les cons les plus légers croient que les Glaucons sont en train de leur apprendre à voler. Il leur manque quelques synapses pour comprendre que s’ils sont si légers, c’est parce que la connerie est un truc qui ne pèse que sur les autres.

Mon ressenti : Difficile de résumé le texte sans tout déflorer. Deux personnes se réveillent dans un lieu inconnu sans savoir pourquoi et qui ils sont.
L'auteur déjoue le trope de l'amnésie pour nous plonger dans une sorte d’allégorie sous forme de prise de conscience éthique autour des conséquences de nos comportements de consommation.
Je ne m'attendais pas à cette conclusion qui se révèle un peu trop rapidement pour être fulgurante. Mais c'est bien écrit et, pour moi, correspond à la SF que j'aime : savoir se mettre à la place de l'autre.
Et n'oublions pas, tout va bien, dormons tranquilles...

L'avis du Maki


Céder la place, de Emmanuel Quentin, 2019


Attention à vous lors de votre prochaine visite de musée virtuelle !

Présentation de l'éditeur : Il y a des moments dans la vie pour partir en voyage. Et d'autres pour visiter des endroits insolites. D'autres, encore, pour faire des rencontres qui vous glacent le sang. Et d'autres, enfin, pour céder la place, même si rien ne vous dit que vous la retrouverez en revenant. C'est vrai, si vous en revenez un jour...

Les bribes de conversation des autres participants nourrissent mon insatiable curiosité. Celle-là même qui, sans cesse, me pousse à disséquer le goût prononcé de mes congénères pour l’abject et le sordide.

Mon ressenti : Marre des visites virtuelles offertes par les musées qui se résument bien souvent à une bande son et une réalité virtuelle palote et nauséeuse ? Et bien, embarquez dans ces nouvelles visites 2.0 comme si vous y étiez et pénétrez dans un hôpital psy délabré où certains événements ...
Nous sommes ici a la lisière du thriller à suspense et de la SF. Si vous êtes une poule mouillée effrayée par le moindre bruit, passez votre chemin..
Ici encore, l'auteur déjoue la trame classique d'un lieu commun de la SF (difficile d'être plus explicite) pour nous amener dans des endroits qui font froid dans le dos. Brrr

L'avis du Maki, de Feyd Rautha


Orwell m'a tu, Bruno Pochesci, 2018

A lire avant de glisser votre prochain bulletin de vote

Présentation de l'éditeur
: Dans un futur proche, l'extrême-droite a pris le pouvoir. Réactionnaire et nationaliste, la France pourchasse et expulse tout ce qui n'est pas "bien de chez elle". Pendant des années, Daniel et Aïcha réussissent à passer entre les mailles du filet, jusqu'au jour où...

Comme la quasi-totalité de nos concitoyens, la lâcheté dont nous faisions montre au quotidien ne nous empêchait pas de vivre à peu près normalement.

Mon ressenti : La Marine a gagné, la France appartient enfin aux Français de souche et l'on suit le quotidien d'une famille bien de chez nous lors du Grand Repli.
En une trentaine de page, Bruno Pochesci nous dépeint cette France française dont on a eu maintes fois l'occasion de lire ici ou ailleurs. Cependant, il y apporte sa touche personnelle, la caricature, l'humour et les bons mots (xénophobonniche, aryanité-cassoulet). Et malgré l'outrance, l’auteur n'oublie pas de nuancer le comportement de son personnage.
Comme souvent chez l'auteur, le sexe n'est pas bien loin, mais ici, il a son utilité dans le récit.
Assez classique, la fin m'a tout de même bien chamboulé par sa brusquerie.
Une nouvelle à chute, comme on les aime, enfin façon de parler...

L'avis du Maki et de Vert
The Maki Project 2020

Ondes Futures du samedi 21 au vendredi 27 mars 2020

mars 20, 2020

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.


Cette semaine sur les ondes :

Ce n'est pas parce que tu es confiné que tu dois devenir un con fini !
Comme un mercenaire mandalorien ?
Ou comme un scientifique mâle ?
Alors, écoute l'histoire de Blob qui te dit comment conquérir le monde avec rien !


Tout cela et bien plus encore : https://wke.lt/w/s/lwkKAt


Ondes Futures du samedi 14 au vendredi 20 mars 2020

mars 13, 2020

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.




Cette semaine sur les ondes :


Margaret Atwood te parle théocratie;
Tracks traque la musique SF;
Et pendant ce temps, Einstein et Hawking discutent de Bételgeuse, en écoutant du Claude François !

Tout cela et bien plus encore :  https://wke.lt/w/s/ieCOMF


Le Mystérieux Docteur Cornélius

mars 12, 2020

Feuilleton d'Edith Loria, France Culture, 1977, 35 épisodes de 30mn

d'après le roman feuilleton de Gustave Le Rouge, 1912-1913

https://www.franceculture.fr/emissions/le-mysterieux-docteur-cornelius


Mais pourquoi est-il si méchant ?



Présentation de France Culture :


Que rêver de mieux ! Un savant de génie, au cerveau fêlé comme il se doit, avide de pouvoir et d’argent, amoral, à la tête d’une confrérie de bandits sans foi ni loi : Les Lords de la Main Rouge. Un feuilleton d'Edith Loria, d'après le roman de Gustave Le Rouge.
Un milliardaire américain-et sa fille (20 ans, évidemment très belle et fiancée)-un autre savant, français, celui- ci, et donc honnête (il souhaite ajouter sa pierre « à l’édifice radieux de la modernité »), des vols et des crimes, de la poésie et de l’aventure, l’Amérique des gratte-ciels et des marais maléfiques, la Bretagne reposante, et la voix terriblement inquiétante de Michel Bouquet dans le rôle du fameux Mystérieux Docteur Cornélius… !



Mon ressenti :


Tout commence lors d'une fête organisée par un milliardaire pour les 20 ans de sa fille où le cadeau, une pierre précieuse, disparait. A partir de là, les situations s'enchainent à travers le monde et voit la confrontation entre le milliardaire et ce mystérieux docteur Cornelius, appelé aussi, non, n'ayez pas peur, Le Sculpteur de chair !

De l'aventure trépidante et scientifique,
Des aventures rocambolesques,
De la romance,
Des merveilles scientifiques,
Des guet-apens,
Des voyages à travers le monde
Une pléthore de personnages,
Un savant libérateur des peines des hommes,
Un chien qui lit,
Un chien qui écrit,
Des caïmans,
Une justice au main des puissants,
Un air de collaboration et de fuite des cerveaux,
Des jeunes filles qui s'évanouissent,
Une fleur de sommeil,
Des clones,
Une lèpre verte,
Une île des Pendus,
Des peaux rouges,
Des pirates,
Des kolkhoziens,
Une gitane,
Un bossu,
Une main rouge,
Liste non exhaustive...


Quand c'est trop, c'est Tropico !?
Il y a de tout, cela part dans tous les sens et pourtant, ça marche !
Le méchant est vraiment méchant, avec toujours un coup d'avance sur ces adversaires, fourbe, vénal, avide de pouvoir, assassin, égocentrique et surtout, malveillant. Une figure du mal comme un célèbre Mabuse.
Notre groupe de valeureux héros aura fort à faire pour déjouer les manipulations des Lords de la Main Rouge.
L'auteur n'hésite pas non plus à emprunter de temps en temps à avoir un regard critique sur les moeurs de son époque, et surtout celles américaines, avec le racisme. Ceci dit, l'imagerie du bon sauvage français ne vaut pas tellement mieux...
Un petit mot pour les féministes : vous risquez de vous étouffer maintes et maintes fois.

France Culture a rediffusé cette adaptation qui date de 1977, permettant avec son ton désuet de s'immerger de bien belle manière dans cette oeuvre.
Chaque épisode s'ouvre sur un résumé succinct et se termine par une voix malicieuse qui nous appâte en faisant le teasing du prochain rebondissement, de la prochaine aventure, se permettant même de jouer avec le docteur Cornelius en l'affublant de nombreux épithètes. Ce découpage permet de rendre au mieux l'esprit au texte originel, sous la plume de Gustave Le Rouge, publié en feuilleton entre 1912 et 1914
Les comédiens prêtent leurs voix merveilleusement bien, à part peut-être le savant dont la voix imitée de vieillard fait plus rire qu'autre chose.

35 épisodes, 16h30 d'écoute, 16h30 de plaisir
Une mini série en a été tirée en 1984, diffusée sur Antenne 2


TmbM
a lu le livre et a pris plaisir à retrouver Gustave Le Rouge



A écouter ici : https://www.franceculture.fr/emissions/le-mysterieux-docteur-cornelius

ou à lire ici : tome 1 - tome 2 - tome 3

La submersion du Japon

mars 06, 2020

Sakyo Komatsu, Editions Picquier, 2011 (1ère parution 1977), 256 p., 8.50€ papier


Et si l'impensable se produisait ?

Présentation de l'éditeur : 


Le premier grand cataclysme s’abattit sur la région d’Osaka à 5 heures 11, le 30 avril. A 8 heures 03, la chaîne de montagnes Togakure explosa. Les regards du monde entier étaient fixés sur « la mort du dragon ».
Des dizaines d’avions appartenant à des télévisions de toutes les nationalités volaient au-dessus de l’archipel du Japon qui crachait du feu et des flammes.


Mon ressenti :


Tremblement de terre, tsunamis, le Japon fait face à des catastrophes en série. Sur ces entrefaites, un scientifique a une prémonition : la submersion prochaine du Japon !

Un scientifique qui se base sur son instinct, des gens haut placés qui le croient sans problème. Ce ne sera malheureusement pas les seuls hiatus de ce roman.
Un style assez décousu, on saute d'une idée à l'autre, certaines scènes semblent parfois s'arrêter avant la fin : problème de traduction ? Ou bien est ce le fait du style rapport ? Quoiqu'il en soit, les deux premiers tiers sont assez pénibles à lire. Les personnages manquent cruellement d'épaisseur, des anecdotes dont on se demande ce qu'elles viennent faire dans le récit (ah les punaises)
Sans être un fin analyste, on décèle rapidement les tenants et aboutissants de cet événement qui nous est caché. Entre science plus qu'improbable qui ne démériterait pas dans les classiques (les mauvais) du merveilleux scientifique, et démêlés politiques, les catastrophes s’enchainent sans que l'on y attache la moindre importance.

Puis peu à peu, dans le dernier tiers, l'analyse se fait plus fine, plus politique. Comment gérer l'insurmontable ? Face au drame, certains tentent de tirer leurs épingles du jeu,l'économie must go on ! Le style se fait plus littéraire et je me demandais la cause de cette rupture.
Autre point intéressant, c'est la plongée dans une culture très différente de la notre, un état d'esprit autre comme le montre une des solutions envisagées face à l'inéluctable. Est ce cela qui rend parfois difficile la compréhension des événement ?
Dernier point de réflexion, l'actualité avec la crise des réfugiés actuelle et le sort réservé dans nos sociétés. L'auteur est tout de même un peu plus optimiste que ce que la réalité nous montre, même si il montre bien que cette bonté n'est qu'une apparence et que d'autres éléments moins humanistes sont en jeu.

La quatrième de couverture est très trompeuse, ne résume que quelques pages de la fin et contrairement à ce qu'elle laisse penser, ce n'est pas un roman catastrophe.
Reste le sentiment d'une bonne idée à la réalisation ratée. 

Ce roman a été adapté deux fois au cinéma et en manga.

C'est à lire pour Gepe (la cause de cette lecture), TmbM est beaucoup plus réservé.


Défi Cortex


Ondes Futures du samedi 07 au vendredi 13 mars 2020

mars 06, 2020

Ondes Futures, une télé et une radio résolument SFFF !
Chaque semaine, ma sélection de programmes SFFF pour ne plus jamais vous endormir devant la petite lucarne ou au volant.





Cette semaine sur les ondes :


En cette actualité virale, mieux vaut rester enfermer chez vous car dehors, vous risquez de
- rencontrer des guerrières vikings;
- affronter des robots tueurs;
- qu'un satellite ou un géo-croiseur vous tombe sur la tête


Tout cela et bien plus encore :https://wke.lt/w/s/p0DuWT


Le magicien quantique

mars 04, 2020

Derek Künsken, Albin Michel Imaginaire, 2020, 504 p., 12€ epub sans DRM



Les monstres se rebiffent

Présentation de l'éditeur :


Belisarius Arjona est un homme quantique. Ses pairs ont été créés pour pousser les capacités cognitives de l’humain à un niveau extrême. En fugue quantique, Belisarius est capable de transformer la probabilité en réalité. Toujours sur le fil, de par sa nature-même, il a trouvé un équilibre précaire en tant qu’escroc. Et quand un client lui offre une immense richesse pour déplacer une flotte de vaisseaux de guerre à travers un trou de ver ennemi, Belisarius accepte la mission et se met en quête d’un équipage composé de post-humains comme lui, mais aussi d’une Intelligence Artificielle surpuissante répondant au doux nom de saint Mathieu. Réussiront-ils leur mission, au risque de déclencher une guerre interstellaire ?


Mon ressenti :




Tout le monde sait ce qu’est un magicien, personne ne sait ce qu’est le quantique. Mais à la fin du roman, tu sauras ce qu’est un magicien quantique. Enfin, un magicien assez orthodoxe, sa spécialité étant de flouer, d’arnaquer pour son propre profit (l’homme moderne dans toute sa splendeur ;p).
Le pitch : un péage a été mis en place au bord de l’autoroute spatiale, soit tu raques, soit tu passes 500 générations à faire le parcours via les nationales. Comme il existe toujours des radins, il y en a qui tente de se faufiler, ni vu ni connu, en te collant au train pour passer à l’as. C’est, en très gros, ce qui se passe ici en remplaçant autoroute spatiale par trou de ver. Mais on ne passe pas dans un trou de ver comme dans un péage. Alors dans ce cas précis, l’utilisation d’un magicien quantique est ce qu’il faut.

Trou de ver selon Manchu
Si tu aimes, tu peux même te procurer la toile pour le prix de 6000€. Ouch !!!



L’astuce t’es donnée ici pour la modique somme de 12€, soit beaucoup moins cher qu’un avocat.
On va pas se mentir, si le quantique te donne des boutons, prépare la crème apaisante : le jargon scientifique à toute sa place dans le roman, la dénomination de hard SF n’est pas usurpée. Mais comme personne ne comprend ce qu’est le quantique, ce n’est pas grave, il faut voir cela comme une licence scientifique. Et comme je suis sympa, je te donne une émission à écouter avant de lire ce bouquin qui m’a permis de comprendre quelques éléments, dont ce qu’est une intrication quantique :
Téléportation quantique : et hop ! Donc tu fais somme moi, tu mets par-dessus ta tête les explications Hard SF et tu profites du reste, car il y a du lourd et même du sense of wonder.

Trou de ver selon Justin Adams


L’arnaque étant ici gigantesque, notre magicien va faire appel à toute une équipe pour l’aider dans sa résolution. La galerie de personnage vaut clairement le détour et c’est surtout avec eux que j’ai pris mon pied. Nous avons le droit à une Intelligence Artificielle qui se prend pour un Saint, une otarie ordurière, une fanatique de dynamite, un savant fou et un duo d’adorateur pervers. Même si Derek te fout tout ça dans la gueule sans t’en donner les codes au départ, plus tu avanceras, plus tu pousseras des Ouah, des Oh et aussi des Yeah. 
Un peu ardue, mais c’est sans compter l’humour qui nous est apporté par l’otarie, la fana d’explosifs et l’otarie ordurière qui permet d’alléger l’ensemble. Et tu apprendras quelques formules grossières pas piquées des hannetons !
Plus sérieusement, les interrogations sur les modifications génétiques, la bio-ingénierie font et sont le coeur et le sel du roman. Qu'en est-il des monstres créés, quelle libre arbitre, comment donner un sens à sa vie alors que tu as été conçue dans un seul but ? Les Numens et les Fantoches sont clairement flippant : Deux peuples liés on ne peux mieux dans une relation sadique, couplée d'un retour à l'envoyeur.
J'ai franchement adoré ces parties du roman.

Trou de ver selon Analog


Le côté Ocean Eleven m'a beaucoup moins convaincu et j'avais parfois l'impression que l'auteur ne s'en préoccupait pas trop par moment, pour mon plus grand bonheur car il abordait d'autres thématiques ayant eu mon intérêt. J'ai eu du mal aussi avec les différents lieux, n'ayant jamais réussi à me les imager, rendant mon immersion difficile. Donc je n'ai pas réussi à me représenter comment l'arnaque se mettait en place et comment le magicien quantique allait s'y prendre (et comment il s'y est pris). La première moitié, la mise en place, m'a paru longue mais j'ai dévoré le reste, avec son action tonitruante et ses réflexions.
 


Un univers complexe, drôle, brouillon aussi. Un mélange audacieux de space opera, de batailles stellaires et de whodunit qui aurait mérité peut être d'un peu plus de bagout pour maintenir cohérent l'ensemble. Cela reste cependant un premier roman réussi, et laisse présager un auteur qui nous offrira de bien beaux romans dans l'avenir.
A réserver tout de même aux amateurs de SF

Si tu veux savoir ce que pense Derek Künsken du coronavirus, c'est par ici

Quantique oblige,
le nombre de pages varie selon l'observateur :
420 pages en VF chez L'Epaule d'Orion, 504 selon l'éditeur
370 pages en VO selon Le culte d'Apophis , 480 selon Amazon

ou l'avis diverge
mitigé chez Acaniel ,
pas pour Gromovar,
manquant d’un « je ne sais quoi » chez Outre Livre
rempli de "sense of wonder" pour Artemus Dada
intelligent pour de Livre en livre

Avis réalisé dans le cadre d'un service de presse


De bonnes raisons de mourir

mars 01, 2020

Morgan Audic, Albin Michel, 2019, 496 p., 15€ epub avec DRM


Venir dans la zone, c’est assister à l’avant-première de l’apocalypse.
À ce que sera le monde sans nous, un jour.

Le coeur de Tchernobyl n'a pas fait que valser Elena.
Trente quatre ans plus tard, conséquences humaines, sanitaires et sociales d'un accident nucléaire.


Présentation de l'éditeur : 


Un cadavre atrocement mutilé suspendu à la façade d’un bâtiment. Une ancienne ville soviétique envoûtante et terrifiante. Deux enquêteurs, aux motivations divergentes, face à un tueur fou  qui signe ses crimes d’une hirondelle empaillée. Et l’ombre d’un double meurtre perpétré en 1986, la nuit où la centrale de Tchernobyl a explosé…



Mon ressenti :

L'année dernière, la série Chernobyl m'avait scotché derrière mon écran et un commentaire de Meuledor me ventant les mérites de ce roman avait soulevé mon intérêt.

De nos jours, la découverte macabre d'un corps a lieu à Pripiat, petite bourgade tranquille d'Ukraine depuis qu'elle est devenue le centre de la zone d'exclusion de Tchernobyl.
Deux enquêtes parallèles, deux flics aux prises avec les retombées de ce cadavre.
L'un, ukrainien, est à deux doigts de perdre son boulot, l'époque moderne faisant fi du passé. Et l'autre, le russe, tente de sauver l'avenir de sa fille grâce a une dernière enquête officieuse.

Un thriller classique avec les éternels rebondissements (que je n'avais pas vu venir) qui vaut surtout pour la peinture de l'après accident. J'avais l'impression de me balader en Ukraine tant le travail de documentation est impressionnant : Corruption, néonazi, manque d'argent, handicap, tourisme de la catastrophe.... Et la guerre derrière, entre les deux nations jadis une.
Très intéressant sur les petits détails du quotidien ceux de la catastrophe d'hier mais aussi et surtout sur les conséquences aujourd'hui. Le trafic de cette zone avec ses légumes, ses ambres, ses bois revendus sans indication géographique. Les détails, comme l'enterrement des pompiers dans des cercueils de zinc, sous des tonnes de béton.
Et la peur, toujours présente, de la population. Surtout resté dans les clous, ne pas s'éloigner des chemins balisés sous peine de finir bioluminescent.

La force de ce roman est aussi sa "légèreté", pas de sinistrose, l'humour est un peu présent, des clins d'oeil émaillent le récit (Metro ou Stalker ou encore les Strougatski)
Et si comme moi, tu n'es pas fan de thriller sanglant, tu peux te jeter sans problème dans cette lecture.

L'auteur nous montre que les conséquences de l'accident nucléaire de Tchernobyl se font et se feront encore sentir, même si les hommes politiques crient haut et fort que tout est sous contrôle.

Artemus Dada te donne de bonnes raisons de le lire

Mon avis


Et tu peux aussi écouter les deux émissions de La méthode scientifique :

Nucléaire : y a-t-il une vie après la catastrophe ?

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-du-mardi-03-avril-2018
La méthode scientifique du 03 avril 2018
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Quelles conséquences sur l’environnement et la vie autour de la centrale lors d’une catastrophe nucléaire ? Comment peut-on décontaminer après un accident nucléaire ? Peut-on envisager un retour de la vie dans les zones affectées ou restera-t-il toujours une zone interdite ?
Il y a 7 ans, le tsunami provoqué par un séisme au large des côtes japonaises conduisait à la seconde catastrophe nucléaire civile la plus importante de l’humanité : celle des réacteurs de la centrale de Fukushima. Sept ans après, que se passe-t-il ? Pas uniquement sur le démantèlement des réacteurs, mais que sait-on de l’ampleur des répercussions environnementales sur la flore et la faune, sur l’état d’irradiation de la zone d’exclusion. 32 ans après l’autre catastrophe majeure, qu’est-ce que Tchernobyl nous enseigne ? Ces écosystèmes pourront-ils un jour retrouver un équilibre similaire à ce qu’il était avant la catastrophe ? Comment faire pour aider à la décontamination ?


Tchernobyl, au coeur du réacteur

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/tchernobyl-au-coeur-du-reacteur
La méthode scientifique du 29 août 2019
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Que s’est-t-il réellement passé lors de l’accident dans la centrale de Tchernobyl dans la nuit du 25 au 26 avril 1986 ? Quelles étaient les failles de la centrale et de son réacteur ?
C’est l’un des succès populaire et critique de l’été : la série Chernobyl, qui relate la catastrophe nucléaire d’avril 1986, produite par HBO, est devenue la série la mieux notée de l’histoire de la fiction télévisuelle. Elle plonge le spectateur au cœur de l’accident avec un réalisme à glacer le sang.
Mais que s’est-il exactement passé dans le réacteur n°4 de cette centrale nucléaire pourtant destinée à être le fleuron de l’industrie de l’atome russe ? Quelles ont été les conséquences de cet accident sur la population et sur l'environnement ?
Entre défauts de conception et enchaînement d’erreurs humaines, c’est cette histoire scientifique, de l’explosion jusqu’à la construction des sarcophages, que nous vous racontons : Tchernobyl, au cœur du réacteur.
Pour nous raconter cette histoire, nos deux narrateurs du jour sont Galia Ackerman, historienne, rattachée à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, autrice de Traverser Tchernobyl aux éditions Premier Parallèle et Jean-Claude Zerbib, ancien ingénieur en radio-protection au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) en France, notamment au moment de l’accident.


Quelques citations :

Certains jours, Melnyk se demandait quant à lui si l’Ukraine était vraiment faite pour la normalité. Les guerres révolutionnaires du début du XXe siècle, la grande famine provoquée par Staline, les massacres perpétrés par les nazis, l’explosion de Tchernobyl, la guerre civile dans le Donbass, la crise économique, le chômage… c’était quoi, une vie normale pour un Ukrainien ?

À Strakholissya, par un de ces curieux emballements du génie humain pour transformer la merde en or, des promoteurs avaient acheté pour une bouchée de pain des terrains qui donnaient sur les rives de ce que l’on surnommait la « mer de Kiev », un lac artificiel de cent dix kilomètres de long formé par le barrage hydroélectrique de Vychhorod, afin d’y faire construire des résidences secondaires hyperluxueuses pour les riches habitants de la capitale ukrainienne. Comme le lac s’étendait jusqu’à Pripiat, on aurait pu croire que personne n’aurait voulu s’installer près des berges. Et pourtant : ils étaient des dizaines et des dizaines à payer à prix d’or leur petit bout de la Riviera de Tchernobyl.
Le diable en riait encore.

– Là-bas, ce sera du blé d’hiver, dit machinalement le fermier en désignant ses terres d’un large geste de la main. Tout en bio. Zéro pesticide.
– Du bio de Tchernobyl, soupira Novak, désabusée. Et les gens achètent ça ?
– Bien sûr. C’est meilleur et plus sain que la plupart des choses que vous trouverez sur les marchés de la capitale. On en exporte aussi à l’étranger.

Le labeur de forestiers clandestins. Ils avaient tronçonné les arbres éloignés de la route pour mieux échapper aux patrouilles. Une fois sorti de la zone, le bois de Tchernobyl était revendu sans indication de provenance. On l’utilisait ensuite pour fabriquer des tables ou des chaises qui pouvaient se retrouver en vente aussi bien à Kiev que dans un magasin de meubles suédois en France. Tomik affirmait qu’on ne risquait rien tant que le bois ne prenait pas feu. Mais l’été, à Tchernobyl, quand le mercure grimpait, des feux de forêt se déclaraient de temps en temps et les arbres, gavés de césium, relâchaient des radionucléides qui s’envolaient dans l’air et se baladaient au gré des vents entre la Russie et l’Europe.

Et tout le monde ferme les yeux. Ou plutôt tout le monde détourne le regard. Tu sais pourquoi ? Parce que les problèmes du quotidien sont toujours les plus importants. La hausse du prix de l’essence ou du pain. Les pénuries. La guerre. Et parce qu’on ne peut plus vivre sans cette énergie. L’URSS nous a drogués à l’atome et nous sommes encore accros. Deux tiers de notre énergie sont d’origine nucléaire. Pas mal pour un pays dont la superficie est gravement contaminée par des éléments hautement radioactifs. Tout ça à cause des politiciens…

Pour lui, les Français passaient la moitié de leur temps à se demander ce qu’ils allaient manger : ça lui paraissait donc assez logique qu’un de leurs scientifiques étudie l’alimentation des élans – ou des cerfs – en examinant leurs déjections.

Après l’accident de Tchernobyl, le nombre de malformations chez les enfants a explosé. Les cancers et les leucémies aussi. On a des nouveau-nés diabétiques. Des gosses à qui on doit amputer des membres. Vous voyez ? C’est ça, Tchernobyl. C’est ça, l’héritage du nucléaire. Il n’y a pas de monstres mutants ou d’animaux phosphorescents. Juste des bêtes et des gens malades.

Avec amertume, il se dit que le monde se souvenait de dictateurs, de joueurs de foot brésiliens et d’artistes peignant des carrés blancs sur fond blanc, mais que personne ne pouvait donner le nom d’un seul de ces hommes qui avaient sauvé l’Europe d’un cataclysme nucléaire sans précédent. Qui connaissait Alexeï Ananenko, Valeri Bespalov et Boris Baranov ? Qui savait qu’ils s’étaient portés volontaires pour plonger dans le bassin inondé sous le réacteur 4, pour activer ses pompes et le vider de son eau avant que le cœur en fusion ne l’atteigne ? Qui savait que si le magma d’uranium et de graphite s’était déversé dans le bassin, il se serait produit une explosion de plusieurs mégatonnes qui aurait rendu inhabitable une bonne partie de l’Europe ?
Qui le savait ?

À la gare, il fallait passer par une rangée de cabines bleues munies de détecteurs de radiations avant d’atteindre les wagons. Blanche comme un linge, Novak posa ses pieds et ses mains sur les plaques métalliques abritant les senseurs de la machine, qui délivra une lumière verte, signe que tout allait bien. Elle poussa un soupir de soulagement et Melnyk passa à son tour dans la cabine. Nouvelle lumière verte. Dans la file derrière lui, un ouvrier s’installa placidement dans l’engin. Encore une lumière verte. Melnyk se demanda si la machine disposait d’un voyant rouge pour indiquer une irradiation trop importante, ou si tout cela n’était que de la poudre aux yeux destinée à rassurer la population.

Avant, la zone était une passoire. La milice n’était pas trop regardante. Maintenant, les visites sont un business. Les contrôles sont plus nombreux.



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